Créé le: 24.02.2019
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Des étoiles en chemin

Voyage

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© 2019-2024 Chantal Girard

Cerises

“Quand rien n’est prévu, tout est possible” c’est ce qu’affirme Antoine de Maximy ; je sais qu’il a raison! Et puis j’ai aussi appris, au fur et à mesure des pas qui s’enchaînent sur le chemin, que “Lorsqu’on marche seul on va vite, mais quand on marche à deux on va plus loin.” (Proverbe arabe)
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CERISES

 

          Disséminées çà et là sur la route comme des taches d’encre noires, les plaques de goudron amolli gardent quelques instants l’empreinte de nos chaussures. Preuve éphémère de notre passage que les rayons ardents du soleil ne tarderont pas à effacer.

 

Nous avons quitté depuis cinq cents mètres environ la fraîcheur du bois et la chaleur reflétée par le miroir opaque de l’asphalte devient de plus en plus pesante. Sans nous concerter nous avons un peu ralenti notre cadence. Sur le macadam les pieds s’échauffent vite et la distance parcourue depuis l’aube commence à se faire sentir, les muscles fatiguent un peu…

 

A notre gauche, une rangée de cerisiers ployant sous le poids des fruits vermeils, charnus et brillants, tendent leurs branches jusqu’à terre. Au jardin d’Eden les arbres fruitiers devaient ressembler à ceux de ce verger, à la différence près que nos premiers parents avaient, eux, le droit d’y goûter… à l’exception, bien sûr, de l’arbre “aux fruits défendus”… le plus tentant, évidemment !

 

Tentants, ces cerisiers le sont aussi, et nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’une telle opulence de fruits ne souffrirait certainement pas si nous en cueillions une poignée ou deux. Là encore, sans nous concerter, nous nous rapprochons des arbres dans l’intention – avouée! – de trouver un peu d’ombre mais surtout dans l’intention – inavouée! – de chaparder quelques cerises! Oh deux ou trois, pas plus, juste de quoi apaiser cette envie qui nous titille depuis quelques minutes.

 

A cette heure où le soleil est au zénith il n’y a pas âme qui vive dans les parages. Va-t-on succomber à cette tentation? Nous en prenons en tout cas le chemin…! L’air de rien – mais la main agrippant déjà une branche – l’un des deux dit d’un air presque outré: “Tu ne vas pas piquer des cerises?!” Eh oui! C’est là tout l’art de se donner bonne conscience! C’est tellement plus simple de laisser à l’autre la responsabilité d’un larcin dont il sera seul coupable mais auquel on participera avec délice.

 

Et c’est ainsi que nous succombons à la tentation. Il faut dire que ces cerises vont être perdues, gorgées de soleil, rouges et mûres comme elles le sont, il serait sacrilège de les laisser car, c’est sûr, personne n’allait venir les cueillir. Quel gaspillage tout de même, laisser perdre des centaines de kilos de fruits sur les arbres!

 

Enfin, peut-être pas… sur le chemin nous venons de croiser plusieurs personnes avec des paniers et des cageots qui, selon toute vraisemblance, se dirigent vers les cerisiers… L’air innocent nous leur faisons des signes accompagnés de “Bonne après-midi!” et de grands sourires avant de poursuivre notre route tandis que les ouvriers continent la leur. A notre air angélique et à notre allure de pèlerins pieux, sûr qu’ils ne pouvaient se douter que nous venions de chaparder des fruits!

 

Ce n’est qu’après un ou deux kilomètres, alors que nous nous arrêtons dans un petit bois en bordure de route, que je remarque de grandes balafres rouges foncées sur le visage de mon ami. “Qu’est-ce que tu as fait, tu es tout griffé? Tu as du sang autour de la bou…”

 

Et non, “saucisse!” comme aurait dit ma grand-mère, ce ne sont pas des traces de sang mais de jus de cerises!!! Et ces taches ne laissent aucun doute quant à leur nature d’autant plus que ma bouche s’orne, elle aussi, d’une belle auréole de jus de cerise…

 

C’est sûr qu’on a dû avoir l’air malin tout à l’heure en croisant les ouvriers qui s’en allaient à la cueillette!

 

 

 

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