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Au coin de l’ordinaire chapitre 5

Pliée en deux, elle s’accrochait au bureau, bouscula le téléphone et trois classeurs qui tombèrent à ses pieds. L’homme lui pétrissait les seins et la besognait avec frénésie .Il accéléra encore son va-et-vient en émettant des grognements que n’auraient pas renié nos ancêtres poilus du Néanderthal. La jouissance enfin lui arracha un gros soupir Elle cria aussi. Il se retira brusquement, remonta son pantalon, réajusta sa cravate.

 

– Bon, je te laisse, j’ai un rendez-vous.

 

– Déjà ! C’est chaque fois la même chose, Jérôme.

 

– Pas de jérémiades Bernadette. On en a déjà parlé. Si tu veux que l’on continue à se voir, respecte nos accords : on baise quand on peut, on ne se promet rien, on ne dit rien à personne. Si nous pouvons nous prendre une journée de temps en temps, tant mieux, mais rien n’est promis.

 

– Et si j’en parlais à ta femme ?

 

– Elle ne te croirait jamais et j’ai vingt personnes du parti prêtes à

témoigner que j’étais avec elles aux moments où tu prétendrais que l’on s’est vus.

– Justement, à propos du parti, je voulais te dire…

 

– Pas le temps maintenant, je suis déjà en retard.

 

– Mais c’est important, je vais t’étonner…

 

– Plus tard, je t’ai dit . Appelle-moi ce soir. Après 23 heures je serai rentré de ma réunion. Ma femme et les enfants sont à Turin, chez ses parents, pour deux jours encore.

 

Il claqua la porte et s’en alla. Elle arrangea sa coiffure, remit de l’ordre dans ses vêtements, ramassa les classeurs et décrocha aussitôt le téléphone pour composer un numéro.

 

– Vous avez des nouvelles ?

 

– Oui, il a appelé hier et je dois le voir ce soir.

 

– Tout s’est bien passé ?

 

– Non. Il a failli tout faire foirer ce con. Mais bon, il a fait le nécessaire pour qu’il n’y ait pas de témoin.

Enfin, c’est ce qu’il prétend et que semblent confirmer les infos de midi que je viens d’entendre à la radio. La police a parlé de deux meurtres inexpliqués mais n’a rien dit d’autre.

 

– OK ! Vous aurez votre part et la sienne si vous faîtes ce qu’il faut et que vous disparaissiez de la circulation.

 

– Pas de problème. Avec ce que vous m’avez promis, bye bye la Suisse : j’achète un hôtel au bord de la Mer Noire et vous n’entendrez plus parler de moi sauf bien entendu si vous venez en vacances dans la région de Sebastopol.

 

– A quelle heure vous devez le voir ?

– A 22.30 h, je vous attends au Big Ben

 

Youri posa le téléphone et enleva la cassette de son dictaphone. Il alla la cacher dans l’armoire à chaussure, dans ses baskets : on ne sait jamais.Depuis qu’il exerçait ce qu’il appelait encore un métier, il avait pris l’habitude d’enregistrer toutes les conversations qu’il avait avec ses commanditaires. Cela pouvait toujours servir, d’abord à se protéger mais aussi pour décrocher d’éventuels nouveaux contrats.

De nuit, le coin était vraiment glauque. La faible lumière des lampadaires de la rue voisine, distante d’une cinquantaine de mètres, éclairait un bâtiment délabré aux vitres cassées, aux murs tagués à outrance. Les pieds crissaient sur un sol jonché de gravats, de morceaux de verres, de mégots et d’innombrables saletés. L’endroit empestait le moisi, la crotte de chien. Roger marchait avec précaution et parvint au bas des escaliers menant au quai de chargement. Ce dernier étant apparemment à peine plus propre que ses accès immédiat, Roger gravit les marches et s’adossa au bâtiment.

 

Youri l’avait entendu arriver. Presque une heure qu’il attendait Roger pour être sûr de le surprendre. Tapi à l’intérieur de l’usine, dans l’encoignure de la porte qui menait au quai, il serrait son automatique et vérifia du bout des doigts que le silencieux était bien vissé. Il entendit Roger s’allumer une cigarette. C’était le moment. Il bondit. Visa le cœur. Deux petits flops et Roger s’effondra et bascula du quai sur les gravats.

 

Youri s’éloigna tranquillement et rejoignit sa voiture qu’il avait laissée à quelques centaines de mètres de là. Il s’arrêta en vitesse au logement de Roger, crocheta sans difficulté la serrure et récupéra la liasse de billets et l’arme de son complice dont il mit moins de dix minutes à trouver les cachettes. En passant, il se dit qu’il faudrait qu’il songe à changer l’endroit où il dissimulait ses cassettes de dictaphone : : s’il avait trouvé si vite la cachette de Roger, pas de raison que quelqu’un d’autre n’en fasse autant chez lui. Arrivé à son propre domicile, il vérifia que l’enregistrement de sa conversation

avec la «madame » était toujours en place sous ses chaussettes. Il prit le petit disque et le dissimula avec l’argent liquide et les autres enregistrements sous un double-fond qu’il avait aménagé dans le panier de linge sale.

