Suite de mon "feuilleton"
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Au coin de l’ordinaire chapitre 22

Averti par Xhemile et Hans, Ferran était persuadé que la disparition des trois collègues de Pietro devait avoir un lien avec celle de Pietro. Il organisa rapidement une surveillance du domicile des trois flics avec l’aide de Hans qui lui envoya deux de ses ouvriers en qui il avait toute confiance. A eux trois, ils pouvaient surveiller les domiciles des trois disparus.

 

Au même moment , Joseph vérifiait que la porte de la chambre dans laquelle se trouvait Pietro était bien fermée. Il sortit de l’appartement. Sachant que ses trois comparses n’allaient pas rentrer avant quelques heures, il avait décidé de faire un saut chez lui, histoire de ramener quelques bières, des journaux et son ordinateur personnel et quelques DVD pour tuer le temps qu’il lui restait à attendre.

 

Ferran attendait depuis deux heures , attablé au café qui faisait face à l’immeuble de Joseph. Il tenait dans la main un morceau d’une photo illustrant un souper de la police, trouvé dans l’un des albums de Pietro. Ce dernier avait légendé ses photos. Ses trois collègues soi-disant en vacances y figurant, il n’avait pas été difficile pour Ferran et ses aides de se procurer chacun un portrait des individus à surveiller.

 

Il était environ onze heures et quart quand Joseph sortit de sa voiture et monta chez lui pour en redescendre, chargé d’un gros carton, à peine quelques minutes plus tard. Ferran décida de le suivre.

La filature ne dura que quelques minutes et Ferran dépassa Joseph au moment où il se parquait devant un immeuble apparemment inhabité. Il aperçut Joseph dans le rétroviseur qui s’engouffrait dans la maison. Il se parqua et se hâta d’entrer à son tour dans l’immeuble. Il entreprit de gravir les escaliers , les oreilles aux aguets. Au troisième étage, il perçut une musique et des bruits. Joseph s’était installé par terre dans la cuisine, avait ouvert une bière et regardait un DVD pornographique, le regard scotché sur l’écran.

 

Ferran abaissa la poignée, ouvrit doucement la porte que Joseph n’avait pas verrouillée. L’appartement semblait vide : aucun meuble, de la poussière, au sol. Seules les lampes encore pourvues d’ampoules ou de néons ainsi qu’un vieil extincteur attestait de l’occupation récente du logement. Un léger bruit de musique étouffée et une respiration sifflante lui parvint d’une des pièces.

 

Il décrocha l’extincteur qui se trouvait à l’entrée de l’appartement. Il progressait maintenant sur la pointe des pieds en direction de la pièce d’où lui parvenaient des râles et des cris de plaisir. Il aperçut Joseph affalé dans un fauteuil. Le bonhomme respirait bruyamment face à son ordinateur posé sur une table basse et sur lequel il regardait un film dont le caractère pornographique ne faisait aucun doute.

Ferran entra brusquement tout en enclenchant l’extincteur dont il arrosa copieusement Joseph qui se mit à suffoquer. Il tenta d’attraper un pistolet qu’il avait laissé à portée de main au pied du fauteuil

mais Ferran, plus rapide, l’assomma avec l’extincteur. Il lui lia aussitôt les pieds avec sa ceinture et les mains avec le câble d’alimentation de l’ordinateur. Il retourna l’individu sur le ventre et relia enfin pied et mains avec la courroie du store qu’il avait auparavant sectionnée d’un coup de canif, remerciant au passage sa vieille habitude de toujours se balader avec son couteau suisse.

 

Il ouvrit ensuite la pièce restante, fermée, clé sur la porte à l’extérieur, et se précipita vers Pietro qu’il débarrassa de son bâillon et de ses liens.

 

– Ferran, tu n’imagines pas à quel point je suis content de voir ta sale tronche d’anarcho-syndicaliste catalan de mes deux !! Mais comment c’est possible ?

