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Dans mon cartable habitaient des êtres dans des villes toujours mouvantes. Je devais les protéger.
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Le monde dans une valise

A force de changer de pays, d’environnement, de langue, d’école et d’amis, je ne pouvais m’attacher à rien, ni à personne. C’était comme ça. A moi de m’intégrer, d’apprendre la langue et les nouvelles coutumes, de me faire accepter par des nouveaux camarades de classe et ceci, tous les deux ans, six mois, quatre ans… neuf écoles en quinze ans. De quoi exercer toujours davantage mes facultés d’adaptation. Un de ces jours toujours différents, à un instant précis, je me vois cheminant à pied pour me rendre à l’école. Une nouvelle école où j’avais eu la bonne idée de faire croire à mes camarades que j’étais une fée qui était venue un petit moment dans le monde des humains pour changer de sa vie de fée. Tout le monde y a cru, mais c’est une autre histoire.

Je disais donc… sur le chemin de l’école, je sentis tout à coup le poids de mon cartable au bout de mon bras. A l’intérieur de ce cartable se ballotaient les objets de mon apprentissage: ma plume d’écriture, quelques livres et des cahiers, des gommes et des crayons. Ces compagnons journaliers devinrent tout à coup, comme d’un coup de baguette magique, des êtres dans une ville qui bougent sans cesse au gré de mes pas. J’imaginais des villes posées sur des volutes de fumée de cigarette (il était de bon ton de fumer à cette époque), des immeubles se construisaient sur ces nuages éphémères, presque aussitôt détruits avec tous leurs habitants. Un sentiment d’intense responsabilité m’envahit. Mon pas se fit plus léger. J’amortissais les secousses à chaque descente ou montée de trottoir. Il fallait ménager ces précieux objets dont l’existence dépendait de moi. En revivant cette scène, se peut-il que chacun porte une telle valise et qu’il en a la responsabilité? Et si dans cette valise, il y avait ce monde? Et nous avec. A l’aube de cette nouvelle année, je souhaite que nous accordions une attention toute particulière au monde que nous portons.

 

A force de déménager mon monde, j’inventais au fur et à mesure mon espace de liberté, d’innovation, d’adaptation. Si tout change en permanence, la seule chose de sûr, c’est moi. Mes valeurs ne peuvent être permanentes. Elles doivent forcément donner sur l’univers, plus vaste, plus vide.

 

Concrètement: les pensées, les idées, les nouvelles rencontres, les nouveaux environnements… en résumé : les terrains vagues où tout est permis. Ils échappent à tout ce qui contraint l’adulte. Ce ne sont pas seulement des terrains physiques, mais des lieux hors du temps et de l’espace. Une personne, la nature, un objet, une lumière, une synchronicité sont des entrées vers un terrain vague, un instant discret et grandiose en même temps où tout s’arrête.

 

Il faut rester à l’affût pour surfer sur ces privilèges de beauté. Tout adulte qui a été un enfant en connait le chemin si l’oubli du merveilleux ne s’est pas encore  installé.

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