Créé le: 19.11.2018
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Isidro chapitre 12/ Dernière révélation

Roman

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© 2018-2024 Hervé Mosquit

Dernier chapitre et fin du ce “feulleton”et des aventures d’Isidro….
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Isidro chapitre 12

Il y a maintenant une semaine que l’épisode de la baffe professorale s’est terminé. Le père a retiré sa plainte. Le fils et Isidro ont pu ensemble tirer un trait sur le coup de pied, la gifle et s’en expliquer mutuellement.. Le directeur se tient à carreau et modère ses velléités dictatoriales. Il pensait tenir sa revanche de « l’affaire Jeff » mais le retrait de la plainte du papa du jeune cogneur de tibia a coupé court à ses intentions. Bref, la routine quotidienne a repris pour tout le monde.

 

J’arrive donc au terme du récit que je voulais vous faire de la vie d’Isidro puisque la suite appartient au futur. Je sais maintenant que ce gars-là continuera de m’étonner. On dirait parfois un surfeur qui craint l’eau mais se lance malgré tout sur un bras de mer démontée ou le grimpeur qui soigne sa peur du vide en gravissant des parois abruptes.

 

Il aurait pu sombrer. D’autres l’ont fait à moins. Il aurait pu se trouver laminé et lessivé par une enfance pour le moins cahoteuse, malmenée, voire anéanti par les différentes épreuves qu’il avait traversées mais surtout par cette dernière révélation, issue du journal de sa mère, dont il m’avait jusque là caché l’existence et que je vous livrerai tantôt.

 

Un soir, il est venu chez nous partager un souper en compagnie de son épouse Merce.

Le repas s’est déroulé dans une ambiance chaleureuse et conviviale, comme d’habitude. Et comme de coutume, nous avons bavardé à n’en plus finir.

Au moment de partir, il a fait signe à Merce d’attendre dans la voiture puis est revenu sur ses pas. Il m’a alors tendu un cahier déjà ouvert. Il me dit juste que cela m’aiderait peut-être à comprendre pourquoi il avait toujours et tellement besoin de se sentir juste, honnête et de n’écumer du temps qui passe, que ce qui donnait sens, bonheur et espoir à la vie : la sienne, celle de ses proches et des élèves qui lui étaient confiés.

 

– Tiens. Lis. Ne dis rien. Tu me le rendras à l’occasion. On en parlera un autre jour, si tu veux et si j’en ai envie. Ciao, à la prochaine.

 

J’ai pris le cahier et j’ai commencé ma lecture avant même de regagner l’intérieur de ma demeure:

 

« Mon Isidro, hijito mio,

 

 

Si tu lis ces lignes, c’est que je ne serai plus là pour les commenter et je préfère nettement qu’il en soit ainsi, même si c’est un peu lâche de ma part. Tu comprendras aisément pourquoi si tu me lis jusqu’au bout.

Je n’ai plus touché ce journal depuis des années mais aujourd’hui, je veux y apporter un terme en

te disant ce que je t’ai caché, ce que j’ai voulu oublier au point de me l’occulter, de me convaincre que cela n’avait jamais été.

 

Parlons de ta mère d’abord, ta vraie mère biologique Isidro, pas celle que tu nommes mamounette depuis ta tendre enfance. Quand vous êtes entrés, toi et ta mère, dans notre vie mon petit, c’est un rayon de soleil qui vint illuminer notre vie routinière de profs expatriés, dans laquelle Yannick et moi ronronnions, aidés en cela par un confort que la plupart des gens de ce pays là-bas ne connaissaient pas.

 

Mais ce soleil-là brillait si fort que mon compagnon de toujours, Yannick, en a pris un insolation dont je me serais passée. Il est en effet tombé éperdument amoureux de ta maman. Nourrissant quelques doutes, j’avais tenté d’en savoir plus et lui avais fait quelques remarques. Mais il les prenait toujours à la rigolade et s’enfermait dans le déni. Un jour, ta mère a cédé aussi à cette attirance qui les rapprochait inéluctablement en même temps qu’elle m’enlevait mon mari.

 

Te dire comment je l’ai su, peu importe. Sache seulement que ce n’était pas très élégant et que l’espionnage est l’une des conséquences désastreuses de la jalousie. Le fait est que l’affection que je portais à ta mère s’est transformée en haine destructrice envers celle qui allait m’enlever  mon bonheur et ma raison de vivre. A une époque de joie et d’insouciance a succédé une période

sombre et malsaine : nous vivions tous dans le mensonge : rien n’était dit et tout le monde faisait semblant.

 

La passion m’aveuglait et le désespoir a eu le dessus sur la femme posée et réfléchie que je croyais être. J’ai fini par commettre l’irréparable en prenant contact avec un personnage louche qui se trouvait être l’ancien propriétaire de notre maison. Officiellement homme d’affaire et chef de chantier à temps partiel mais probablement truand ou employé d’une mafia locale à plein temps, ce type-là pouvait te rendre n’importe quel service illégal : trouver de faux papiers, une arme, intimider un concurrent ou terroriser des locataires mauvais payeurs. Je lui demandai juste de faire le nécessaire pour que ta mère ne me pourrisse plus la vie, sans préciser comment. Il me demanda simplement de lui indiquer à quels moments elle se trouverait hors de chez nous.