 

– Je t’expliquerai plus tard. Pour l’instant, il faut qu’on se tire d’ici en vitesse. Ton geôlier n’était seul apparemment que pour un moment et je doute qu’un extincteur vide suffise à arrêter ses complices. On appellera tes collègues dès qu’on sera à l’abri afin qu’ils viennent prendre livraison du paquet que je leur ai laissé saucissonné sur le sol du living. Et s’ils sont assez rapides, peut-être pourront-ils préparer un comité d’accueil pour ses petits copains.

 

Les deux amis dévalèrent les escaliers de l’immeuble, en sortirent en courant et s’engouffrèrent dans la voiture de Ferran garée à quelques mètres de là. Aussitôt Pietro appela son supérieur qui mobilisa tous les effectifs disponibles pour rejoindre l’endroit indiqué par Pietro.

Pietro fit un deuxième appel pour rassurer Christine, Lucie et les enfants. Au passage, il appela également Hans et Xhemile qui s’empressèrent d’avertir les deux ouvriers de Hans encore en planque devant les domiciles des deux autres policiers . Ils réussirent aussi à joindre Louis et Francesca, lesquels, une fois mis au courant des derniers évènements, leur confirmèrent leur intention de rentrer en Suisse dès que possible.

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Malheureusement, environ 15 minutes plus tôt , Golaz sortait de la prison centrale accompagné de son avocat. Après de longues discussions, les autorités politiques, désireuses de ménager les policiers mis à rude épreuve ces derniers temps, avaient décidé que la vie de l’un des leurs, Pietro, valait bien cette entorse aux habitudes de ne jamais négocier avec des preneurs d’otages. Ils avaient donc libéré Golaz, persuadés qu’il serait repris tôt ou tard sans problème dès la libération du policier enlevé.

 

A peine dans la rue, il prit congé de son avocat alors qu’une voiture aux vitres teintées s’arrêtait à sa hauteur. Le conducteur descendit la vitre et interpella Golaz :

 

– Eh, Jean-Marie, tu montes ou tu attends qu’ils te remettent dedans ?

– J’arrive Robert. Salut Eric, t’es aussi là toi ? Emmenez-moi à la maison. J’ai besoin d’une douche et d’un bon verre.

 

– Non, pas tout de suite. Le verre et la douche, tu les auras, mais pas chez toi. Avec les amis du parti, on a pensé qu’il serait préférable de te mettre au vert quelques temps, dans un endroit inconnu. Tu verras, c’est confortable et ça te permettra d’attendre tranquillement que les choses se tassent ou de te trouver une planque sûre à l’étranger. On va juste faire quelques détours, histoire de s’assurer que tu n’es pas suivi.

 

Rassuré, Golaz s’assoupit pendant que la voiture, après plusieurs détours volontaires pour semer d’éventuels poursuivants, sortait de la ville et prenait la direction de la banlieue, plus précisément de l’immeuble dans lequel Pietro avait été laissé à la garde de leur complice Joseph.

 

La voiture transportant Golaz s’approchait de l’immeuble. Brusquement, Robert remit les gaz et passa sans s’arrêter. Son complice Eric l’apostropha :

 

– Qu’est-ce que tu fais bon Dieu, on vient de passer devant la planque. Tu ne sais plus t’orienter ou tu t’amuses !?

 

– Imbécile ! Tu n’as même pas reconnu les trois voitures banalisées de la brigade ! Tu les as pourtant conduites ces caisses, pauvre type ! Si elles sont là c’est qu’il y a quelque chose de louche. Je te rappelle qu’on est censés être en vacances : toi aux Baléares, Joseph en Sicile et moi aux Canaries. Si les collègues nous voient débarquer ou que Pietro se soit échappé ou ait reconnu Joseph, ils ne vont pas mettre longtemps à comprendre !! Pour le moment on file fissa direction le chalet. Là-haut on avisera.

