Créé le: 29.11.2024
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‘Oh Temps, Suspends Ton Vol…’

Voyage

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© 2024 Astrid Bartell

Merci à Lamartine. Et aux bois de Collex-Bossy. Les deux sont effectivement indissociables. Non, cette amorce est assez nulle. Allez quand même lire, votre temps ne sera pas perdu. Ou qui sait?
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‘Oh Temps, Suspends Ton Vol…’  ( A. de Lamartine)

Donc, le temps, ça vole. Ah bon ? Comme un voleur ou comme un bourdon ? Comme un voleur d’abord peut-être. On pourrait dire que le temps est effectivement un voleur de vie et oui, re effectivement, le cliché à ras les pâquerettes est d’une banalité affligeante. Comme un bourdon ensuite. Bon. Là, on vole en mode métaphore aux allures de personnification puisqu’il faut bien que le temps ait une sorte de corps pour pouvoir lui coller des ailes. Bref. Le modeste propos qui suit vole dans la direction d’une sorte de notion de temps suspendu apparemment aussi chère à Lamartine qu’à D.H.Lawrence. Re bref. Quoi qu’il en soit, le temps, d’après ce que j’en sais, ça passe toujours au même rythme chronométriquement parlant.

Et pourtant.

Sur la chaise du dentiste, vingt minutes, c’est au moins une demi-journée. Et qui risque de devenir tout une semaine quand les effets des anesthésies locales se font la malle et qu’on est bien forcé de se retrouver face à face -bouche largement ouverte devant le miroir de la salle de bains ou en fonction selfie du portable- avec le chantier buccal en cours.

Directement sous les étoiles des Canicules ou devant un feu de cheminée dans des embrassades tellement expertes qu’elles en deviennent les références de toute une vie d’adulte, le temps passe vite, beaucoup trop vite. Là, une minute se résume à quelques secondes, un flash, une fulgurance, délice jamais oublié. Partenaire non plus, d’ailleurs.

Trop rapide ou trop lent, le temps peut-il vraiment être suspendu ? Mais suspendu à quoi, d’abord ? Les bretelles du grand-père ? La corde à linge ?

Sûrement pas. Et pourtant je les ais vécus, ces regards dans l’Eternel dans lesquels le temps a beau nous vieillir une seconde après l’autre, il n’existe tout simplement plus. Au vestiaire, la Clepsydre, cou-couche panier le Sablier.

Une Présence. Divine, gracile, parfaite. Des yeux noisette aux reflets d’or bordés de cils sans fin. Immobiles. Et une sorte de sourire en forme d’ ‘Attrape-moi si tu peux.’ Des yeux noisette immenses et parfaits plongés dans les miens ou inversement, une sorte de commissure aux lèvres d’une beauté irréelle. Quatre membres se plient dans un mouvement élastique et voilà la Biche disparue dans le sous-bois. Qui m’observe en souriant, je le sais, je le sens mais je ne la vois plus. Et là, le Temps reprend.

‘Chemine avec moi, promenons-nous ensemble’, me dit-il. J’ose obéir. Et nous voilà côte à côte, lui dans mon regard périphérique, ses jambes kilométriques ne se souciant pas de leurs appuis alors que je fais attention à chaque pas. Puis, après des distances éternelles, le voilà qui me parle à nouveau. ‘Continue sans moi,’ me dit le Héron qui reste là, à quelques pas, et m’invite à poursuivre mon chemin. Les cloches de midi qui en ont oublié de sonner battent désormais à toute volée. Il est un peu plus de quatorze heures.

Il ou elle, je n’en sais trop rien et franchement, je m’en fiche, est là, assis(e) au bout du chemin et m’attend comme d’habitude. Je m’approche encore plus lentement qu’hier, les yeux au sol ou presque, mon regard intérieur braqué sur sa silhouette absolument parfaite. Il -ou elle- n’est que symétrie de velours et je sais que sa douceur sauvage est parfumée de baies mûres, d’humus odorant, de fougères verdoyantes. Son port de tête impérial lui confère majesté et perfection. Toutes les montres de luxe, les tocantes les plus modestes, les coucous des grands-parents et même la célébrissime Horloge Chronométrique de Neuchâtel partent en vacances. Elle -ou il, et je continue à m’en ficher- est là, fidèle à notre rendez-vous. Je suis donc attendue là, au bout du chemin, sur la Route de Rosière. Je l’aime. Infiniment et pour toujours. Elle ou il me donne donc rendez-vous, est à l’heure ou en avance à moins que ce ne soit moi qui suis en retard. Peu importe puisque la silhouette adorée est bel et bien là. J’avance avec autant de respect que de prudence ; j’ai le privilège insensé de pouvoir m’approcher bien davantage encore que les jours précédents et je vois mon reflet dans son regard de miel. J’avance encore. Jusqu’au moment où cette Merveille Absolue, Renard(e), sautille de côté et disparait dans les blés mûrs comme à l’accoutumée. Peu importe. Il / Elle était là, assis(e) dans toute la majesté de son pelage parfait.

‘Oh, Temps, Suspends Ton Vol’. Nan, le temps, y peut rien pour vous. Par contre, la Nature peut vous offrir des osmoses qui vont faire le job. Pour toujours et même après.

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