Créé le: 08.09.2020
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Quelle journée !!!

Amour

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© 2020-2024 Eden

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Cette journée s'annonce exceptionnelle. Pourquoi? Qu'a-t-elle en commun avec les derniers 29 février ?
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Quelle journée !!!

A peine réveillée, je jette un regard à ma montre et y lis 8 heures. J’accuse mes yeux d’avoir perdu la vue et allume aussitôt ma lampe de chevet. La lumière confirme l’exactitude des aiguilles et attire mon attention sur la date d’aujourd’hui. 29 février. Et là bien sûr, mon esprit me ramène aux derniers 29 févriers. A la suite de ces fameuses dates, je suis devenue superstitieuse. Qui l’aurait imaginé ? Vous, peut-être ? Moi, pas un instant. Celui de 2000 correspond à ma première représentation, dans le rôle de Sissi l’impératrice, face à un public de tous les âges, alors que les soirées suivantes se déroulaient devant un public âgé. Bien que le théâtre m’ait donné confiance en moi, m’ait appris à rebondir entre les moments euphoriques et les passages à vide, j’ai quitté ma troupe devenue ma nouvelle famille du jour au lendemain. Personne n’a compris et moi pas plus que les autres !

Le 29 février 2012 coïncide avec ma rupture. Deux ans que je filais le parfait amour avec Fabrice, à partager nos rêves, à nous confier tous nos secrets, à dormir ensemble les mardis et samedis soirs. Pour compenser l’absence de l’autre le reste de la semaine, nous nous parlions souvent mais pas longtemps. Dès le réveil, la journée s’annonça différente. Si son sourire était identique, le plateau du petit déjeuner n’avait rien en commun avec les précédents. Alors que je ne bois que du thé, deux litres par jour, je considérais le café noir comme un ennemi. Du beurre sur mes tartines, alors que je ne mange que du miel. Des détails ? Peut-être pour vous, pas pour moi ! Après avoir partagé autant de petits déjeuners chez l’un ou l’autre, cela me semblait inconcevable. Le plateau est resté intact, le café a refroidi sans que Fabrice en comprenne la raison. Je me suis contentée de garder le silence en l’écoutant m’interroger, sinon il n’aurait pas reconnu ma voix. Je fuyais la lourdeur de ses yeux fixés sur moi et m’énumérais toutes les solutions possibles pour disparaître. Plus rien ne me retenait ici, j’avais pris ma décision. Heureusement j’étais chez lui et je suis partie, effondrée, mais soulagée de ne pas l’entendre m’appeler par un autre prénom. Fabrice semblait ne pas réaliser ce qui se passait et m’a suivie jusqu’à la porte d’entrée sans nouvelles réactions. A l’extérieure de l’immeuble, je me suis sentie forte, convaincue de bien agir. Le reste de la journée, je l’ai passé à me persuader que notre histoire n’avait rien de grandiose.

Le 29 février 2016 a été mémorable. En sortant de chez moi ce jour-là, Fabrice se tenait devant ma porte avec un plateau, composé de thé, de tartines de miel, d’une rose rouge. Son sourire semblable à mes souvenirs, son regard interrogateur, sa démarche m’ont profondément touchée. J’imagine sans peine la tête que j’ai dû faire. Sa présence m’a coupé le souffle. Aussitôt après mon départ, il m’avait contactée à maintes reprises sans succès. Plus les jours passaient, plus c’était facile de le décourager. Quand ses amis tentaient d’intervenir en sa faveur, ils essuyaient un tel échec qu’ils ne recommençaient plus. Quatre ans sans se croiser, à me rappeler les meilleurs moments, à me répéter que nous étions deux dans son coeur. Lors de ses messages whats app, je répondais de manière laconique ou « merci » à ses vœux d’anniversaire ou de fin d’année, sans jamais en prendre l’initiative. Mes réponses peu encourageantes ne l’ont pas arrêté, il a continué à se manifester, sans jamais oublier une seule date. Ses témoignages m’ont toujours fait plaisir et parfois je me suis sentie coupable de l’avoir empêché de s’expliquer ce jour-là. Malgré cela, le temps n’a pas atténué ma conviction, celle d’une rivale partageant son lit.

Sans prononcer un mot, je me suis remémoré notre histoire en buvant mon thé et en mangeant avec gourmandise la tartine, alors qu’il me dévorait des yeux. L’intensité de son regard était aussi forte qu’autrefois, rien n’avait changé. Séduite, j’ai ri, il a ri, puis j’ai fermé la porte derrière lui et l’ai conduit dans ma chambre. Le bruit des voisins, les freinages d’urgence en bas de la rue m’ont laissé de marbre, seul le son de ses paroles existait. Rien ne comptait davantage que lui et moi en cet instant. Notre complicité se révélait indemne. Quand il a voulu parler de cet affreux petit déjeuner, composé de café et de beurre sur mes tartines, je lui ai mis un doigt sur ses lèvres pour ne rien savoir. Rien ne pouvait justifier ses actes et l’écouter n’aurait fait que raviver ma rancœur. Il a grimacé, m’a dit que j’étais un drôle de numéro, une nana inoubliable et que quatre ans sans moi ressemblait à une vie sans courir ou si cela me parlait davantage, à une vie sans lumière. J’ai ri avant de lui demander à combien de marathons il avait participé. Ces quelques minutes où il m’a rapporté ses résultats ont suffi à me convaincre de sa sincérité. Avec délicatesse, il a posé sa main sur ma nuque et m’a embrassé avec passion. A midi, ivre de ses caresses, de ses promesses, je l’ai accompagné jusqu’à ma porte.

Dès le lendemain, il m’appelait. Je l’ai remercié pour sa visite et je lui ai dit que même si j’avais encore des sentiments pour lui, nous n’avions pas d’avenir. Sa première réaction a été de rire, mais quand il a réalisé que je ne riais pas, il s’est arrêté d’un coup. Pour éviter ses questions ou ses commentaires, j’ai déclaré que j’étais déjà en couple et heureuse. J’imagine qu’il a dû se répéter mes mots pour les intégrer, car son silence était éloquent. Contre toute attente, il a ajouté, c’est normal, une fille comme toi ne restera jamais seule bien longtemps et là, il s’est mis à se traiter d’abruti, du roi des cons. Sa voix s’est endurcie en une fraction de seconde. J’ai préféré le calmer et le saluer, car je n’aimais pas la tournure de notre échange. Puis à mon grand étonnement Fabrice s’est montré vulnérable, en me confiant que rompre la communication maintenant lui donnait la cruelle sensation de me perdre une seconde fois. Le ton de sa voix s’était radouci.

A tort ou à raison, tous les ans, j’ai répondu à chacun de ses témoignages, mais sans jamais en prendre l’initiative, vis-à-vis de mes petits amis. Lorsque je débutais une relation ma réponse était brève, afin de ne pas l’encourager et de donner une chance à ma nouvelle histoire. Lorsque j’étais sûre de mon couple, j’écrivais davantage.  Fabrice et moi nous croisions à chaque printemps, chaque été, à chaque fois c’était pareil, tels des aimants, nous finissions dans son lit. Même si j’étais faible face à ses avances, sa nature infidèle me rebutait et mon manque de confiance en lui était permanent.  Me croyant acquise, il s’enthousiasmait et projetait des vacances, des balades en forêt ou des courses de montagne, sans s’émouvoir de mon silence. S’ensuivait une séparation immédiate, sans explication, sans remords, sans chagrin.

Puis Raphaël a croisé mon chemin, un coup de foudre, le seul en trente ans. Ces six mois passés ensemble ont changé ma perception de l’amour, m’ont épanoui de jour en jour, m’ont donné confiance en l’avenir. C’est tout naturellement qu’il s’est installé dans mon appartement, depuis nous dormons toutes les nuits dans les bras l’un de l’autre. Fusionnels. Désormais Fabrice est relégué au passé, n’a plus d’emprise sur moi. Si je devais le croiser, je me contenterais de discuter avec lui. Aujourd’hui, j’y pense malgré moi, à cause de la date du 29 février. Dans quelques heures, je ne penserai plus à lui, je m’en fais la promesse. Ce matin je me suis exceptionnellement réveillée seule pour profiter de ma journée, car ce soir au crépuscule je me marie.

Je trouve incroyable d’avoir vécu l’une de mes pires journées un 29 février pour me retrouver huit ans plus tard à vivre le plus beau jour de ma vie un 29 février. Sa demande en mariage était aussi inattendue que magique, belle, extraordinaire. Tous les mots de la terre sont trop faibles pour décrire la joie, le bonheur ressentis à cet instant-là. Raphaël et moi avions parcouru une longue distance en moto et finissions notre pique-nique assis, les pieds dans une rivière. Entourés d’une nature luxuriante, je chantonnais lorsqu’il me couvait de son regard amoureux. Soudain, il s’est levé pour aller chercher je ne sais quoi dans sa veste, posée sur le siège de sa moto. Je l’observais intriguée, silencieuse, appréciant notre halte. Moins d’une minute plus tard, il s’asseyait au même endroit, la mine réjouie. Je ne devinais pas ses intentions lorsqu’il me demanda en mariage.

 

Sous l’effet de l’émotion, j’ai dit oui. Puis en y réfléchissant j’ai réalisé que mon oui correspondait à l’idée d’unir nos destins, quant au choix de la date, il me rendait sceptique, songeuse. Très vite, je me suis laissé influencer non seulement par ses arguments mais par son enthousiasme. Bien sûr il s’agit aussi d’une date particulière pour un événement unique, mais son idée de célébrer nos futurs anniversaires de mariage par un voyage au bout du monde tous les quatre ans m’a séduite. Je ne travaille pas dans une agence de voyage par hasard, les voyages me passionnent depuis mon plus jeune âge.

Bon, je me suis assez remémoré mon ancienne vie et ma nouvelle, à présent il est temps que je passe sous la douche, mes témoins, Julie et Cathy ne vont pas tarder à arriver. Même si je ne me soucie pas de savoir si Fabrice a appris mes fiançailles, je me demande malgré tout s’il sait que je me marie aujourd’hui et si ça le touche. Dans le cas contraire, j’aurais un pincement au cœur, même si je lui souhaite d’être heureux.

La sonnerie retentit, dès l’entrée de mes témoins dans le corridor, elles ne cachent pas leur surprise de me découvrir en chemise de nuit et se moquent de moi, tout en me donnant l’ordre de me dépêcher. D’une seule voix, elles déclarent que nous n’avons pas toute la journée devant nous ! A moins que je renonce à prendre Raphaël pour mari et que nous partions en vacances toutes les trois !!!

Je suis dans ma salle de bains lorsque j’entends la sonnerie résonner. N’attendant personne, mes amies se précipitent à la porte d’entrée pour se retrouver face à un livreur. Celui-ci confie un immense bouquet de roses rouges à l’une et une petite carte à l’autre avant de s’en aller. Cathy vente le romantisme de Raphaël et exprime son souhait de rencontrer un homme comme lui, pendant que Julie met les fleurs dans un premier vase qu’elle installe sur la table du séjour. Cathy cesse de fantasmer et rassemble les roses restantes dans un deuxième vase qu’elle pose à l’entrée de ma chambre. Elles se retrouvent dans la cuisine et chuchotent en attendant d’observer ma réaction. Ma douche expédiée, maquillée au minimum, je suis habillée d’un jean et d’un pull en laine. Je trouve curieux de ne pas entendre mes acolytes ou la radio lorsque j’arrive devant ma chambre à coucher.

Ma stupeur est telle que je reste sans voix. Mes épaules s’affaissent, les battements de mon cœur s’envolent et je sens mes joues s’empourprer. Je me demande à quoi il joue !? S’il se rend compte de sa méprise ? Pourquoi me livre-t-il des fleurs pour la première fois de sa vie le jour de mon mariage ? S’imagine-t-il me reconquérir un jour comme aujourd’hui ? Est-il désespéré au point de jouer sa dernière carte ? Souhaite-t-il me faire croire qu’il est un nouvel homme ? Je me pose toutes ces questions, en sachant que je n’aurais pas les réponses quand j’entends Julie me crier :

– ma chérie, tu n’as pas fini de te remettre de tes émotions ? Viens-nous voir ma belle !

En les rejoignant, je ne cherche pas à cacher ma contrariété et surprends aussitôt leur regard interrogateur. Cathy me prend par la taille et me dirige vers le second vase. Je sens le poids de leurs yeux sur moi et comprends que mon exaspération est mystérieuse. Bien qu’elles attendent impatiemment mon explication,  sans décolérer, je demande d’une voix tendue si le livreur a laissé une carte à mon attention. Sans rien dire, Julie se retourne, prend la petite enveloppe posée sur mon assiette et me la tend, en me dévisageant. Je me sens gagner par une nervosité grandissante puis disparais dans ma chambre à coucher où je m’enferme. D’un geste vif, je sors la carte de son enveloppe et lis :

Tu es à moi, comme je suis à toi, aujourd’hui, demain et pour toujours ! Je passe te chercher à midi !

Je relis ses mots écrits de sa main avant de déchirer la carte au-dessus de ma poubelle. Agacée, je quitte ma chambre, retrouve mes amies restées dans la cuisine. Je m’assieds et leur déclare que les fleurs viennent de Fabrice. Leurs expressions reflètent leurs surprises, je n’écoute que de loin leurs réflexions. Je mange des tartines, mais l’appétit m’a quitté, j’ai même beaucoup de peine à faire comme si je n’étais pas perturbée et je ne parviens pas à penser à autre chose qu’à ses fleurs, ses mots, sa méprise. Je lui en veux de nous gâcher ce moment censé être privilégié. Quand Cathy essaie de détendre l’atmosphère en me conseillant d’apprécier ses fleurs comme un cadeau d’adieu, je leur déclare que Fabrice va passer dans une demi-heure. L’une grimace, l’autre fronce les sourcils avant de critiquer sa façon d’agir et de me suggérer de ne pas le voir. Afin d’abréger cette conversation qui n’aurait jamais dû avoir lieu, je leur annonce qu’elles devront être parties avant son arrivée. Pour toute réponse, je devine qu’elles ruminent en silence, abasourdies par ma décision de le rencontrer. Cathy se lève et débarrasse la table bruyamment, tandis que Julie rouspète. J’énonce faiblement :

– Je suis désolée les filles, mais je dois lui dire quelques mots avant de vous rejoindre. Je lui expliquerai que nous n’avons plus rien à partager.

– Sois ferme, sinon il s’attendra à des parties de jambes en l’air, mariée ou non !

– A moins que tu lui fasses tes adieux et que notre après-midi tombe à l’eau ?

– T’es folle, je suis sur le point de me marier ! Et je te rappelle qu’il n’y a plus rien entre nous depuis que je suis avec Raphaël ! Fabrice n’existe plus !

– Permets-moi d’en douter ! Tu ne vois pas dans quel état il te met ! Garde en tête Raphaël !

Sans m’entendre râler, mes amies quittent l’appartement. Je regrette mon manque de sérénité et de subir cet imprévu. Vivrais-je un jour un 29 février semblable à un jour normal ? Pour être sûre de les rejoindre au plus vite, je prépare mon sac en gardant à l’esprit les avertissements de mes témoins. Lorsque la sonnerie vibre, je suis rassurée d’en finir avec Fabrice, mais j’hésite malgré tout à lui parler en restant derrière la porte. Je m’approche sur la pointe des pieds, peu sûre de mon choix, lorsque mon portable, enfoui dans ma poche sonne. Je m’immobilise, jette un coup d’œil sur l’écran et découvre le portrait de mon homme. En m’éloignant de la porte d’entrée, je lui réponds.

 

En raccrochant, je me sens forte et observe que l’appel de Raphaël est un signe, celui de passer cet après-midi avec mes proches avant notre union devant nos familles et amis. De son côté Fabrice semble avoir compris le message, il est parti sans avoir insisté. Aussitôt, j’appelle Cathy pour l’avertir de mon arrivée en fermant la porte derrière moi. Je descends joyeusement les escaliers, ouvre la porte principale de l’immeuble et me retrouve dans la rue, face à ma mini, recouverte de roses rouges. Si je ne la connaissais pas, je ne saurais même pas sa couleur ! Une fois encore, je suis surprise par le témoignage de mon ancien fiancé et me demande si je le raconterai à mon futur mari. Ce qui m’amène à constater qu’il m’offre uniquement des tulipes, sans savoir que les roses rouges sont mes préférées. Je m’avance vers ma voiture, ramasse les roses sur le toit, puis celles glissées dans les portières des passagers, ouvre la porte de derrière et jette l’ensemble des fleurs sur les sièges arrières, je me relève, rassemble les roses couchées sur le pare-brise. Là j’aperçois à l’intérieur, à la place du passager, une tête, dont le regard amusé me scrute, sous l’effet de la stupeur, je recule et fais tomber les roses. Fabrice sort de la voiture, se baisse pour les prendre et me les offrir. Je reste sans voix. Il s’en amuse et me demande mes clés de voiture. Tel un automate, je les lui donne et m’assieds sur le siège passager, les fleurs dans les mains. Il ferme ma porte, fais le tour de la mini, arrive à la hauteur de la porte conducteur et s’empare des dernières roses qu’il place avec douceur sur mes jambes. Au moment où il met le contact, je lui ordonne de rester là. Feignant de ne pas m’entendre, il met le clignotant et s’élance sur la route en sifflotant. Sentant mon regard sur lui, Fabrice me regarde l’air réjoui et fier de son initiative. Son assurance m’énerve. Pour le contrarier, je me tais et sors mon portable. Il me l’arrache immédiatement des mains et affirme que les heures à venir nous sont destinées. Je rétorque qu’il pourra me dire n’importe quoi, cela n’a pas la moindre importance, mon mariage aura lieu ! D’un geste rapide, il ferme l’ensemble des portes de la voiture et reste concentré sur la route, sans parler. Je ne réagis pas, examine le chemin, les panneaux lorsque je reconnais au loin la petite auberge où il m’avait susurré ses sentiments. A sa hauteur, il jette un coup d’œil dans le rétroviseur et constate que personne ne nous suit, il coupe le courant et me couve des yeux comme autrefois. Il ne dit rien, c’est inutile. Je garde le silence, me rappelle en détail ses paroles, le timbre de sa voix. Deux minutes peut-être s’écoulent avant qu’il remette le contact et poursuive son but. La sonnerie de mon portable nous ramène à la réalité, il grimace en éteignant mon I phone d’un geste impatient. Je prends sur moi pour ne pas m’énerver et réfléchis à une solution, je ne veux pas perdre mon temps avec lui, alors que mes amies m’attendent au spa où un massage m’a été réservé.

Fabrice allume la radio puis baisse le son, la chanson lui évoque le souvenir de notre premier trajet en voiture pour la Provence. Il me compte l’intégralité de notre voyage afin de me prouver qu’il se souvient de tout, tout en parcourant l’itinéraire qu’il s’est fixé. Il est si absorbé par son récit que ma mauvaise humeur passe inaperçue, sa façon d’agir n’a pas évolué, au contraire il me démontre qu’il n’a pas changé, il ne voit que ce qu’il veut voir ! C’est fou, c’est à croire qu’il interprète mon silence comme un signe d’encouragement, il doit penser qu’il est en train de me reconquérir ! Dans l’immédiat, cette solution me paraît favorable et me permet de concevoir un plan. Cette sensation d’être kidnappée me révolte, mais au moins je n’ai pas peur. Pourtant, je me sais incapable de jouer cette comédie tout l’après-midi !

Lorsque nous approchons d’une station-service, je lui demande de s’arrêter, en précisant qu’il nous faut davantage d’essence pour nous rendre à la prochaine étape. Ravi de m’entendre, il me caresse la joue, me sourit et répond avec douceur :

Bien sûr mon amour.
Merci.
Il ralentit, tourne à droite et se dirige vers la pompe à essence. Je cache mon impatience à mettre fin à ce canular. En sortant de la voiture, il prend le jeu de clé avec lui et ferme celle-ci. Je fais semblant de ne pas l’avoir remarqué, puis je le regarde remplir le réservoir, mon téléphone logé dans la poche arrière de son jean. Au moment où il s’éloigne d’un pas rapide vers la caisse, j’ouvre nerveusement la boîte à gant, fais tomber son contenu avant de m’emparer du double des clés.

J’ouvre la voiture.

Je quitte mon siège passager, je cours.

Et je m’installe derrière le volant, glisse la clé et disparais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires (1)

Mouche
16.09.2020

Wow ! quelle journée en effet ! Bravo Eden, j'adore ce texte...

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