Créé le: 14.08.2024
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Les délires d’Erynn

HistoireAu-delà 2024

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La foi et l'au-delà ?? Discussion intemporelle entre toi et moi.
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 Les délires d’Erynn et au-delà …

 

Assise à la terrasse d’un café, impatiente de la revoir, j’ai l’enthousiasme d’un gosse le matin de Noël.

Faut dire que la dernière fois que je l’ai vue, elle était méconnaissable tant la maladie ne l’avait pas épargnée. Je sais déjà qu’elle va mieux. Son apparence a retrouvé tout son éclat et l’aura solaire qui la caractérise.

 

J’ai vraiment hâte qu’elle me raconte ce mystérieux périple qui nous a éloigné depuis plus de neuf longs mois, laissant un trou béant dans mon petit myocarde et le sentiment amer de l’abandon.

 

Un immense ciel bleu s’étale dans une amplitude vertigineuse, à l’image de l’émotion qui m’envahit. De rares nuages aux formes chimériques présagent un beau moment en perspective.

 

Peu de temps nous est accordé. Il faut aller à l’essentiel. Je commande direct deux menus du jour, on sera plus tranquille.

 

ENTREE

 

Elle arrive enfin.

Je ne saurai décrire avec de simples mots tout l’amour et la gratitude que j’éprouve à cet instant précis. Une espèce d’état de grâce. Un jouissif intermède intemporel dérobé au temps et aux sacrifices qu’il impose.

On se serre fort dans les bras, ça fait tellement de bien ! Puis elle s’installe en face de moi.

Je suis stupéfaite de la voir si radieuse. Terriblement heureuse de retrouver son sourire mythique, espiègle et enjôleur. Ses joues s’étaient remplies à nouveau, effaçant presque instantanément ce corps décharné dans lequel elle avait séjourné quelques temps auparavant. Une vraie résurrection.

 

 

PLAT

 

-Oh! Erynn, ma cousine adorée, trop plaisir depuis tout ce temps !

 

-Waouh ! Tu es si rayonnante ! Tu prends une pression ? Brune ou blonde ?

 

-Damned ! La pression, ça fait belle lurette que je ne sais plus ce que c’est ! Je prends une ambrée, une petite rouquine ça me changera ! Tu connais mes aspirations sentimentales…

 

Son rire retentit comme des petits grelots attachés sur les ailes d’une fée. C’est magique. Un enchantement. Chacune des ses paroles paraissent aussi éphémères que la balade du papillon qui s’est invité à notre table. Il flotte une bonne odeur d’éternité.

Moi je suis littéralement sous le charme. Je me perds dans ce regard qui me rassure tant, il l’a toujours fait. Son fameux battement de cils désinvolte sur ses si beaux yeux amande, verts comme l’espérance qu’elle me donne depuis toutes ces années, comme les vers de la poésie dont elle colore ma vie lors de ses apparitions. Verre de contact, convivial où l’authenticité est à déguster sans aucune modération, se délectant de quelques petits délices dans un verre assurément à moitié plein, selon notre devise optimiste.

C’est une véritable chance de s’être apprivoisées depuis notre plus tendre enfance, d’avoir su préserver cette complicité tenace, ce lien indéfectible qui nous unit, réunit.

 

-J’avoue, je me sens libérée. J’ai récupéré ma joie de vivre et l’énergie d’avant.

Je m’approche enfin de l’équilibre parfait. Terminé les prises de tête et autres détails futiles et dérisoires pour lesquels nous avons le don, nous autres, dits humains de nous pourrir l’existence. J’accède enfin à cette paix tant recherchée. Trop paisible dans ma nouvelle vie. Le calme après la tempête, quoi !

 

-Heu..Karine, ma belle et rebelle, normalement c’est pas plutôt avant la tempête que la plénitude est sensée pointer le bout de son nez ?

 

-Ben non justement ! Pour moi, c’est après ! Tu connais mon esprit à contre-sens et mon aversion du « politiquement correct ». J’en ai toujours fait qu’à ma tête, pourquoi diable changer maintenant ?

 

-Sans doute ton côté original !

 

-Alors, comment va la vie par chez toi ?

 

-Honnêtement, mon cœur et mon esprit hurlent de tristesse lorsqu’ils affrontent ton absence. C’est indéniable, il est abyssal ce vide que tu laisses. Le manque se répand insidieusement dans mon quotidien. Je misère souvent à faire face.

Je ne connais rien de l’endroit où tu vis désormais et ne peux que faire d’hypothétiques projections. Me raccrocher à mes croyances peut-être erronées mais bien ancrées.

Néanmoins, l’apaisement prend gentiment place. Probablement l’envie omniprésente de se rejoindre dès que possible.

J’ai toujours cru en toi…En tes capacités à rebondir, ta faculté d’adaptation quelles que soient les circonstances, même les plus délicates voire sans issue.

