Créé le: 18.08.2021
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Lettre de l’autre monde
Vivre n’est-ce pas mettre nos vies à l’envers
sans jamais savoir si notre monde sera à l’endroit ?
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Hier, je t’ai encore tendu la main.
Toi, tu l’as écartée.
Et aujourd’hui, tu reviens
les bras grands ouverts.
Et moi, je pense
aux cauchemars de la nuit
et à ma nouvelle légèreté.
Quelque chose s’est cassé.
Tu as voulu aller prendre
un air de liberté
et moi, au milieu du vide,
je me suis envolé.
Sans le vouloir,
tu m’as condamné à me réinventer.
De nos chemins écartés
De nos vies fracturées
De nos espoirs éteints
De nos rêves bâillonnés.
Du passé ? Que puis-je en faire ?
Tu sais bien,
je ne reviens pas en arrière.
Je me sens comme
comme une bouteille lancée
à la mer.
Je dérive,
toujours plus loin de toi.
Les vagues effacent
toutes les traces.
Il est trop tard.
Nous ne redeviendrons pas
ceux que nous avons été.
Désormais je te hais trop
pour pouvoir à nouveau t’aimer.
Crois-moi,
c’est mieux comme ça.
Et si tu doutes,
souviens-toi
de nos gestes mauvais
de nos huis-clos
de nos incompréhensions physiques.
Et si tu doutes encore,
souviens-toi
de nos mots vomis
et de nos larmes séchées.
Les ruptures font remonter
à la surface les déchets d’une relation.
Je les regarde s’accumuler
depuis lundi.
Et toi, que vas-tu en faire ?
les détruire ? les brûler ?
Soyons honnêtes,
envers nous-même
pas seulement entre nous,
mais aussi contre nous.
A force,
on a fini par s’incomprendre.
A quoi bon
continuer de frôler le malheur
de caresser la tristesse
et d’apprivoiser le toxique?
On a fini par manquer d’oxygène.
Tu as été la première
à ne plus pouvoir respirer.
Sinon pourquoi
ce besoin si urgent
de changer d’air ?
On a brisé notre bulle.
Elle a pété en silence.
Peut-être, un jour
devrais-je te dire merci?
Moi j’aurais pas pu,
je n’aurais jamais eu
le courage.
Le suicide d’une relation,
ce n’est pas beau à voir.
Qu’allons-nous devenir ?
Quelque chose peut-il
pousser sur les braises
d’un amour éteint ?
Je sais que désormais
et pour les jours à venir,
je devrais apprendre
à ne plus t’aimer.
Combien de jours ou d’années
faudra-t-il pour faire taire
les flammes ?
Tu me trouves dur,
trop froid.
Ne t’inquiète pas,
j’ai déjà enterré ma première vie.
Et si mes mots sont noirs
et bien ils sont miens.
Montre-moi les tiens,
dessine-moi l’horreur.
Me liras-tu jusque là ?
Aujourd’hui,
plus que jamais,
nous sommes nus
face la vérité.
Soyons aveugles et fous,
car pour aimer à nouveau
il nous faudra ressusciter.
Ne te méprends pas,
je ne t’oublierais pas.
Je penserais souvent à toi.
Incapable d’effacer
ma mémoire
comme un grand tableau noir.
Impossible de brûler
nos souvenirs
comme les pages d’un grand livre.
Chez Aleverdi à Vienne
La katcha de Tbilissi
Les pentes d’Innsbruck
Et puis, tout le reste,
tu sais bien.
Le temps n’est plus au passé.
La vie est une peau de banane.
Et moi je glisse
vers la tombe de l’inconnu.
Prêt à croiser l’imprévu
à interpeller le hasard
à tancer le chaos
à provoquer l’irrationnel.
Je te laisse là.
Un jour, on pourrait s’appeler,
et se parler de tout
et même se recroiser.
Ou tout simplement s’ignorer.
La haine finit-elle
par s’apaiser ?
Voilà que rien ne change,
mais tout est différent.
