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© 2014-2024 Leïla Breyton

C'est l'histoire de deux enfants nés de l'union de la lune et du soleil, sur une île située sur le grand lac d'une planète imaginaire. Leur mission: partir à la rencontre des habitants de la planète terre et les aider à prendre leur destin en main. Le mariage de l'énergie solaire masculine et de l'énergie lunaire féminine peut créer des miracles.
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Prélude : le big bang

« Trois choses nous sont restées du paradis : les étoiles de la nuit, les fleurs du jour et les yeux des enfants ». Dante Alighieri

Au commencement il y eut la vie. Dans cette galaxie d’étoiles, il s’était produit un phénomène astrologique exceptionnel : la rencontre de Mars et Saturne, dans la lignée exacte de la Lune et du Soleil. Un incroyable petit bonhomme surnommé Monsieur Bisou était venu se poser sur la Lune afin de faire signe au Soleil de changer un peu sa trajectoire et de se ranger bien en ligne derrière la Lune. Ce n’était pourtant guère dans ses habitudes, ce Monsieur Soleil, de bien vouloir se ranger dans l’ombre d’une belle Dame comme la Lune, mais ce soir-là il s’était senti d’une humeur joyeuse et ouverte à toute expérience nouvelle. Alors pourquoi ne pas faire une faveur à la dame voisine, tout en faisant plaisir à son ami Monsieur Bisou. Au final, c’était flatteur pour tout le monde.

Seulement dans cette galaxie, la galaxie numéro 875 451, il y avait aussi une étrange créature appelée Mister Trou Noir (ou MTN pour les habitués). MTN était redoutable de froideur et de tristesse. C’était lui qui emportait avec lui chaque année un nombre croissant d’êtres humains désespérés qui finissaient par mettre fin à leurs jours dans un excès de dépression, d’angoisse et de dégoût de la vie. Monsieur Bisou essayait pourtant bien de venir à leur secours, mais souvent, le temps d’arriver, il était déjà trop tard pour éviter le pire, et la personne concernée avait déjà commis l’irréparable, c’est-à-dire le suicide.

 

La mort volontaire était la fin de vie la plus triste car elle ne permettait pas à l’âme déchue de retrouver le chemin des étoiles et d’entamer une autre vie comme poussière d’étoile dans cette galaxie comme dans une autre d’ailleurs. Car il faut préciser que les êtres humains, ce sont qui peuplaient la planète Terre dans cette galaxie-là, la 875 451, mais il existait aussi des créatures cousines très similaires sur d’autres planètes des autres galaxies. Les destins des êtres vivants terriens sortaient du chapeau de Monsieur Bisou lorsque les étoiles se rencontraient pour faire l’amour, de façon suffisamment assez aléatoire pour créer des êtres et des destins complètement uniques et différents les uns des autres, à l’instar de l’ADN découvert par les scientifiques terriens.

Mais il se trouve que ce soir-là, le samedi 27 août 2019 dans le calendrier terrien, MTN était bien trop occupé par la finale du mondial de frisbee, durant laquelle s’affrontait les meilleures équipes de Pluton et Nepturne. Il était scotché devant son petit écran, avec plusieurs bières ouvertes et à demi-consommées qui traînaient sur la table basse de son salon sombre et sans fenêtre. Dans son entourage de fantômes désespérés et sans cesse en quête du sens de la vie, personne ne voulait rater ça. C’est aussi pour cela que le Soleil s’était laissé convaincre par son ami Monsieur Bisou de bien vouloir mettre sa fierté de côte, et pour une fois, de bien vouloir céder au charme de la Lune. Car ce soir-là, personne ne pouvait l’observer pour le juger, pas même son pire ennemi, MTN, Mister Trou Noir.

Le Soleil et la Lune s’était donc rencontrés pour un dîner à la chandelle, un dîner un peu insolite, par en prévoyant à la dernière minute, on ne pouvait trouver de table de libre dans les meilleurs restaurants de la galaxie. Monsieur Bisou leur avait donc suggéré d’improviser un pique-nique champêtre, sur le banc Sud-Est de la galaxie. De là on jouissait d’une vie magnifique sur l’essentiel de la voie lactée, telle un lac dans lequel se reflèterait les étoiles les plus étincelantes de la galaxie. Le spectacle en valait la chandelle et était beau à faire rougir tous les soleils des galaxies environnantes. La Lune avait prévu une robe élégante mais simple et surtout pratique pour s’asseoir facilement pour profiter du côté nature de la soirée sans devoir se soucier d’un quelconque inconfort. Elle avait laissé ses lunettes de soleil à la maison car à cette heure-ci, son compagnon solaire aurait sans doute déjà bien baissé en intensité lumineuse. Dès les premières minutes de la rencontre, le Soleil et la Lune s’étaient tout de suite sentis vibrer sur la même longueur d’onde, avec une intensité rarement égalée par le passé. Car ces deux-là se connaissaient maintenant depuis de très nombreuses années, sans doute environ deux ou trois milliards d’années lumière. Mais ils ne rencontraient qu’assez rarement, trop occupés chacun dans leur rôle important de régence des équilibres planétaires inter et intra-galactiques. Il fallait veiller chaque jour à ce que les planètes tournent bien en rond sur elles-mêmes et le long des principaux orbites, sans jamais ne créer d’embouteillages trop embarrassants, ni même d’accidents de collisions qui pouvaient engendrer des dommages collatéraux très importants. C’était un équilibre fragiles à préserver, dans lequel chacun devait trouver sa place sans empiéter sur la liberté des autres, et en évitant au maximum de se laisser déstabiliser par Mister Trou Noir.

La dernière fois que le Soleil et la Lune s’étaient rencontrés, cela remontait à l’année 1 204 108 avant Jésus Christ dans le calendrier terrien. Leur rencontre avait donné naissance à Mars et Saturne, des faux jumeaux, un garçon et une fille. Mais maintenant leurs enfants étaient grands, et même plus que grands, un peu âgés et fatigués. Il était temps de générer à nouveau de l’énergie créatrice pour toute la galaxie, sans quoi les planètes finiraient par s’ennuyer et par sombrer dans les parages du Trou Noir.

Le Soleil et la Lune décidèrent d’entamer le sujet assez rapidement, après avoir pu profiter un peu de la vue, et s’être rassasié des derniers fruits et légumes frais du marché.

« – Alors que veux-tu ? », demanda la Lune au Soleil.

« – Hum, tu me connais bien, moi je voudrais avoir encore un garçon, un petit mec quoi. Quelqu’un qui pourrait me suivre partout dans mes aventures diurnes, dans le ciel comme sur les montagnes rocheuses des planètes les plus accidentées, quelqu’un sur que je pourrais compter pour prendre les choses en main quand j’ai besoin d’un peu de repos, et qui partageraient avec moi le goût des découvertes à la fois sportives et culinaires.

– Oui, je m’en doutais, répondit la Lune d’un air un peu moqueur. Après toutes ces années, tu n’auras donc pas changé ! Mais je comprends, c’est tout naturel.

Le Soleil commençait à rougir car il sentait bien qu’il avait été un peu direct et cavalier.

– Mais, et toi, demanda-t-il après une légère pause, que veux-tu ? Es-tu dans un cycle lunaire favorable pour avoir un garçon ?

– Oui je crois que c’est le bon moment pour créer de l’énergie masculine. Seulement voilà, je crois que notre galaxie aurait fortement besoin d’énergie féminine pour rééquilibrer un peut tout ça. Enfin, tu sais de quoi je parle : regarde simplement ce qui se passe sur la planète Terre. Il y a beaucoup trop de volonté de domination et d’exploitation de Mademoiselle Nature. Si personne ne vient l’aider, elle ne passera même pas le cap du prochain siècle. Et puis, tu me connais, j’ai toujours une petite préférence pour les filles, ce sont elles qui sont le plus souvent connectées à mon énergie lunaire, avec la douceur, la finesse mais aussi la détermination. Une fille, ce serait sympa, je pourrais lui préparer une chambre couleur lavande, avec des papillons et des libellules au plafond.

– Oui, tu as bien raison, acquiesça le Soleil. Mais pour revenir au problème rationnel et bien terre-à-terre de la planète Terre, une femme seule ne viendra justement pas à bout de toute cette énergie masculine, il lui faudra un compagnon solide pour l’épauler et lui donner du crédit face à tous ces belligérants imbus de leur pouvoir.

– C’est vrai qu’un duo serait sans doute plus solide pour faire face à tous ces changements. Il va falloir mettre un peu d’ordre et rétablir les équilibres inter et intra galactiques. Après le bazarre que les terriens ont mis sur leur planète, ça ne sera pas une mince affaire.

– Alors que faire ? demanda le Soleil, encore des jumeaux ?

– Ah non non non, surtout pas ! répondit la Lune. Honnêtement, c’est beaucoup trop fatiguant, surtout pour moi pendant les premiers mois durant lesquels je ne pourrai pas fermer l’œil de la nuit. J’aime beaucoup la nuit, mais pas à ce point-là. Pour toi, c’est facile, car tu travailles essentiellement la journée, lorsque tu dois éclairer toutes les personnes éveillées, et puis la nuit tu dors comme un loir, pendant que moi je dois me lever de nombreuses fois pour veiller sur les nouvelles planètes, les nourrir, les réconforter et les faire grandir.

– Oui, mais le problème c’est que si l’on attend le bon moment pour une fille, cela va remettre notre projet aux calendes grecques. Rappelle-toi, la dernière fois que l’on a réussi à se voir, cela remonte à plus de un milliard d’années lumière.

– Oh, comme le temps passe vite… se renfrognit la Lune. Soudain elle était passée de sa forme de la pleine Lune au dernier croissant de Lune.

