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Chapitre 1

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Ci-après vous allez trouver une lettre que l'auteur a adressé à son ennemi. Le mot est au masculin, l'ennemi ne l'est pas nécessairement. Au fur et à mesure de la lecture on comprend qu'il s'agit d'une partie de sa psyché de l'auteur qui lui a mis de sérieux bâtons dans les roues.
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Lettre à mon ennemi

Mon cher ennemi,

J’ai longtemps hésité avant de m’adresser à toi.

Tu es surpris que je m’adresse ainsi à toi, je n’en doute pas ! Tu es persuadé que je suis en rage à ton égard, que je te méprise, que je te hais. Tu es aussi persuadé d’être dans ton droit, que tu fais les choses de la bonne manière, de la meilleure manière qui soit possible pour toi.

J’ai eu tellement peur de toi toutes ces années. que ce soit au petit matin, à mon réveil où tu te glissais dans mes pensées pour me couper les jambes même avant qu’elles aient touché le sol. Dans le courant de la journée, perdue dans mes pensées, en apparence tranquille, tu pouvais te faufiler discrètement et frapper de toutes tes forces dans mon ventre. Je ne pouvais plus respirer, plus bouger, plus parler. juste attendre que la vague te panique qui m’avait envahie passe et que je puisse reprendre mes esprits. Le soir était ton moment de prédilection. Tel le prédateur qui a attendu sa proie toute la journée afin qu’elle arrive, fatigué et ayant baissé les gardes. Et là, tu pouvais faire une bouchée de moi! Il y avait aussi la possibilité de me réveiller la nuit. Tourmenté et ayant l’esprit qui ne cesse de faire tourner les idées noires et autres histoires angoissantes dans ma tête, c’était le moment du grand festin. Mon ennemi, une présence continue, une valeur sure!

Sache que si je prends le temps de t’écrire, c’est que je tiens à toi et que tu es important pour moi. Tu es tout ce que je ne veux pas être. Sans toi il n’y aurait pas de contraste. Alors que c’est précisément le contraste qui permet de diriger le faisceau de lumière pour éclairer, en principe, le bon. Ou alors ce qu’il fait éviter à tout prix.

J’ignorais ton existence pendant longtemps. Je me rendais bien compte que régulièrement je faisais face à du sabotage et surtout à de l’auto sabotage. Je faisais un tas d’expériences désagréables, je me sentais affreusement mal, je me sentais vide, sans substance. De plus en plus je me disais que je ne pouvais plus me faire confiance, je manquais d’assurance. C’en devenait invivable. C’est cela qui m’a amené à m’interroger.

C’est à travers des centaines de questions, de longues discussions avec des thérapeutes en tout genre, des psychologues, des coachs, des amis que j’ai commencé à comprendre que tu existais. Tu existais telle une véritable entité à l’intérieur de moi. J’étais mon propre cheval de Troie.

Ensuite des centaines d’heures de lectures choisies, spécialisées sur tous ces sujets qui me tourmentaient. Suivi par des heures de réflexions investigatrices, à l’appui des prises de notes dans des dizaines de cahiers, que j’ai réussi à avancer dans mon enquête.

Et j’ai fini par te dévisager, toi l’ennemi qui vit en moi.

D’abord je pensais qu’il s’agissait d’un parasite qui avait trouvé refuge en moi. Qui visiblement se portait à merveille et je me demandais comment simplement le faire disparaître. Après différentes tentatives, assez amateur, je me suis rendu compte que cette approche ne menait nulle part ! Car tu es bien plus insidieux, bien plus impliqué dans chaque fibre, chaque cellule de mon corps pour que je puisse simplement t’en expulser.

Personne ne me connaît aussi bien que toi. Personne n’a accès de manière aussi inconditionnelle et sans filtre à mon intimité que toi. Et lorsque tu n’y parviens pas tout de suite, tu persistes…et en général tu parviens à tes fins.

Tu as beaucoup d’alliés qui te facilitent la tâche. A commencer par mon éducation judéo-chrétienne, qui amène un terroir fertile à la culpabilité. Je cherche l’erreur en premier lieu chez moi.

Tu es unique et pourtant chaque individu a un ennemi similaire. Cela dit, aucun membre de la faune ou de la flore n’a ce type d’ennemi. C’est réservé aux humains.

J’ai mis une cinquantaine d’années à te connaître. Très discret, tu ne t’es jamais présenté à moi de manière directe. Insidieux, manipulateur, accusateur, cruel, insultant. Tu es le pire des ennemis. Et tu es des plus redoutables tant que tu peux œuvrer dans l’ombre. Tu peux détruire une vie ! Tu es très dangereux.

J’ai mis très longtemps à t’identifier, je ne croyais pas en ton existence. Dire à quel point tu fais du bon travail de sape.

Discrètement tu te nourries dans ton coin, tu pointes de temps en temps ton nez. Tu deviens énorme, tu occupes chaque fibre de mon corps, chaque pensée.

Tu déguises ton jeu, tu fais croire en ta bonne volonté, ta bienveillance juste pour frapper encore plus fort et t’abattre sur ta proie désormais épuisée, fatiguée.

Comment ne pas faire ton éloge alors ?! Tu es l’ennemi à la hauteur duquel on mesure l’ingéniosité.

Dès lors qu’on identifie le blâme venant de notre ennemi intime et qu’on a atteint un niveau de clairvoyance et de sobriété d’âme qui permet de le prendre comme une médecine amère, cela devient, se transforme en élixir. Un élixir de vie, de force, de connaissance, de compréhension de soi et du monde qui nous entoure.

Lorsque l’ennemi est apprivoisé et son existence est tolérée pour tous les bienfaits qu’in fine son existence nous procure. Le risque de retourner en arrière est infime et je pense qu’on peut avoir la prétention de dire qu’on est en bon chemin pour réussir sa vie !

J’ai donc changé d’approche à ton égard et je t’ai rencontré avec bienveillance et amour. Tout mauvais sentiment, toute émotion dévastatrice pouvaient être désarçonnés de leur charge négative par l’attention que je leur donnais.

Je t’adresse cette lettre pour te parler de celui que tu étais. Et c’est une lettre d’adieu. À travers les expériences, à travers le temps nous avons vécus de nombreuses épreuves. À présent tu t’es transformé, adapté à ton environnement et tu es devenu le compagnon intelligent, critique, un peu ennuyeux.

Il y avait sans doute des vérités de la vie auxquelles je ne pouvais pas faire face et tu insistais pour que je m’y confronte. J’ai appris mes leçons et je te remercie du fond du cœur.

Mon cher ennemi, maintenant que j’ai appris à te connaître et à vivre avec toi, ne me quittes pas !

Avec toute mon affection,

Enidan

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