Chapitre 1

1

"These are the tears, the tears we shed. This is the fear. This is the dread. These are the contents of my head...Do you know how I feel?" dit la chanson d'Annie Lennox.
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Très « chair » ennemie,

Je viens par cette missive, t’annoncer que tu as gagné ! Cette guerre que tu as toi-même voulue (mais que tu as bien réussi à m’imputer), cette guerre sans fin, aura eu raison de moi, aura eu raison de ma raison, raison de mon être, raison de ma volonté.

C’est la lettre d’une morte que tu reçois. Je ne suis plus que cendres. J’essaie de retrouver un peu de souffle pour parvenir à trouver les mots, ces mots qui auraient peut-être pu sauver ma face.

Malheureusement le tison de la colère s’est éteint. Et nous savons toutes deux que la colère est, dans la lutte, souveraine ! Sauf qu’il y avait en toi, quelque chose de bien plus noir que de la colère, ce quelque chose qui anime certains hommes, j’ai d’abord pensé que c’était l’égo. Or, il s’agit d’un monstre plus terrible encore que l’égo dont nous sommes tous faits mais dont nous n’usons pas tous  pour les mêmes fins. J’ai plus tard cru qu’il s’agissait de la jalousie, sentiment avide et cruel de nos passions. Ce quelque chose passait inaperçu sous le regard des autres. Et pourtant, moi, je l’ai vu briller dans tes yeux. Je l’ai aperçu, une fraction de seconde, bien là, tapi au fond de ton être.

J’ai vu cette ombre devenir étincelle. Je l’ai vu se révéler, t’habiter, t’émousser, toi d’habitude si froide ! Il paraît que certaines couleuvres modifient leur pupille au moment de l’attaque pour avoir l’air plus menaçantes et ainsi intimider l’ennemi. C’est cette flamme dans l’oeil qui me fit reculer et comprendre que nous n’étions pas de la même espèce.

J’ai été, ce jour là, saisie d’effroi. Je n’avais jamais, jamais, chez aucune personne, « vu » une telle lueur! J’ai reculé. J’avais subitement compris d’où venait ton impitoyable mépris!

A ce jour, nul tribunal pour soumettre au jugement les gens de ta religion. Oui, disons-le, ta religion car il faut bien y croire pour vouer ainsi sa vie à une vocation impie. Je ne sais pas en quoi tu crois, à part toi-même! D’emblée de jeu, tu m’as enrôlée dans un face à face que je n’ai pas voulu. Je n’avais, de mon côté, aucune raison de t’en vouloir. Tu t’es servie de moi. Aussi simplement que cela. Ton dédain c’était, dans un premier temps, de me considérer comme un objet. Or, c’est allé bien plus loin que cela. Je n’ai pas seulement été un objet, une chose que l’on déplace comme l’on veut, à sa guise. J’ai surtout été l’objet de tes pulsions. Et quand je parle de tes pulsions, c’était des actes de destruction. Toute ta géguerre, c’était de me faire jouer au soldat, sans me donner les armes.

Tu as joué le rôle de la victime. Moi, par cette définition là, j’étais bourreau. Mais, comprends-tu qu’en ce qui me concerne, les hostilités n’avaient pas lieu d’être. Je ne suis pas entrée dans ton petit jeu tout simplement. Je vivais dans un monde rationnel_ puisque le contact affectif avec toi n’avait pas lieu_ et dans ce monde aride de mots, la logique de l’évitement était tirée à son extrême. Chacune de mes paroles était contestée, critiquée, refusée. Je me suis alors réfugiée dans le silence. Ce sur quoi, en maître de l’arnaque pourrie, tu as bien su rebondir. Et ce, pour me tirer dans le dos.

Je ne saurai jamais tout ce que tu as dit derrière ce même dos: le mien. Tu comprends? LE MIEN.

Tu m’as lancé des flèches en retournant le mépris sur moi: ce n’était pas toi qui me dépréciais, c’était, selon tes dires, moi qui ne t’adressais pas la parole. Et tout cela parce que, par respect pour toi, je me refusais à t’insulter ou te dénigrer à mon tour. Qu’aurais-je dû faire?

Te lécher les pieds et le plancher que tu souillais de tes mensonges? Alors, oui, j’étais distante. Un peu inacessible pour échapper aux orages et foudres de ton cru. C’était ma protection et c’est cela que tu as qualifié devant les autres, d’arrogance. Elle est hautaine! J’étais « hautaine » car je ne voulais pas utiliser de propos vulgaires pour me défendre. J’étais « hautaine » pour ne pas t’accuser grossièrement de ces choses que toi, tu me reprochais à moi. Mais que moi je ne te reprochais pas.

Ce que tu n’avais pas compris, c’est que je ne parlais pas ton langage. Il n’y avais pas de symétrie.

Si tu m’avais adressé la parole, autrement que pour me donner des ordres, si une seule fois tu avais voulu réellement savoir comment j’allais ou comment je voyais la vie, tu aurais compris qui j’étais. Tu aurais compris que je ne te voulais aucun mal. Mais pour avouer que je ne te voulais aucun mal, cela voulait dire, pour moi, que je devais admettre qu’avant de vouloir ce mal, j’y avais pensé.

J’y avais pensé et donc renoncé. Or, je n’y avais même pas pensé. Me faire dire que je ne voulais pas te tirer dessus avec le pistolet que tu me donnais alors que j’étais en train de cueillir des roses pour toi, « maman ».

Très chère, mère, mon chair et terrible bourreau…mes larmes n’ont jamais pu couler devant toi.

Parce que tu ne voulais pas que je sois une faible. Mais la faiblesse de l’autre c’est son humilité devant toi. La faiblesse de ton enfant, c’est sa nudité et son besoin de ton amour. Ce besoin aurait pu se contenter d’un regard. La nudité de l’enfant c’est qu’il ne peut pas pleurer si sa tristesse trouve dans le regard de l’autre le plaisir de tuer. Tout n’est pour cet enfant, et qu’importe l’âge ou la bouteille qu’il prend, tout n’est que surprise. Une surprise glacée par la menace d’une mère qui ne veut pas de son enfant. L’enfant naît innocent, maman. Et toi tu dis: l’enfant nest…je traduis: l’enfant n’est pas. C’est dans le regard de l’autre qu’il peut pleurer. Enore, faut-il…la possibilité de ce regard. Alors, oui, j’étais sur mes hauteurs, pour mieux te voir. Au moins, moi, je voulais te regarder. J’étais à portée de ta vue. Mais tu voulais de moi, dans cet affrontement cruel, pour que je sois à bout portant.

Rien de légal, rien d’illégal. Le désamour n’est pas imputable de crime. La destruction quotidienne qui engendre l’effondrement est beaucoup trop sournoise pour que l’on puisse en parler.

L’effondrement a bien lieu, lent mais bel et bien réel. Tout comme les fameuses Twin towers, on bombarde, mais de reproches, on tombe dessus de sa supériorité…et…

Tout croule. L’enfant qui ne sait pas encore marcher mais qui se prend une gifle pour qu’il sache au moins pourquoi il pleure. Texto (avec un accent de fierté dans le ton de la voix de la mère qui s’explique). Cet enfant apprend déjà à rester à terre. Pétrifié. Tellement apeuré que les sons ne peuvent plus sortir de sa bouche. Déjà. Et plus tard, pétrifiée par cette petite, imperceptible lueur:

le plaisir de dominer. Le pur et imprenable désir de trôner, la haut, sur la chair(e).

Ex cathedra.

Nul tribunal…que mes mots.

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