Créé le: 31.10.2019
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Très bien ensemble

Nouvelle

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© 2019-2025 a André Birse

Ecrit ce soir - livré ce soir . 31 octobre 2019. Continuerai peut-être. Ce qu’il y a de bien avec Webstory...
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Très bien ensemble

 

 

C’était tôt le matin, entre fin octobre et début novembre. On y revient toujours. Un brouillard de derrière la fenêtre nous envoyait de la lumière. Je devais être nu et sans humeur et me réveillai machinalement. Les gestes au lever, l’équilibre à retrouver. J’ai regardé ce petit écran qui ne me dit plus grand-chose. Neurones et pixels s’entremêlent dans une émanation crue de photons réchauffés. J’ai saisi, j’ai regardé, j’ai lu. Mes pensées ne s’étaient pas encore mises en mouvement à ce que j’en savais ou avais pu ressentir. Des mots sont apparus dans mon œil, un message reçu durant la nuit. Une jeune femme parlant de quelqu’un. Ce pouvait être moi, mais au passé et à la troisième personne du singulier. Je l’ai reçu en copie de Claire, mon amie de toujours et plus encore depuis que nous sommes ex. Des ex pairés ou repérés dans notre anonymat ablatif, débaptisé. Ah non ! Claire lui répond.

 

Des mots qui « vont très bien ensemble », le refrain chanté en français depuis soixante ans par Paul Mc Cartney. Bien ensemble, tout à fait, consistance, très bien, sans égard pour le faux. Plus solides que jamais et qui semblent absurdement vrais. Là, ce n’est plus de l’amour à venir, de l’amour à défaire ou à refaire, c’est plus solide encore. Elles échangent dans l’avenir sur mon passé et, à bien les lire, je n’en suis plus. Des mots qui ont leur assise dans ma vie vue par les vivants alors que je ne le serais pas. Claire s’interroge, et cette jeune femme aussi. Elles se demandent ce que j’ai pu ressentir avant de partir, et, à certaines heures de la nuit, les messages défilent, se succèdent, s’amoncellent sur l’écran. Il y a une place libre, des lettres accessibles puis leur surgissement. Elles prennent place, réalisent un tout, possible et aussitôt effectif. Ce pouvait être écrit et ça le devient comme par absence de magie.

 

Des faits de nos vies et des idées d’avant la fin de la vie et de plus loin aussi, plus extensibles ou étendues. Je me rends compte que cela m’amuse et à peine cette conscience venue, je m’en trouve attristé. Je me dis, là, sur l’instant, qu’il n’existe aucune raison de ne pas pouvoir lire par avance les messages qui s’écriront demain, comme jadis les journaux de « tomorrow », un demain d’avenir sans limite. Réalité, idée, confrontation des unes et des autres, jamais sans les unes et les autres. Bien lu, pas rêvé, encore ou à nouveau vivant depuis pas encore ce toujours qui jamais ne deviendra. Une de ces trois affirmations est fausse pour autant que l’on puisse la retrouver et les messages ont disparu. Je prendrai ma douche et demanderai à Claire. C’est ce que je me suis dit. Se dire, dans le mouvement provisoirement perpétuel de notre balance biologique. Et je n’y ai plus pensé.

 

Ces images créées par nous sur l’écran banalisé et le cerveau qui le serait aussi viennent dire l’unique réel sans le définir, ce trait bleu aperçu dans l’azur assombri des regards détournés. Un mot entre les images venu d’ailleurs et de maintenant reparti pour ici globalement. Se poser au-devant de soi, dans une main miniaturisée. La neige fragile et les profondeurs de ces après-midis qui ne tenaient qu’à un fil déjà électrisé. Le mot est tombé et il vient de l’avenir, je le devine en marchant. Elles parlaient de moi. Qui est cette jeune femme qui correspond avec Claire. Elle vient d’un jour pas encore apparu, je l’ai lu et le devine. Nous nous serons vus très peu de fois et peu de temps sans même nous connaître.

 

Il n’est plus question de connaissance.

 

Je ne sais pas ce qui m’attend et j’ai lu pourtant dans l’avenir des regrets qu’elle aura confiés à Claire qui les reçoit et les chérit. Ma part d’ombre dont je ne supporte pas toutes les conséquences leur sera révélée plus encore au-delà de cet instant d’anéantissement qui pourrait durer. Lire, répondre, dissoudre, en anglais. Aucun message n’échappe à cette règle. J’en reçois un auquel j’ai déjà répondu. Une entité cherche à se développer pour démentir l’inexistence. La réponse déjà apportée aux messages de demain. Irréalisable et déjà fait. Tout devient vrai à la notable exception de quelques impossibilités qui s’immiscent dans les images et les sensations individualisées. On n’en sortira jamais. Claire le sait bien. Elle me rappellera ou me sulfatera à une touche sur son écran. Nous nous reverrons et je lui parlerai de ma lecture matinale de mots qu’elle ne m’a pas encore envoyés et de ceux qu’elle échangea avec une jeune femme après ma disparition. L’essentiel est fruit de l’instant.

 

L’écran se vide et s’éteint. Plus rien n’y vient. J’en ferai de même. Claire le comprendra. Nous nous sommes interrogés en live sur ce qui reste de nous après le trépas. Ne rien se dire et rester ensemble en se quittant. Les êtres avec qui nous ne sommes pas et ceux qui sont en nous et avec nous par la force de la dissemblance et de l’identique. Nos esprits ont permis à nos propos de se décaler, pour fuir et fondre le caractère inéluctable de ce qui se veut raisonnable. Je vais faire un tour de l’univers à l’envers pour vous permettre de me retrouver et d’en faire de même. Claire paraît sceptique.

 

Peut-être n’ose -t-elle pas me dire que ce ne sera jamais fini.

 

 

 

 

 

 

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