Créé le: 18.08.2021
80 2 5
Lettre de l’autre monde

Correspondance

a a a

© 2021-2024 tero030a

Vivre n’est-ce pas mettre nos vies à l’envers sans jamais savoir si notre monde sera à l’endroit ?
Reprendre la lecture

Hier, je t’ai encore tendu la main.

Toi, tu l’as écartée.

 

Et aujourd’hui, tu reviens

les bras grands ouverts.

 

Et moi, je pense

aux cauchemars de la nuit

et à ma nouvelle légèreté.

 

Quelque chose s’est cassé.

 

Tu as voulu aller prendre

un air de liberté

et moi, au milieu du vide,

je me suis envolé.

 

Sans le vouloir,

tu m’as condamné à me réinventer.

 

De nos chemins écartés

De nos vies fracturées

De nos espoirs éteints

De nos rêves bâillonnés.

 

Du passé ? Que puis-je en faire ?

 

Tu sais bien,

je ne reviens pas en arrière.

 

Je me sens comme

comme une bouteille lancée

à la mer.

 

Je dérive,

toujours plus loin de toi.

 

Les vagues effacent

toutes les traces.

 

Il est trop tard.

 

Nous ne redeviendrons pas

ceux que nous avons été.

 

Désormais je te hais trop

pour pouvoir à nouveau t’aimer.

 

Crois-moi,

c’est mieux comme ça.

 

Et si tu doutes,

souviens-toi

de nos gestes mauvais

de nos huis-clos

de nos incompréhensions physiques.

 

Et si tu doutes encore,

souviens-toi

de nos mots vomis

et de nos larmes séchées.

 

Les ruptures font remonter

à la surface les déchets d’une relation.

 

Je les regarde s’accumuler

depuis lundi.

 

Et toi, que vas-tu en faire ?

les détruire ? les brûler ?

 

Soyons honnêtes,

envers nous-même

pas seulement entre nous,

mais aussi contre nous.

 

A force,

on a fini par s’incomprendre.

 

A quoi bon

continuer de frôler le malheur

de caresser la tristesse

et d’apprivoiser le toxique?

 

On a fini par manquer d’oxygène.

 

Tu as été la première

à ne plus pouvoir respirer.

 

Sinon pourquoi

ce besoin si urgent

de changer d’air ?

 

On a brisé notre bulle.

Elle a pété en silence.

 

Peut-être, un jour

devrais-je te dire merci?

 

Moi j’aurais pas pu,

je n’aurais jamais eu

le courage.

 

Le suicide d’une relation,

ce n’est pas beau à voir.

 

Qu’allons-nous devenir ?

 

Quelque chose peut-il

pousser sur les braises

d’un amour éteint ?

 

Je sais que désormais

et pour les jours à venir,

je devrais apprendre

à ne plus t’aimer.

 

Combien de jours ou d’années

faudra-t-il pour faire taire

les flammes ?

 

Tu me trouves dur,

trop froid.

 

Ne t’inquiète pas,

j’ai déjà enterré ma première vie.

 

Et si mes mots sont noirs

et bien ils sont miens.

 

Montre-moi les tiens,

dessine-moi l’horreur.

 

Me liras-tu jusque là ?

 

Aujourd’hui,

plus que jamais,

nous sommes nus

face la vérité.

 

Soyons aveugles et fous,

car pour aimer à nouveau

il nous faudra ressusciter.

 

Ne te méprends pas,

je ne t’oublierais pas.

 

Je penserais souvent à toi.

 

Incapable d’effacer

ma mémoire

comme un grand tableau noir.

 

Impossible de brûler

nos souvenirs

comme les pages d’un grand livre.

 

Chez Aleverdi à Vienne

La katcha de Tbilissi

Les pentes d’Innsbruck

 

Et puis, tout le reste,

tu sais bien.

 

Le temps n’est plus au passé.

 

La vie est une peau de banane.

 

Et moi je glisse

vers la tombe de l’inconnu.

 

Prêt à croiser l’imprévu

à interpeller le hasard

à tancer le chaos

à provoquer l’irrationnel.

 

Je te laisse là.

 

Un jour, on pourrait s’appeler,

et se parler de tout

et même se recroiser.

 

Ou tout simplement s’ignorer.

 

La haine finit-elle

par s’apaiser ?

