Créé le: 31.07.2021
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Quand j´oublie d´en rire…

Philosophie

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© 2021-2024 Marie Alba

Si l´ennemi et l´amant, tous deux ne faisaient qu´un ? Si dans ce que l'on juge autre, sommeillait notre reflet ? Si cette souffrance de se sentir "séparé" n'était qu'une offrande à la vérité ? Et que chacun en lui-même, portait le monde ? Alors, j'écrirais cette lettre...
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Lettre intemporelle.

 

 

 

À l´intention de celle qui saura se reconnaître.

 

 

 

 

 

Sais-tu, combien de peines, d´incertitudes inavouées,

d´amertume, j´ai dû endurer, avant d´avoir le courage d’écrire cette lettre?

De cette éternelle guerre, je ne m’en attribue pas les mérites.

Je n’ai fait que répondre et me contraindre à cette mortelle hérésie,

que je nommerai plus joliment, l’expérience humaine.

 

 

Si aujourd’hui, il m’est permis de t’écrire,

c´est qu´enfin ma personne a su dépasser ses querelles, pour s’éprendre pacifique,

d´une plus noble cause.

Quant au loin se meurent, mes belles et tendres nostalgies, je comprends alors que j´ai eu tort de te croire ennemie.

Qu’à travers les injustices et l’apparente cruauté de tes formes,

tu cherchais à m´enseigner des vérités subtiles et sciemment gravées dans les profondeurs de mon âme.

J’ai conscience que tu sauras lire entre ces lignes et ces mots déliés.

Pour en retirer l’essence, le substrat de ma volonté.

Je n´ai ni su te prendre, ni su t’accepter et aujourd’hui encore je recherche les chemins,

les chemins pour te rejoindre, les chemins opposés à cette vile intolérance et cet oubli damné.

Dépasser mes rancœurs, accepter mes mensonges, comprendre que tu n’as été que le reflet de mon inconscience.

 

Je m’y suis résolu et ne cesse d´y travailler.

Mais tu le sais comme moi,

cette dualité est inscrite dans mes gènes, car elle fait partie de ce jeu du monde et semble bel et bien souveraine.

Pourtant, je tente sans relâche de ne plus la réprouver, depuis que je l’ai comprise messagère, d’une plus grande vérité.

 

Seras-tu fière de moi?

je te l´avoue, j´en doute, car il est vrai qu’au fond, cela sonne encore comme un mensonge. Je l´accepte.

Je t´ai rendu étrangère et j´ai fait de toi mon déni, j´ai discrédité tes contraintes pour n´étreindre que les choses que j´avais choisi.

Et je n’en suis toujours pas là, j’imagine que tu le sais bien,

à dépasser les contraires et embrasser mon ombre,

comme une amie fidèle, une amante omnisciente.

Mais s´il te plaît crois moi et cette lettre en est la preuve,

j´ai compris que je ne me battais que contre mes peurs.

Il est vrai que je t´admire, tout autant que tu m’insupportes, mais je saurai à l’avenir m’en attribuer la faute.

À ce moment même où je m´efforce d´être authentique,

Voilà de nouveau, que je néglige la candeur, au profit de lâches conventions, par intérêt pour les leurres et la raison.

Voici que je me tords en vain, me justifie, en trouvant des tournures et des mots bienséants, alors qu´il ne me suffirait que d´avouer une chose.

D’avouer que tu es la seule,

la seule à savoir,

le moindre de mes secrets, les racines de mon manque, l´origine de mes faits tout comme celle de mes tourments.

Et c´est bien pour cette raison,

que je t’ai haï, quelques fois condamné.

Sachant que tu détenais dans les plus infimes détails, chacune des réponses que je cherchais éperdument. Sans jamais qu´une seule de mes trouvailles puisse m’être avérée.

Toujours,

silencieusement active, tu étais là maline et moi minablement éteinte,

je ne savais par quel bout t’accueillir, par lequel de tes mirages m´atteler.

Alors toi qui sais si bien comment parler sans mots aux arrogants et aux ignares,

tu m’as révélé l’envers, en me montrant ton égal.

Oui, d’abord tu m’as montré la mort.

Comment pensais-tu que j’allais le prendre ?

Je l’ai pris comme tout un chacun, je l´ai donc pris mal, même pire encore.

Mais peu à peu j’ai su deviner, que tes cadeaux ne m’étaient pas dû et qu´il fallait que j’apprenne à te connaître, avant de prétendre te changer.

Sans toi, je ne suis rien et pourtant sans toi, je suis tout.

Alors après la mort, la solitude.

Ta complice farouche!

Je t´imagine riant aux éclats en voyant tous ces êtres se morfondre et se sentir si seuls quant bien-même, entourés de monde.

Dis-moi,

Pourquoi l’homme s’enferme-t-il dans sa solitude, alors que tout ce qui l’entoure semble être là pour le guider, le regarder amoureusement et lui donner le pouvoir, non… La chance, que dis-je…La possibilité de transmuter ?

Je te pose cette question, mais comme d´habitude avec toi, toute question n’est que pure rhétorique.

Alors je répondrai à celle-ci, par ce que j’ai cru comprendre de ma propre solitude.

Qu´elle est comme le reste, dépendante de ma perception, différente pour chacun,

tout et rien à la fois.

on pourrait voir en elle, aussi bien la souffrance que le plus merveilleux des cadeaux.

Soit dit en passant,

quelle intelligence d’avoir déposé dans l’humain ce souvenir du vrai lien, sans jamais lui permettre de l’atteindre vraiment.

Lui glissant dans le creux du palais, un goût âpre, acide et rance et lui murmurant en fond l’éternelle mélodie, des transes nostalgiques de l´insatisfaction.

Toute cette mise en scène, je l´imagine,

Dans l’intention de pouvoir jouer la mère aimante, inconditionnelle et présente quoi qu’il advienne.

Afin que, épuisés par les vanités du monde, certains consentent à se réfugier en toi.

Seulement regarde,

j’écris des absurdités et toi, tu me laisses écrire, sans me l´empêcher.

C´est sûrement une de tes facettes qui m´est le plus difficile à admettre.

Que tu puisses accepter les unes et les autres sans distinction.

Ainsi, je comprends pourquoi nous avons dû nous inventer des morales, des fables manichéennes et le jugement, pour éviter de justesse de nous entre-dévorer!

Quoique cette idée reste discutable…

Finalement, je crois que je t´admire!

Sache que mon amour pour toi est plus fort que ma haine.

Bien que ces jeux de valeurs ne te soient sûrement d´aucune importance.

Tu me sembles être la plus incroyable des artistes !

Prête à sacrifier la moindre chose, dans l’intérêt de la pure création.

Mais comme tu peux le voir, j’ai encore échoué.

J’avais entrepris cette lettre afin de revendiquer mes souffrances, te convaincre de me révéler tes buts et tes mystères.

 

Je voulais que tu comprennes mon indignation.

Mais inéluctablement, je me rends compte que je ne fais que me parler à moi-même.

Toutes ces choses que je te reproche,

toutes ces moisissures de ma personne, me couvrent le visage et puis les yeux.

Elles ont d’abord grignoté mon innocence et si je ne fais rien, finiront par me manger, entièrement.

C’est étrange…

On dit souvent que les yeux sont  » le reflet de l’âme. »

Je suis capable de voir mon corps, je peux voir mes mains retenir et donner.

Avec un peu de contorsion, je peux entrevoir mes lèvres balbutier, je peux voir mes pieds.

Mais jamais, jamais je ne pourrai voir mes yeux en face.

Et bizarrement, le seul moyen de percevoir le “reflet de mon âme », c´est bien dans le regard d´un autre.

Non pas ce “regard des autres”, que nous avons tous plus ou moins intégré dans les confins de nos esprits malades, comme un juge impitoyable et récalcitrant.

Mais plutôt ce regard sans regard, ce regard qui ne se manifeste que par l’alchimie de la relation. Ce regard qui, sans la magie de ta dualité, ne pourrait être.

Ou peut-être, il serait, mais sans le besoin d’en être conscient.

Oui, je te vois venir…

Je pourrais éventuellement utiliser notre renversante technicité, et me regarder dans un miroir. Mais tu le sais, ce ne serait pas mes yeux que j´y verrai.

 

Pour en venir au fait,

je me suis questionnée sur la meilleure manière de te faire parvenir cette lettre.

Et j´ai trouvé celle-ci, j’aurais très bien pu crier ces mots sur les collines d´en face, les seriner à un écureuil ou bien à mes pieds.

Mais je me suis dit que tes charmes seraient plus efficaces, si des yeux inconnus pouvaient la lire.

Dès lors, cette lettre n’aura plus du tout le même sens.

Elle sera tout ce que je me refuse d’admettre et en cela sûrement plus vraie.

 

 

 

Bien à toi, dénommée Vie.

Ta dévouée enn-amie, Marie.

Commentaires (2)

Thomas Poussard
10.08.2021

Intéressant... Je me demandais à qui c'était adressé, et ne m'attendais pas à cette (belle) chute !

Marie Alba
11.08.2021

Merci Thomas :) Pour ce retour.

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