Créé le: 28.09.2018
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Homo animalis

Erotique

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En chaque homme sommeille un animal… ou plusieurs ! Inoubliable initiation à la zoologie érotique…
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« Méfie-toi, en chaque homme sommeille un animal », m’avait dit ma mère.

Ah vraiment, il sommeille !? Pas sûr ! Personnellement, je l’avais trouvé fort prompt à se réveiller. Mais ce qui m’intriguait vraiment, c’était de quel animal il pouvait bien s’agir…

 

Mon expérience auprès des hommes était encore bien légère : j’avais adoré les bisous et roucoulements des pigeons de mon âge tendre, été impressionnée par les rugissements de certains fauves qui prétendaient vouloir me croquer mais dont la technique d’approche m’avait laissée sur ma faim, et subi les assauts de quelques ours mal léchés.

 

Je me rappelai cette phrase de ma mère quand je sentis le regard hypnotique d’un serpent cherchant à immobiliser sa proie. J’avais à peine vingt-et-un ans, j’étais donc relativement vieille, mais à mon époque nous n’avions pas la liberté dont la jeunesse jouit aujourd’hui, fort heureusement pour elle !

Je suivais des cours de danse depuis trois ans, ma mère étant persuadée que j’y trouverais un bon mari plus facilement que si je poursuivais mes études, qu’elle considérait ridicules pour une femme. J’avais donc déjà éprouvé le trouble de l’étreinte rythmée entre deux corps qui se collent et chaloupent, sans oser toutefois se laisser complètement aller pour atteindre la sensualité de la parade nuptiale des oies sauvages.

Cet homme  était arrivé en silence au fond de la salle de danse. J’eus très vite l’impression d’un feu qui brûlait dans mon dos et allumait mon fessier, qu’inconsciemment je relevais pour mieux recevoir ses flammes… était-ce un dragon ?

Les tours imposés par la valse me permirent de découvrir la source de cette chaleur, curieusement convoyée par un regard froid qui révélait une volonté de contrôle inflexible. Alors je pensai à un chat, qui vous observe de loin et soupèse dubitatif s’il vaut la peine de s’approcher pour, certes, gagner quelques caresses mais au risque de perdre son altière dignité.

Ce soir-là, il disparut aussi vite qu’il était apparu ; subjuguée, je pensai à lui plusieurs nuits avant de m’endormir, puis je crus l’avoir oublié.

 

Mais deux semaines plus tard, notre enseignante, la sèche Madame Dufeuil, nous annonça qu’étant enceinte, elle lui avait demandé de la remplacer. Ma surprise fut grande : comment cette femme avait-elle pu inspirer de l’amour à qui que ce soit ?! Toujours est-il qu’elle continua : « David, que voici, vous transmettra l’intensité dont je ne me sens plus capable. Je reste à disposition de vos parents s’ils désirent en savoir plus. »

Vous l’aurez compris… je n’informai pas ma mère de ce changement de professeur et, au cours des semaines qui suivirent, elle me félicita d’avoir « enfin » trouvé le plaisir d’exprimer ma féminité par des tenues plus gracieuses, un soin particulier apporté à ma chevelure et – luxe suprême – des ongles (maladroitement) vernis ! Naïve, elle était persuadée que j’avais dégotté un gentil fils de bonne famille qui ne manquerait pas de m’épouser.

 

En fait, vous l’aurez compris, j’avais succombé au charme ténébreux de mon nouveau maître. Et quel maître ! Il me fit découvrir la gamme infinie des animaux tapis en l’homme…

À son regard de serpent je répondis d’abord en mangouste, prête à défendre mon honneur à coups de griffes. Il en rit, stimulé par ma résistance. Il devint félin, plus proche, plus dangereux, m’enlaçant pour montrer quelques nouveaux pas à mes camarades (elles étaient folles de jalousie, mais aucune d’entre elles n’aurait eu le cran d’explorer ainsi le monde animal…). Sous sa poigne ferme, ses jambes impérieuses guidant les miennes, je me sentais des ailes, non pour lui échapper mais pour voler au loin, ensemble ! Ah, pour danser avec lui, je serais allée au bout du monde…

 

Un soir de décembre, malgré la neige qui couvrait les trottoirs, j’arrivai comme d’habitude la première. Or (je ne le vis qu’en sortant), il s’était empressé de mettre un message « Classe annulée » sur la porte désormais close. Feignant la surprise devant une salle restée vide, il me proposa de mettre au point une chorégraphie que nous pourrions présenter au spectacle de fin d’année. Sur une musique swing d’une folle sensualité, il m’enlaça alors avec fougue et débloqua ce qu’il restait de résistance dans mon dos ou mes hanches. Nos corps ne faisaient qu’un, son souffle dans mon oreille, je frissonnai d’anticipation… et quand il approcha ses lèvres des miennes, j’étais prête à en cueillir le  savoureux jus fruité.