 

Voilà que rien ne change,

mais tout est différent.

 

Je suis allégé, presque heureux

et toi tu n’es plus là.

 

J’ai trouvé ma place,

loin de la tienne.

 

Je suis revenu sur terre,

demain je serais père.

 

La vie est une grande balançoire.

 

Et ce soir,

dans mon estomac,

les mots se cognent

et une fièvre monte.

 

Une sorte d’érection littéraire.

 

La flamme éteinte

Je tâtonne ma solitude

J’ai arraché la mèche de la bougie.

 

Nous sommes ensemble

dans cette fuite.

 

Cette lettre scelle

un nouveau départ

comme la valise fermée

annonce un autre voyage.

 

Il n’y a plus besoin de raison.

 

Désormais, je suis

une paire de fesse à faire asseoir

une bouche à remplir

une feuille de papier à faire signer.

un corps nu à dessiner.

 

Il pleut.

 

Une flaque se forme

dans le salon.

 

Tout prend l’eau.

 

Depuis le balcon

du huitième étage

je lance des grains de riz

comme pour mieux

semer les fragments

du passé.

 

Je suis au bout

de la planche.

 

Sur la feuille,

ma main brûle

une saison de souvenirs.

 

Si tu étais là,

je ne sais pas

ce que je ferais.

 

Je me crève les yeux

à t’imaginer ailleurs.

 

Je retrouve la vue

dans un bar,

mais la gorge

encore serrée

je suis bien incapable

de me lever

et d’aller lui parler.

 

J’ai lu quelque part

« l’obstacle sert de tremplin ».

 

C’est de Gide.

 

Alors moi, je ne vais pas

enjamber, mais sauter

à m’envoler.

 

Je ne t’écrirais plus.

 

Je vais me diriger

vers le pont,

traverser le gouffre

pour laisser nos paroles aller

comme on oublie trop souvent

en fin de journée

que nos jambes et pieds

nous portent

sans avoir rien demandé.

 

Et ce soir

je mouline un mot

dans cet entre-deux

qui al/lie

un moi et un toi

ou elle et lui

un autre à soi.

 

Je tords la relation

pour la décortiquer

la disséquer

la mordre

l’écraser

la nettoyer

l’observer

l’approcher

la décrire.

 

Comme dans le deuil

deux ignorances se contemplent.

 

On ne parlera plus,

tu resteras muette.

 

Les émotions sont indomptables.

 

Soudain, elles sont là.

 

Ligotées

Attachées

Refoulées

Ravalées

Réprimées

Enterrés

Assassinées

Enfouies

Enfermées

Séquestrées

Exclues.

 

Un silence,

le corps se met à parler.

 

Avec ses yeux détournés,

ses mains contorsionnées,

ses lèvres bétonnées.

 

Je te maudis en dansant.

 

Ce soir n’est pas plus grand

que les autres,

mais il apporte

un beau défilé

de choses à dire

et je déroule

ce long fil invisible

– des tripes de conversation –

et je me prends

une fois encore

pour un cracheur de flamme

prêt à incendier

le premier couple

d’amoureux.

 

Je suis un piètre pompier,

mais compte sur moi

pour pisser sur le feu

de notre relation.

 

Je vais jeter des pierres

sur les bûches incandescentes,

écraser violemment les braises brûlantes,

sentir les poils roussis,

laisser mes cheveux s’imbiber de fumée.

 

La tête calcinée,

les yeux piquent

et les vulgaires larmes

se jettent désespérées et désespérément

sur l’âtre presque endormi.

 

Place aux fumées,

à la grisaille.

 

Un épais brouillard.

Un doux rideau.

 

Je suis aveugle.

 

Les voilà qui montent

les fissures sentimentales

les cicatrices invisibles.

 

Il est temps de faire le vide.

 

Je sens que je perds pied,

le fond de la mer s’ouvre.

 

Je ferme les yeux,

une main se tend

là voilà qui s’éloigne.

 

Je sens que tu n’es

plus là pour moi.

 

Je suis au bord de la noyade.

 

Je nage encore.

 

La vie est un océan.

Commentaires (2)

L.
29.08.2021

Un très beau texte qui amène à l'introspection.

Thomas Poussard
20.08.2021

Superbe texte, j'ai beaucoup apprécié !

Laisser un commentaire

Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire