Créé le: 01.06.2020
269 1 1
Ecritures transitoires

Nouvelle

a a a

© 2020-2024 André Birse

Il est arrivé à d'autres quelque chose qui ne tient pas du hasard ou, si s'en est un, d'un hasard qui doit tout aux chiffres et aux lettres devant lequel personne ne serait démuni et chacun deviendrait étranger. On cherche à m'inclure, je tends à m'exclure. L'originalité est-elle une promesse?
Reprendre la lecture

Ecritures transitoires

 

Je m’en suis aperçu avant-hier, cent-vingt mille francs ont été crédités par erreur sur trois comptes d’administrés, tous trois bénéficiaires d’aide sociale. Je n’en dors plus depuis deux nuits. J’aurais dû en parler à Pierre, sur le champ. Cent-vingt mille, c’est beaucoup. Quarante mille par personne. L’année dernière, à la suite à une erreur de décompte de ma collègue, il y avait eu un branle-bas de combat pour seize mille francs. Elle avait reçu un blâme. Je dois avertir le service juridique, c’est sûr. J’aurais déjà dû le faire. Si je ne le fais pas dans l’heure, je vais avoir de vrais problèmes. J’en aurai de toute façon. Mais tout va bien, enfin … je me sens étrangement apaisé ce matin. C’est venu avec l’aube, sans que je puisse dire exactement pourquoi. Je vais essayer ici, en l’écrivant, avant de m’y mettre, enfin, à la rédaction de cette note de dénonciation, celle qu’il ne me revenait pas de faire. « Qu’il vous revenait de ne pas faire », me dira Pierre. Je l’entends déjà. Ses nuances sentencieuses. Il est féru de subtilités tout apparentes et verbales. Au début, j’étais admiratif. Aujourd’hui, je préfère ce qui sonne sec et génère le silence. Je dois avoir violé un principe, je ne sais plus lequel. Un principe ancré dans l’esprit de mes supérieurs : intérêt public, légalité, bonne foi. Quelque chose comme ça ou le tout à la fois. L’« argent du contribuable », à réitérées reprises, depuis que je travaille ici, au SIPré, Service des Indemnisations de précarité, à calculer le minimum vital de chacun de mes administrés, cette expression, « l’argent du contribuable », m’a été si souvent servie, et je l’ai autant de fois resservie.

 

Me manquait une donnée, la cause de ces crédits ou leur origine, mais j’en ai immédiatement compris les conséquences. C’est Madame Zagorsky qui m’a mis sur la voie par son appel ingénu du 3 mars. Elle m’a demandé si nous lui avions fait un cadeau d’anniversaire, pour ses trente-six ans. « Un samedi, en plus« . Il y a eu crédit un samedi. Elle a reçu quarante mille francs alors qu’elle est contrainte au minimum vital depuis ses trente-ans. La rupture avec son mari qui a la garde des deux enfants mineurs. Un bi-polarité revendiquée qui, si elle ne l’était pas, n’en serait pas moins perceptible. Quelque chose d’étrange dans le comportement, qui est là et ne l’est plus. Elle vit avec la grande, tout juste majeure, née d’un premier lit. Souvent triste, désenchantée avec une petite force personnelle qui jaillit parfois en elle et devrait, je l’espère, l’aider à repartir. « Je regarde toujours sur mon mobile, chaque matin, une manie, encore plus souvent à la fin du mois quand il ne reste plus rien, … et là, j’y crois pas, quarante mille, quatre gros zéros qui se suivent avec un 4 devant, le jour de mon anniversaire que je fête tous les quatre ans ». Elle pleurait et riait, par saccades, en me répétant « … de toute façon vous vous êtes toujours foutu de moi, de nouveau … là, vous le faites comme ça, encore une fois ». Non, elle n’y croyait pas à notre « truc ». Je ne savais que lui dire, ne comprenais pas plus qu’elle ce qui a bien pu se passer. J’ai botté en touche – on n’arrête pas de «  botter en touche » avec mes collègues – en lui répondant que j’allais la rappeler, qu’il s’agissait en effet probablement d’une erreur qu’il faudra rectifier. Il n’y a pas de cadeau d’anniversaire quand on est au SIPré. On y voit passer des gens, au fils des ans, un vrai condensé quotidien d’humaines réalités. J’ai appris à ne pas juger, ni les forts, ni les faibles, moins encore l’autorité et les contrevenants. Je fais mon travail et les laisse se débrouiller. Par moments, il me semble manquer d’humanité et à d’autres occasions, je me laisse dévorer par une empathie qui n’aide guère la personne qui en fait l’objet. Ne pas juger, c’est une gageure ou une habitude. Mais il y a toujours un fond de jugement, un réflexe réprobateur. C’est ce qui m’arrive avec Zorbac, autre administré, un caractériel fini. Il me répond mal avec une sorte d’arrogance venue d’on ne sait où. Je ne parviens pas à le détester. Il m’irrite, m’électrise avec ses remarques d’un égoïsme si entier. Jamais d’attention à autrui, jamais autre chose que lui et son intérêt immédiat. C’est le tiers absolu à traiter avec distance. Et pourtant, on se rapproche parfois par un biais intellectuel et un autre qui serait de l’ordre du sensible. En bout de phrases éructées et méchantes, il s’interrompt et libère la tension par une considération silencieuse, une concession à ce qui devrait être. Par ces espèces de césures, il parvient à me toucher, à sortir de son carcan et à me faire sortir du mien, à construire entre la société et lui un minuscule champ du possible. C’est dans ces invisibles fêlures, ces fendillements d’armure qu’il me semble percevoir enfin, chez lui comme parfois chez d’autres, une sorte de vérité relationnelle et même existentielle qui se fait si maigre depuis si longtemps dans nos vies en sociétés.

