Créé le: 30.09.2017
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Une fugue nécessaire

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© 2017-2024 Lieselotte

Un nain reclus par ses parents découvre le monde extérieur.
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1

—“Puisque je te dis qu’il était là il y a deux minutes !”crie un homme

face à une poussette vide,mains ouvertes, paumes tournées vers le ciel .

”Au lieu de nous regarder comme si nous étions des bêtes sauvages, aidez-nous à trouver notre fils chéri ! Il a trois ans et demi, porte une casquette bleu foncé avec le slogan “I am the boss”, un training gris de la marque GAP et des baskets blanches Puma.

Pourquoi n’indique-t-elle pas son prénom ? “Votre fils s’appelle comment?” Demande une voix.

Le père tente d’enlacer sa femme pour la calmer, mais aussitôt celle-ci le repousse avec violence -“calme-toi”

“Ne me touche pas ! Je suis sûre que tu l’as laissé partir exprès. Tu ne l’as jamais aimé !”

—“Ne parle pas si fort, tout le monde nous écoute !”-lâche moi toute suite”

Deux policiers arrivent et les séparent avec force. “Calmez-vous et dites-moi ce qui s’est passé, leur ordonne l’un d’eux. Nous avons reçu un coup de téléphone anonyme nous informant que vous aviez perdu votre enfant.” Elle s’effondre en larmes tandis que le père tente de répondre du mieux possible à leurs questions. En tout cas, c’est ce que j’imagine… En effet, je n’entends plus rien, une grappe d’individus s’étant formée autour du couple.

 

2

Je me sens de plus en plus dans l’inconfort dans ma cachette, sous un stand de fruits.

J’ôte ma casquette the boss et mon pull training. Heureusement, je porte un t-shirt en dessous. Je me décoiffe et mets mes lunettes de soleil qui appartenaient à mon père. J’abandonne mon haut et ma casquette sous la table, attends le bon moment pour sortir et me lance parmi la foule. Personne ne me regarde ; au contraire, les passants, dès qu’ils me voient, tournent leur tête. À présent, je n’ai plus du tout le look d’un petit enfant, mais plutôt d’un adolescent pas comme les autres.

C’est la première fois de ma vie que je me promène seul sans mes parents. Je connais toutes les rues de notre ville, mais les perspectives changent complètement selon que tu marches debout ou que tu es assis dans une poussette.

 

En poussette, je voyais toujours le visage de ma mère ou de mon père. Elle était réglée ainsi.

Pourquoi ? Eh bien, ma mère avait peur des regards des passants sur moi et puis sur elle.

 

3

Je crois que vous avez trouvé de quel handicap je souffre. Oui, je suis un nain, de quatorze ans et demi. Ma taille atteint celle d’un enfant de quatre à cinq ans. . Je n’ai jamais mis les pieds dans une école, mais je sais lire et écrire ; mes parents ont engagé une institutrice et, plus tard, j’ai suivi et suis encore un programme scolaire sur Internet. Ils ont toujours eu honte de moi. J’ai grandi sans amis, sans famille élargie. Ils ont coupé tous les liens familiaux et amicaux dès ma naissance .Grâce à Internet, aux livres, à la radio et à la télévision je me sens moins seul. Le monde extérieur, je le connais seulement depuis ma poussette. Mes parents déménagent tous les quatre ans. Ainsi, ils sont toujours perçus comme de jeunes parents. Les deux travaillent à domicile, comme indépendants, dans les domaines du marketing et de la publicité. Ils se disputent de plus en plus à mon sujet, frustrés de ne pas mener une vie de famille normale.

 

Ce matin, au petit-déjeuner, quand ils ont commencé à se chamailler, j’ai pris ma décision: fini de me montrer comme un petit ! Je veux me présenter au monde tel que je suis, avec mes désirs, mes sentiments et mes envies, comme les autres de mon âge. J’en ai profité pour chercher une des cartes de crédit de ma mère dans son secrétaire Le code, je le connais par cœur. Ma mère a cette mauvaise habitude de le chuchoter lorsqu’elle retire de l’argent aux automates.

 

4

”Philippe, change-toi s’il te plaît. Mets ton training de sortie, nous allons faire un tour au marché ! prendre l’air un peu,ça fait trois jour nous sommes plus sortis avec toi.

Je n’étais pas sorti depuis une semaine ! Eux, ils sortent séparément, un soir sur deux, prendre une cuite dans un bar. Moi, je n’ai même pas le droit à une petite bière. Depuis ma naissance, ils ne m’ont jamais laissé seul !