– Bon écoute, reprit le Soleil. Rien ne sert de se laisser aller, d’autant plus que l’heure tourne, et que notre « ami » MTN ne va pas tarder à sortir de sa torpeur. Tu vas voir, dès que le match de frisbee va être terminé, il va venir nous voir avec son lot de regrets et de nostalgies, du style du « j’aurais pas dû », ou « on aurait dû », ou « je te l’avais bien dit », ou « si j’avais su ». Donc ne perdons pas de temps. Si tu dis que c’est le bon moment pour un garçon, allons-y, et retrouvons nous dans deux années et 8 mois pour la petite fille, celle qui aura pour mission d’aller faire un peu de ménage chez les terriens, avec l’aide et l’appui de son grand frère.

– D’accord, répondit la Lune sans trop d’hésitations. Cela veut dire que nous aurons cette fois un deuxième rendez-vous dans une durée très rapprochée, mais cela me paraît être la solution optimale pour tous. Mais, dis-moi, comment va-t-on les appeler ?

– Et bien, si Mars et Saturne sont d’accord, on les appellera Lea et Lucien.

– Lea et Lucien ? Non, mais tu rigoles ? demanda la Lune avec un éclat de rire.

– Pourquoi est-ce si drôle ? dit le Soleil. Vraiment, il ne comprenait pas.

– Ah là, là, là, mon coco, on voit que tu ne regardes jamais la télévision. Ce sont des prénoms très similaires à ceux des héroïnes de fameux film intitulé « La guerre des étoiles ». C’est vieux comme la Terre, tout le monde connaît.

– Ah d’accord, je comprends, dit le Soleil un peu embarrassé. Tu es pas née de la dernière pluie, toi ! Mais comme tu sais, je n’ai juste pas le temps de regarder le Petit Ecran, vraiment pas le temps, avec tout ce qu’il faut générer comme lumière et énergie pour les planètes de la galaxie, pas comme ce MTN qui n’a rien d’autre à faire que de se morfondre dans une petite salle toute sombre. Tu as une autre idée de prénoms alors ? Moi honnêtement, j’aime vraiment beaucoup Lea et Lucien. Je trouve ça chic, et plein d’espoir et de résonnance. Et puis tant pis pour le Petit Ecran, tout le monde s’en fiche pas mal.

– Ok adjugé , vendu ! s’exclama la Lune en lui tendant la joue gauche de son croissant de Lune pour qu’il l’éclaire de nouveau d’un de ses rayons.

– Marché conclu, clôtura le Soleil.

Et pour terminer la soirée, il lui offrit sa plus belle lumière, cette lumière divine qui éclaire le cœur des êtres humains quand ils tombent amoureux. C’était une lumière pleine d’amour qui vint procurer à sa compagne une rondeur parfaite et étincelante, cette rondeur que seule la pleine lune parvient à remplir de bonheur et de vie sans la faire déborder sur toutes les autres planètes.

Mars et Saturne étaient biensûr d’accord pour le choix des prénoms de Lea et Lucien, et aussi pour accueillir et parrainer ces deux êtres qui allaient faire le chemin difficile mais magnifique de l’apprentissage de la vie.

C’est ainsi que naquit tout d’abord Lucien, le 31 mai 2020, puis sa petite sœur Lea, le 27 octobre 2022. Après quelques mois de jalousie et de rivalité féroce, ils allaient devenir les meilleurs amis du monde, et les complices les plus redoutables de la galaxie.

 

Le nid

Lucien, son prénom vient de ¨luci¨, la lumière, et il tenait bien de son père, le soleil. Il était né un jour de Printemps, avec les premiers rayons du soleil. Il regardait la terre, comme un astre qui souhaite réchauffer les premières rosées du matin.

Léa était arrivée en pleine nuit, le visage tourné vers les étoiles et la lune. Son frère, c’était l’activité permanente et une certaine instabilité émotionnelle compensée par une curiosité insatiable pour la découverte du monde. Elle, c’était le calme, la stabilité et la détermination à toute épreuve, comme la force cachée d’un volcan dormant.

A tous les deux, ils formaient un duo de fratrie complémentaire, à l’image du yin et du yang. Nés aussi différents, ils auraient pu emprunter des chemins opposés et se laisser éloigner par la haine et la jalousie. Mais ils avaient choisi de s’aimer, non sans rivalité, mais une rivalité stimulante qui les faisait avancer et progresser vers l’âge adulte.

Leur maison était perchée sur la plus haute montagne de l’îlot qui flottait au-dessus d’une mer dorée, sur la petite planète de la région Sud-Est de la galaxie, l’astéroïde numéro 678 pour les bons connaisseurs de la géographie céleste.

Fabriquée de bois, de plumes, de branchages et de feuilles, cette maison ressemblait bien, somme toute, à un nid, un nid de cygne. Il y faisait une température douce et agréable tout au long de l’année et Lucien et Léa avaient chacun un lit douillet pour dormir à point fermé sans être jamais réveillé par les colères de Mister Trou Noir. La journée, le Soleil brillait de toute sa splendeur, illuminant la mer dorée qui entourait leur demeure, et la nuit, c’était la Lune qui faisait luire la surface de l’eau comme un papier argenté.

 

Lucien se régalait des légumes, des fruits et surtout des délicieux fromages que lui ramenait son père solaire, grand amateur des bons produits frais. Quant à Leïla, elle se délectait chaque nuit du nectar lacté de sa maman la lune qui ne manquait jamais au rendez-vous quand elle avait soudainement un petit creux.

Au final, la vie était simple, il suffisait de manger, dormir, et entre temps jouer avec les autres enfants de la crèche insulaire, l’unique crèche de l’île qui suffisait à accueillir tous les petits voisins. Le corps devait s’habituer à une certaine concentration de virus, bactéries et parasites en tout genre qui s’échangeaient entre les enfants, mais c’était là le meilleur moyen de développer un système immunitaire infaillible pour les prochaines épreuves à venir.

Mars et Saturne, les parrains et marraines de Lucien et Léa, ne manquaient jamais un anniversaire pour les régaler de gâteaux au chocolat et pour leur offrir de nouveaux jouets en bois.

Le jouet préféré de Lucien, c’était une fusée, qui lui permettrait d’aller explorer les autres planètes, car celle-ci était belle mais elle était bien petite. Léa, elle, adorait son papillon multicolore, dont les ailes vibraient dans une symétrie parfaite.

De temps en temps, ils échangeaient la fusée contre le papillon, et inversement, mais cela ne durait jamais très longtemps car chacun se sentait beaucoup plus en paix avec soi-même et avec le monde en se contentant de ce qu’il avait. Dès l’enfance, on apprend très vite que de toujours vouloir ce que les autres ont, sans se contenter de ce que l’on a soi-même, engendre des frustrations incessantes qui empêchent le bonheur de s’épanouir pleinement.

Le bonheur était là, palpable, jour après jour.

Lucien et Léa allaient à la crèche avec leurs draisiennes, ces petits vélos de bois sans pédales. C’est là qu’ils faisaient leurs premiers apprentissages de la vie en collectivité. Apprendre à ne pas pousser, mordre ou tirer les cheveux, ce n’était pas si simple quand il y avait autant de jeux à partager entre autant d’enfants. Ils étaient une trentaine en tout, répartis en trois groupes d’âge. Les éducatrices les connaissaient tous par leur prénom et les suivaient dans leur évolution du plus jeune âge à l’âge de la majorité, c’est-à-dire cinq ans, d’après la législation de l’île. A cinq ans, les petits étaient déjà prêts à quitter l’île et même la planète pour s’aventurer vers les autres planètes de la galaxie.

Lucien serait en âge de partir avant sa sœur, mais il ne voulait pas la laisser seule. En même temps, ses meilleurs amis Pierrane et Jon allaient de toute façon s’envoler vers d’autres cieux.

Alors il partirait sans doute lui aussi, le jour voulu, et resterait en contact avec sa sœur grâce à l’écran de son mini-phone qu’il transportait partout avec lui. C’était pratique, on pouvait se voir et parler en temps réel grâce à la mini caméra intégrée, une des premières choses que l’on apprenait à la crèche, dès le plus jeune âge.

Lucien avait aussi une petite amie à la crèche, elle s’appelait Lila. Elle lui faisait un peu penser à sa sœur Léa, sauf qu’elle avait de cheveux blonds bouclés et des yeux bleus tout ronds. Léa, elle, avait des yeux vert émeraude en forme d’amande et de grands cheveux noirs. Et la meilleure amie de Léa s’appelait Paloma, une petite rouquine pleine d’énergie et assez coquine.

Le charme irrésistible de Lucien, c’était son regard, d’un bleu tellement clair qu’on pouvait s’y plonger pendant des heures, comme si l’on nageait dans les eaux limpides des Caraïbes, à la différence qu’on n’en voyait pas le fond, avec cette lumière éblouissante qui jaillissait de chaque pupille. Souvent quand il partait se promener dans la rue commerçante de l’île, les dames s’arrêtaient sur son passage pour se plonger dans son regard. Il avait aussi une sacrée tignasse, des cheveux châtains clairs aux reflets dorés, formant une masse à la fois douce et épaisse.

Le charme de Léa, c’était surtout son sourire. Il venait comme ça, à l’improviste, dans une vague de bonheur, qui repartait parfois aussitôt en laissant sur son visage l’écume de la joie et de l’insouciance. Elle passait beaucoup de temps à observer son frère jouer en fronçant les sourcils, avec un air sérieux que seul ce sourire pouvait débusquer. Elle veillait sur lui avec le sens de la responsabilité et il aimait la faire rire en faisant le clown.

Chaque soir, le Soleil et la Lune se passaient le relais pour passer du jour à la nuit. L’heure du coucher était marquée par un véritable rituel durant lequel chacun racontait une histoire à tour de rôle, une fois à Lucien, une fois à Léa et inversement.

Dans leurs rêves, Lucien et Léa imaginaient des châteaux de sable, des forteresses incroyables, des Océans de poissons, des nuages de papillons, et que sais-je encore.