J’étais bien innocente ! Ce fut l’arrivée du poulpe aux mille tentacules… Ses mains s’emparèrent de moi, caressantes, palpant ma chair, me faisant découvrir des parties de mon corps dont j’ignorais l’existence jusque-là… Prise dans son étreinte, je perdis pied ; il affirma son pouvoir en soulevant mes fesses d’un seul geste pour que mes jambes instinctivement se rattrapent à lui en entourant ses reins. Nous fîmes ainsi plusieurs tours de salle, où j’alternais entre plaisir et terreur, fondant entre ses bras collée à son cou, puis m’écartant autant que possible mais toujours fermement retenue, bassins soudés dans un rythme endiablé. Ses yeux impérieux ne me lâchaient pas et je sentis que la mangouste avait perdu toute arme.

 

Après plusieurs minutes de cet enlacement, totalement à sa merci, il s’arrêta soudain, brusquement, sur un accord en si. Il prononça alors ses premiers mots personnels : « Si ? » « Siiii ! », lui répondis-je, enthousiaste, bien décidée à tout apprendre de ce maître espagnol, torero ou taureau dont je serai la vachette soumise, disposée à perdre la vie s’il le fallait sous ses estocades vibrantes.

 

Mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Me tenant toujours fermement collée à lui, il m’emmena dans le coin repos et me posa délicatement sur le canapé recouvert d’un soyeux tissu bleu nuit. Effleurant mes lèvres d’un baiser-sourire, il s’éloigna pour revenir aussitôt avec un grand verre d’eau : « Les bailarines doivent s’hydrater… ». Je réalisai alors que j’étais assoiffée et j’allais le remercier mais « Chhhhuuut… ne dis rien, laisse-toi aller, querida, rêve, plane, vole ! ».

 

Ses mains se firent alors libellules, me délestant de mes habits en une suave caresse, ses lèvres ailées baisant délicatement chaque particule de peau ainsi découverte, s’attardant dans les creux ; coudes, aisselles, genoux, aines et nombril furent explorés avec art, bien qu’il évita soigneusement ce que nous appelions alors pudiquement le bas-ventre.

 

Mes doigts plongés dans son abondante chevelure accompagnaient et encourageaient chaque nouvelle incursion. Étais-je la Fée Clochette enfin aimée de Peter Pan, ou la Reine des Elfes soulevée par tout son peuple ailé ? Je me laissai aller à toutes les fantaisies…

 

Et, alors que son visage remontait à hauteur du mien pour m’embrasser avec fougue, l’une de ses mains se posa enfin entre mes cuisses ! Elle y vibra telle un papillon virevoltant, affolant mon bouton encore vierge… Variant le rythme et la pression, il resta attentif à mes réactions pour me mener au sommet du plaisir. Je fus surprise et eus presque honte de la violence de mon orgasme, qui m’assaillit par vagues en me soulevant de plus en plus haut, de plus en plus loin. Je finis en fontaine, ma source libérée déversant des torrents de sucs intimes ; tout mon corps en éclats, je ris si fort que des larmes coulèrent de mes yeux fermés.

Il me prit alors dans une embrassade ursuline, de Teddy Bear géant ; son corps puissant et couvert de poils en avait la solidité, la douceur aussi. Son regard était devenu d’une tendresse ineffable, et je me réfugiai dans son cou en murmurant « Serre-moi, serre-moi fort ! ». Ce qu’il fit, longuement, jusqu’à ce que mon cœur reprenne un rythme plus normal.

 

Ce fut alors mon tour de le découvrir, de caresser les muscles de son dos, de ses hanches, de son fessier. Je fis glisser le justaucorps qui empêchait mes paumes ouvertes, mes lèvres gourmandes de savourer sa chair épicée. Je couvris son torse de baisers d’escargot baveux, je poussai mes doigts comme des antennes de fourmi effrayée mais curieuse jusqu’à ses recoins cachés. Je me sentais maladroite, pourtant rien n’aurait pu freiner l’instinct féminin auquel je me laissai aller sans retenue. Nous nous retrouvâmes finalement nus tous deux.

 

Quand je libérai son sexe, il m’impressionna : il me parut digne d’un étalon capable d’engendrer les plus beaux poulains ! Envoutée, intriguée, je le caressai timidement, du bout des doigts d’abord, puis je m’enhardis et l’entourai pour le sentir palpiter dans ma paume. J’entendis alors cet homme que j’admirais tant, que j’avais situé sur un piédestal inaccessible, geindre tel un jeune chiot et ronronner comme un chat, tout doucement. Ses reins imprimèrent un rythme lent entre mes doigts arrondis et je m’émerveillais de la beauté de cet organe dont je n’avais eu qu’une vague idée jusqu’alors : j’avais bien sûr joué enfant à touche-pipi avec un cousin de quelques années mon aîné, mais ce n’était pas comparable !

 

Il ne semblait pas pressé de changer de jeu… J’eus ainsi tout loisir de découvrir la magie de cet animal étonnant, hippocampe dont la tête dressée rougeoyait, flamboyante, et j’en approchai instinctivement les lèvres pour sentir, profondément émue, la peau infiniment soyeuse de son gland. Je le lapai à petits coups de langue, que je rendis râpeuse et plus insistante, puis je compris que je pouvais l’avaler, le gober dans ma trompe d’éléphante, et le sentir encore grandir contre ma joue, puis au fond de ma gorge – presque trop loin ! Je dus renoncer à l’avaler tout entier… et, n’y tenant plus, je remontai des lèvres le long de son ventre plat, de son fort poitrail et, ma bouche à quelques centimètres de la sienne, nos souffles se mêlant et mes yeux vrillés dans les siens, je haussai mes fesses, ouvrant largement mes cuisses des deux côtés de son corps, et je m’empalai lentement, savoureusement, pour accueillir en moi son membre dressé dans toute sa splendeur.

 

Sans lâcher mon regard, certain de mon désir, ses mains de singe agrippèrent mes fesses, et il força le passage étroit, m’arrachant un cri de surprise plutôt que de douleur.
Je me laissai alors envahir, puis remontai presque jusqu’à le quitter pour redescendre à nouveau, lentement d’abord puis plus vite, plus intensément. Je ne sais combien de temps dura ce sublime échange, qui tourna peu à peu à la passion effrénée d’un fandango endiablé.

 

Alors il m’arrêta, me ramena contre son torse pour me prendre dans ses bras et, sans que notre fusion ne cesse un instant, me coucha sur le dos. Redressé, il hissa mes jambes autour de son cou et, mes fesses soutenues par ses genoux, ses mains sur mes hanches, il reprit le va-et-vient qui m’émerveillait tant. Je le sentis partir dans sa bulle à lui : ses yeux hagards quittèrent les miens, son visage se tordit dans une moue qui me sembla presque douloureuse, et enfin il explosa de plaisir. En quelques assauts violents, il se vida dans un grand hurlement puis s’écroula sur moi de tout son poids.

 

Nos peaux couvertes de sueur nous maintenant étroitement collés l’un à l’autre, ma main caressa sa tête de peluche et, peu à peu, très lentement, nous reprîmes notre souffle.

 

Puis il glissa sur le côté et je me lovai en lui, son bras droit me servant d’oreiller, sa main posée sur ma hanche, la mienne couvrant son petit oiseau dans un instinct de protection tendre. Je déposai quelques bisous dans son cou, ses lèvres effleuraient mes cheveux et murmuraient des mots d’espagnol que je ne comprenais pas, mais dont je devinais le sens. Puis il dit clairement : « Gracias, señorita », et avec mon plus beau sourire je répondis : « Tout le plaisir était pour moi, monsieur ».

 

Je crois bien que je m’endormis un moment…

 

Mais soudain, je m’éveillai et paniquai : quelle heure était-il ? Il faisait tout à fait nuit et je pressentis un fameux sermon. Mais, alors que je tentais de me lever, il me retint et dit : « Sabes, je suis aussi un peu Australien… » « Ah bon ? » « Je suis un koala ! ». Joignant le geste à la parole, il m’enlaça de ses bras et de ses jambes, ses cuisses puissantes enserrant mes hanches et, sa tête blottie dans mon cou, je le sentis murmurer :
« Tu ne peux plus m’échapper… »

Et c’est ainsi que je découvris enfin l’animal que je préférai en l’homme.

 

Notre romance dura jusqu’à l’été et, au cours de ces six mois, il poursuivit autant mon éducation chorégraphique que sexuelle. Je découvris de nouveaux animaux et j’en fis surgir d’étonnants de moi-même. Pourtant, c’était dans l’embrassade du koala que je me sentais le mieux, quand, nos désirs enfin assouvis, nous sombrions imbriqués l’un en l’autre, en paix et en confiance.

 

Enfin il dut repartir vers sa terre natale. Son départ ne me dévasta pas autant que je l’avais craint : nous y étions préparés et je me sentais prête à m’ouvrir à d’autres amants… En toute franchise, ils furent peu nombreux et aucun ne sut m’offrir une telle leçon de zoologie !

 

Des années plus tard je me mariai, avec le fameux pianiste de jazz que tous connaissent et sur la musique duquel j’ai dansé toute ma vie, même et surtout sous les feux de la rampe. J’ai vécu une belle vie et n’ai aucun regret.

 

Pourtant aujourd’hui qu’il est parti, je le reconnais : je n’ai jamais oublié mon premier amour, mon merveilleux maître ès plaisirs animaux, à qui je n’ai cessé de rendre hommage en mon for intérieur. Et souvent je me demande : que fait-il, où est-il aujourd’hui, mon cher koala ?

 

Je sens, oui, je sais qu’il danse toujours… et j’espère qu’il est heureux comme je le suis moi, en partie grâce à lui.

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