A mon père qui a tant contribué à m'inspirer dans mes choix de vie et à Antoine et Raphi qui ont animé nos discussions de gamins.
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Quand Antoine m’a rabrouée, avec son air de tout savoir, j’ai tiqué tout plein :
“Non mais ça va pas, Julia, tu ne peux pas croire à un truc pareil.
– Si, si, Antoine, ma maman me le dit souvent : Ton papa ne sera pas avec nous ce soir, ou il ne pourra pas t’accompagner à la piscine, tu comprends, il a le cœur sur la main.
– Dis donc, ça ne serait pas vraiment pratique, si on avait notre cœur SUR notre main, avec toute la tuyauterie qui la relie au reste du corps. En plus, un cœur, ça pèse dans les 300 grammes…”
J’ai laissé passer la leçon d’anatomie, Antoine aime bien qu’on l’écoute parler, puis j’ai répliqué :
– Je sais qu’on a tous notre cœur dans la poitrine, par exemple, quand on a très peur, il cogne très fort, pas vrai ?
– ça oui, a répondu Raphi, une fois, mon père a voulu m’emmener promener dans une immense forêt toute sombre, j’avais une trouille pas possible et je tirais mon père en arrière, pour ne pas y entrer.
– Pourquoi tu ne voulais pas y aller, c’est chouette, la forêt ?
– Oui, à condition d’aimer les monstres, les méchants ogres, les loups dévoreurs, et les plantes empoisonnées.
– Pfff… a sifflé Antoine, même pas vrai.
– Si, je te dis…
C’est là, que je les ai perdus, les garçons ils veulent toujours être le plus malin. Bref, moi, je voulais savoir la vraie vérité et, à chaque fois que mon papa me donnait la main, j’essayais de sentir si son cœur battait là. Le jour où je l’ai vraiment senti, je lui ai dit, papa m’a souri et m’a demandé :
“ A quel endroit tu l’as senti, Julia ?
Je lui ai montré l’endroit exact entre son pouce et son index.

– Là, c’est vrai, promis craché.”

Et comme il avait l’air de ne pas trop me croire, je lui ai dit de poser sa main à plat sur la table. J’ai pris mes stylos-feutres et je lui ai dessiné un cœur super joli. Il a eu l’air très ému, j’ai vu qu’il l’a gardé longtemps, sans l’effacer. J’ai crié de joie, j’ai même dansé dans la cuisine, le jour où il a fait carrément tatouer sur sa main le même dessin que je lui avais fait.
“Julia, Julia, tu rêvasses encore…”
Antoine et Raphi m’ont raccompagné à la maison, je n’ai jamais su lequel des deux avait eu raison pour la forêt, les monstres et tout ça.

 

Les années ont passé, j’ai étudié et je suis devenue cardiologue, le cœur, toujours lui. Il m’arrive de repenser à cette conversation avec mon père. Je demandais :
“Pourquoi, maman dis que toi tu l’as sur la main, ton cœur, papa ?
– C’est pour mieux l’entendre battre, quand je dois l’écouter.
– Pourquoi ? on doit écouter son cœur !
– Oui, toujours, parce c’est lui qui te dit les bonnes choses à faire ou à dire.
– Ah ! Et si on ne l’écoute pas, son cœur, qu’est-ce qui risque d’arriver ?
– On n’entend que sa tête.
– Pourquoi ? Je ne dois pas l’écouter, ma tête, alors…
– Si aussi, mais pas toute seule.

– Mais pourquoi ?
– Ta tête te parle seulement de ce qui est bien pour toi, mais ton cœur te parle aussi de ce qui est bien pour les autres.
– Faudra que j’essaie…”

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