La vie était douce et sucrée.

Mais un jour, il faudrait partir.

1. Le voyage de Lucien au pays du soleil levant : le tour de l’Océan Indien

i. Le départ

Pour quitter l’île, il fallait d’abord passer par un tunnel souterrain, creusé sous les eaux profondes du lac. Il y avait un funiculaire qui reliait à la plate-forme de départ des fusées. Le train passait toutes les trente minutes environ, voir quinze minutes aux heures de pointe. La plate-forme de départ de fusées était organisée comme un aéroport, à côté duquel il y avait une ville assez grande qui comptait plusieurs crèches. Lucien et Léa avaient la chance d’habiter sur l’île et d’aller dans l’unique crèche de la planète qui ne comptait que trente enfants environ.

La ville était aussi beaucoup plus bruyante et polluée, comparée à l’île où l’on vivait vraiment dans la nature, au milieu des arbres, des fleurs et des plantes exotiques. On circulait uniquement à pied ou en vélo électrique alimenté à l’énergie solaire. Sur l’île, il y avait aussi une magnifique plage où l’on pouvait se baigner presque toute l’année, en été, mais aussi en hiver grâce au petit sauna chauffé au feu de bois. Lucien pouvait passer des heures sur cette plage, à faire des châteaux de sable ou à jouer au crocodile dans les eaux peu profondes du rivage.

Tout le monde se connaissait, sur l’île et on retrouvait facilement des copains et copines de la crèche pour aller lécher une glace au chocolat après la baignade au soleil.

Quitter l’île demandait donc beaucoup de courage, car c’était comme quitter un petit coin de paradis.

Lucien avait donc bien du courage, ce matin d’automne du 31 octobre, lorsque, du haut de ses cinq ans, il avait décidé de rejoindre les plus grands du groupe des aventuriers de la crèche pour prendre le funiculaire en direction de la ville. Le rendez-vous avait été donné à 8h20 précises du matin pour ne pas rater le train de 8h33. Lucien avait préparé un petit sac d’affaires, dans son sac-à-dos en forme de tortue verte fluorescente qu’il portait sur une parka beige clair, avec des pantalons bruns et un pull bleu. Il avait aussi opté pour les baskets plutôt que les bottes de pluie, car même s’il préférait les bottes, il ne savait pas trop quelle température il allait faire sur les autres planètes. Pas facile de faire ses valises quand on a aucune idée du climat de la destination d’origine. Il n’avait pas oublié son mini-phone pour pouvoir communiquer avec sa sœur. Il lui avait promis de lui envoyer des photos dès qu’il serait monté à bord de la fusée.

Une fois arrivés à plate-forme de départ, les aventuriers étaient répartis en différents groupes pour monter dans les fusées. Heureusement, Lucien s’était retrouvé avec son ami Pierrane.

Pour accéder à la fusée, il fallait passer par une salle de réunion dans laquelle les attendaient Mars et Saturne. Le Soleil et la Lune étaient aussi présents par vidéoconférence.

– « Bonjour et bienvenue à bord de la fusée numéro 1851 à destination de la planète Terre », commença Mars. « Vous allez devoir vous préparer à un grand voyage, et une fois arrivés sur place, vous devrez faire preuve d’une grande adaptabilité car la planète Terre compte une variété inégalée de climats et de milieux naturels différents. Enfin et surtout, les terriens se ressemblent mais ne sont pas tous pareils, en fonction des continents, des pays et des cultures. Ils parlent même différentes langues, contrairement à nouveau qui parlons tous la langue universelle de l’esperanto. Mais nous vous faisons entièrement confiance, et cette première mission aura surtout pour but d’explorer et d’inventorier les sociétés qui existent sur la Terre. Votre but sera donc de remporter avec vous un maximum d’informations, de photos et de vidéos, afin d’informer la prochaine vague d’aventuriers qui devraient partir dès 2027 pour aider les terriens à se sortir de la situation catastrophique dans laquelle ils se sont engagés. »

– Surtout, ne vous lancez pas dans l’action, continua Saturne, même la tentation sera parfois grande d’agir pour tenter de résoudre les problèmes des terriens qui vont d’ailleurs sans aucun doute vous solliciter pour les aider. Répondez-leur gentiment que l’aide viendra en temps voulu, et que votre présence a pour but de préparer au mieux cette seconde mission qui sera alors plus tournée vers l’action. »

– Maintenant il est temps de partir, conclut Mars, le temps presse ! ».

Lucien et Pierrane se regardaient l’un l’autre d’un air un peu ahuri. Eux qui pensaient être partis pour une vraie aventure, avec de l’action et des rebondissements ! Voilà qu’ils se trouvaient transformés en simple reporter, voir même en ennuyeux universitaire chargé de récolter des données. Ils se rappelaient de leur jeu favori, à la crèche, c’était de jouer avec un camion de pompier. Ils se prenaient alors pour de vrais pompiers qui venaient en aide aux malheureux terriens en éteignant les feux de la planète, en rassurant les jeunes mères et leurs enfants, et en soignant les combattants blessés par les flammes. Mais ce n’était rien de tout cela qui les attendait.

Pierrane chuchota aussi un mot à l’oreille de Lucien :

« – Dis, mais, 2027, c’est l’année durant laquelle ta sœur Léa va sortir du groupe des aventuriers ! Tu crois que c’est elle qui fera partie de la mission d’action ?

– Peut-être, répondit Lucien d’un air inquiet. J’espère qu’il ne lui arrivera rien, à ma petite sœur.

– Oui, alors raison de plus pour bien préparer le terrain et lui donner le maximum d’informations à notre retour ! » s’exclama Pierrane.

Ils n’eurent pas le temps de poursuivre la conversation car il fallait déjà enfiler les combinaisons blanches d’astronautes pour monter dans la fusée. Elle était tellement grande, cette fusée ! Plus grande que toutes celles dont ils avaient pu rêver. A bord, il y avait tout ce qu’il fallait pour faire un grand voyage : des mini-dortoirs, des douches, une cafétéria, et même une mini-piscine pour les nostalgiques des jeux balnéaires de l’île !

Lucien et Pierrane décidèrent de choisir un dortoir, de laisser leur petit sac sur lit, et de vite filer à la piscine avant l’heure du repas. Après le dîner, ils étaient tellement fatigués par la baignade qu’ils s’endormirent comme des loirs jusqu’au lendemain matin.

Et là, quelle surprise ! On apercevait déjà la planète bleue depuis le hublot du dortoir. Lucien sauta de son lit pour avaler un grand bol de chocolat chaud et s’installa sur un des fauteuils qui permettait de jouir de la meilleure vue sur la planète Terre. La fusée s’en rapprochait à une très grande vitesse et on apercevait déjà les formes des continents : l’Afrique, l’Europe, l’Asie, l’Amérique du Nord et du Sud… C’était fabuleux de découvrir en vrai ces formes terrestres qu’ils avaient pu déjà appréhender dans les livres de géographie de la crèche. Et l’Océan tout autour était d’un bleu très profond. Lucien s’imaginait déjà naviguer sur les flots avec un grand bateau de pirate !

Mais en observant de plus près, il devint soudain un peu inquiet. En effet, il y avait de gros nuages de brume au-dessus des principales villes dont les lumières luisaient encore dans le jour naissant. Ce n’était pourtant pas cette brume matinale que l’on connaissait sur l’île durant les matins d’automne, mais plutôt des sortes de nuages bruns qui paraissaient assez malsains. Certains étaient même un peu verdâtres. Et puis sur la mer, il y avait de grandes tâches noires, – sans doute du carburant, se dit alors Lucien, – et d’autres tâches que formaient de grands amas d’algues vertes.

Il appela alors son copain Pierrane qui traînait encore dans son lit avec son doudou lapin.

« – Et viens voir, lui dit-il, il y des couleurs bizarres sur la planète bleue !

Laisse-moi dormir encore un peu, lui répondit Pierrane avec une voix ensommeillée, il n’est que 6h du matin ! On va avoir besoin d’énergie pour l’arrivée. »

Alors Lucien continua d’observer seul ce spectacle un peu suspect. Il prit des photos et les envoya immédiatement à sa sœur Léa avec l’application What’sUp. Elle dormait encore, mais elle n’allait pas tarder à allumer son mini-phone sur le chemin de la crèche.

ii. L’arrivée aux Seychelles, joyau de l’Océan Indien

Léa se réveillait tout juste quand son mini-phone lui indiqua par un petit bip que son frère lui avait envoyé un message : « Ma chère sœur, tout va bien ici, à bord de la fusée 1851 à destination de la planète terre. J’ai beaucoup de chance car je suis dans la même cabine que mon copain Pierrane. J’espère que tu as bien dormi et que tu es prête pour une nouvelle journée de crèche. Je t’envoie aussi cette photo en pièce jointe, car je la trouve un peu inquiétante : il semblerait que la planète bleue ait été envahie par des algues verdâtres, et que le ciel se soit chargé de nuages bruns. Pourrais-tu en parler à nos parrain et marraine Mars et Saturne pour leur demander ce qu’ils en pensent ? Je fais court car je n’ai plus beaucoup de crédit pour les appels intergalactiques. Je t’embrasse très fort. Ton frérot Lucien. »

Léa décida de faire suivre le message à Mars et Saturne et se dépêcha de s’habiller et d’avaler un bol de chocolat chaud. La journée crèche commençait à neuf heures précises et il ne fallait pas arriver en retard pour ne pas rater l’accueil en chanson.

