Créé le: 01.02.2022
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Migrer du bleu au noir
Chapitre 1
1
Poème inspiré par la soirée des webwriters à la Galerie Analix Forever. Thème de l'exposition: Peintures à l'eau. Artiste: LIFANG
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BLEU
L’étendue bleue menace
de ses vagues voraces
les flancs lourds de mémoire
d’un rafiot bondé d’espoir.
Couleur invisible, pure
et transparente, de l’azur
à la nuance la plus sombre
qui engloutit même les ombres.
Cobalt, Outremer et Pétrole,
pour ceux privés de parole.
Lavande, Turquoise et Azurine
guident leur odyssée marine.
Compactés sur le radeau,
les pieds traînant dans l’eau
un assemblage de carrés
cache des visages angoissés.
ORANGE
Face à la chaleur salutaire
d’un soleil sans frontières,
l’éclat des gilets de sauvetage
signale un tout autre message.
Cuivre, Corail et Mandarine,
déclinaisons chaleureuses de tons
qui rappellent la vie joyeuse
d’une humanité heureuse.
Au crépuscule, le vent se lève,
la barque tangue et se soulève
des mains s’agrippent
au rêve qui se dissipe.
GRIS
Les dernières lueurs du jour
mélangent à leur tour
les deux complémentaires
invitant à une ultime prière.
Argent, Acier et Plomb
soudent tous ces pions
en tonalités d’hiver
qui ne verront plus la terre.
L’horizon s’estompe rapidement
effaçant les traces de l’événement.
Un cabas en plastique vide
flotte comme un signe morbide.
NOIR
Le manteau des ténèbres
recouvre le spectacle funèbre,
sauf les étoiles qui scintillent
sur les flots qui s’entortillent.
Chavirer du bleu au noir,
vivre de l’aube au soir,
puis mettre le cap sur le glas,
une couleur qui n’existe pas.
Aile de corbeau, Fumée et Encre
pour étouffer le cri des membres,
des bouches remplies d’eau,
des corps absorbés par les flots.
ROSE
Chair, Cuisse de nymphe et Bonbon
s’exposent sur le ponton.
Soudain un hurlement horrifié
à la vue d’un cabas solitaire abandonné.
Je remercie l’artiste Li Fang d’avoir publié ce poème dans sa monographie parue aux Editions SKIRA Paris (2023) à côté de la peinture Traversée No 6, 2019, qui a inspiré ce poème.
Sur le thème de la migration, voir aussi N’être d’ici et La migration du flamand rose
Commentaires (6)
Starben Case
25.02.2022
Merci Emeraude pour ton beau commentaire qui continue ce sillage de misères. Il fut un temps où les boat people étaient accueillis. Le rendu de ces couleurs m'a saisi, comme si ces traits de pinceaux tentaient d'effacer la scène.
Emeraude (Christiane Antoniades-Menge)
23.02.2022
Mosaïque de douleurs. Précipitation du départ. Entassés à la va-vite. Le dernier, pas prévu sur la liste: ses jambes débordent du zodiac; ses pieds tracent le sillon latéral. Les couleurs deviennent des personnages: espoir, volonté, illusion, malchance, glas implacable de la mort. Déchirement de tous les sens. Profondeur noire. Sel des larmes.
Jean Cérien
08.02.2022
J'aime la chaleur du ton des mandarines, elle fait frémir mes petites narines. Poème des migrants méritant le clic j'aime
Starben Case
11.12.2024
Cher Jean, je ne t'ai pas encore répondu... ma tête était restée au large. Les mandarines ne m'inspirent pas encore, mais j'y pense. Promis. Par contre, les émigrés... Voir N'être d'ici. C'est du work-in-progress à travailler. Le principal c'est de l'avoir sorti de ma tête qui était restée en mer.
Webstory
01.02.2022
Une soirée avec Barbara Polla, à la Galerie Analix Forever – Les textes inspirés par cette rencontre sont visibles dans Histoires > Catégories > D’écrire l’artiste (25.01.2022)
Starben Case
01.02.2022
Message pour l'artiste LIFANG: j'ai vu tant de photos dramatiques de migrants mais aucune image m'a ému autant que vos peintures. Merci d'avoir si bien montré les contrastes et paradoxes de cette tragédie au quotidien.
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