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© 2013-2024 Lunaba

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Des premiers pas au trépas, seuls les faux pas vous condamnent.  Il y a dans la dérobade amoureuse, un soupçon d’aigreur qui suinte …
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J’aurais dû faire marche arrière… simple sentence encrée sur un post-it d’une chambre d’étudiante.

Aurélie pensait être arrivée au bout du chemin, de celui de l’apaisement. N’ayant aucune crainte de de tenir la main de son homme. Il n’était pas celui qui lui ferait du mal, il lui avait promis.

Elle s’était fait violence pour se laisser apprivoiser par ce prince d’apparat, certaine que sous l’habit de lumière se cachait un cœur ardent. Elle avait glissé sous le tapis du passé toutes les indélicatesses, les mensonges de ses amours trahis. Aurélie voulait juste reprendre le cours de sa vie avec un peu plus de ciel bleu à l’horizon…

Elle sentait en son ventre cette petite boule qui gravitait et prenait toute la place. Aurélie n’avait peur de rien, Damien allait la protéger, la réconforter, la soutenir, l’aimer au-delà des nuages et ne jamais lâcher sa main. Elle y croyait si fort à cette renaissance. Elle se devait d’exister après tout le mal enduré. Elle était plus forte aujourd’hui, son instinct animal si présent ne pouvait la tromper. C’était lui, son doux avenir.

Elle avait guetté dans son regard cette flamme qui fait vaciller la raison et tomber les remparts si bien ordonnancés. Aurélie détenait la clé qui décachèterait l’âme de cet étudiant. Il lui avait souri.

Quand les doigts de son amant virevoltaient dans sa chevelure rousse, une mitraille de frissons la plantait là au milieu de l’amphi. Telle une suppliciée qui ne reculait pas devant le sacrifice, Aurélie savait que son destin se nichait dans la paume de ce garçon. Peu importe où Damien l’emmènerait, elle le suivrait.

Quand Aurélie croisait le regard du cercle amical de Damien, leurs babines retroussées la frôlait, elle pensait alors qu’ils étaient simplement jaloux de cette relation fusionnelle.

Ses contours amoureux avaient aiguisé depuis le collège l’appétit de ces loups, mais Aurélie savait comment les repousser, sa dignité de jeune femme libre enclavée à son regard. Ils avaient beau siffler sa jupe courte, ses chaussures rouges, son rimmel envahissant, elle ne baissait jamais la tête. Ses parents lui avaient enseigné qu’elle avait les mêmes droits que ces mâles dominateurs, elle ne courbait pas l’échine et avançait toujours droit devant elle.

C’est à ce cours de self défense qu’Aurélie l’avait rencontré son Autre. Il lui avait souri. Elle avait appris les gestes qui esquivent, sauvent et dénouent les agressions. Cela faisait un an, elle n’en avait plus besoin aujourd’hui ; Damien était là devant elle, son protecteur. Il était si grand et était en terminale scientifique. Tandis qu’elle effeuillait les auteurs classiques, lui rêvait de l’Espace.

Damien l’avait parfois retroussée dans sa chambre d’étudiant mais jamais sans son consentement. Elle riait tant quand l’alcool la déshabillait, Damien se tenait prêt à la cueillir avant les dernières volutes spiritueuses. Aurélie se donnait si facilement, il la prenait sans relâche.

C’était auparavant un jeune homme fuyant, qui préférait les mathématiques aux silhouettes des filles. Ses relations amoureuses avaient toujours mal terminées, Damien se lassait vite de ces enveloppes charnelles. Généralement il appliquait le silence radio comme formule de rupture, il n’aimait pas argumenter. Ses conquêtes finissaient par lâcher prise, et ça lui convenait très bien. Mais lorsque Damien aperçut cette appétissante nana dans la file d’attente des inscriptions au foyer rural, il se promit qu’elle finirait dans son lit. Il s’inscrivit au même cours de self défense.

Aurélie ne se doutait pas un instant qu’elle était la proie d’un chasseur redoutable. Damien avait une gueule d’amour, c’était un sésame pour obtenir un premier rendez-vous.

Damien adorait l’idée qu’elle mangerait bientôt dans sa main, on dompte bien les chevaux purs sangs. Il suffisait d’être patient, sa qualité principale, celle d’un scientifique. La vivisection en sera plus belle.

