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© 2015-2025 a André Birse

Un ou l’autre texte sur ce que les chansons, la carrière et la personnalité de Bob Dylan m’inspirent.
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L’éphémère qui jamais ne s’arrête

J’ai dû lire quelque chose, je ne sais où, à propos de Bob Dylan. Il parlait du Nord américain de son enfance qui ne lui aurait rien laissé sinon une vision. Nous aurions tous une vision qui émanerait du pays de l’enfance. Peut-être bien. Chez Dylan, il y a de la densité, c’est sûr, du talent, de la constance et de la réserve. Tout est dit. Par lui, pour lui, à travers lui. Il a une façon de nous ignorer qui nous parle. Nous en ferions de même. Il est « song writer », auteur de chansons, et s’est produit cette semaine dans l’une des dernières émissions de David Letterman, un show qui a fait fureur tard le soir à New-York, durant trente ans soit depuis longtemps.

 

Dylan est allé chanter deux ou trois fois dans cette émission.  Cette fois-ci, il a accepté, chose rare, de faire une apparition, le temps d’une chanson qu’il n’a pas écrite mais qu’il vient d’enregistrer en reprenant des standards de Frank Sinatra. Une chanson sombre dans un décor  qui l’est plus encore sur le thème de la nuit et du jour qui ne semble pas devoir revenir. Il ne tenait pas en place devant son micro entre ses couplets. Après avoir chanté, il a attendu que le présentateur le salue et s’en est allé. Distant, silencieux. Drôle de type, ce Bob Dylan. Peu à l’aise dans sa gloire. Mais il revient à nous par constance et par surprise et traverse nos vies. J’aime ce qu’il fait et ce qu’il est sans le comprendre. Au début cette expression était absolument conforme à la réalité. Aujourd’hui, elle l’est moins, vu ma connaissance progressive de l’anglais, pas du sien, si étrange avec tous les mots qui lui passent par l’esprit, mais d’un anglais de base qui me permet de le déchiffrer, avec l’aide des traducteurs avertis et disponibles sur le marché et sur la toile.

Traduit, il reste incompréhensible et fascinant. J’accepte l’idée qu’il le sera toujours et qu’il ne maîtrise pas son mystère. Il n’a pas la clef et c’est aussi pour cela qu’il chante. Sur l’instant, il est qui il est, comme ça. Dans la perspective du temps, il n’en sait pas plus que « vous et moi ». Sa présence, son allure et sa figure, font que l’on a pu croire qu’il avait la clef et que ses chansons comportaient par leurs sens et l’émotion qu’elle génèrent un début de signification et de vérité.

 

Il n’en est rien. Il le sait bien et nous le savons aussi. Son premier enregistrement aurait eu lieu en novembre 1961. Une double vie, une demie vie, trois quarts de vie. C’est un temps. Et il a chanté, justement, tout le temps. Dans ses studios, devant son micro, en ne s’exprimant que rarement en dehors de ses chansons, oralement ou par écrit, sous la notable exception de ses chroniques, ses notes autobiographiques publiées en 2004 et 2005. Bob Dylan ici, à la marche de Luther King le 28 août 1963, avec Joan Baez, là, dans le film Pat Garret et Billy le Kid en 1973, dont il a composé et réalisé la musique, ou dans « La dernière valse », le film de Martin Scorsese avec son groupe complice « The Band » en 1976, puis avant-hier soir à la télévision dans le show de Letterman. Bob Dylan dans sa tournée qui ne prend jamais fin (The never ending tour”). Je ne saurai jamais tout de Bob Dylan comme je ne saurai jamais tout de ma propre vie. Je vais toutefois avancer un peu, par l’écriture, m’y reprendre quelque fois, pour mieux l’approcher, le connaître, sans autre volonté que de prendre quelque intérêt ou plaisir à poursuivre ce mystère, plus tangible tout de même, en tant qu’il peut être observé, que celui de la vie, dont on ne peut dire qu’elle est observable comme le sont les fleurs et les étoiles.

Dylan accepte ces mystères, le sien et celui de la vie, autant qu’il les défie d’une façon étrange et fière qui fait que je m’inspire de cette manière de ne pas transiger devant le monde, avec ou sans gloire, avec ou sans argent, avec ou sans talent.

