Chapitre 1

1

Poème inspiré par la soirée des webwriters à la Galerie Analix Forever. Thème de l'exposition: Peintures à l'eau. Artiste: LIFANG
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BLEU

L’étendue bleue menace

de ses vagues voraces

les flancs lourds de mémoire

d’un rafiot bondé d’espoir.

 

Couleur invisible, pure

et transparente, de l’azur

à la nuance la plus sombre

qui engloutit même les ombres.

 

Cobalt, Outremer et Pétrole,

pour ceux privés de parole.

Lavande, Turquoise et Azurine

guident leur odyssée marine.

 

Compactés sur le radeau,

les pieds traînant dans l’eau

un assemblage de carrés

cache des visages angoissés.

 

ORANGE

Face à la chaleur salutaire

d’un soleil sans frontières,

l’éclat des gilets de sauvetage

signale un tout autre message.

 

Cuivre, Corail et Mandarine,

déclinaisons chaleureuses de tons

qui rappellent la vie joyeuse

d’une humanité heureuse.

 

Au crépuscule, le vent se lève,

la barque tangue et se soulève

des mains s’agrippent

au rêve qui se dissipe.

 

GRIS

Les dernières lueurs du jour

mélangent à leur tour

les deux complémentaires

invitant à une ultime prière.

 

Argent, Acier et Plomb

soudent tous ces pions

en tonalités d’hiver

qui ne verront plus la terre.

 

L’horizon s’estompe rapidement

effaçant les traces de l’événement.

Un cabas en plastique vide

flotte comme un signe morbide.

 

NOIR

Le manteau des ténèbres

recouvre le spectacle funèbre,

sauf les étoiles qui scintillent

sur les flots qui s’entortillent.

 

Chavirer du bleu au noir,

vivre de l’aube au soir,

puis mettre le cap sur le glas,

une couleur qui n’existe pas.

 

Aile de corbeau, Fumée et Encre

pour étouffer le cri des membres,

des bouches remplies d’eau,

des corps absorbés par les flots.

 

ROSE

Chair, Cuisse de nymphe et Bonbon

s’exposent sur le ponton.

Soudain un hurlement horrifié

à la vue d’un cabas solitaire abandonné.

 

Je remercie l’artiste Li Fang d’avoir publié ce poème dans sa monographie parue aux Editions SKIRA Paris (2023) à côté de la peinture Traversée No 6, 2019, qui a inspiré ce poème.

 

Sur le thème de la migration, voir aussi N’être d’ici et La migration du flamand rose

Commentaires (6)

Starben Case
25.02.2022

Merci Emeraude pour ton beau commentaire qui continue ce sillage de misères. Il fut un temps où les boat people étaient accueillis. Le rendu de ces couleurs m'a saisi, comme si ces traits de pinceaux tentaient d'effacer la scène.

Emeraude (Christiane Antoniades-Menge)
23.02.2022

Mosaïque de douleurs. Précipitation du départ. Entassés à la va-vite. Le dernier, pas prévu sur la liste: ses jambes débordent du zodiac; ses pieds tracent le sillon latéral. Les couleurs deviennent des personnages: espoir, volonté, illusion, malchance, glas implacable de la mort. Déchirement de tous les sens. Profondeur noire. Sel des larmes.

Jean Cérien
08.02.2022

J'aime la chaleur du ton des mandarines, elle fait frémir mes petites narines. Poème des migrants méritant le clic j'aime

Starben Case
11.12.2024

Cher Jean, je ne t'ai pas encore répondu... ma tête était restée au large. Les mandarines ne m'inspirent pas encore, mais j'y pense. Promis. Par contre, les émigrés... Voir N'être d'ici. C'est du work-in-progress à travailler. Le principal c'est de l'avoir sorti de ma tête qui était restée en mer.

Webstory
01.02.2022

Une soirée avec Barbara Polla, à la Galerie Analix Forever – Les textes inspirés par cette rencontre sont visibles dans Histoires > Catégories > D’écrire l’artiste (25.01.2022)

Starben Case
01.02.2022

Message pour l'artiste LIFANG: j'ai vu tant de photos dramatiques de migrants mais aucune image m'a ému autant que vos peintures. Merci d'avoir si bien montré les contrastes et paradoxes de cette tragédie au quotidien.

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