Mon père regardait son iPhone et s’était retourné pour trouver de l’ombre. C’était l’occasion de partir,personne ne faisait attention à moi.

 

La première chose à faire est de chercher de l’argent dans un automate. Je trouve assez vite une banque, mais ne parviens pas à introduire la carte. Trophaut! Quoi faire ? J’entre dans la banque chercher un guichet libre. Mais comment adresser la parole à l’employée ? Je saute en criant “Madame !” et finis ma phrase en bas.”Comme vous le constatez, je suis trop petit pour me servir d’un automate.” Une belle femme penche sa tête dans ma direction. D’un air gêné, elle me répond ”Oh, excusez-moi, je ne vous avais pas vu ! Comment puis-je vous aider “

— Il y a un automate à l’intérieur. Si vous voulez bien introduire ma carte, je vous dicterai le code.”

Elle ne sait pas quoi faire, regarde autour d’elle.

 

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”Normalement, nous n’avons pas le droit, mais je vais faire une exception…”

Elle sort de son guichet et introduit ma carte. Je lui communique le code et lui demande de me retirer deux cents euros. Elle me rend la carte et les billets, puis se met à ma hauteur. J’ai l’impression qu’elle va m’embrasser pour me dire au revoir. “Monsieur, heureuse d’avoir pu vous aider ! Bonne journée.

— Merci, à vous aussi !”

Je sors de la banque. Je me sens riche et libre !

J’ai envie de manger un big mac, un vrai, comme ceux de la télévision. Ma mère fait très attention à la nourriture. Elle a une peur monstre que je grossisse. Je dois suivre une diète drastique. Je vais enfin découvrir un McDo et manger un hamburger,des frites, du ketchup et boire un Coca. Je sais exactement où se trouve ce fameux restaurant. Je suis souvent passé devant en poussette.

Une fois la porte franchie, mon courage me quitte. Sont assis plein de jeunes de mon âge. Mais, à ma grande surprise, personne ne se retourne vers moi. Je veux faire ma commande à l’une des caisses, mais impossible à cause de ma taille… Au secours ! Une jolie fille blonde se penche sur moi

”Est-ce que je peux t’aider ?” Je deviens rouge. D’une voix tremblante, je lui réponds,

”Oui,volontiers.”Elle dicte ma commande.

 

6

”Si tu as envie, ajoute-t-elle, tu peux venir avec moi. Tous mes potes sont là, au coin, autour d’une table”.Constatant que je ne suis pas à l’aise, elle précise:

”Je te jure, mes copains sont très sympas et seront ravis de faire ta connaissance. Je m’appelle Doris, et toi ?

— Philippe.

— Viens, Philippe. Peut-être que tu connais certains d’entre eux. Nous sommes tous des collégiens.”

Jamais dans ma vie une fille si belle ne m’a adressé la parole et encore moins invité à manger. C’est maintenant ou jamais si je veux découvrir le monde. Alors, timidement, je m’entends dire:

”Oui, si je ne vous gêne pas.

— Pourquoi tu nous gênerais ?”

Elle marche d’un pas soutenu vers une table. J’arrive avec mon plateau, essoufflé. Je ne marche pas aussi vite qu’elle.

“Voilà Philippe. Je viens de faire sa connaissance. Comme il était seul, je me suis permis de l’inviter.”

Les jeunes me regardent avec curiosité, pas du tout moqueurs. Comment vais-je m’asseoir ? Un grand gars se lève comme s’il avait deviné mes pensées, et avant que je réalise, me soulève pour me déposer assis à côté d’une fille aux longs cheveux bruns. Son parfum est si agréable que je le sens jusqu’à mon sexe, le seul organe qui a une taille normale par rapport à mon âge et qui bande facilement.

 

7

”Enchantée de faire ta connaissance, me dit-elle. Comment ça se fait qu’on t’a jamais vu ici ? Tu es nouveau dans cette ville pourrie ?” Dois-je répondre ou me taire ? Dire la vérité ou mentir ? Ne réfléchis pas trop mon gars, ils te regardent tous. Tu n’as rien à perdre si tu dis la vérité. Ou ça marche ou ça casse. Ils sont trop sympas pour leur mentir.

“Non, ça fait deux ans que j’habite ici, mais je ne vais pas à l’école ; je suis un programme scolaire par Internet. Mes parents ne me laissent jamais sortir tout seul.

—Et aujourd’hui ils t’ont laissé ? Alors c’est un grand jour pour toi !”