Au même moment, la fusée de Lucien et Pierrane se posait sur le Terre. Le voyage avait été bien planifié pour faciliter l’atterrissage et l’adaptation des passagers. Ils étaient arrivés sur une magnifique île de l’Océan indien, appelée La Digue. Elle faisait partie de l’archipel des Seychelles, un chapelet d’îles paradisiaques baignées par des eaux turquoises limpides. Lucien et Pierrane n’en revenaient pas, c’était presque aussi beau que leur île d’origine. On leur avait pourtant bien dit que la planète Terre comptait nombre d’endroits pollués et devenus impropres à la vie humaine. Mais ici à la Digue, la nature était d’une pure beauté. L’île faisait environ trois kilomètres sur cinq, dans une forme de diamant. Le plus haut sommet culminait à environ sept cent mètres d’altitude, enfoui sous une jungle luxuriante de cocotiers et d’arbres exotiques. Au pied du sommet, il y avait une grande étendue d’herbe verdoyante qui avait été laissée libre pour l’atterrissage des hélicoptères de secours, et exceptionnellement, comme ce jour-là, pour les fusées venues de l’espace.

La porte avant de l’appareil s’ouvrit devant le siège de Lucien et Pierrane. L’atmosphère était tellement lumineuse que Pierrane sortit sa paire de lunettes de soleil. Lucas sentit immédiatement la chaleur et l’humidité sur sa peau. Ils étaient tous deux éblouis et encore un peu endormis suite à leur long voyage nocturne.

Le pilote se retourna vers Lucien et Pierrane. Tout le monde l’appelait Mikonos, du nom d’une île grecque où il avait sauvé la vie d’une dizaine d’enfants en réussissant un atterrissage d’urgence alors que le moteur de la fusée était soudainement tombé en panne lors de la traversée de la Méditerranée.

« – Voilà les enfants, vous êtes arrivés ! Terminus, tout le monde descend. Maintenant c’est à vous de prendre le volant, de prendre votre destin en main ! », dit Mikos.

Lucien et Pierrane étaient soudainement terrifiés par cette nouvelle aventure. C’était la première fois de leur vie qu’ils commençaient un voyage sans être accompagnés d’un adulte, et qui plus est, dans un endroit aussi lointain et nouveau que la planète Terre.

« – Mais on ne sait pas du tout où aller ! » s’exclama Pierrane.

« – Ne vous inquiétez pas, leur dit-il, il suffit d’aller vers la cabane qui est à côté du parc des tortues géantes et vous trouverez quelqu’un pour vous accueillir et tout vous expliquer. Allez, n’oubliez pas votre petit sac-à-dos ! Bonne chance et bon courage. Et surtout méfiez-vous des inconnus. Je viens vous chercher dans quelques mois au point de rencontre du désert du Hoggar. »

Lucien et Pierrane se regardèrent d’un air ébahi. Ils n’avaient aucune idée d’où se trouvait le Hoggar ! Mais déjà Mikonos avait descendu leurs sacs de la fusée et les attendaient en bas de l’escalier. Contre leur gré, ils descendirent chacun leur tour en arrière pour ne pas tomber, le cœur serré et la gorge nouée.

« – Bon voyage ! » leur dit Mikonos et déjà la fusée était repartie dans un nuage de fumée.

Pierrane se mit à sangloter nerveusement.

« – Regarde ! » lui dit Lucien en pointant du doigt un énorme enclos qui entourait un immense bloc de granite gris.

« – Des tortues géantes ! » s’exclama Pierrane.

Ils n’avaient jamais vu ça, des énormes tortues dont les carapaces faisaient facilement 3 mètres de diamètre. Elles regardaient les deux garçons d’un air ahuri, en mâchonnant de grandes feuilles vertes de palétuviers. C’était sans doute la première fois qu’elles voyaient un petit garçon comme Lucas, tout blond et avec des grands yeux bleus. Pierrane se fondait mieux dans le paysage, avec sa peau mâte et son type indien. Des enfants qui sortaient de l’école avaient rejoint Lucien et Pierrane au bord de l’enclos pour observer et nourrir les tortues.

Une petite fille aux grands yeux noirs leur adressa la parole avec un drôle d’accent anglais au ton chantonnant :

« – Vous cherchez quelque chose ? » leur demanda-t-elle.

« – Oui ! lui répondit Lucas. – Nous cherchons la cabane du parc ! Nous avons fait un grand voyage et sommes très fatigués ».

« – Pas de problème, je vous accompagne, répondit-elle. »

Lucien et Pierrane dirent au revoir aux tortues géantes et d’empressèrent de mettre leur sac sur leur dos pour suivre les pas de la jeune fille. Elle avait de grands cheveux noirs et une magnifique fleur de Magnolia derrière l’oreille. Sa robe légère et colorés flottait autour de ses chevilles à chaque pas pendant qu’elle avançait vers la cabane du parc.

En arrivant sur la pas de la porte, ils virent une grande dame qui ressemblait beaucoup à sa petite fille.

« Ah merci Célia ! dit-elle à sa petite fille. Lucien, Pierrane, nous vous attendions ! »

« – Je me présente, Madame Jolie, Présidente de l’archipel des Seychelles. Ravie de faire votre connaissance ! »

Lucien et Pierrane en restèrent bouche bée et se contentèrent de lui faire une courbette pour marquer leur respect.

« – Et bien, vous avez perdu la parole ! Venez, entrez donc, je vais vous expliquer un peu ce qui vous attend. »

Dans la cabane de cocotier, il y avait une immense table taillée dans du bois massif et des chaises confortables qui se balançaient légèrement pour détendre les hôtes à leur arrivée. Célia leur apporta un grand verre de jus de fruit frais avec une paille et une rondelle de mangue.

Lucient et Pierrane commençaient déjà à se sentir un peu mieux.

« – Alors voilà, entama Mme Jolie, vous avez été envoyés par vos parrain et marraine Mars et Saturne pour nous rendre visite ici sur notre planète Terre. Ils m’ont averti hier soir par fax de votre arrivée. J’espère que vous avez fait bon voyage… Mais ne perdons par de temps. Par où commencer ? Célia, veux-tu leur faire une brève présentation de la situation sur l’île ? »

« – Oui biensûr, répondit Célia. C’est très simple. Depuis quelques années, rien ne va plus sur l’île. Il n’y a plus de saison. Par exemple maintenant, cela fait quatre mois qu’il n’a pas plu ! Pas une goutte de pluie ! Les gens de l’île sont très inquiets. Même pour les mangues, comme celles que vous avez sur votre cocktail, il devient très difficile de les faire pousser sur l’ile et on est obligé d’importer toute la nourriture par bateau. En plus de cela, la niveau de la mer a augmenté. Le vent et les vagues emportent le magnifique sable blanc qui fait la réputation de nos plages et l’eau salée envahit les champs agricoles où nous avions planté des patates douces et des bananiers. »

« – Merci Célia, acquiesça Mme Jolie. Et ce n’est pas tout, enchaîna-t-elle. C’est endroit magnifique où nous vivons, ces îles que nous chérissons et respectons de génération en génération depuis la nuit des temps, semblent avoir été frappés par une malédiction. »

Lucien et Pierrane firent tous les deux de grands yeux tous ronds.

« – Certaines maladies qui n’existaient pas avant ont commencé à toucher de plus en plus de monde, et en particulier les personnes âgées, les bébés et les femmes enceintes. La malaria par exemple, qui se transmet par les moustiques, n’avait jamais existé sur les îles Seychelles, mais depuis quelques années, la population doit se protéger avec des moustiquaires, des lotions anti-moustiques et même parfois prendre des cachets antipaludéens. A cela il faut ajouter le sida, qui se transmet par le sang ou les relations sexuelles, mais aussi le chikungunya qui a fait son apparition très récemment et a contaminé une dizaine de personnes dans les dernières semaines. »

Lucien et Pierrane étaient à nouveau terrifiés ! Ce petit paradis terrestre était entrain de devenir un véritable enfer. Il n’avaient qu’une envie, c’était de partir en courant et de sauter dans la fusée de Mokonos pour rentrer à la maison. Mais c’était trop tard, il était déjà très loin dans le ciel.

Pierrane s’aventura avec une question hésitante :

« – Et que pouvons-nous faire pour vous aider ? Vous voudriez que l’on commande des moustiquaires ? Il y a un très bon fabriquant sur notre île. Quant au sida, je n’ai aucune idée de ce que c’est, mais il paraît qu’on peut se protéger avec des petits bouts de plastique appelés préservatifs. »

Célia et Mme Jolie se mirent à sourire puis reprirent rapidement leur sérieux.

« – Ce sont là de très bonnes idées, Pierrane, merci. Mais votre mission va bien au-delà. Il s’agira pour vous de visiter plusieurs pays de la planète Terre, de rencontrer les habitants et leurs leaders, d’observer et de prendre note de tout ce qui se passe autour de vous pour transmettre ces informations à vos dirigeants lors de votre retour sur votre l’Ile. C’est une mission d’observation très importante qui débouchera sur une deuxième mission davantage orientée vers l’action. »

« – Les problèmes sont multiples et très complexes, continua-t-elle. Les êtres humains qui vivent sur cette planète ont commencé à brûler de plus en plus de carbone pour leurs activités et leur confort. Par exemple, ils ont besoin de pétrole pour se déplacer, pour faire marcher les moteurs des voitures et des avions, ou encore de charbon, de gaz ou d’électricité pour créer de l’énergie, pour chauffer les maisons dans les pays froids, ou encore générer de l’air frais dans les pays trop chauds. Et puis avec le progrès technique, il y a tout un tas de choses que les gens veulent fabriquer, produire et consommer : des TV, des machines à laver, des lave-vaisselles, des ordinateurs, bref une quantité incroyable de richesse matérielle à laquelles les gens s’attachent et sont presque prêts à s’entre-tuer pour posséder toujours plus. »

– « Regardez simplement les gens qui viennent ici, sur nos îles, en vacance. Ce sont souvent des gens très riches. On les appelle « les rois du pétrole » ! Comme ils travaillent beaucoup à longueur d’année pour gagner plus d’argent et dépenser plus, ils viennent ici pour se reposer une fois par an et oublier tous leurs soucis matériels. Ce sont eux qui font tourner cette grosse machine de l’économie mondiale et qui en même temps détruisent notre planète et notre climat, et donc aussi nos magnifiques îles !