 

– Et pour…

 

– Je t’ai dit qu’on aviserait. Pour le moment, tais-toi, c’est ce que tu peux faire de mieux !

 

Le temps de cet incident, Golaz, fatigué par les derniers jours passés en interrogatoires et en détention, n’avait pas bronché et continuait de dormir à poings fermés, quoique, en ce qui le concerne, on pourrait plutôt dire qu’il dormait à main droite tendue.

 

Jérôme attendait depuis une heure à côté du chalet. Auparavant, il avait guetté, dans le dernier village, le passage des deux policiers ripoux qui retournaient en ville prendre en charge Golaz et le flic Righini. Dès qu’ils les avaient vus prendre la direction de la ville, il s’était empressé de rejoindre le chalet dans lequel il avait laissé, hier, les instructions et l’argent qu’il comptait bien récupérer tout à l’heure.

Il laissa son 4×4 un peu plus haut, sur un chemin forestier à quelques distance du chalet, de manière à ce que l’on ne le repère pas en arrivant de la plaine. Il avait enfilé des gants et un bonnet noir qui lui couvrait la tête jusqu’en dessous des oreilles. Puis il avait plusieurs fois vérifié le mécanisme de son Fass 90, le fusil d’assaut réglementaire de l’armée suisse et contrôlé que le numéro de série soit bien effacé et que les deux chargeurs qu’il avait emportés soient remplis. Il avait déjà effectué le mouvement de charge et règlé le tir sur rafales.

 

Il aperçut la voiture qui prenait le premier virage visible depuis le chalet, quelques trois ou quatre kilomètres plus bas. Il se cacha à l’intérieur de la bâtisse, derrière la porte d’entrée, et continua de suivre la progression du véhicule. Arrivés au chalet, les trois occupants en sortirent et se dirigèrent vers la porte d’entrée.

 

Jérôme sortit aussitôt, et avant qu’ils n’aient eu le temps de réagir, ils ouvrit le feu et vida son chargeur sur les arrivants. Ce triple assassinat ne prit guère plus qu’une minute. Il s’approcha ensuite des corps et posa l’index d’une des victimes sur la gâchette et le chargeur de son Fass. Il sortit l’arme de service de Robert et la disposa tant bien que mal dans la main droite de ce dernier avant de presser quatre fois sur la détente visant Golaz et le prénommé Eric.

 

Ensuite, transpirant et peinant, Il transporta les corps dans la voiture dont il venaient de sortir et se mit au volant. Il prit la direction de la forêt dans laquelle était parqué son propre véhicule et continua

quelques mètres avant d’atteindre un virage qui surplombait une impressionnante falaise. Il positionna alors le véhicule face à la pente, sortit un jerrycan du coffre et arrosa les sièges arrières de gasoil. Enfin, il alluma un morceau d’étoupe imbibé, le jeta sur le siège arrière et débloqua le frein à main. La voiture roula d’abord doucement, puis prit de la vitesse avant d’atteindre le bord du précipice dans lequel elle tomba en rebondissant sur les rochers avant de s’écraser, de s’embraser et d’exploser quelques centaines de mètres plus bas dans un pierrier.

 

L’assassin se dirigea ensuite tranquillement vers son propre véhicule et entama la descente vers la vallée. Pris dans ses pensées, il ne remarqua pas un tracteur, tirant une remorque chargée de piquets de clôtures, avec lequel il se trouva soudain face à face après un virage. Il planta sur les freins et appuya de toutes ses forces sur le klaxon. Le tracteur se tira sur le droite, au maximum et au risque de basculer dans la pente herbeuse. Jérôme fit mordre son tout-terrain sur le talus et passa sans un regard pour le jeune agriculteur qui secoua la tête. Jérôme continua sa route, atteignit la vallée où il prit la direction de la ville pour atteindre enfin son domicile. Son épouse le croyait en réunion à Lausanne.