A chaque ébat, Damien la maintenait sous sa coupe. Elle se débattait parfois, il lâchait la bride et reprenait de plus belle. Aurélie pensait à un jeu amoureux, le plaisir parfois se niche dans des zones d’ombre. Elle tenait son regard jusqu’à la lie. La délivrance arrivée, Aurélie quittait le lit pour mieux se réapproprier ce corps molesté.

Les marques sur son cou, ses poignets et ses chevilles ne se dissimulaient pas si facilement. Aurélie le voyait dans les regards inquisiteurs des étudiantes qui partageaient le vestiaire du cours de self défense.

A chaque fois qu’elle amorçait la discussion sur le sujet avec Damien, ce dernier détournait le regard:

– Ce n’est qu’un jeu, il ne faut pas te prendre la tête comme ça. Elles sont jalouses de ce que l’on vit. Tu me fais vibrer bébé, n’est-ce pas l’essentiel ?

– Si.

Damien l’embrassait fougueusement, à l’étouffer de sa langue, lui tenant ses poignées collés aux cuisses. Elle le mordit. Il lâcha prise. Le rouge âpre aux lèvres, Aurélie se délivra de son emprise.

– Ne refais jamais ça Damien, jamais !

– T’inquiète ma douce, ce n’est qu’un jeu ! Tu ne me fais plus confiance ?

– Si.

Aurélie se blottit entre ses bras. Damien la laissa faire.

Les quatre saisons se chevauchèrent, et leur histoire se déroula sans anicroche. Jusqu’à ce jour d’hiver où elle se retrouva dans une cave au second sous-sol à chercher avec Damien un objet que sa grand-mère lui réclamait.

Cette vieille dame endeuillée avait demandé aux jeunes amoureux de lui ramener le cahier en cuir de son époux. Il se trouvait dans une malle dans laquelle ses mémoires de soldat reposaient. Des papiers militaires, un uniforme, un casque d’officier, des décorations et autres souvenirs, tous préservés de la destruction et de la dispersion lors des nombreux déménagements de Fanny.

Aurélie trouvait très romantique de participer à cette quête.

Or à peine arrivés sur les lieux, Damien la précipita sur ce lit de camp de soldat, poussiéreux et brinquebalant. Aurélie trouva cela surprenant sa façon de se comporter, la toile de jute blessant au passage sa chair fragile. Elle le laissa descendre la fermeture éclair de sa petite robe noire en pensant que cette nouvelle lubie était liée à l’endroit sombre et peu visité.

Damien sortit alors son mobile, l’a pris en photo, ainsi dénudée. Aurélie se braqua en lui interdisant de le faire. Il la bâillonna de sa main pour l’empêcher de crier. Le flash crépita de plus bel. Aurélie profitant du regard fixé de son prédateur sur l’écran de son smartphone, frappa de toute sa force de proie acculée. Son poing martelant sans relâche la pomme d’Adam de son agresseur. Damien tomba à la renverse comme un pantin désarticulé, son mobile à la main.

Aurélie renfila sa robe comme elle le ferait d’un bouclier au regard voyeur. Un bip sonore la sortit de sa torpeur, un texto venant de s’afficher sur l’écran de smartphone de Damien « Ok Damien, retiens là encore quelques minutes ta chaudasse, on arrive ! ».

Aurélie s’empara du portable de Damien, le glissa dans son sac et sortit précipitamment de la cave.

Elle resta assise longtemps dans sa chambre à lire la conversation liée à ce drame. Tout les textos étaient sauvegardés, une préméditation orchestrée par un groupe d’amis en mal de sensations fortes. Une bande ordinaire, un banal fait divers, un entrefilet dans le quotidien national.

Entre ses larmes, perçait l’éclaircie de son sourire devant la tête de cette bande découvrant le corps inerte de leur pote rabatteur.

Elle appela le 17, se confia entre deux verres de rhum et sentit l’effet du tube de barbituriques avalé l’engourdir, l’apaiser, la délivrer enfin de cette peau de chagrin.

L’amour avait fini par la clouer au sol tel un papillon à la flamme d’un réverbère.

Noctua pronuba, papillon de nuit appelé aussi Fiancée (Encyclopédie Larousse, Vie sauvage, Papillon de nuit)

© Eva Lunaba

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