A Bella avec toute ma reconnaissance pour m’avoir choisie moi, consultante en « armoires de vêtements ». Le vêtement n’est pas histoire innocente. Couleurs, formes, textures sont les racines profondes qui donnent naissance à notre conte de fées vestimentaire unique.
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Montre-moi ce que tu portes, je te dirai qui tu es !

Chirurgien ou tailleur de l’âme ? C’est la question que je me pose en revenant de chez Bella. Le ciel est maussade, gris, les nuages sont bas et cependant, il règne un calme paisible, un rien menaçant. Beaucoup de circulation, de voitures grises, s’harmonisant à l’ambiance du paysage. Cette atmosphère de pénombre favorise ma réflexion. Et si le vêtement … ? Non pas encore. Il faut que j’y pense, il faut que je m’imprègne de ce que je viens de vivre, et tisser encore et encore le lien entre Bella, le vêtement et moi. De nouveaux centimètres aujourd’hui. Il s’allonge, se solidifie, s’épaissit. Bella, l’habit, moi… histoire de vie, une belle trilogie.

Le vêtement a créé une amitié profonde, tissé un lien entre nous deux, femmes indépendantes, autodidactes, hédonistes, esthètes, séductrices dans l’image, à la recherche de nos racines, de notre être profond et vrai, de notre humanité. Toutes deux, chacune mère d’un fils chéri. Lutteuses et heureuses de l’être. Il a fallu et il faut encore tenir la vie et les autres par les deux bras, les guider, les soutenir, les éveiller à leur vraie nature, les structurer afin qu’ils trouvent un modus vivendi acceptable à la hauteur de leurs possibilités. Bella dans une compréhension de leur chemin de vie, moi, dans leur image, de façon à mieux interpréter, synthétiser, souder pour que l’être transparaisse dans le paraître.

Découdre, coudre, ajuster la trame de la vie comme des couturières qui remettent mille fois leur métier sur la planche. Le retombé doit être parfait, la retouche invisible. Faire et défaire pour atteindre une perfection passagère. Comme des costumières qui s’imprègnent du rôle de la vedette du spectacle en créant un vêtement messager silencieux, qui s’adaptera à l’expression propre du rôle à interpréter.

Quelle mise en scène avons-nous jouée en face de l’armoire ? Combien de fois avons-nous pris un tricot et l’avons replacé là parce qu’il faisait encore partie de Bella. Combien de fois avons-nous essayé un pantalon jamais porté et qu’il fallait débarrasser mais qui avait repris sa place sur le cintre. Combien de fois ai-je retrouvé ce pull défraîchi, était-il vieux-rose ou lilas ou encore violet dans sa jeunesse qui aurait eu sa place dans le sac en plastique. Combien de fois ai-je vu et revu ce pantalon qu’il fallait débarrasser, mais que je retrouvais la saison d’après. Combien de fois suis-je rentrée chez moi, perplexe de la lenteur du travail et enrichie de l’effort fourni pour écarter et finalement jeter ceux qui avaient accompagnés Bella depuis si longtemps. Ses vêtements, compagnons de route, présents et riches de souvenirs. « Celui-ci mon fils l’a choisi pour moi. Je ne le porte pas, ce n’est pas moi, mais je le garde, il l’a choisi pour moi. Le suivant je le garde pour le sport et je le jette ensuite. » Il est toujours là, propre, bien plié, toujours présent ! « Le petit T-shirt là, parfois je le mets, il peut me rendre service » parmi la centaine d’autres qui attendent d’être dépliés et choisis par une main incertaine.

« Un rien d’argent, j’ai pensé qu’il me rendrait service et que je m’en débarrasserais par la suite. » Il est encore sur le rayon, moche, défraîchi de ne pas avoir été porté. Et, aujourd’hui en le portant, il ne convient plus, le choix d’antan a changé, il est passé de couleurs, de forme, de texture. Il n’a plus sa place dans la garde-robe du présent, il fait « vieux ». Néanmoins je le retrouve six mois plus tard.

J’avais souvent envie de fermer les yeux pour ne pas revoir ces fantômes désuets. Mais je savais aussi qu’ils étaient encore nécessaires dans la relation qu’ils entretenaient avec Bella ou mieux dit, dans la relation que Bella entretenait avec eux. Parfum des saisons passées, ils résistent à l’élagage printanier, ils refusent de mourir pour laisser de l’espace sur le rayon.

Au fur à mesure des saisons, ils s’en allaient petit à petit, tiens, le rose qui n’était plus rose mais qui l’avait été, n’était plus là. J’étais contente. Enfin un souvenir en moins. De l’air s’il vous plaît, on respire. Et sous la pile, encore le t-shirt fleuré enfoui comme s’il avait voulu se cacher et qui peut-être s’était caché pour ne pas disparaître. « Comme je l’aimais, disais-tu, il peut encore servir. Je l’emporterai lors d’un voyage pour le laisser sur place » don à d’autres moins favorisés. Au moins, ne pourras-tu pas retourner au loin pour le reprendre ! Il faut se faire violence pour quitter le passé qui réconforte par la présence de vêtements usagés compagnons de route muets, pliés dans la commode.

Au gré des saisons, le jardinier coupe, taille et élague les branches fatiguées. Ainsi les nouvelles auront de la place, fraîches et saisonnières. Si la nature pouvait s’exprimer, elle aurait beaucoup de choses à nous transmettre. Les vêtements aussi d’ailleurs…

Le travail n’est pas encore achevé, les armoires pleines, amies des années passées ont disparu, une après l’autre sauf une, la dernière qui contient une garde-robe plus en accord avec Bella, plus modulable, plus facile à assembler. On progresse avec lenteur, profondeur, c’est un travail de fond, invisible d’où surgit d’un sommeil intemporel, l’authentique Bella dans sa parure féminine et dans toute sa beauté.

A Bella avec toute ma reconnaissance pour m’avoir choisie moi, consultante en « armoires de vêtements ». Le vêtement n’est pas histoire innocente. Couleurs, formes, textures sont les racines profondes qui donnent naissance à notre conte de fées vestimentaire unique.

© Belle

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