 

Après le premier contact lui proposant ce travail, il avait agi comme d’habitude en pensant que la conversation avec son commanditaire pourrait s’avérer utile. Il avait donc rencontré cette « madame » dont il ignorait le nom, muni d’un petit enregistreur caché dans son paquet de cigarettes. Il ignorait les raisons pour lesquelles elle voulait absolument liquider cette journaliste. Il lui avait simplement demandé comment elle avait eu son nom. Elle avait répondu qu’elle savait qu’il travaillait parfois pour l’agence immobilière Reblochon quand il s’agissait d’intimider de mauvais payeurs ou de convaincre à coup de menaces voilées de petits propriétaires de vendre une maison ou une parcelle qui empêchait un projet immobilier.

 

Il avait hoché la tête sans commentaire et lui avait demandé tous les détails nécessaires. Comme elle semblait hésiter encore, il lui avait tendu une cassette en précisant qu’il s’agissait d’une conversation avec le comptable de M. Reblochon, par ailleurs secrétaire local du parti nationaliste, et qui lui commanditait, ni plus ni moins que le braquage d’une station service en lui recommandant d’engager pour cela des requérants d’asile, et de s’arranger pour les dénoncer ou les liquider sitôt le méfait accompli mais en tous les cas de s’arranger pour que l’on sache qu’ils avaient bien commis ce brigandage. Il était prêt à lui donner cette cassette si elle acceptait de doubler la somme prévue

pour la liquidation de la journaliste. De cette manière, à la fois il prouvait sa fiabilité et lui offrait de quoi se dédouaner si elle venait à être soupçonnée. Elle avait tendu la main pour prendre la cassette. Il l’avait remise dans sa poche et avait précisé qu’avant d’être payé, il la garderait toujours sur lui. Elle avait accepté.

 

Un jour plus tard, Youri avait engagé Roger, rencontré au stand de tir puis devenu compagnon de ses virées nocturnes, parce qu’il le savait sans scrupules, déterminé et efficace. Il avait demandé à Roger de trouver quelqu’un parlant albanais pour faire croire à un crime de la maffia albanaise ou de fanatiques religieux musulmans qui, dans les deux cas, auraient pu en vouloir à la journaliste. Roger avait trouvé Samir qui vivotait de cambriolages et de petits trafics.

 

Ce soir était donc venu le moment de se faire payer et de prendre enfin congé de la Suisse. Il poussa la porte du Big Ben et choisit une table dans un coin. Il commanda une vodka et un café, alluma une cigarette et s’empara d’une pile de journaux dont il commença calmement la lecture.

 

A 22.30 h précises, la »madame » fit son apparition. Après un bref coup d’œil circulaire sur les rares clients, elle repéra Youri et se dirigea vers lui.

 

– C’est fait ?

– Pas de problème, tout est en ordre.

 

– Vous avez vérifié ?

 

– Vous avez à faire à un professionnel, chère madame…

 

– C’est bon. Je vais vous payer ce que je vous dois, mais pas ici.

 

– Non ? alors où ?

 

– chez moi.

 

En disant cela, elle se fend d’un sourire et se penche vers lui, son chemisier saumon déboutonné juste ce qu’il fallait pour exciter l’imagination du vétéran d’Afghanistan.

 

L’appartement, loué pour la circonstance, par internet et sous un faux nom, était situé dans un immeuble cossu coincé entre une avenue très passante et une ruelle étroite et sombre. A peine la porte refermée, Youri pose ses mains sur les hanches de la femme qui les lui prit.

– Pas tout de suite jeune homme. Laisse-moi le temps de me refaire une beauté et trinquons d’abord à la réussite de ton travail.

 

La « madame « lui tendit une coupe de champagne, le poussa dans le canapé et effleura ses lèvre d’un baiser furtif avant de s’éclipser dans la salle de bain.

 

Youri sirotait son champagne en imaginant une plage de Crimée, un hôtel, la vie facile. Puis les images devinrent floues. Le salon se mit à tourner. Il voulut se lever mais s’effondra en heurtant la table basse du salon.

 

La femme ouvrit la porte de la salle de bain, s’approcha, souleva et traîna à grand peine le corps de Youri vers le balcon de la cuisine. Elle prit le temps de regarder qu’aucune lumière n’était allumée dans l’immeuble. La maison en face était en rénovation et donc vide à ces heures. Elle parvint à hisser Youri jusqu’ à la rambarde puis souleva ses pieds jusqu’au moment où il bascula dans le vide pour aller s’écraser cinq étages plus bas dans la ruelle déserte.

 

Elle referma la porte-fenêtre et entreprit de tout nettoyer dans l’appartement avant d’empoigner son téléphone portable.

– Tu as honte de moi. ?- Allo Jérôme ?

 

– Oui. Donne-moi dix minutes. J’arrive.

 

– Non, pas chez moi ce soir.J’ai envie de changer.

 

– Où alors?

 

– Je connais un hôtel discret. C’est à moins de trente minutes de voiture

– OK. Je détourne le téléphone sur mon portable et je passe te prendre.

 

– Non. C’est moi qui viens, je parque en bas de chez toi. Je serai là dans dix minutes.

 

– Non, pas devant chez moi ! Attends-moi à la station d’essence. Elle est fermée à 20 h. et c’est plus discret.

 

Au coin de l’ordinaire chapitre 5

– Tu as honte de moi. ?

 

– Arrête ou je ne viens pas !

 

– D’accord. Excuse-moi. ça m’a échappé, je suis fatiguée. Il est presque minuit. J’arrive. A tout de suite mon amour

 

( à suivre)

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