 

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Au même moment, à quelques sept cents kilomètres plus au Sud, Francesca et moi achevions de charger la voiture avec la ferme intention de rentrer en Suisse. Cette décision, difficile à prendre, nous apparaissait comme le seul moyen de me faire définitivement innocenter. Le fait de prendre la fuite

n’avait eu en effet aucune conséquence bénéfique sur les suites juridiques me concernant. Sur le plan humain par contre, le fait d’avoir pu retrouver quelques jours à la fois Francesca et ma liberté, avait pour moi une valeur inestimable et j’en avais eu besoin pour être capable d’envisager la suite avec force et sérénité.

 

Le début du trajet se déroula sans problème même si, l’appréhension de ce qui nous attendait plombait quelque peu l’atmosphère et nous rendait avares de confidences. Francesca conduisait rapidement, tendues et très attentive. Après Montélimar elle me demanda :

 

– Et si on sortait de l’autoroute à Valence pour couper par Crest, Chabeuil, Romans et rejoindre l’ancienne route ? Je n’ai presque plus d’Euros pour le péage et l’autoroute me fatigue.

 

– Pour moi pas de problème. Tes désirs sont des ordres.

 

C’est ce que nous fîmes. Nous roulions plus lentement mais il n’y avait presque pas de circulation et j’appréciai le paysage. Francesca conduisait d’une main et posa l’autre sur mes cuisses où elle pianotait le rythme d’une mélodie diffusée par la radio. Nous devions tous les deux avoir la tête ailleurs quand une camionnette surgit d’une route secondaire sur notre droite. Malgré un freinage d’urgence, nous emboutîmes l’arrière de ce vieux « tube » Citroën.

Choqués mains indemnes, nous étions en train de nous extraire de la voiture quand l’autre conducteur s’avança vers nous.

 

– Pas de bobos à ce que je vois mais votre bagnole ne vous emmènera pas en Suisse et moi je suis bon pour faire refaire tout l’arrière de mon camion Léon.

 

– Camion Léon ?

 

– Oui, c’est ma camionnette. Je l’ai repeinte au moins dix fois, d’où son surnom : camion-Léon, caméléon, vous comprenez ?

 

– Euh, oui…

 

– Cela doit bien faire 20 ans qu’on est ensemble tous les deux et je ne vous dis pas la quantité d’abricots et de pêches qu’il m’a aidé à livrer. Ca me fait quelque chose de le voir comme ça. Vous aviez la tête où avant de me dire bonjour si méchamment ?

 

– Nous sommes désolés, C’est notre faute, Notre assurance vous paiera les réparations.

 

– J’ y compte bien mais je veux un constat de la gendarmerie. C’est plus prudent.

Après, tout s’accéléra. Les gendarmes arrivèrent rapidement, appelé par le vieil agriculteur, de bonne humeur mais décidé à ne pas risquer de nous voir les talons avant d’avoir eu l’assurance de rentrer dans ses frais. Au moment où nous présentions nos papiers d’identité, je vis le plus jeune des trois gendarmes présents se diriger vers leur véhicule.

Il revint l’air préoccupé et nous demanda de les accompagner à la gendarmerie. Il venait de découvrir que j’étais recherché en Suisse.

 

Autant les accords de Schengen nous avait permis de quitter le pays sans problème, autant c’étaient ces mêmes accords qui me renvoyaient à la case départ.

 

Trois jours plus tard, J’étais de retour dans la prison de ma ville natale. Les gendarmes français nous avaient accompagnés jusqu’à Genève et l’inspecteur Musy était venu prendre livraison des « colis » avec un collègue.

 

Francesca avait été libérée dans la journée : elle s’en sortirait vraisemblablement avec une amende et une courte peine avec sursis pour complicité d’évasion, mais le jugement aurait lieu ultérieurement. Quant à moi, j’attendais toujours, dans ma cellule, des nouvelles du juge.

 

( à suivre)

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