 

Si vous mettez bout-à-bout l’ensemble des pochettes de disques de Dylan, vous avez déjà une histoire. Faire un texte sur chacune des images serait déjà étourdissant. Et c’est vrai pour beaucoup de musiciens. Ces pochettes racontent une vie comme nos images dans nos smartphones racontent nos semaines. C’est dire la multiplication des histoires, des semaines et des vies. Dans la pochette de l’album, il y a un disque, vinyle ou plastique. Sur ce disque les chansons de Bob Dylan depuis 1961. Combien d’histoires, d’histoires dans l’histoire, de situations vécues, suggérées, imaginées, ressenties, composées et chantées ? On peut dire certes que c’est commercial et, depuis son premier contrat signé, en 1961, c’est effectivement commercial, à ce point que ces morceaux de musique, en les écoutant, je me les approprie.

 

Ce n’est plus lui, qui parle au monde et trouve les mots pour permettre aux uns de reconnaître les autres (« before you call him a man »), c’est moi. Ça ne date pas d’aujourd’ hui, ça remonte à mes vingt ans, en 1978. Après avoir écouté deux de ses albums, je m’étais identifié à lui, presque dangereusement. J’ai failli être Bob Dylan et si je l’étais devenu, j’en aurais perdu l’équilibre.

C’est ça, c’est bien ça : Dylan m’a aidé à perdre l’équilibre et m’a permis aussi, en le perdant presque et en ne le perdant, pas de le retrouver, provisoirement; l’équilibre, tous les équilibres étant des acquis incertains et provisoires. J’avais intériorisé Bob Dylan pour lui voler son charisme dérangeant et son talent et son aura.

 

Aujourd’hui, j’ai mieux accepté nos deux individualités, mais le dialogue continue, et je ne crée plus de confusion, à regret, question de différentiation des identités et des réalités personnelles, des richesses et des misères de nos sorts respectifs.

 

Mais l’artiste et là. Il se produit et vend sa production. Le consommateur est là aussi. Il passe, rêve, acquiert et s’interroge. Que devenons-nous lui et moi, si semblables et si distincts devant le monde, révélés et absorbés par lui ?

 

Genève, ce 24 mai 2015, au soir

J’ai écouté – on nous fait écouter – Leonard Cohen ou Neil Young avant Bob Dylan qui n’aura pas été un personnage de mon adolescence. La chanson française, la variété et le rock and roll l’ont meublée de leurs sons et de leurs mélodies, dont certaines restent présentes aux côtés de l’œuvre de Dylan qui s’est imposée, par fragments, dans l’étendue de mon âge adulte. C’était à Londres au printemps 1978. Bob Marley s’y produisait, très présent sur les affiches, les bus et les stations du « tube », le métro. Dans mon petit studio de séjour, à côté de la station Ealing Common, j’avais ramené l’album « Desire », lui sur la pochette, un sourire retenu, un chapeau et un foulard. L’idée d’une passion et d’une amertume, l’image d’un possible et la menace de la déception. Le passé déjà et l’avenir pas encore. Beaucoup d’irréalités vraies et d’idéaux contrits qui se mariaient avec mes vingt ans endoloris. Dans ma préperception, inconsciente et superficielle, Dylan était un chanteur nécessairement compliqué qui venait entraver mon admiration pour Georges Harrison et ses célébrissimes amis. La musique devait comporter une puissance accompagnatrice des heureuses envolées que promettait la vie. Il y avait quelque chose à saisir immanquablement. Un bonheur en soi qui justement se faisait désire. Comment reconstituer ses aspirations de jeunesse et l’impatience qui les constituait et les dissolvait ? Tu dois réaliser le danger chantait-il langoureusement (« Oh Sister »), et plus encore en s’attardant sur le mot danger, à l’attention d’une sœur, qui pour lui était Joan Baez (laquelle lui a méchamment répondu) et qui pour moi, auditeur propriétaire, était une femme indéfinie à laquelle on s’adresse avec ce sentiment, comme à une sœur, avec tout ce que cela comporte, révèle et interdit. Le danger qu’il faut réaliser, par-devant soi, concret, et indicible, la vaine imploration d’on ne sait quel amour à réussir longtemps.