Je suis allégé, presque heureux
et toi tu n’es plus là.
J’ai trouvé ma place,
loin de la tienne.
Je suis revenu sur terre,
demain je serais père.
La vie est une grande balançoire.
Et ce soir,
dans mon estomac,
les mots se cognent
et une fièvre monte.
Une sorte d’érection littéraire.
La flamme éteinte
Je tâtonne ma solitude
J’ai arraché la mèche de la bougie.
Nous sommes ensemble
dans cette fuite.
Cette lettre scelle
un nouveau départ
comme la valise fermée
annonce un autre voyage.
Il n’y a plus besoin de raison.
Désormais, je suis
une paire de fesse à faire asseoir
une bouche à remplir
une feuille de papier à faire signer.
un corps nu à dessiner.
Il pleut.
Une flaque se forme
dans le salon.
Tout prend l’eau.
Depuis le balcon
du huitième étage
je lance des grains de riz
comme pour mieux
semer les fragments
du passé.
Je suis au bout
de la planche.
Sur la feuille,
ma main brûle
une saison de souvenirs.
Si tu étais là,
je ne sais pas
ce que je ferais.
Je me crève les yeux
à t’imaginer ailleurs.
Je retrouve la vue
dans un bar,
mais la gorge
encore serrée
je suis bien incapable
de me lever
et d’aller lui parler.
J’ai lu quelque part
« l’obstacle sert de tremplin ».
C’est de Gide.
Alors moi, je ne vais pas
enjamber, mais sauter
à m’envoler.
Je ne t’écrirais plus.
Je vais me diriger
vers le pont,
traverser le gouffre
pour laisser nos paroles aller
comme on oublie trop souvent
en fin de journée
que nos jambes et pieds
nous portent
sans avoir rien demandé.
Et ce soir
je mouline un mot
dans cet entre-deux
qui al/lie
un moi et un toi
ou elle et lui
un autre à soi.
Je tords la relation
pour la décortiquer
la disséquer
la mordre
l’écraser
la nettoyer
l’observer
l’approcher
la décrire.
Comme dans le deuil
deux ignorances se contemplent.
On ne parlera plus,
tu resteras muette.
Les émotions sont indomptables.
Soudain, elles sont là.
Ligotées
Attachées
Refoulées
Ravalées
Réprimées
Enterrés
Assassinées
Enfouies
Enfermées
Séquestrées
Exclues.
Un silence,
le corps se met à parler.
Avec ses yeux détournés,
ses mains contorsionnées,
ses lèvres bétonnées.
Je te maudis en dansant.
Ce soir n’est pas plus grand
que les autres,
mais il apporte
un beau défilé
de choses à dire
et je déroule
ce long fil invisible
– des tripes de conversation –
et je me prends
une fois encore
pour un cracheur de flamme
prêt à incendier
le premier couple
d’amoureux.
Je suis un piètre pompier,
mais compte sur moi
pour pisser sur le feu
de notre relation.
Je vais jeter des pierres
sur les bûches incandescentes,
écraser violemment les braises brûlantes,
sentir les poils roussis,
laisser mes cheveux s’imbiber de fumée.
La tête calcinée,
les yeux piquent
et les vulgaires larmes
se jettent désespérées et désespérément
sur l’âtre presque endormi.
Place aux fumées,
à la grisaille.
Un épais brouillard.
Un doux rideau.
Je suis aveugle.
Les voilà qui montent
les fissures sentimentales
les cicatrices invisibles.
Il est temps de faire le vide.
Je sens que je perds pied,
le fond de la mer s’ouvre.
Je ferme les yeux,
une main se tend
là voilà qui s’éloigne.
Je sens que tu n’es
plus là pour moi.
Je suis au bord de la noyade.
Je nage encore.
La vie est un océan.
Commentaires (2)
L.
29.08.2021
Un très beau texte qui amène à l'introspection.
Thomas Poussard
20.08.2021
Superbe texte, j'ai beaucoup apprécié !
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