 

Nous sommes en rapport constant avec nos courants intérieurs, les forts et les faibles. Je le sais, le vois et le ressens tous les jours mais cette évidence pseudo-scientifique me tombe dessus depuis quelques heures. Le problème avec Zorbac est le même qu’avec Madame Zagorsky : il a perçu quarante mille francs auxquels il n’a pas droit. Je l’ai immédiatement compris hier à son attitude et au seul fait qu’il passe au guichet. Il en faut pour le bouger. Et hier, juste avant la fermeture, dans le froid, il était là. Je me suis méfié, j’ai contrôlé. « ouais ben quoi, c’est les miens ». Il a repris ses rengaines, « trop traîné », « faut qu’ils se bougent », « j’y peux rien », « j’en peux plus ». Mais c’était artificiel, il forçait le trait. Je me suis même demandé s’il n’était pas à l’origine de l’erreur. Il doit l’avoir compris. « C’est quoi cette combine, vous allez encore dire que c’est moi ». Il était informaticien et bricole encore un peu sans toutefois rester dans le coup, me semble-t-il. Dépassé l’artiste. Je sais qu’il avait eu des ennuis avec la police pour avoir accédé à des comptes numériques. Mais c’était, il y a longtemps. Nous passions d’un millénaire à l’autre. A un moment de notre entretien, il a souri, comme s’il était fier de lui. Et surtout, il m’a glissé le fin mot de cette histoire, « j’ai un z dans mon nom et je suis né le 29 février ». Madame Zagorsky aussi. Des z nous en a avons beaucoup, et les 29.02 une bonne quinzaine, mais le dénominateur commun générateur d’enrichissement illégitime est double : une date, une lettre, 29 février et z. Vérification faite, Zorbac a bien reçu ce même montant, crédit un samedi. Je lui ai demandé si c’est la première fois qu’il encaisse un montant illégitime et là son regard s’est tu, vidé de ses complaintes. Ailleurs tout soudain, plus là, redevenu malin ou revenu dans son monde malin. J’ai insisté, il m’a renvoyé un non si sonnant, si dépourvu de profondeur que j’ai compris qu’il faudra revérifier tous les crédits. « Ne dépensez pas cet argent, il est sur votre compte par erreur, vous aurez des ennuis » lui ai-je dit. Il est reparti dans la bise sur sa trottinette en laissant trainer derrière lui une sorte de flou mental. Chez lui et chez moi. Un malaise qui comporte plus qu’un indice. Il ne m’a pas paru opportun d’insister dans mon interrogatoire accusateur. J’ai bien fait, je crois, de m’abstenir. Pierre dira qu’il y a eu un bug et demandera une audience urgente chez le Conseiller d’Etat ou avec le service juridique pour des mesures provisionnelles. Je ne sais pas. Il choisira le Ministre.