 

Le jour où elle est allée trouver pour la deuxième fois la veuve du vieil homme, ami du pêcheur qui les avait conduit au Panama, pour tenter d’avoir des nouvelles de ses parents, j’ai appelé ce mafieux pour le lui dire. Je n’avais pas pensé que Yannick allait l’accompagner ni que cet individu avait décidé d’aller jusqu’au meurtre. Je pensais plutôt à une intimidation, un enlèvement suivi d’un renvoi en Colombie ou que sais-je encore. J’ai essayé de dissuader Yannick de l’accompagner, mais sans succès. A peine ta mère et mon mari étaient partis, je me suis rendue compte jusqu’où pouvait m’entraîner cette jalousie haineuse et j’ai voulu tout arrêter. Je me suis précipité sur le téléphone pour avertir ce type ce type qu’on stoppait tout et que je le dédommagerais quand même. Mais peine perdue :

personne ne répondait.

 

La suite, tu la connais et tu comprends que je préfère ne pas être là le jour où tu apprendras que je suis responsable de la mort de ta vraie maman et de mon premier compagnon. Ce n’étaient donc pas les narcos qui étaient à l’origine de ce meurtre routier, mais ta propre mère adoptive et sa jalousie insensée.

 

Pardonne-moi Isidro. Toute ma vie j’ai tenté de réparer ma faute en m’attachant à te donner tout ce qu’une mère, que je n’étais pourtant pas, peut donner. Mais ça ne suffit pas et aujourd’hui encore, le remord me ronge et je n’ose t’en parler de peur que tu ne me rejettes.

 

Sois heureux Isidro, fais tout pour cela et ne tombe jamais dans le piège de ces amours possessifs et passionnels ni dans celui de la foi hystérique et aveugle des fanatiques. Cela ne peut que te ronger, te détruire et te rendre semblable à ceux que tu honnis et condamne :, ces violents, ces fanatiques, ces truands, ces trafiquants, ces bandits que d’ordinaire n’importe quel humain de bon sens condamne pour les horreurs qu’ils commettent.

 

N’oublie jamais mon fils, que chacun de nous est son propre ennemi. Nous avons tous un côté ange et un côté démon. Il y a des gens qui sont foncièrement mauvais et d’autres bons, certes, mais même parmi eux, on en trouvera qui, selon les circonstances, peuvent changer ou déraper.

Regarde autour de toi : la méchanceté, la mesquinerie, alimenté par l’égoïsme ordinaire peut inciter n’importe qui à des actes inacceptables : faire du mal à son voisin, son collègue, son subalterne, son supérieur et même à ses amis ou sa famille, par jalousie, par goût du pouvoir ou du lucre, par orgueil, par plaisir d’humilier et j’en passe.

 

Les exemples rempliraient un livre : devenir raciste parce que l’on a vécu un incident, une incivilité commise par quelqu’un d’un autre groupe national ou ethnique ; généraliser ses jugements à l’égard de catégories entières d’êtres humains pour des raisons aussi subjectives qu’erronées comme leur apparence physique, leur nationalité ou leur statut social ; laisser une humiliation passagère se transformer en colère et en haine au point d’en perdre le bon sens alors que la cause première en est si futile : par exemple ne pas être choisi pour un poste, perdre un concours, être ignoré, se faire dépasser sur la route, voir un concurrent nous battre avec le sourire etc. etc.

 

Bref, les occasions de mal agir voire de devenir mauvais, ne manquent pas et c’est un combat de tous les jours que de les éviter.

 

Tu sauras le faire, j’en suis persuadée. Ne fais pas comme moi. Pardonne-moi si tu peux.

 

Je t’aime, fils. »

J’achevais ma lecture sur le seuil de ma maison.

 

Là, c’était le bouquet ! J’en restai sans voix. Misère, bonne mère et fan’ de chichourle ! Comment ce nenou gardait-il encore l’allant, l’énergie et la force de vie qui le caractérisaient ? Décidément, le monde est bizarre : alors que certains se noient dans un verre d’eau pour un mot de travers, une panne d’ordinateur, un voisin grincheux, un bouchon sur la route ou un train en retard, voilà que ce garçon, qui aurait toutes les raisons de se morfondre et d’insulter dame Providence, nous donnait l’exemple d’une vitalité à nulle autre pareille.

 

Je repensais au jeu de mots de son premier directeur d’école, il est vrai un poil en dessous de la ceinture si j’ose m’exprimer ainsi, qui disait : « Au cours actuel, les Isidores ont de la chance ». De la chance, de la baraka, du bol, Isidore ou Isidro, cela dépendait des jours et de l’humeur, en avait effectivement plus que la moyenne des citoyens lambdas. Mais était-ce de la chance ?

 

Finalement, peut-être savait-il simplement réagir et aller de l’avant plutôt que de tergiverser et de couper les cheveux en quatre dans le sens de la longueur comme nous le faisons souvent dans les situations difficiles ?

Peut savait-il bêtement, mieux que beaucoup d’entre nous, mettre en pratique cette maxime qui devrait, nous aider à avancer chaque jour que Dieu nous fait :

 

« Aujourd’hui est cadeau. C’est pour cela qu’on l’appelle le présent …» ?

 

Je n’ai pas de réponse …Vous peut-être ?

 

Et finalement, est-ce vraiment important de répondre ?

 

Si le temps passé à lire son histoire vous a procuré évasion, contentement et questionnements, n’est-ce pas là suffisant ou essentiel ?

 

 

F I N

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