Ils me regardent tous avec une telle sympathie que je me lance et raconte le plus brièvement possible ma vie. Une fois mon récit terminé, ils restent quelques minutes muets avant que Doris ne s’indigne.

”Ils sont complètement tarés, tes vieux. Ils vivent à quelle époque ? Ils n’ont jamais pigé que la différence est la richesse de l’humanité ? Parce que tu es plus petit que la norme tu n’as pas le droit d’être jeune comme nous ? Si un jour je fais leur connaissance, ils vont m’entendre ! Maintenant, tu fais partie de notre groupe. Vous êtes d’accord vous autres ?

— Oui, bien sûr !”répondent-ils en chœur.

J’ai envie de pleurer. J’entends la jolie brune:

“Mange ton hamburger avant qu’il soit froid, ensuite on va te kidnapper. Notre pote René fête ses quinze ans aujourd’hui.”

Je suis invité à une fête! Quel bonheur depuis que j’ai quitté cette foutue poussette ! Le hamburger aspergé de ketchup, plus les frites et le Coca-Cola, c’est du délire !

”On dirait que tu n’as pas mangé depuis des siècles ! se moque-elle. Prends ton temps, on t’attend. Ensuite, on partira.”

Tout d’un coup, j’ai peur que tout ça ne soit qu’un rêve. J’ai souvent imaginé de tels scénarios. Non, tu es dans la réalité. Ils te prennent comme un des leurs, n’aie pas peur, fonce, la vie est là, profite à fond !

”—J’aimerais bien, mais comment faire pour sortir d’ici ? La police est déjà à ma recherche.”

—Pas de problème, René va te prendre sur sa Vespa. Tu mets un casque et tout le monde pensera qu’il se promène avec son petit frère.”

Ils éclatent de rire. Je me sens ridicule comme toujours avec mon corps de nain. Mais la ravissante blonde ajoute:”Nous ne rions pas de toi ! C’est que René a quatre sœurs et il rêve d’avoir un petit frère.

 

—On y va les gars ? demande le jeune fêtant son anniversaire. La bière et les sandwiches préparés par ma grande sœur nous attendent. Mes parents rentrent seulement à minuit. Alors, on a toute la soirée pour écouter de la musique à fond, danser et faire les fous. Philippe, tu vas t’éclater, nous allons te montrer ce que c’est que la belle vie.

 

8

 Je ne parviens pas à retenir mes larmes.

“Excusez-moi, mais c’est trop cool.

— C’est bon, mon grand, ne t’en fais pas, c’est normal que ça te touche. Laisse couler, on veut te voir sourire !”

Personne ne peut imaginer le cadeau qu’ils me font en me considérant comme un des leurs. Je ne suis pas dans un jeu vidéo, non, je suis au McDonald invité par de nouveaux copains !

”Allez, dit René, prend mon casque et on y va ! Les autres prennent leur vélo.”

Je mets le casque ultra-lourd sur ma tête. Le jeune homme me prend par la main:”N’aie pas peur, je conduis bien.” Il me pose sur la Vespa et me précise:”Accroche-toi bien autour de ma taille, et dans les virages, tu te penches avec moi.”Il monte et c’est parti ! Quel plaisir de contempler le monde depuis en haut ! Moi qui l’ai toujours admiré depuis ma poussette ! On passe juste à côté du marché et je crois voir mon père discuter avec un policier. Tant pis pour eux ! Ils m’ont privé de la vie pendant des années sans se demander si je souffrais. À eux maintenant de souffrir un peu !

Nous arrivons très vite chez lui. Une superbe villa près du lac. Sa sœur nous ouvre la porte. Elle me regarde avec de grands yeux. Avant qu’elle ne prononce un mot, René lui explique:”Je te présente Philippe. Nous avons fait connaissance au McDo. Il est parmi des nôtres ce soir.”

 

9

Sa sœur se baisse pour me dire bonjour, un peu gênée.

“Enchantée, moi c’est Paula.

— Fais pas cette tête, Philippe est juste plus petit que nous, mais il a presque quinze ans. Il a fait une fugue pour être dans la vraie vie. Comme toi, il est fan de Nothomb et aime le hard rock. Tu vois, vous avez des choses en commun. Montre-lui la maison qu’il se sente à l’aise chez nous.”

Nous faisons le tour de la propriété. J’ai l’impression que sa gêne diminue quand je lui parle du dernier livre d’ Amélie Nothomb.Les autres copains arrivent. Nous sommes dix en tout.