Un violon accompagne sa voix éternellement plaintive. Plus tard dans un café du quartier des Pâquis à Genève, dans les années 90, j’ai réécouté interminablement cette plainte que le patron passait sans cesse, des soirs et des soirs, le même disque, avec un autre d’Eric Clapton à la guitare sèche, dans une atmosphère d’attente nostalgique, excitante et renouvelée.

 

J’aurais de la peine à le réécouter attentivement ce disque, tant je l’ai entendu, mais la mélodie me revient parfois avec le son du violon et la voix d’Emmilou Harris, les chansons « Sarah », les enfants sur la plage et « Hurricane », le boxeur condamné puis relaxé. Tout un univers défait dès l’origine, chanté par mots découpés. Sarah, son épouse en partance, était présente au jour de l’enregistrement en juillet 1975. Sa femme quittée ou partie, sa sœur éloignée et son boxeur gracié. Je ne retiens pas les histoires mais reviens à certains mots du chanteur, qui vont pour celui-ci et vont aussi pour celui-là. Le dénouement des jours décrété par ces sons récurrents avant le verdict de la maturité. 

 

Genève, ce 25 mai 2015

J’ai beaucoup écouté Bob Dylan en Ecosse durant l’été 1978 qui fut peu ensoleillé, comme un printemps tourmenté sur le continent. Un courant d’ouest permanent. La lumière était rare et je me souviens l’avoir beaucoup appréciée lorsqu’elle se manifestait. Pas assez. Je l’ai laissée passer sans respirer toute la force essentielle qu’elle comportait en elle. Je courais à vingt ans le long de la River Ness, sur un parfait chemin de halage et je poursuivais vers la montagne. C’était une vraie solitude dans le pays, un calme que je n’ai plus retrouvé. 

 

J’étais alors plus intimidé par les infinités silencieuses que je ne le suis aujourd’hui. A l’égard du ciel, des eaux, des arbres, des contrées, j’avais une attente qui m’aura longtemps trompé. J’attendais ce qui était présent déjà. Eternelle impatience du jeune adulte épris de son avenir. Cette attitude provoqua quelque mélancolie que bercèrent notamment les ballades de Bob Dylan. J’écoutais « Sad eyed Ladie of de Low Land ». La femme aux yeux tristes du bas pays. Une interminable et triste litanie chantée sur un même rythme de guitare, très lent. Ce riff élémentaire recommençait sans cesse et me plaisait. J’ai dû profiter de la voie de Dylan pour tenter de parler à la dame de sa chanson qui m’était proche et inconnue et de parler à la vie aussi. La soif d’absolu me tenait encore mais le ciel d’Ecosse me paraissait déjà propice à une juste perception de l’existence dans le monde des hommes. Je m’alanguissais quelque peu, adoptait un rythme lent que je n’ai pas su garder, et j’ai pris des forces dans ce bref exil, plus que je ne le comprenais sur le champ.

Il faudrait revivre un à un les moments de son adolescence et les voir venir avec la force vive dont l’expérience des jours nous permet de mettre plus opportunément à profit. Mais ça ne se passe pas ainsi et Dylan ne m’a pas tout dit. Ce d’autant plus que je ne comprenais pas ce qu’il disait. J’aimais sa langueur et sa calme détermination devant le désespoir. Tel que cela ressortait de sa musique et de son chant. Il avait sorti un nouveau disque cette année-là (avant l’histoire d’un train qui arrive lentement). Il passait sur les ondes britanniques et l’affiche de son disque m’attendait en bas d’un couloir d’escalier que j’empruntais chaque jour.

 

Cette pochette le présentant penché en avant, curieux, surpris, comme dans l’attente, était-elle ou non affichée dans cette ruelle montante d’Inverness ? Elle l’est dans ma mémoire. Cet endroit et cette image ont souvent été réunis par mon imagination. Mais je n’ai plus de certitude. C’était un lieu sombre par la force de son architecture et musical car on y voyait des affiches. Grease, Elvis Costello, Les Bee Gees, et peut-être bien Dylan. Bob Marley aussi qui allait mourir bientôt. Toute une actualité, tout un passé, récent, alors récent. Je repense à cet endroit. Il y en a quelques uns comme ça. J’ai dû éprouver alors de façon récurrente ce type d’émotion qui mène très loin dans nos aspirations, notre nature notre potentiel, ou ressentir le type de pressentiment ou de tristesse qui fait que l’on y croit moins, à la félicité des jours à venir.

Sous le ciel d’Ecosse j’ai entretenu un rapport imparfait avec la réalité. Elle était pourtant là et je devais y prêter une meilleure attention. Je ne l’ai pas fait. En empruntant chaque jour cette suite étroite d’escaliers je devinais que la vie correspondait à ce couloir sous un ciel têtu ne sispensant que peu de lumière et je devenais réticent à l’idée de saisir immédiatement, pleinement, par l’émotion, l’attention, par l’esprit tous les aspects de la réalité qui se présentait à moi.

 

Je fuyais le réel en lui reprochant de n’être pas l’idéal et je laissais ainsi tout autant fuir les réalités qui sont les fées, les diablesses et les étoiles filantes de nos vies. Je suis bien sévère et ingrat avec le jeune homme que j’étais. Aucune raison de le maltraiter en pensée depuis ici, supposé promontoire de ma vie. Les vertiges sont les mêmes. Et si je suis désormais plus tranquille ses aspirations, ses blessures et son probable désespoir, attisé par le blues de Dylan composent pour partie ce qui fait ma vulnérable force d’aujourd’hui. En 1996, Bob Dylan a composé un morceau lent encore plus long que Sad Eyed Ladie. Il allait mal, à l’écouter. Il ne cesse de chanter et de tourner. Je l’écoute en roulant prend la mesure du chemin parcouru, des promesses de la vie, contenues en elle, des abîmes et des fêlures à surmonter. J’entends sa tristesse. Ce blues interminable s’appelle Highlands, en hommage à un poète écossais. Au fond de ces escaliers, Dylan, le poète et le jeune homme que j’étais ont dû rêver. Il n’en reste rien que leurs passages, et ce qu’ils en gardent en eux aujourd’hui. Partant du principe que le poète serait en encore vivant. Ne le serait-il plus qu’il doit garder en lui, n’existant plus, quelque chose de cet endroit triste et provisoire sous le ciel qui nous a vu passer.

 

L’éphémère …

Le hasard a encore voulu que j’assiste, ce dernier week-end d’août 2015, à un concert le samedi dans la campagne genevoise, comprenant le quintette pour cordes de Schubert, et, le lendemain, à une projection de Pat Garett et Billy the Kid, au ciné club. Ce n’est pas la même chose.

 

La mort en Europe ou la mort aux États-Unis. “La porte de ton paradis” selon Dylan qui est Elias dans le film sorti en 1973 dont il a fait la musique. Des mélodies avec une étrange et douce mélancolie de trentenaire, musicien et acteur, qui répond, dans une scène de bar, ne pas savoir qui il est. J’écoute le disque depuis le début des années quatre-vingt, avant mes trente ans, comme une plainte qui donne de la force. Pat Garett “has got your number”, a ton numéro. Quelqu’un a ton numéro. C’est vrai au Texas et c’est vrai partout ailleurs avec ou sans shérif, avec ou sans loi. Je m’attendais à une violence folle comme cette semaine et les précédentes aux Etats-Unis. Cette facilité avec les armes. Déconcertante et dispendieuse de vie et d’hémoglobine. Ce rouge partout présent, sur les corps, dans les ciels et les étangs. Une chasse aux dindons, un viol, des filles dans la chambre du shérif, l’amour fait comme ça, pour l’homme prenant son bain, le sable, la transpiration, l’alcool et la poussière, les caprices de la morale et de la loi. Je ne sais pas ce que Dylan pense de ce film et de cette tuerie continue, ni ce qu’il est allé faire dans cette histoire vraie, sinon ouvrir les portes du paradis à un homme agonisant, au bord de l’eau étale qui l’attend, après avoir pris une balle qu’il aurait pu ne pas prendre. Il doit s’être exprimé, Bob, à l’époque où plus tard, sur ce film, bien qu’il soit soit du genre à passer sans commentaire à l’acte suivant, comme les cow-boys et les amoureux.