Mais le paradoxe c’est que nous avons besoin d’eux, les touristes, pour faire marcher notre économie et faire rentrer des devises étrangères dans le pays. Sans eux, on ne pourrait sans doute pas se payer l’excellent système de couverture sociale, de santé et d’éducation dont tous les autres pays nous envient.

Maintenant, la situation est très urgente. Le compte à rebours a commencé. Si les habitants de la planète continuent de produire et consommer sans limite, et d’émettre des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, cela va créer une couche de plus en plus épaisse qui capture les rayons du soleil et fait augmenter la température moyenne.

A ce rythme, d’ici la fin du siècle, il pourrait faire 6 degrés de plus, ce qui pourrait complètement déstabiliser le climat, créer davantage de tempêtes, dérégler les saisons des pluies et les moussons, aggraver les sécheresses et les inondations, et même saliniser les Océans. Ici, aux Seychelles, les coraux ont presque disparu, dans l’eau. Les touristes sont souvent assez déçus quand ils viennent plonger dans les eaux peu profondes car ils ne voient plus que des coraux morts et décolorés et quelques rares poissons.

Bref, mais je ne vais pas vous assommer de trop d’information. Vous découvrirez les choses par vos propres yeux. Simplement, nous, les Seychellois, nous sommes dans une situation de dépendance et donc nous ne pouvons pas intervenir auprès des autres pays qui consomment et produisent du pétrole. C’est pour cela que nous avons demandé de venir pour réaliser cette mission, depuis l’extérieur. »

« – Et où est-ce que nous allons aller ? demanda Lucas qui était déjà très curieux de savoir où serait la prochaine étape de leur périple.

– Nous y sommes, dit Mme Jolie. Voici une carte de votre voyage avec les différentes étapes par lesquelles vous passerez. Il faudra vous armer de patience. Le voyage sera long et pas toujours facile. »

« – Et est-ce qu’il y aura des jeux et des trains sur le chemin ? demanda encore Lucas avec des étoiles dans les yeux.

– Ah non, malheureusement pas mon petit, lui dit Mme Jolie. Mais ne t’inquiète pas, tu auras bien assez à faire et à voir. Tu vas vite oublier les jeux et les trains ! Et puis, en plus de la carte, voici aussi pour vous deux appareils photos numériques que vous pourrez relier à votre mini-phone. Cela vous permettra d’envoyer des photos et des vidéos instantanément à vos frère et sœur restés sur l’île. »

Mme Jolie leur tendit la carte et les deux appareils photos gravés avec leur prénom dessus.

Lucien et Pierrane étaient ravis de leurs nouveaux gadgets ! Ils s’empressèrent de prendre des photos de la cabane, Mme Jolie et Célia et de les envoyer à la petite sœur Léa et au petit frère Attila. Avec le décallage horaire, ils recevraient les photos le lendemain matin.

« – Merci beaucoup pour ces cadeaux ! s’exclama Pierrane.

– « Merci ! » ajouta Lucien en s’approchant pour faire un gros bisous à Mme Jolie et Célia. Il devait se retenir de leur mordre le poignet à pleine dent, c’est toujours ce qu’il avait envie de faire quand il voyait des filles qu’il aimait bien. Mais il avait appris, à la garderie de l’Ile, qu’il ne fallait pas faire ça car cela pouvait faire très mal à l’autre personne. Il se contenta donc de leur faire une grosse bise chaude et mouillée dans le cou.

Mme Jolie était sous le charme. Célia sourit et se retourna pour essuyer son cou discrètement

« – Allez, maintenant, c’est l’heure de partir, leur dit Mme Jolie. Vous avez à votre disposition deux grands oiseaux pour vous menez vers votre prochaine destination.

– Pour toi, Lucien, tu pourras monter sur le canard sauvage qui est là, sur le pas de la porte. Il s’appelle Gaspard le Canard. Il a beaucoup d’expérience et pourra t’emmener partout, même dans les grandes montagnes de l’Himalaya.

– Et pour toi, Pierrane, il y a l’oie sauvage Pâte d’Oie. C’est une grande oie très douce qui prendra bien soin de toi, te fera découvrir des endroits magiques et exotiques, et pourra aussi s’assurer que tu manges toujours de la bonne nourriture. »

Lucien et Pierrane étaient déjà montés à califourchon sur leur nouvel animal de compagnie. Quelle aventure ! Jamais de leur vie, on ne leur avait donné un appareil photo numérique et un grand oiseau sauvage pour partir à la découverte du monde.

Ils étaient tous les deux tout excités et prêts pour le grand départ.

« – En route ! » leur dit Gaspard le Canard.

Lucien et Pierrane firent un signe de main à Mme Jolie et Célia et les deux oiseaux s’envolèrent côte à côte avec des grands coups d’aile.

iii. L’Inde : mosaïque de couleurs et d’épices

Au bout de quelques heures de vol, Lucien et Pierrane atterrirent proche d’un immense aéroport, dans la banlieue de New Dehli. Gaspard et Pâte d’Oie étaient assez fatigués du voyage et Lucien et Pierrane s’empressèrent d’aller leur chercher un grand bol d’eau fraîche pour se désaltérer.

Pâte d’Oie les mit tout de suite en garde :

« – Cette eau-là, l’eau du robinet, ça va bien pour nos estomacs d’oiseau. Mais attention à vous car l’eau peut être contaminée et vous rendre très malade. Interdiction d’en boire ! Buvez seulement l’eau minérale en bouteille. »

Mais c’était trop tard ! Lucien avait déjà bu l’eau du robinet à grande gorgée en allant remplir le bol d’eau dans les toilettes. Bon, tant pis, il ne restait plus qu’à espérer que son estomac serait aussi solide que celui des oiseaux !

New Delhi était une ville très impressionnante, tentaculaire et bondée de monde. Lucien et Pierrane commençaient à mieux comprendre ce dont avait parlé Mme Jolie. Pour rentrer dans la ville, il y avait un immense embouteillage de voitures qui fumaient une grosses vapeurs bleutées et faisaient tousser Gaspard et Pâte d’Oie. Heureusement qu’ils étaient là pour les transporter au-dessus des embouteillages en survolant la ville !

Tous ces gens avaient l’air très pressés d’aller soit travailler soit dans des magasins pour acheter toujours plus de choses. Enfin, en tout cas, c’était vrai pour les gens assez riches qui pouvaient s’acheter une voiture. Mais l’immense majorité de la population vivait dans une extrême pauvreté. Lucien et Pierrane avaient tout de suite remarqués ses enfants habillés de haillons qui mendiaient sur le bord de la route. Leurs maisons ressemblaient à des boîtes de conserves, avec des parois de taule et des toits couverts de fils électriques qui avaient été reliés manuellement au circuit électrique de la rue.

Lucien s’arrêta vers un petit garçon qui semblait l’appeler.

« – Bonjour ! Comment tu t’appelles ? Moi je m’appelle Lucas et j’ai 5 ans.

– Toi donner sac à dos ! » lui répondit le petit garçon. Il avait attrapé le sac de Lucas et lui tirait les bretelles des épaules.

– Ah non ! dit Lucas. J’ai besoin de ma carte et de mon appareil photo. Mais si tu veux je peux te donner cette petite voiture verte. Elle ressemble à celles qu’on a à la maison, celles qui fonctionnent au biogaz. »

Mais le petit garçon n’avait pas l’air d’accord du tout ! Il voulait l’appareil photo et les lunettes de soleil.

Gaspard lui dit de monter vite sur son dos et de partir, ce que fit Lucien. Mais d’un seul coup, il se sentit tout triste. Ce n’allait pas être facile de se faire des nouveaux copains dans ce pays !

Pendant ce temps, Pierrane était parti dans la direction d’un grand temple coloré.

« – Regarde, Lucien ! lui dit-il. Regarde comme c’est grand ! »

Il y avait une immense forteresse et de l’autre côté, un parc ponctué de grands bassins d’eau calme et un grand palais blanc et majestueux. Lucien et Pierrane passèrent par la forteresse pour rentrer dans l’enceinte du monument. C’était absolument splendide. Lucien et Pierrane n’avaient jamais vu quelque chose d’aussi beau !

« – Cela s’appelle le Taj Mahal ! leur dit Pâte d’Oie. C’était un roi très amoureux qui l’a fait construire pour sa femme dont il était follement amoureux et qui était décédée prématurément. »

Lucien et Pierrane en étaient abasourdis. Ils ne savaient pas très bien ce que voulait dire le mot « amour » mais ils s’imaginaient que cela devait être un sentiment très puissant pour construire quelque chose d’aussi beau.

Ils passèrent le reste de la journée à flâner autour des murs blancs somptueux du Taj Mahal et à se promener autour des bassins d’eau claire dans laquelle se reflétaient les coupoles du monument. C’était vraiment une journée magique.

Pâte d’Oie et Gaspard le Canard étaient aussi bien contents de pouvoir se reposer un peu et de tremper leurs pâtes dans l’eau fraîche.

En fin de journée, Pâte d’Oie leur dit qu’il était l’heure d’aller dîner et de chercher un hôtel pour dormir. Lucien commençait à ressentir des douleurs d’estomac. Il se demandait si ce n’était pas l’eau qu’il avait bu à Dehli…

En sortant de l’enceinte du Taj Mahal, ils furent plonger dans une marée humaine et une explosion de parfums exotiques. Les femmes portaient de magnifiques saris roses, oranges, bleus et vendaient de multiples épices sur leurs étals colorés. Dans les ruelles de la ville, les étoffes de soie suspendues aux toits leurs chatouillaient le dos sur leur passage. Avec le soleil couchant, les maisons résonnaient de musiques envoûtantes et diffusaient leurs odeurs de cuisine épicée. Pierrane était comme un poisson dans l’eau. Il avait l’impression d’être chez lui. Ces ancêtres avaient habité ici il y a très très longtemps.

