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© 2023-2024 Laure Brienza

- Le miracle après l'épilepsie - Amorce de mon témoignage qui retrace la guérison surnaturelle d'une maladie incurable.
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1 Convulsions

 

Ce matin-là, j’ai le réveil le plus étrange qui soit. Je suis dans ce lit mezzanine tant convoité ; cadeau que mes parents viennent de m’offrir en récompense des efforts fournis pour passer en « PG »[i]. C’est le matin, c’est certain, car je garde en mémoire cette sensation d’émerger du sommeil, mais, cette fois-ci, je m’éveille hors de moi. Oui, je me réveille en extrinsèque et ça ne m’inquiète même pas. Je suis, pour le coup, face à moi-même. Je me vois assise, le bras droit tendu à l’horizontale et secoué de spasmes incontrôlables. Je transite à plusieurs reprises d’interne à externe. Étonnant : un inconnu au stéthoscope se tient courbé dans mon lit faute d’espace au plafond ; il ausculte ce moi qui me fait face. Je n’ai pas l’air présente. Mon père, à demi fléchi sur l’échelle, me parle, m’appelle, en vain. Je m’efforce de répondre mais aucun son sensé ne parvient à rejoindre le monde de l’audition. Ses traits sont figés, il est stressé, il regarde impuissant sa fille convulser.
S’il détachait ses yeux de ce corps chahuté et s’il tournait sa tête un peu plus à gauche, peut-être qu’il me verrait ? Qu’il m’entendrait lui dire qu’il ne faut pas s’inquiéter, que le médecin est là et que, somme toute, je n’ai même pas peur. C’est vrai que je ne suis pas effrayée. Je vois cette scène clairement, mais ne partage pas la même atmosphère. La mienne est cotonneuse. Je suis à l’abri, je constate, mais ne subis pas. Je ne me questionne même pas. J’assiste, spectatrice, à cet état de fait. J’entends ma mère au-dessous du lit appeler les pasteurs, demander la prière puis, plus rien.
Je rouvre une seconde fois les yeux. Comme dans un rêve, la scène a changé ; sans transition, ni explication. Me voici désormais allongée sur le sol de ma chambre, dans une civière. Mes parents sont tout proches mais, à nouveau, la communication est rompue. Ce corps ne répond pas présent. Nous ne partageons pas la même agitation.
Troisième éveil, nouveau lieu. Me revoilà enfin. J’ai quitté le rôle d’observateur pour celui d’actrice. Mais, je ne sais pas encore que ma mémoire a profité de cette transition pour me faire faux bond ; qu’elle s’est sauvée en emportant mes répliques et qu’il va désormais falloir improviser. Le corps vidé d’énergie et la conscience vierge des enjeux à venir, je me sens robotisée par les événements et me laisse téléguider. J’avance, ou devrais-je dire on m’avance, dans un long couloir d’hôpital. Je suis couchée sur un lit conduit par un infirmier de très grande taille. On dirait un basketteur américain. J’observe ses mains noires imposantes sur le cadre, c’est rassurant. Il est souriant, serein. Il priera pour moi, il vient de me le dire. Merci, mais vous priez qui ? Dieu que c’est bon d’apprendre que je suis poussée dans ce flou par quelqu’un qui partage ma foi en Jésus-Christ. Ce court échange avec cet inconnu apaise l’incertain. Il bifurque le lit à roulettes sur la gauche, une porte s’ouvre sur une grande pièce colorée dans laquelle je patiente avec ma maman. Pédiatrie oblige, j’ai douze ans, les murs et le plafond sont recouverts d’étoiles, de planètes et de fusées rebondies, mais c’est la lune qui attire mon regard. Le souvenir limpide de cette lune en croissant se tatouera en moi au point d’occulter nombre d’événements suivants.

De ce réveil en trois temps, je ne garde que la lune. La lune dont je reconnais la forme. Je sais sa place, le champ lexical de l’espace est tenu. Et pourtant… son nom m’échappe. Comme un contenu sans contenant. À quoi ça sert de savoir qu’elle éclaire fidèlement depuis la nuit des temps si je ne peux mettre un nom à cet astre familier aux plus débutants ? Non, à la place, j’ai beau m’efforcer, savoir que j’ai su, je ne l’ai même plus au bout de la langue. Je sais que c’est inquiétant. Le regard catastrophé de ma mère me le confirme. Il fallait bien oser lui demander comment on appelle ce qui illumine la nuit ?
La lune. La réponse sonne intuitivement juste, mais jamais je n’aurais pensé que les mots puissent venir d’aussi loin. Désormais, il fait nuit sans lune dans ma tête. La crise d’épilepsie a consumé cette connexion neuronale. Moi qui aime tellement parler, me voilà privée des termes les plus simples. J’ai honte. J’ai peur. Il va falloir réapprendre.

 

Si l’amuse-yeux a titillé votre curiosité, ce témoignage détonnant, paru aux éditions Saint-Augustin, est disponible en librairie. Il se nomme « Miracle après l’épilepsie – Une nuit sans lune » et libre à vous de vous mettre au parfum de ses coulisses sur ma page d’auteure Facebook :

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[i] Acronyme de l’orientation en classe prégymnasiale, au cycle secondaire I de l’école obligatoire.

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