Dans la dernière scène, le matin venu, au départ de Pat Garrett, shérif historique a tué légalement et lâchement, Billy – qui s’était laissé aller à faire l’amour autrement, avec une sorte d’attention et de lenteur. Elias, donc on ne sait qui, soit Bob Dylan, est filmé en gros plan avec un regard transparent qui accepte et qui accuse en même temps. Un regard dédié à qui ne perd rien pour attendre. La violence du Far-West, celui d’hier et de maintenant, l’alcool versé, déversé dans ce film de Pekinpah. Dylan est passé par là, accompagnant la mort des personnages avec ses paroles et sa musique. Dans le territoire du nouveau Mexique en 1881, quand le Kid fut abattu; (1908), Pat Garett pose avec une femme avant de mourir; 1973, le film de Pekinpah. James Coburn (“mèche courte”), shérif tueur et torturé dans le film, s’en est allé en 2002. La musique de Dylan depuis cinquante ans. 2015, les tueries aux Etats-Unis, la mort acquise et donnée dans les super-marchés et les cinémas. Les paroles de la chanson phare, un phare rouge, le rouge de l’intérieur du corps touché, percuté, agonisant, sont les paroles des derniers instants de la vie devenue un succès intemporel et flamboyant de Dylan, “Knokin’ on haeven’s door” ; chanson reprise sur toutes les scènes, par toutes les voix, et par la sienne, dans toutes ses rauques dissonances, à l’exception de l’enregistrement initial dans lequel sa voix est douce et profonde avec un mystérieux effet de studio en écho. Les auditeurs se sentent envahis d’un bien être prometteur en écoutant ces notes, cette langueur de l’Ouest, plus si loin que cela. Ils ignorent pour la plupart l’origine et la finalité de la chanson, un adieu au ciel rouge reflété dans l’étang qui accueillera le mourant; climat d’extrême violence. C’est ainsi que je l’ai vu. Si je parviens à sortir vivant de ce bar, sûr que j’irai écouter le quintette de Schubert et son deuxième mouvement à chaque fois que s’en présentera l’occasion. (31 août 2015)

Le type qui a tué en 1993 le haut fonctionnaire de Vichy qui allait être jugé et faisait partie des amis de François Mitterrand n’était pas quelqu’un de très intéressant. Sa soif de reconnaissance l’avait rendu plus encore insignifiant. Triant une pile de vieux journaux, je retombe sur son nom et sur sa vie qui a pris fin en mai 2015. Il voulait obtenir un acquittement qui est une autre forme de reconnaissance. Je mets de côté la page du magazine qui lui fut consacrée quelques semaines avant sa mort naturelle.

 

Bob Dylan aura été « la grande admiration de sa vie ». Né durant la guerre, n’en ayant jamais vraiment réchappé, perclus mentalement sa vie durant dans les asiles et les lieux non plus de résistance, mais de subsistance, des Vosges, son pays, et de Paris, il a cherché avec outrance en vrai désespéré qu’il fut, à vivre une grandeur, qu’il ne rattrapa jamais, pas même le jour où il se fit l’assassin du haut fonctionnaire collaborateur, qui à cette fin ce jour-là mourut. 

 

Il rêva d’Amérique et vénéra Bob Dylan. J’ai dû lire que Dylan n’est pas fan de ses fans. Il ne cultive pas leur plaisir. Il est lui-même et le demeure, le devient aussi répète ce qu’il fut ou s’en éloigne. Il ne saura pas qui était son admirateur vosgien, ni la force de cette admiration qui semble avoir été vive. Pour quelqu’un qui a besoin de reconnaissance c’est-à-dire tout un chacun, Bob Dylan est une référence suprême. La voix, le regard, l’émotion qui émane de son chant, la posture, la guitare et l’harmonica font qu’il est irrattrapable lui aussi. Impossible d’attirer son attention alors qu’il a su attirer l’attention des foules sans les tromper tout à fait.

 

L’éphémère ….

Quand on vit dans la frustration de son histoire personnelle et de celle du monde, Bob Dylan, par ce qu’il est, ce qu’il semble être et ce qu’il représente, par ce qu’il a semblé rendre possible aussi, par ce qu’il reste de lui une fois passé l’ouragan de la désillusion, est un cousin d’Amérique fameux que l’on est content d’avoir connu sachant qu’on ne le connaît pas vraiment.

 

Genève, le 6 septembre 2015

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