Je bois ma première bière. L’effet est immédiat. Je commence à parler sans gêne de ma vie avec toutes les frustrations que je vis tous les jours. Le silence qui règne est tel que l’on se croirait dans une église. C’est René qui m’interrompe: “Ces salauds, tes parents ! Tu as bien fait de fuguer. Tu es en sécurité ici, personne ne te trouvera. Maintenant, musique, on va fêter ta liberté !” Je suis aux anges. Grâce à la bière, je perds mon inhibition ; je danse, je rigole et je continue de boire. Tout ce que j’ai toujours voulu vivre.

Je ne sais pas comment, mais je me retrouve, plus tard dans la soirée, à côté de la jolie brune, dans un énorme fauteuil. Elle s’appelle Mona. Elle dégage une odeur excitante et sensuelle.

Elle commence à me caresser les cheveux, le visage, le cou et le torse. Je me laisse faire. La sensation est si forte que je sens mon sexe se durcir. Puis, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde, elle glisse sa main dans mon pantalon. Ma main connaît ce chemin pour me masturber, mais sentir la main d’une fille, c’est juste bestial. Suis-je en train de rêver, de fantasmer ? Non, elle me chuchote à l’oreille:”Si tu veux m’embrasser, ma bouche est à toi…” Comment faire ? Les vidéos que j’ai enregistrées défilent devant moi. Rien à voir avec ce que je vis en ce moment. J’ouvre mes lèvres et sens sa langue dans mon palais. Un pur plaisir. Une voix nous réveille:”Alors, les amoureux, la vie est belle ? Venez danser avec nous.”Je ne parviens pas à me séparer d’elle.

”Nous continuerons nos câlins plus tard. Viens, il y a du hard rock, j’adore danser” me dit-elle. J’exploite tous les mouvements possibles avec elle. On s’éclate. La musique est forte, peut-être trop forte pour les voisins. Le bruit d’une sonnette jette un froid. “Ouvrez s’il vous plaît, police.”J’ai la trouille. Viennent-ils me chercher ? René ouvre la porte et deux policiers entrent. Je n’ai plus le temps de me cacher.

“Vos parents ne sont pas là ? Qui est le responsable ici ?

— Moi, monsieur, répond Paula. J’ai dix-huit ans et nous fêtons l’anniversaire de mon frère. On va baisser la musique. Et soyez tranquilles, mes parents arrivent dans une heure.

 

10

Soudain, le plus jeune des deux m’aperçoit.

“Eh, c’est pas le nain qu’on cherche partout en ville ?

—Excusez-moi, monsieur, mais je ne suis pas un nain, juste une personne de petite taille.

— Pardonnez-moi, jeune homme, mais vos parents vous cherchent partout. On est donc obligés de vous emmener.”

Je ne peux pas refuser, n’étant pas encore majeur. J’embrasse tout le monde, dont Mona sur la bouche.

“Une chose est sûre, je reviendrai au McDonald’s pour vous revoir. C’était la plus belle journée de ma vie.

— D’autres vont suivre “entends-je dire de ma jolie brune.

Les policiers me conduisent à la maison. Ma mère commence à me crier dessus dès que je passe le seuil de la porte.

“Calmez-vous, votre fils est sain et sauf, c’est le principal.

—Merci de votre aide. Excusez-nous, mais nous sommes encore sous le choc.”

Une fois les policiers partis, ma mère recommence à me hurler dessus:

”Mais qu’as-tu fait tout ce temps ? On va t’attacher La prochaine fois.

— Peut-être a-t-il besoin de contact avec des jeunes de son âge ? “suggère mon père.

—Tu es complètement dingue ! Il ne sortira plus !

— Si vous faites ça, mes nouveaux amis vont vous dénoncer à la police ou je partirai en Chine où il existe un village pour des personnes de petites tailles. Ils seront ravis d’accueillir un Européen parmi eux

 

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— Tu es encore mineur, jamais tu n’iras en Chine !”crie ma mère.

La sonnette l’interrompt. Mon père ouvre la porte. Tous mes nouveaux amis sont là. “Bonjour, madame, bonjour, monsieur. On voulait juste savoir si dès aujourd’hui vous traiterez votre fils comme nos parents nous traitent. Sachez que ce n’est pas la dernière fois que votre fils va sortir. Il a droit de mener une vie normale. Et si vous ne l’acceptez pas tel qu’il est, nos parents vous dénonceront à la protection de la jeunesse.”

À partir de ce jour, ma vie d’un adolescent pas tout à fait comme les autres a commencé..

 

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