Créé le: 13.06.2015
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De quoi s’agit-il ?

Notre société, Nouvelle

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© 2015-2024 André Birse

Exutoire d’un fait médiatique récurrent
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Tête baissée, de circonstance, sérieux, sans tristesse, sans joie, avec un début de peine ou une facilité feinte, il avance vers une voiture qui l’attend, flashé, exhibé, cadré. Il est le Monsieur « qui te dit », l’homme souriant, intéressant, l’ex-candidat charismatique, qui pesait sur tout et sur qui les charges ont pesé depuis quatre ans. C’était en mai 2011 à New-York, « De quoi s’agit-il ? ». Il tenta vainement cette phrase à l’attention des policiers – NYPD ou FBI – qui l’arrêtaient dans l’avion resté au sol puis exerça efficacement son droit de se taire pour l’échapper belle. Ils l’ont sorti de sa prison, sur l’île avec des milliers de détenus autour de lui, l’ont installé dans un grand appartement, le temps de décrédibiliser la plaignante, de lui ouvrir le ventre. Puis il est parti. Une fois envolé, les charges ont été abandonnées. Il a une façon bien à lui, bien à on, de poser son regard, puis ses mains. Il le dit, l’a confessé récemment au Président qu’il devait être mais ne sera pas. Puis on a posé notre regard sur lui. Dans la salle d’audience, à portée de menottes, avec elle, puis sans elle, avec une autre puis une nouvelle, sur un autre tapis rouge, souriant à on ne sait qui. Il avait des conseils à donner et des conseils à entendre et à faire parler. Il a laissé paraître sa sexualité comme une donnée nécessaire et sûre. Un pan de liberté et de domination de toutes celles qui sont celles qu’il bien voulu vouloir et dont il ne s’est pas affranchi, le temps très bref d’un acte libre. La contrainte, le corps, le pouvoir, la liberté et les menottes, avec une gueule d’accusé, qu’il n’est plus. Acquitté en France aussi. Les femmes dans l’hôtel, les copains, les moments de vie privée.

 

Les juges ont bien compris. La loi rien que la loi, celle qui s’applique. Célèbre et poursuivi, isolé et acquitté au bénéfice de quoi? A la faveur de qui? La sienne, celle de la foule. Il a résisté aux assauts. Assaillant assailli, il est redevenu blanc, tout blanc, la chemise, le jugement, le visage, la tête en avant.

 

Il s’est fait une place dans la petite histoire, blotti contre la grande. L’argent coule, vers ceux-ci, vers ceux-là. Il maîtrise la fluidité de ces flots imprévisibles. La Grèce, L’Europe, le G, 6, 7 ou 8. Maîtriser les flux, il sait. Il aurait pu. Il était celui. Les masses monétaires et les fleuves financiers ployaient devant lui qui fut vaincu par sa dépendance éjaculatoire à n’importe quel prix, les grands et les petits. La loi et non la morale, qui dans leurs moments perdus font aussi l’amour entre elles. Il est le passant médiatique au regard rentré, perdu dans sa fixité. A force de passer, il s’est fait un boulevard dans la presse et dans nos matinées. Les juges ne l’interrogent plus. Il m’arrive de le faire encore, comme si je buvais un café avec lui, à la table d’à côté. Je reviens sur sa résistance à l’humiliation et sur son désir d’humilier et de briser ainsi les résistances de celles qui. Si la violence intime alors pourquoi l’élégance publique? C’était bien? Vraiment? Toute cette peine perdue ou cette autre donnée à elle plus qu’à soi? Cette force là, du regard, des reins? La violence des portes fermées, celle de la paume de la main. Ouverte? Il ne répond pas. Il n’y est pas. Je n’y suis pas. Y serait-il qu’il ne répondrait pas. Il exerce le droit de se taire mais plus encore celui ne pas se poser de question.

 

La semaine d’après, il est encore là, dans les tribunes, dans un salon de l’hôtel, en pleine page. Il a gardé son aura auprès des puissants, secrètement. Il vit au Maroc et à Paris. On le reverra partout dans le monde.

 

La dramaturgie de sa « perp walk » était intense. Personne ne pouvait dire ce qui l’attendait au bout de ce bref chemin d’exhibition de l’interpellé. La détermination formelle dans le regard des policiers, leur marche lente et complice avec la presse et le public vers l’arbre du pendu. Il a exprimé dans cette aube noire un froid désarroi et une détermination surnaturelle qui l’aura aidé. Son regard triste et clair, perçant la tôle froissée du destin qui l’incarcère. Il avance et marque les esprits dans ce moment de honte dont il fera sa gloire. Il était présumé président et se retrouve innocent dégradé en mariole désarticulé de nos sociétés. La Grèce, qu’il tutoyait, a perdu tout crédit au sein de la famille européenne et recomposée qu’il tentait d’apaiser avec de l’argent. Lui, étrangement dans ce monde, n’a rien perdu de sa crédibilité dans les alcôves de l’économie.

 

Je n’ai compris ni l’homme, ni le scénario, mais reprendrais bien une leçon de procédure pénale, de lecture people de la presse, d’arrogance, d’entêtement devant les faits qui s’inclinent et la moralité qui se marre de sa propre turpitude. Tout est vrai dans cette histoire. Le vrai et le faux s’amusent du jeu de leurs parodies et de leurs respectives interchangeabilités. Le beau rôle n’est jamais connu avant la fin de l’histoire qui justement n’en finit pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires (1)

Chantal Girard
25.02.2023

Bravo pour cette synthèse, en quelques mots, de la vie d'un homme médiatisé, talentueux, promis à... Mais, comme aux échecs, pour un coup mal maîtrisé, un "coup" de trop, un homme méprisé, lapidé et toujours médiatisé. A quoi tient la gloire? A quoi sert le talent? A se croire Dieu et n'être qu'esclave de ses faiblesses. Quel gâchis.

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