Tu te doutes bien que toutes mes pensées et prières te sont adressées en permanence afin que ta nouvelle vie soit la plus sereine possible, tu le mérites tant.

Force d’admettre que si des cieux, certes inconnus pour moi, mais plus prometteurs t’accueillent désormais, ils n’auront guère été justes et cléments avec toi jusque là.

J’espère que tu profites là-bas d’autant de bienveillance que la mienne ici.

 

-C’est le cas. Ah! La « couz » ! Toi, tes anges et ta spiritualité à tire-larigot.

Ta foi inconditionnelle m’a toujours subjuguée. Cette façon bien à toi d’envisager les choses, les gens, les évènements. Cette vision sans cesse positive, parfois candide, je plaide coupable, elle m’a toujours amusée.

Pis tes certitudes sur l’au-delà, c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres ! J’ai souvent été septique, plutôt réfractaire à tout ce charabia, mais tu m’as presque convaincue quelques fois. J’aborde cela autrement aujourd’hui.

Pourtant, avec toutes les épreuves et les désillusions que tu as dû surmonter toi aussi, je me suis longtemps demandé: Bordel, où puises-tu cette satanée conviction que des jours meilleurs chassent inévitablement le chaos. Cette quête presque obsessionnelle de trouver un sens à tout, notamment aux souffrances.

 

-« Mais alors, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? » proposait Alice aux pays des merveilles. N’était-elle pas dans le vrai ?

 

-Tu crois en permanence que l’espoir triomphe toujours des peurs les plus viscérales, des craintes de l’avenir. Perpétuellement à l’affût de ces petits riens qui ensoleillent le présent.

 

-Oui et c’est d’ailleurs pourquoi il s’appelle ainsi ! Le présent est un véritable cadeau.

 

-Arrête avec tes phrases et tes idées sur mesure. Erynn, sois réaliste ! Tu prônes ce bonheur qui finira par rappliquer tôt ou tard, inexorablement.

C’est plus de la foi, c’est de l’utopie, presque de la naïveté !

N’as-tu donc jamais éprouvé de rancœur contre ta foutue destinée ?

 

-Bien sûr que si ! La colère et le sentiment d’injustice m’ont anéantie, à plusieurs reprises.

Mais cette foi, tu contribues à l’alimenter. A travers nos combats respectifs, elle a prospéré, s’est amplifiée. Elle s’est étoffée petit à petit jusqu’à devenir cette source intarissable de réconfort, de motivation dont j’ai besoin pour continuer mon petit bonhomme de chemin. Et j’ai bien raison de m’accrocher à cette conception, la preuve, tu es là, en face de moi !

Martin Luther King disait « La foi, c’est monter la première marche même quand on ne voit pas tout l’escalier », ce n’était pas un abruti quand même!!!

Peut-être a-t-elle été créée par des êtres très éveillés ou trop sensibles, comme seule alternative pour survivre dans ce monde qui peut s’avérer hostile et violent ?

Tu sais, il n’est pas nécessaire d’appartenir à de quelconques institutions, clans dogmatiques, religieux. Elle est intimement propre à chacun. Il suffit de se connecter à  son « soi » le plus profond et sincère.

Oui, c’est vrai, je crois en un monde parallèle, bien différent du nôtre. Un univers purement spirituel, aimant et indulgent. Un endroit protégé où l’on peut comprendre et s’affranchir de nos erreurs afin d’évoluer et devenir de meilleures âmes.

Et oui, je reste persuadée qu’en dépit de notre vulnérabilité la plus extrême, on peut parvenir à s’échapper des labyrinthes tortueux mis en travers de notre route.

On y est bien arrivées, nous, à supporter l’insoutenable ! As-tu déjà oublié ?

Toutes ces souffrances morales, ces traumatismes endurés, ces douleurs physiques sans répit, sans échappatoire et surtout sans pitié ! La peur, aux aguets, entretenant l’agonie. Emprisonnées dans une vie qui n’était parfois même plus digne d’en porter le nom.

Pouvait-il seulement avoir pire sort que celui qui nous a été réservé plus souvent qu’à notre tour ici-bas ? L’heure de la délivrance, même tardive, a toujours fini par sonner.

Tu vois, quelque part, au fond, tu l’as toujours eu cette foi. Tu ne savais simplement pas comment la nommer.

 

-M’ouais ! Foi de moi-même…ou foie de morue, me souviens plus ! Mais c’est sûr, on a ramassé sévère !

 

-Ah ! Toi et ta dérision…D’un autre côté, ton arrogance a même défié la faucheuse, alors je m’incline.

Puissions-nous seulement, au-delà du chagrin d’être séparées, se réjouir ensemble de tous ces précieux « pleins » partagés au fil du temps.

 

-Ouais, le plein de rires aux éclats, de rigolades à s’en faire mal aux pommettes, aux abdos qu’on n’a pas et dont on se tape le coquillard !