Lucien lui n’était pas très à l’aise et il commençait vraiment à avoir la nausée. Et avec cette chaleur, il transpirait beaucoup et s’était sans doute un peu déshydraté dans la journée, à courir dans les sens autour du Taj Mahal !

Ils trouvèrent enfin un petit hôtel pour dormir et Lucien alla se coucher sans manger. Pendant ce temps, Pierrane passa la soirée avec la jeune fille de l’hôtel. Elle s’appelait Sarah et c’était sa nouvelle copine. Elle lui apprit un drôle de jeu indien avec des petits pions noirs et blancs, faits en bois.

Le lendemain matin, une grande dame en Sari les attendait dans l’entrée de l’hôtel. Elle était très chic et ressemblait un peu à Mme Jolie.

« – Bonjour, leur dit-elle avec un hochement de tête. J’espère que vous avez apprécié les multiples richesses culturelles de l’Inde ! »

Lucien était tout pâle et avait les jambes flageollantes mais il écoutait avec attention.

« – Je m’appelle Vandana Shiva et je suis la Présidente de l’Inde. »

Incroyable, se dirent Lucien et Pierrane ! Ils étaient vraiment accueillis comme des rois dans tous ces pays…

« – J’ai peu de temps car je dirige un pays de 1 milliards de personnes. Mon message pour vous sera simple et bref. Vous devez absolument nous aider, et au plus vite. Le climat est complètement déréglé. On ne peut plus compter sur la mousson pour faire pousser le riz qui nourrit 1 milliards de bouches affamées. Et en plus de cela, les glaciers de l’Himalaya fondent tellement vite que cela crée des inondations imprévisibles qui se succèdent aux sécheresses. A ce rythme-là, les glaces de l’Himalaya, qui représentent le château d’eau tout le sous-continent indien, auront totalement fondu et disparu avant la fin du prochain siècle.

Aidez-nous, vite, il n’y a plus de temps à perdre ! »

Lucien était désespéré. Il repensait au petit garçon qu’il avait rencontré la veille…

Il courut jusqu’aux toilettes et vomit tout son petit déjeuner.

Après un jour de repos à l’hôtel, il se sentait déjà un peu mieux. Pierrane était content car il avait pu jouer toute la journée avec sa nouvelle copine Sarah.

Gaspard le Canard et Pâte d’Oie décidèrent de prendre les choses en main. Pierrane pourrait encore rester quelques jours dans les environs de Dehli mais Lucien avait besoin de partir se reposer dans un endroit frais, sur les contreforts de l’Himalaya. Gaspard l’emmènerait dès le lendemain matin dans un monastère tibétains où les moines bouddhistes prendraient grand soin de lui.

Lucien dit au revoir à son ami Pierrane. Il avait le cœur serré. C’était la première fois qu’il quittait son meilleur ami et qu’il allait se retrouver seul en terrain inconnu. En plus de cela il avait toujours mal au ventre et des nausées qui montaient et descendaient par vagues successives. Il avait l’impression d’être sur un navire fou, malmené par la tempête et la houle, sans objectif précis. Lucien connaissait bien ce sentiment de tristesse et de dégoût de la vie et il savait que c’était l’énergie noire (ce fameux Mister Trou Noir, comme on l’appelait sur son île) qui lui jouait des tours et profitait de sa faiblesse pour s’immiscer dans son cœur et dans sa tête.

Il eut soudainement envie de rentrer chez lui, sur l’astéroïde 678 de la galaxie 875 451, de retrouver sa sœur Léa, et la proximité avec les astres qu’ils connaissaient si bien, la Lune, le Soleil, Mars et Saturne. Des larmes commencèrent à embuer son regard flou et à perler sur ses joues pâles. Pierrane ne dit rien mais le serra très fort dans ses bras et c’est ainsi qu’ils se quittèrent pour la prochaine étape de leur voyage.

Lucien était agrippé au plumage de Gaspard et à demi-endormi quand ils arrivèrent enfin vers les contreforts de l’Himalaya. Lucien n’avait jamais vu de montagnes aussi grandes et majestueuses. Les sommets enneigés culminaient à plus de 7000 mètres d’altitude. Des lignes blanches de neige pure et étincelante s’étiraient sur les flancs des montagnes telles des voiles de robes de mariée. Lucien prit quelques photos et les envoya à sa sœur. Comme il n’avait pas mangé depuis quelques jours, il se sentait soudain léger comme une plume, à survoler ce paysage d’une beauté époustouflante depuis les cieux.

« Tiens-toi bien, lui dit Gaspard, nous allons bientôt atterrir. »

Lucien regarda vers le bas de la vallée et découvrit un enchevêtrement étonnant de villages, de petites routes et de terrasses irriguées pour la culture des champs. Le contraste entre la ces petites oasis de verdure et les sommets couverts de neige et de rocher était saisissant.

Gaspard déposa Lucien sur la plate-forme d’un grand fort au style tibétain et lui dit que cela s’appelait le fort de Hunza. Il avait été construit il y a de très nombreuses années comme résidence principale du prince de l’Aga Khan, un courant philosophique et religieux qui se nourrissait des valeurs musulmanes, bouddhistes et même un peu hindouistes dans un mélange syncrétique très riche. Le prince était très jeune, peut-être une quinzaine d’années et il apparut sur le seuil de la porte pour accueillir Lucien qui paraissait très affaibli.

-« Lucien, mon frère, lui dit-il, bienvenue au royaume de Hunza. Nous avons entendu parler de tes déboires dans les plaines bondées de l’Inde et ferons tout notre possible pour t’aider à récupérer des forces physiques mais aussi spirituelles et morales. Je souhaite de ton mon cœur que tu te sentes chez toi dans cette demeure où tout a été pensé pour que les voyageurs puissent se ressourcer. »

Le Prince inclina la tête en avant avec les mains jointes sur le cœur, comme peuvent le faire les moines boudhistes à la fin de leur méditation.

Lucien fit de même pour répondre à son geste de remerciement.

-« Cher prince, je vous remercie pour votre accueil chaleureux. Je me sens très fatigué de ce voyage. Et puis on nous a déjà tellement parlé des problèmes de la planète terre… je ne sais plus quoi faire. Je me sens impuissant face à l’ampleur de la tâche. C’est devenu trop lourd pour les épaules d’un enfant comme moi. »

-« Lucien, ne t’inquiète pas, tu trouveras les ressources pour relever la tête. Ce que tu ressens est complètement normal, cela fait même partie de ton voyage initiatique, comme une étape indispensable pour la suite.

Maintenant la seule chose à faire est de prendre soin de toi, et surtout de soigner ton corps, ton cœur et ton âme. C’est pour cela que tu es ici. Pour les trois prochaines semaines, nous avons préparé pour toi un programme bien spécial et adapté à tes besoins. Tous les jours tu pourras te lever avec le soleil vers 6h du matin et rejoindre la grande salle de méditation avec les autres amis voyageurs qui sont ici. Ensuite, vous aurez droit à un petit déjeuner chaud et réconfortant, du porridge d’avoine, des fruits cuits, du thé au miel, et tout cela depuis la salle à manger qui a la vue sur les montagnes environnantes. Ensuite, tu pourras rejoindre à nouveau la salle de méditation pour la matinée, jusqu’au déjeuner, un repas simple et ayurvédique concocté avec des épices aux multiples vertus pour la santé physique et morale. Après le déjeuner, tu pourras te reposer pour deux bonnes heures de sieste avant de reprendre la méditation jusqu’au soir. Le dîner sera simplement composé d’une soupe légère. Enfin la journée se terminera par des enseignements bouddhistes mais aussi plus largement philosophiques sur la vie.

Au bout de quelques jours, tu seras entièrement habitué à cette nouvelle routine. »

Lucien était atterré ! C’était comme si on l’avait mis en prison. Lui qui aimait bouger, il allait devoir rester des heures assis en tailleur à faire de la méditation (mot qu’il ne comprenait pas vraiment d’ailleurs). Quant à la sieste, il détestait cela !

-« Ah et j’oubliais, lui dit le prince, j’oubliais l’essentiel : pendant les trois prochaines semaines vous serez plongé dans un silence total. C’est la condition essentielle afin de bénéficier de tous les bienfaits de ce séminaire. Cela veut dire que vous ne pourrez pas parler à vos compagnons et que vous devez nous remettre votre téléphone portable pour toute la durée du séjour. »

-« Comment ? lui demanda Lucien. Mais ce n’est pas possible ! J’ai besoin au moins de parler à ma sœur, de lui donner des nouvelles, de savoir comment elle va. Elle a seulement trois ans et demi ! Et qui plus est, elle se fait du souci pour ma santé… »

-« Je comprends votre inquiétude, lui répondit le prince. Mais ne vous inquiétez pas, nous nous occupons de tout ! Nous tiendrons votre sœur informée du bon déroulement du séminaire et si elle doit vous faire parvenir une nouvelle urgente, nous vous la transmettrons. Le but est que vous puissiez lâcher prise complètement sur le quotidien et ne vous consacrer qu’à vous-même. Maintenant, c’est bien sûr à vous de choisir. Vous pouvez rester ici avec nous pour bénéficier de ce moment de repos à condition d’accepter les règles du jeu. Ou bien vous pouvez partir et retrouver Pierrane à Delhi. »

Lucien ne savait plus quoi penser. Il se sentait tellement fatigué qu’il n’avait aucune envie de retourner dans la ville grouillante de Delhi. Mais rester ici, seul, et qui plus est dans le silence absolu !

-« Ecoutez, cher prince, avec tout le respect que j’ai pour vous, je ne parviens pas vraiment à me décider. J’ai besoin de quelques heures de réflexion. Et surtout, je souhaiterais pouvoir téléphoner à ma sœur encore au moins une fois avant de décider. »

-« Biensûr, cela va de soi. Prenez votre temps. Il n’est que quinze heures et le séminaire commence ce soir à dix neuf heures. Le silence commencera à vingt et une heure seulement. »

-« Et quand aura lieu la rupture du silence ? » lui demanda encore Lucien. Il était tout de même très curieux d’en savoir plus sur toute cette démarche.

– « Le silence sera rompu dimanche dans trois semaines à la même heure qu’aujourd’hui. Sur ce, je vous laisse donc un moment de réflexion. N’oubliez pas que nous sommes là pour vous et que vous pourrez aussi venir nous poser des questions durant les séances spéciales qui seront prévues à cet effet chaque jour à l’heure du déjeuner. »

Lucien se sentit un peu soulagé, il ne serait donc pas complètement livré à lui-même.

Il enfila ses bottes et sa veste et sortit faire un tour sur la terrasse du fort. Le paysage était de toute beauté. Du haut du fort de Hunza, on pouvait profiter d’une vue panoramique sur tous les sommets enneigés de la région, et en contre-bas, sur les vallées verdoyantes irriguées par les habitants. En se promenant, il croisa plusieurs jeunes filles au regard vif. Elles avaient un sourire magnifique qui lui rappelait beaucoup celui de sa sœur. Elles le saluèrent d’un hochement de tête avec les mains sur le cœur. Lucien remarqua aussi qu’elles ne portaient pas de voile sur la tête et qu’elles sortaient de l’école. On lui avait pourtant dit que les filles de cette région du monde était souvent cachée sous de grands voiles appelés burka, et qu’elles étaient consignées à la maison à faire la cuisine et les lessives. Mais il régnait ici un vent de liberté et aussi de calme et de sérénité.

Il prit son mini-phone et appela sa sœur Léa. Il n’avait même pas regardé quelle heure il était sur l’astéroïde 678 mais de toute façon, le temps pressait avant le démarrage du séminaire de méditation. Il avait peu de crédit sur son téléphone mais cette fois il voulait lui parler, surtout si c’était la dernière fois avant trois longues semaines de silence.

« – Allô, Léa ?

– Lucien !!!! »

Elle avait tout de suite reconnu la voix de son frère. Il n’était parti que depuis deux mois en voyage mais il lui manquait affreusement !

– Comment vas-tu ? Es-tu guéri ?

– Hum, ce n’est pas vraiment la grande forme, mais ça va mieux. Tu sais, je crois que j’ai beaucoup maigri. Et toi, Léa, comment vas-tu ? ça se passe bien chez les baigneurs à la crèche de l’île ?

– Ah oui, c’est super ! lui répondit Léa. Cette année on a commencé pleins de nouvelles activités, des nouvelles chansons, des nouveaux jeux. Par contre je me suis faite mordre par un autre enfant qui voulait m’embrasser et je suis très enrhumée. Mais sinon, tout va bien.

Tu rentres quand ? Je m’ennuie sans toi ! Surtout le soir, à la maison.

– Ecoute, je ne sais pas, Léa. Je suis très très loin, dans un coin perdu de l’Himalaya, au milieu des montagnes. Le prince de la vallée de Hunza me propose un programme de remise en forme de trois semaines. Le lieu est magnifique ici, mais honnêtement, je n’ai qu’une envie, c’est de rentrer à la maison. »

Lucien fit une pause car il sentit de nouveau son cœur se gonfler, sa gorge se serrer, et les larmes lui monter aux yeux.

Léa, qui connaissait bien son frère, avait compris ce qui se passait sans même avoir besoin de l’entendre.

-« Ecoute, Lucien, tu ne peux pas abandonner maintenant ! Et de toute façon la fusée n’est pas encore prête pour revenir te chercher. Je l’ai vu, l’autre jour, elle était encore au garage de l’île pour être remise à neuf avant un nouveau grand voyage intergalactique. Fais confiance à la vie, et à tous ceux qui ont planifié ton voyage. Ce séminaire de trois semaines te fera sûrement le plus grand bien ! Moi aussi, j’aimerais bien des petites vacances, je me sens fatiguée ces jours…

-« Mais, Léa, tu ne comprends pas ! ça n’a pas l’air du tout d’être des vacances : il y a aucun jeu, seulement un grand tapis et des coussins dans une grande salle de méditation, avec une sieste de deux heures à midi, et surtout, tiens-toi bien, interdiction de parler ! Le silence absolu. Je ne pourrai même pas t’appeler ou t’envoyer des messages par téléphone. »

Léa ne répondit pas tout de suite. Cela l’embêtait de ne pas recevoir de nouvelles de son frère pendant trois semaines.

-« Hum, écoute, je ne sais pas quoi te conseiller. Je vais demander à Mars et à Saturne qu’ils nous donnent leur avis. Je t’envoie un message dès que j’ai leur réponse, ok ? »

-« D’accord, je t’embrasse très fort, ma sœur, tu me manques beaucoup ! Prends bien soin de toi à la crèche. Mon téléphone va bientôt couper, je n’ai plus ni crédit ni batterie… Tiens-moi au courant. Bisous !!! »

Ils eurent juste le temps d’échanger un bisou sur le combiné et le ligne coupa net.

Lucien allait devoir prendre une décision seul.

Comme il était déjà l’heure de dîner et qu’il avait repris un peu d’appétit, il se dirigea vers la cafétéria. Il y avait là tout un groupe de gens, de tout âge et de toute origine. D’une seul coup, il se sentit rassuré et réconforté. Il n’était pas le seul à avoir l’air un peu perdu ! Et la nourriture était exquise, de quoi redonner goût à la vie.

Il décida de ne plus trop réfléchir et de se laisser aller avec le flot de voyageurs qui se dirigeaient comme lui vers la grande salle de méditation.

Les trois semaines qui suivirent furent comme hors du temps. Les premiers jours surtout avaient été difficiles. Lucien avait mal partout, et surtout aux genoux et au dos, de devoir rester assis en tailleur pendant de si nombreuses heures ! Mais bientôt il était rentré dans cet espèce de transe, bercé par le rythme régulier des repas, des siestes et des nuits. Il ne connaissait pas tous ces gens autour de lui, pas même leurs prénoms, et pourtant il se sentait étrangement proche d’eux. En partageant ces longues heures de méditation, le groupe devenait de plus en plus soudé, porté par les respirations douces et régulières du souffle de chacun. Nul besoin d’échanger des mots pour sentir l’amitié qui se développait entre chacun.

Lucien était assis juste derrière une magnifique jeune fille aux longs cheveux blonds et au regard bleu, perçant. Elle lui rappelait beaucoup Mila, qui était à la crèche, sur l’île.

Chaque jour il sentait qu’il reprenait des forces. Au bout d’une semaine il était totalement guéri et mangeait à nouveau avec beaucoup d’appétit. La nourriture avalée doucement et dans le silence était comme une douce pommade qui venait masser tous ses organes intérieurs. Le thé chaud lui réchauffait le cœur et le corps après les promenades sur la terrasse, à admirer les montagnes dans le vent frais du soleil couchant. C’était magique. Jamais il ne s’était senti aussi bien ! Et étrangement, son téléphone ne lui manquait pas, ni même les jeux et les conversations avec son ami Pierrane ou avec sa sœur Léa. En son fort intérieur, il savait qu’ils allaient bien.

Quand Lucien entama sa troisième semaine de méditation, il eut soudain peur que tout se termine si vite. Il était bien, ici, en paix avec lui-même. Pourquoi faudrait-il retourner dans le brouhaha de la ville et le rythme effréné des voyages ? Lui qui avait tant hésité à rejoindre ce séminaire… Mais il savait aussi qu’il finirait par s’ennuyer. Il avait déjà envie de crapahuter plus haut dans les montagnes mais la pause du soir était trop courte pour s’aventurer au-delà de la colline du fort. La veille du dernier jour, il se sentit tout excité ! Il était déjà ravi et très content de lui d’avoir réussi à tenir ces trois semaines de discipline méditative, dans le silence absolu. Il se sentait aussi rempli d’énergie et de bonne volonté pour s’attaquer aux prochains défis de la vie qui allaient se présenter sur son chemin. Enfin, d’avoir partager tout ce temps avec ses compagnons de séminaires, il avait découvert en eux une incroyable beauté qui lui redonnait beaucoup d’espoir et de foi en la nature humaine.

Les idées noires étaient maintenant loin derrière lui et il se sentait invincible. Il savait qu’il y aurait sûrement de nouvelles épreuves à surmonter mais il avait développer les outils intérieurs pour y faire face.

Au moment de partir, Lucien sentit à nouveau des larmes perler sur son visage. Mais cette fois c’était des larmes de joie et de bonheur. Il était tellement reconnaissant pour cette expérience qu’il aurait voulu embrasser tous ses compagnons et remercier la terre entière.

Il se pencha vers le prince et lui dit : « – Namasté. » Cela voulait dire merci dans la langue locale.

« -Namasté, lui répondit le prince en hochant la tête et en joignant les mains sur le cœur. »

« – Bravo, Lucien, tu as parcouru un grand voyage intérieur. Rappelle-toi juste d’une chose pour la suite de ton voyage : prends soin de toi, de ton corps, de ton âme et de ton esprit. Car c’est seulement en étant en paix avec toi-même que tu pourras apporter de la paix autour de toi. »

Lucien n’oublierait jamais ces paroles. Il les avait même écrite dans son petit carnet de voyage, au dos de la première page, avec un stylo à l’encre dorée.

Dans les moments difficiles, il se surprendrait souvent à rouvrir son carnet à cette page, quand tout autour de lui paraîtrait comme un mélimélo de luttes dépourvues de sens.

Et maintenant il était temps de monter en scelle avec Gaspard et de retrouver Pierrane et Pâte d’Oie qui étaient restés dans la vallée pendant tout ce temps.