 

Le bug s’est étendu à mes mouvantes intériorités. Si tu assistes à un accident, tu agis. Ou tu ne fais rien car d’autres sont déjà là. Si une armoire tombe, tu la retiens. Mais les armoires ne tombent pas. Pas souvent en tout cas. Là Madame Zagorsky et Zorbac ont reçu un gros montant et je ne réagis pas. Enfin, j’ai tardé et tarde encore à réagir. C’est dans ce type de moment d’incertitudes et d’hésitations que me reviennent ces mots: « je suis né dans le gris par accident ». Un juke box intérieur, une manie. Désagréable. Je ne me souviens plus de chanson. Mais elle date, c’est sûr. A l’origine d’un tic de langage révélateur d’une certaine morosité ambiante chez beaucoup dont chez moi. Le dois le concéder. Quand Zorbac est parti, j’ai vérifié dans nos fichiers les autres cas de personnes nées un 29 février et comportant un z dans leur patronyme. Madame Eva Parriozc est née un 29 février. Je n’avais pas osé vérifier si elle a aussi perçu ce montant et m’y résous enfin. C’est oui. Pas le samedi à vrai dire, le vendredi soir tard. Dernière heure. C’est encore Zorbac qui m’a mis sur la piste. « Après la fermeture en Suisse, comme à la bourse de New-York ». J’ai été surpris par cette référence et persiste à me méfier de lui.

 

J’aime beaucoup Madame Parriozc. Elle est âgée, va sur ses nonante ans. Elle a été riche et les choses se sont mal passées pour elle. La famille je crois. Depuis ses septante ans sans premier, ni nul autre pilier, elle est indemnisée par le SIPré. Elle fait parfois le jeu de mots avec nom de l’arbre en soulignant, elle aussi, que la Toscane a toujours été dans ses rêves. Qui n’est pas perdu au milieu du nombre et des autres dans son amour, imagé et sensoriel, d’un autre pays baigné de ciels différents ? Il y a en elle cette vie entière, comme une montagne de pierres, ce qui ne l’empêche pas de puiser dans sa force de l’instant l’énergie utile pour déposer, justement, de ses pierres la prochaine. Je dois m’avouer avoir souvent pensé à elle ces derniers mois. Son dossier est particulier. Il devrait être traité par un autre service en plus de la rente vieillesse. Mais elle ne la perçoit pas, ses déboires sont survenus au-delà de l’âge de la retraite. Un divorce tardif me dit-on, dont elle ne voulait pas. Je ne connais pas très bien son cas, ni sa vie à travers les âges et les frontières. Je garde de nos contacts des sensations affleurantes et cette éloquence sobre et claire venue du fond de sa solitude et de sa culture. Je sais qu’elle aussi a marché dans le froid. L’exode à l’Ouest de 1956. Ensuite une vie de reine et plus rien. Elle l’accepte avec un cran et une indépendance qui me séduisent. En pensant plus encore à elle dans la force des circonstances, je conçois que nous avons eu quelques échanges et que ceux-ci ont nourri mes songeries. Un nouveau rôle sans le spectacle immaitrisable de mon mental. C’est d’abord cette attitude, ces ressources de vie quand il n’y a plus d’argent, et bientôt plus de vie, qui me sensibilisent. Elle est là, lucide, décidée, unique. Un arbre qui tient à l’orée des mousses et des pierriers, un cyprès qui cherche une dernière lumière hors du pays natal. Terres étrangères et lieux naturels sans avoir à distinguer ou serait l’aller ni ce qu’il en est des retours.

 

Entre deux portes Marie m’informe que Madame Parriozc vient d’ appeler pour demander ce qui s’est passé avec ce versement « si surprenant et important ». Je lui réponds qu’il s’agit d’écritures d’attente. Il y en a trois. Marie me demande le numéro, je lui réponds « 2902z » en précisant sans hésiter et sans y avoir réfléchi que je dois créer le fichier, qu’il s’agit de trois cas avec rentrées de capitaux en attente. Nous en avons parfois, des héritages des assurances privées ou sociales, des procès. Mais j’ai menti là, à Marie, à Madame Parriozc et à l’Etat mon employeur. Je mens à autrui pour le compte d’autrui. Contraint par je ne sais qui ni quoi. C’est fait, trop tard, c’est bien. Marie répond à « ma protégée » que je la rappellerai et fixe un post-it au-dessus de mon écran pour me passer le témoin.

