Créé le: 04.10.2021
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Boucan des bouquins

Poème en prose

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Chapitre 1

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Impossible de respecter le silence dans une bibliothèque !
Reprendre la lecture

Impossible de respecter le silence dans une bibliothèque ! Il y règne un vacarme de tous les diables. Quoi de plus bruyant qu’un livre ? Ouvrez un traité de mathématiques et des théorèmes vous exploseront à la figure. Ouvrez « Le crépuscule des idoles » et vous entendrez un marteau de maître vous frapper la caisse de résonance crânienne.

Pourquoi les livres sont-ils serrés sur des rayons ? Pour les empêcher de crier. Un livre qui a du caractère attend qu’une main baladeuse le décoince. Il ne vit que pour enlacer de ses phrases une tête chercheuse, la cogner contre les coins de sa reliure, l’enfoncer entre les lignes, l’amener de la préface à la conclusion par tous les degrés du désir.

Une salle de lecture est tout sauf un havre de paix. Cette jeune fille penchée sur un roman olé olé ne peut retenir une cascade indiscrète. Ce professeur qui feuillette un manuel pour préparer son cours engueule déjà ses élèves. Cet étudiant qui essaie de suivre les étapes d’une réaction en chaîne insulte tous les grands noms de la physique. Cette belle dame grisonnante, fidèle à la plume de son enfance, recopie à grands coups de bec un passage du « Colloque des oiseaux ». Ce pamphlétaire à la crinière en bataille plonge le nez dans les tripes d’un gros dictionnaire d’argot et, dès qu’il relève le pif, éternue en rafale. Ce militant de la méditation collective, ce manitou des manifs, teste à cor et à cri des slogans recueillis dans une bible de la lutte syndicale. Cette pécheresse qui n’est coupable que de croire au péché ne peut cacher qu’elle dévore « Le cœur révélateur ».  Cet assassin qui tue le temps le remonte à ces « Orages d’acier » de la première boucherie mondiale. Ce bébé pleure après avoir lu les œuvres complètes de Freud. Cette « Caravane » aboie. Même quand un ange passe, venu de Duino ou du bleu de bleu, il franchit le mur du son : double bang !

Aujourd’hui, Umberto, garçon de café, est venu à la bibliothèque dans l’espoir de s’y reposer. Au bout d’une minute, il est sorti comme un fou furieux. « Trop de bruit ! hurlait-il, trop de bruit ! »

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