 

-Nos innombrables et interminables débats existentiels, philosophiques, si passionnants et autres discussions plus personnelles, pudiques, si passionnées…

 

-Joyeux trublions, nos élaborations habituellement florissantes, sont bondées d’entrain, illustre symbole de notre légendaire bonne humeur.

 

-Le plein de délires improbables où les joutes verbales s’allient dans un parfait accord, à notre imagination fertile, nos états d’âme souvent aléatoires…

Ah tes bons mots ! Subtile éloquence, emblème d’un humour exceptionnel, décalé et décapant.

 

-Le plein de tant d’aventures barrées, insolites ou non, figées en souvenirs mémorables, apportant à la vie ce goût addictif de « reviens-y » !

On est épicurienne et pis c’est tout, hein !

 

-Oh! Karine, ma muse, ma résistante. Te rends-tu seulement compte des nombreuses leçons et valeurs fondamentales que tu m’enseignes à travers tes qualités et tes actions ?

Cette farouche pugnacité, cette détermination acharnée, cette force inébranlable que tu sors de ton sac à malice pour surprendre à chaque fois par tes ressources inépuisables.

Cette putain de résilience, véritable feu sacré, laisse en moi la trace indélébile, l’empreinte de référence qui me console de toi les soirs de gros spleen.

Ce courage presque insolent pour moi, pauvre malheureuse, impuissante face au mal qui te dévorait. Démunie mais compatissante devant ton souhait bien légitime d’aller chercher un horizon plus enclin à te combler.

N’est-ce pas là, une des définitions de la foi ?

 

DESSERT

 

En guise de dessert, nous optons pour un café gourmand. Ca nous représente bien. Un peu de pep’s entouré de divines « cochoncetés » pour le plus grand plaisir de notre palais. Assouvir notre besoin flagrant de douceur.

D’ordinaire, nous aurions spontanément agrémenté cet agréable repas par un (voire quelques) petit(s) digestif(s), mais l’idée est vite abandonnée car la seule chose dont nous voulons abuser en cet instant précis, est du peu de minutes qui nous sont comptées.

Par conséquent, nous tenons toutes les deux à être en pleine conscience et savourer cette délicieuse lucidité.

 

Quand la serveuse apporte l’addition, je souris. Elle est rousse, avec un joli minois pour ne rien gâcher. Mon héroïne favorite l’a sans doute trouvé à sa convenance et s’est accordée quelques saveurs supplémentaires dans les mirettes au cours de notre petit festin.

Grand bien lui fasse !

 

C’est une partition à quatre mains qui se joue là, un tête à tête de mélomanes mélancoliques. Il en résulte une mélodie venue d’ailleurs, alliance paradoxale du classique à la stabilité absolue et un son plus pop, psychédélique, léger comme des bulles de savon qui s’évaporent, après nous avoir émerveillées.

 

Lorsque le glas sonne avec l’intransigeance d’un coucou suisse, la fin de notre rencontre, il n’est plus question de grappiller, ne serait-ce qu’une poignée de secondes. Pas moyen de déroger à cette implacable règle. Il n’est même pas minuit et son carrosse (taxi particulier dans tous les sens du terme) s’impatiente.

On exagère un tantinet, juste le temps d’une toute dernière étreinte, d’un ultime cœur à cœur, d’une promesse d’âme à âme.

 

Et elle m’échappe, encore une fois. En la regardant se volatiliser, je murmure « Que ton voyage soit aussi doux que ta présence et tous les beaux souvenirs que tu m’offres ! » en espérant secrètement qu’au loin, elle m’entende, puisse lire sur mes lèvres.

C’est déchirant et lumineux à la fois.

 

Ces retrouvailles en valent sacrément la peine ! Je dirai même la joie. Ouais, elles en valent foutrement la joie ! Tellement Merci !

 

Je réalise alors à quel point cet échange peut paraitre insensé, absurde pour la plupart de mes semblables, et pourtant…

Pourtant, au-delà de toute raison, je reste plantée là, seule et apaisée.

Assise à cette terrasse peuplée de terriens impassibles, aussi incrédules qu’indifférents à l’égard de la folle aventure que j’expérimente.

 

Désormais, je vais attendre bien sagement, de voir passer un bel oiseau blanc ou autres signes de sa part…Un mot, un air de musique, un brin de vent qui viendrait caresser l’évidence me soufflant une accolade ou autre sourire à redistribuer….à un inconnu, une passante, ou qui elle voudra.

 

La foi ? Pour moi, c’est être intrinsèquement convaincue du réel moment privilégié que je viens de vivre avec elle.

Quant à l’au-delà…Assurément qu’il existe puisque c’est de là qu’elle est arrivée…et s’en est retournée.

 

 

 

« Je ne pallierai pas l’absence, c’est tout le bien que je me souhaite.

De rappeler ton élégance aux gens et de faire tout pour que ça reste…Vivant ! »

Ben Mazué

 

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