 

Les mots de Madame Parriozc sont directs et concrets. Elle doit résoudre un problème, une facture de médecin, des fuites dans la salle de bains, une fin de semaine avec douze francs sur le compte. Elle consacre toute son attention à ce sujet, aucun autre. Un problème et pas autre chose, une solution à trouver. Un pragmatisme qui a traversé le temps et qui persiste aussi fortement qu’une croyance. Parfois, elle lève son regard et vous concède une réflexion en définissant la vie comme une parenthèse, avec une entrée et une sortie. Cela paraît si simple et pourtant je le reçois comme un exemple d’attitude, de comportement, qui ne tiendrait pas lieu de leçon de vie. Elle paraît être au clair avec ces questions de croyance. Etre née un 29 février l’aurait aidée, m’a-t-elle précisé à la fin d’un récent entretien au guichet. Je m’en suis étonné. « Nous  sommes à la fois uniques et universels ». Elle a ajouté « seuls et cloisonnés  » en regardant les parois en faux bois qui l’enfermaient pour garantir la discrétion de notre entretien. Toujours simple, encore essentiel. Oui, mais le 29? Avec des mots qui ne font aucun détour, elle a observé que naître un jour qui ne reviendra pas l’année d’après aide à intégrer le côté aléatoire de l’existence. Elle a aussi tenu des propos plus mystiques, des idées d’entrée dans la vie et de sortie. Les numéros parlent, il y aurait des correspondances, « quelque chose en suspens ou en attente« . Elle va loin là et, chez elle, ça vient de loin aussi. Son esprit est libre. Elle a dû faire un test cognitif chez son médecin et se souvient en souriant avoir dû lire « univers » à l’envers. Je la trouve plus vive et plus lucide que l’ordinaire de mes interlocuteurs de tous bois. Chez eux, tant d’obtusités et de choix prévisibles.

 

Madame Zagorsky me rappelle. Elle a utilisé l’argent pour acheter une voiture à sa fille. « Il ne reste que dix mille ». Son aveu consenti avec une telle et éclairante légèreté, comme pour me rendre complice – elle ignore que je le suis déjà – me coupe le souffle et me déçoit. Mais la colère n’est pas montée. Je lui dis qu’elle a eu tort, que ce n’est pas conforme à ses devoirs d’administrée bénéficiant de prestations. Elle me répond que sa fille avait vraiment besoin de cette voiture. « Je n’en doute pas, mais ce n’est pas votre argent. Il y a des moments où il faut apprendre à renoncer ». Je dis cela à beaucoup de monde autour de moi ces temps-ci. Bénéficiaires, nantis et entre-deux. Apprendre à renoncer. C’est peut-être le seul courage. Mais la formule est un peu courte. Madame Zagorsky a hoqueté en susurrant avoir déjà beaucoup renoncé et que maintenant, ce ne serait l’argent de personne mais seulement la voiture de sa fille. Je ne prends la peine de répondre à cet étrange argument et lui dis, bottant en touche à nouveau, que je lui écrirai et que nous en reparlerons. Elle paraît surprise de mon calme et de ma réaction, je le suis aussi en comprenant qu’elle a osé faire le pas de cette dépense illicite et indue sauf à ses yeux. Passent dans ma tête les ombres d’un vol d’oiseaux, deux idées et quelques mots étranges, « bon pour l’économie, mauvais pour son dossier … pour le mien aussi ».

 

Les mots échangés avec Madame Parriozc me reviennent à l’esprit, plus distinctement depuis deux jours. Elle a une approche bien à elle de notre passage sur terre. Une façon de parler du sort existentiel qui diffère de l’ordinaire. Tous à la fois, aucuns et chacun, personne n’échappe aux statistiques. Nous ne sommes que le nombre, mais il n’est pas inutile de bouger ni peut-être même de frémir. Nés, ici, comme ça, partis, un premier ou un vingt-neuf février. J’ai observé à l’attention de Madame Parriozc que j’étais tout de même content d’avoir échappé à une date de naissance aussi originale que la sienne car je n’aurais pas eu la force d’avoir à m’expliquer sans cesse et surtout, je n’aime pas me distinguer. Elle me le « fit bien voir » (*) sur le champ en me demandant ma date de naissance. Je lui ai répondu, en fier rescapé : « 2 mars 1964 ». Elle a laissé s’écouler une interminable seconde et m’a demandé « un lundi ? ». Oui, je crois, à ce que mes parents m’en disaient et le sais en le vérifiant sur l’instant: un lundi.

 

Profond et pourvu d’une soudaine puissance, le regard de Madame Parriozc m’informait autant qu’il m’interrogeait sur mon sort originel. En instillant des silences parcellaires dans notre entretien, elle insuffla un doute qu’elle vint ensuite préciser : « vos parents ont peut-être eu jadis le même scrupule que vous aujourd’hui ? ». J’aurais pu lui en vouloir d’avoir observé cela en posant sur la table le mot jadis comme s’il c’était agi d’une épée. Ce n’est pas le cas. Elle fluidifie de vieilles pensées qui s’étaient raidies, comme toute pensée autour de la naissance. Serais-je né le samedi 29 février 1964 sans l’avoir su ni m’en être douté ? Je ne le sais pas et ne le saurai jamais. Mais le fait d’avoir bousculé ces silences en rendant sa chance au possible, m’a fait du bien sans que j’éprouve pour autant le besoin de me lancer dans des appréciations probabilistes. Je suis, si Madame Parriozc a eu la bonne intuition, serais ou aurais pu être, si elle ne l’a pas eue, dans la même catégorie, à tous les stades de la vie, que mes trois bénéficiaires illégitimes.

 

Nul besoin toutefois de contrôler, je n’ai pas reçu ce montant. Ce sera ma façon de me distinguer dans ma nouvelle catégorie. Et le nom de ma mère, lorsque je suis né, comprenait un z. Je me sens comme happé alors que rien ne s’est passé. Si, un message de Zorbac. Marie me reproche de lui avoir laissé mon numéro de portable. Il m’informe n’avoir pas dépensé l’argent et me confirme être l’auteur de la manipulation informatique. « Mais c’était il y longtemps quand je savais encore le faire ». Nouveau message, « en 2012, j’avais commencé par 40… pour me faire un cadeau incognito, mais ça se multiplie tous les quatre ans … ça je ne l’ai pas voulu … je me suis encore trompé ». Oui, mais en leur faveur. Quarante en 2008, c’est quatre cents en 2012, quatre mille en 2016, quarante mille aujourd’hui et quatre cent mille en 2024. Sacré Zorbac, il s’est encore fourvoyé dans ses calculs.

 

Je ne rédigerai pas mon rapport. Tant pis pour Pierre et toutes les autorités. Je reviendrai dans le jeu, un jour de février ou d’ailleurs. Mais là, c’est bien moi qui serai sur la touche un moment. On m’aura botté. En compte d’attente, ça tiendra quelques mois. Etrange que ces dames Zargorsky et Parriozc ne m’aient rien dit en 2016. C’était déjà quatre mille tout de même. Que feront-elle dans quatre ans ? Moi, je ne serai plus là. Je serai parti avec plus qu’un blâme. On ne sait pas ce qu’on mérite. Blâmes et lauriers. Trophées transitoires, retours progressifs, jusqu’à la solitude originelle. Dans ma vie aussi les données ont changé. Chance pas chance, plus que les chiffres de la mort, une naissance autre et nouvelle à épouser.

 

 

(*) Ce qui arrive à l’âne dans « Les animaux malades de la peste » de Jean de La Fontaine

Commentaires (1)

Starben CASE
24.11.2020

Dans cette histoire, pas si improbable, j'ai aimé le monologue intérieur du fonctionnaire. Il se fait juge et partie de la situation. J'aime la description des rapports avec ses collègues, avec les contribuables. C'est plein d'humour et bien observé. Merci André de nous envoyer ces étincelles d'humanité dans toutes tes histoires.

Laisser un commentaire

Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire