Créé le: 30.06.2015
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Puissante dorsale

Nouvelle

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© 2015-2025 a André Birse

Improvisation avant et durant juillet  -  sur le thème, aussi, du concours 2015
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Puissante dorsale

« Une puissante dorsale de hautes pressions » dominera le ciel d’Europe ces prochains jours.

La chaleur régnera. Genève dans la même masse d’air que celle qui fait qu’Alger est Alger. Un autre été. Une hyper-canicule médiatisée avant même d’arriver. Une crainte supplémentaire, un bout de saison pour ne pas s’échapper. Le corps s’apprête, l’esprit respire. Juillet sera peut-être torride cette année. Il est terrible à chaque fois. Ce mois comporte sa part de ciels resplendissants, de nuits chatoyantes et de temps secs renouvelés, de vides recommencés. Juillet au milieu de la vie étire les effets de son chant, ravive les audaces de sa nuit, acquiesce à la progression des effacements. Il faudra choisir entre les événements et la neutralisation de la vie, ce qui se passe et ce qui recommence. On annonce. Quoi ? Une survivance, un rappel. La petite brise disparaîtra et les arbres ne bougeront pas. Il faudra dormir et profiter du tout en un dans cette saison unique et intemporelle. Le proche avenir est une promesse à saisir, un obstacle à éviter. Il faudra s’y reprendre autant de fois que nécessité fera loi. Aucun absolu, des milliards de petites idées, une pluie de vérités. J’irai nager. Je bomberai le torse seul sous un arbre pour en prolonger l’ombre. Je participerai au marché des regards, les cris viendront à moi. J’agirai et j’écouterai dans cet été brûlant qui ne se défilera pas sous mes pas. Les sensations de densité et de lenteur alterneront en moi et je rêverai de vent frais.

 

Puissante dorsale

J’écrirai aussi pour un concours d’écriture en m’inspirant avec les autres concurrents d’une étonnante image, un arbre dans un miroir, dans des tons bruns en une saison qui n’est pas juillet. Un reflet d’automne dans cet anticyclone pourvoyeur de canicule. L’imagination en partance, le désir d’écrire et de le faire spontanément avec mon langage parti lui aussi à sa propre recherche. Ces textes que l’on travaille et ceux qui nous sortent des doigts. Celui que l’on serait devenu, et le style que en résultera. J’y vais, j’avance. Ne pouvant précéder l’été, je l’attends, résolument. Et je participerai.

30 juin 2015

Les fenêtres sont ouvertes, le jour et la nuit. Le vent s’invite, discret et précieux. L’été reprend vie avec le poids d’un soleil qui serait tombé sur terre. L’esprit suit, tout doucement. Il a besoin de sang. Le sang qui monte à la tête et nous fait tristes ou furieux. Les occasions ne manquent pas. On s’agite dans l’action, on se tourmente dans la passivité. Ce miroir contre le mur, à quoi me fait-il penser ? A qui ? Le miroir, c’est un lieu. Le lieu des regards fixes et des interrogations fuyantes. Se mirer sans d’admirer. Je me souviens d’elle me regardant enfant me mirant et craignant que je ne m’admire. Elle avait mis un linge de bain contre le miroir. Elle me croyait en danger. Je l’étais probablement et je le suis toujours. Mais Narcisse ne m’a pas dévoré. J’ai fait la part des choses et le miroir est resté là.

La chaleur tient ses promesses. Elle semble alourdir le hasard de la physique et des émotions. Il faut mettre à profit chaque instant dans cette lumière et laisser venir l’ombre du soir. Rester attentif par moments devant le miroir, fixement. Rien n’aura bougé et c’est une réalité qui passe, qui, déjà, a passé. D’un à l’autre. De l’existant à l’existant. De l’autrement à l’autrement. L’image me revient, l’image de l’image du miroir. Mais je ne sais plus laquelle. Je ne suis plus sûr de rien sinon de la présence du miroir reflétant et de la mienne, le regardant sous un angle différent. Similitude de l’altérité, j’affecte par espoir de connivence de ne plus me soucier de sa présence. Les réalités sont innombrables et celle qui sera restée penchée sur le miroir n’aura pas de valeur particulière. Elle restera penchée sur le miroir. L’arbre ne se penche pas ni ne penche. Il est droit dans son automnale nudité. Cet arbre évoque un vieux souvenir d’accident de voiture que l’on m’a rapporté. Nous avions passé devant l’arbre quelques instants après. Le drame venait de se dérouler. J’ai vu sur son visage qu’elle était effrayée, glacée, défaite et meurtrie. Nous avons poursuivi et n’en avons plus jamais parlé. Les anonymes et les fameux ont connu ce sort fatal au pied de l’arbre. Il m’est arrivé de rêver et de méditer, sur place. Mais l’arbre ne parlait pas ni son reflet dans le miroir. Personne n’est venu. Puis une autre image en mémoire, dans le miroir. Elle passait à bicyclette. C’était, il y a longtemps. Avant nous, avant moi. C’était elle simplement, sans danger sur sa route. Je la regarde dans son passé. Je la vois sourire et pédaler, joyeusement, légèrement. Sans aucune entrave.

Le miroir le plus fou est celui que nous tend la mémoire. Il n’est jamais sérieux, ni tranquille. Par politesse à l’égard de qui le voudra, j’observerai que le miroir peut être rassurant. Mais il faut lui parler et parler à un miroir revient à se parler à soi-même. Ce n’est toutefois plus un discours intérieur. Avec le miroir on passe aux choses sérieuses et concrètes, celles du monde extérieur, dont soi, par l’image. Se parler à soi-même par la pensée, sans oralité. C’est alors que nous sommes déraisonnables et c’est ainsi que nous gardons la raison. On entretient de longs silences en s’adressant aux miroirs taiseux. J’en veux parfois à la fenêtre de ne pas se faire miroir et je lui suis reconnaissant de me laisser passer, c’est-à-dire de se laisser traverser par mon regard de ne pas se faire reflet et de ne rien trahir, de n’être pas sans tain. La pluie s’invite, se fait dérangeante, nous fait du rentre dedans. Les courants sont divers. Au sol, en altitude. C’est mon actuel sentiment de vie au aussi, au sol, en altitude. C’est une suite aléatoire que grands coups de vents, coups de balais qui semblent nettoyer les corps et assouplir les esprits. Il faudra revenir à l’essentiel, par le repos, l’absence, puis dans l’action et par les mots. L’essentiel par les mots c’est une mission délicate et incertaine à laquelle se soustrairont mon ordinaire et mes improvisations.

juillet 2015

Commentaires (1)

Starben Case
14.07.2015

Cher André Birse, votre texte me donne la sensation que ce sont les saisons qui nous traversent et qu'elles nous mènent par le bout du nez toute l'année!

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