Ils arrivèrent proche du Taj Mahah en début de soirée. Pierrane était assis dans la cour de l’hôtel avec Sarah. Tous les deux avaient les yeux qui pétillaient de bonheur.

Visiblement ils avaient été touchés par une autre sorte de grâce : la grâce de l’amour…

« – Lucien ! lui dit Pierrane en criant de joie. Te voilà enfin ! Regarde comme tu as bonne mine ! » lui dit-il en le serrant dans ses bras.

Lucien était submergé de bonheur. Après ces trois semaines de méditation, c’était comme si tous les mots et tous les contacts avec les autres étaient amplifiés et son émotion en était décuplée.

« – Pierrane, lui dit-il. Je reviens de loin ! D’un grand voyage là-haut dans les montagnes, et aussi d’un grand voyage intérieur… »

Pierrane ne comprenait pas très bien, mais il était dans tous les cas ravis de retrouver son meilleur ami en aussi bonne forme.

« – Et toi, Pierrane ? Et vous ? » lui dit-il en se tournant aussi vers Sarah.

Vous avez l’air très heureux, ici, ensemble ! ».

Pierrane et Sarah se regardèrent d’un air complice.

« – Oui, lui dit Pierrane. Tu sais Lucien, je suis tellement bien ici, avec Sarah, que j’ai décidé de rester encore un peu. J’ai déjà informé les gens de l’île et Mars et Saturne. Ils ont dit qu’ils s’y attendaient… »

Soudain Lucien sentit à nouveau son cœur se serré. Cela voulait dire qu’il allait devoir continuer le voyage seul. En même temps il était content pour son ami, de voir qu’il avait trouvé l’âme sœur. Il repensa aux enseignements boudhistes du fort de Hunza.

« – Ecoute, lui dit-il avec sincérité, je suis triste que nos chemins se séparent aujourd’hui. Mais c’est la vie. Et je suis surtout tellement heureux pour toi de voir que tu as trouvé ton bonheur. Prends soin de toi, et de Sarah, de votre amour naissant. Je vous tiendrai au courant de mes prochaines étapes de voyage et nous nous retrouverons sûrement un jour quelque part pour une grande fête ! »

Pierrane et Sarah souriaient. Visiblement, ils pensait même déjà au mariage, à leur âge !

Sur ce, ils se dirigèrent tous les trois vers la sortie et montèrent dans un tuck-tuck pour passer la soirée dans le meilleur restaurant indien de la ville. Pierrane avait vraiment l’air comme un poisson dans l’eau et il avait déjà appris quelques mots de la langue locale. Ils partagèrent un grand plat de dahl et plusieurs petits plats épicés, en racontant leurs aventures respectives avec humour et sympathie jusqu’à la fin de la nuit.

iv. La Chine et le nuage brun de Pékin

Le lendemain déjà Lucien repartait sur le dos de Gaspard, direction : la Chine. Il avait lu beaucoup de chose sur la Chine, dans les livres de la crèche, sur l’île. Mais ce pays restait pour lui énigmatique. En descendant sur la ville de Pékin, ils traversèrent un épais nuage brunâtre. Les maisons étaient plongées dans une brume saisissante. Lucien pensait qu’il s’agissait simplement d’un brouillard matinal, mais ce temps persista pendant les nombreux jours qui suivirent.

A l’arrivée, il fut accueilli en grande pompe par le Ministre Jin Tao. Lucien n’était pas très à l’aise. Ce n’était pas vraiment la même atmosphère détendue qu’ils avaient trouvé à leur arrivée dans l’archipel des Seychelles. Pour entrer dans le Palais Ministériel, il fallait passer plusieurs barrages de sécurité et faire transiter ses bagages par un scanner détecteur de métaux lourds. Lucien ne portait pas d’armes sur lui donc cela ne posait pas de problème.

En entrant dans le bureau de M. Tao, Lucien dût serrer la main successivement à trois des conseillers personnels du Ministre, puis du traducteur officiel car il ne parlait pas un mot de chinois.

M. Tao leur fit signe de s’asseoir et ils prirent place dans de grands canapés dorés installés sur un tapis rouge.

« – Bienvenue dans le grand empire chinois, lui dit M. Tao ». Tout était traduit instantanément par le traducteur du Ministre.

« – Monsieur Lucien, nous sommes honorés par votre présence. Après cet entretien, vous aurez la chance de visiter notre plus grande usine de production de viande de poulet et aussi la nouvelle zone d’éoliennes qui ont alimenté Pékin pendant les Jeux Olympiques. »

« – Merci, Monsieur, j’en suis flatté. »

Visiblement, Monsieur Tao voulait montrer le meilleur de la Chine à son hôte très spécial venu d’une autre planète.

« – Monsieur Lucien, cette année notre croissance annuelle s’élève à 10% PIB. »

Lucien n’avait aucune idée de ce que signifiait PIB mais il s’empressa de le féliciter.

« – Bravo, Monsieur Tao, sur notre île, nous sommes proches de zéro depuis de nombreuses années. Nous avons beaucoup à apprendre de votre pays ! »

« – Oui, c’est vrai, mon cher Lucien. Mais maintenant les autres pays nous demandent de ralentir à cause des effets sur le changement climatique. Eux, se sont permis de polluer pendant des années pour se développer, et ce serait à nous maintenant, de nous priver de tout ce confort ! Les gens ici veulent leur maison et leur voiture. Vous n’avez qu’à regarder par la fenêtre. »

Lucien se pencha vers la fenêtre et fut tout suite effrayé par l’embouteillage géant de voitures qui tentaient de sortir de l’échangeur de l’autoroute à quatre voies.

Monsieur Tao perçut l’inquiétude de son visiteur.

« – Nous faisons également beaucoup d’effort pour limiter le traffic. Aujourd’hui par exemple, seules les voitures avec des numéros pairs peuvent circuler. Nous avons aussi commencé à construire deux lignes de métro, mais cela va prendre du temps. »

« – J’avais vu dans mes livres de géographie des photos des chinois à vélo dans les petites ruelles des quartiers historiques. Est-ce que cette partie là de la Chine a disparu ? lui demanda Lucien.

– Oui….et non. Si vous allez dans l’intérieur des terres, plus à l’Ouest de la Chine, vous trouverez encore le visage de la Chine traditionnelle. Mais ici à Pékin, ou dans les grandes villes de l’Est, nous avons dû raser la plupart des quartiers traditionnels pour construire plus de logements pour tous ces gens venus des campagnes. Mais si vous voulez, demain, je vous emmène dans un des derniers quartiers historiques de Pékin et aussi pour visiter la Cité Interdite. »

Lucien ouvrit de grands yeux. Les mots « Cité Interdite » résonnaient comme une petite musique magique. Depuis qu’il était tout petit, il était fasciné par toutes les choses « interdites » par les adultes.

– Mais maintenant vous avez déjà quelques visites de prévues avec mon gardien M. Jintsu. Quant à moi je vous retrouve demain matin à votre hôtel.

– Merci, lui dit Lucien en se penchant en avant par signe de respect.

M. Jintsu l’attendait déjà proche de l’entrée avec une moto bleue.

Agrippé au dos de M. Jintsu, Lucien déambulait dans les rues de Pékin. La moto était certainement un bon moyen de transport pour se faufiler entre les voitures des files d’attente interminables des embouteillages. Lucien avait mis son écharpe sur son nez pour filtrer les fumées bleues des pots d’échappement. Il avait lu dans le journal du matin de l’île que respirer l’air de Pékin équivalait à fumer soixante-dix cigarettes par jour ! A ce rythme, ses poumons seraient vite encrassés… En passant dans la rue, il observait les femmes et les enfants qui se rendaient à l’école, les personnes âgées qui allaient faire leurs courses, et il se demandait comment ils pouvaient encore être en bonne santé. La ville de Pékin avait classé la journée en alerte rouge pour le niveau de pollution aux particules fines et il était recommandé aux habitants les plus vulnérables de rester à la maison. La moto s’engagea dans une ancienne allée qui longeait un par cet un stade de foot : l’herbe était grisonnante et il n’y avait pas un seul enfant dehors pour jouer dans le parc. Lucien se rendit compte à quel point il avait la chance de grandir sur l’île, dans un environnement privilégié où il pouvait passer son temps à jouer dehors, dans les multiples parcs ou sur la plage du lac. Il envoya une photo et un message à sa sœur pour lui dire de bien en profiter pour lui.

Après environ deux heures de route pour sortir de la ville, ils arrivèrent dans un grand parc éolien. Plusieurs centaines d’éoliennes faisaient tourner leurs hélices sous la force du vent pour générer de l’électricité de Pékin. Un ingénieur attendait Lucien dans le bâtiment principal du parc éolien.

« – Bienvenue dans le plus grand parc éolien de Chine ! lui annonça-t-il. C’est ici que nous créons de l’énergie verte pour les habitants de Pékin, depuis les derniers Jeux Olympiques.

– Merci pour votre accueil ! lui dit Lucien. Vos éoliennes sont magnifiques ! Combien d’électricité produisent-elles chaque jour, ou plutôt combien d’habitants en bénéficient ?

– Le parc permet de couvrir environ 10% des besoins chaque jour.

– Et d’où viennent les 90% restants ?

– Ah, ce sont principalement les centrales à charbon, mais aussi les centrales nucléaires que nous construisons de plus en plus pour répondre aux besoins croissants du pays en énergie. L’énergie solaire aussi se développe.

– L’énergie solaire ? s’exclama Lucien, ah mais c’est l’énergie qui vient de la plus grande étoile de notre galaxie, je la connais bien, elle est toute proche de l’astéroïde d’où je viens.

– Oui, ce serait la meilleure solution, avec les éoliennes et les autres formes d’énergie renouvelable ; car les centrales à charbon sont très polluantes et émettent beaucoup de gaz à effet de serre, et les centrales nucléaires nous laissent sur les bras des déchets radioactifs qu’il nous faut stocker pour de très nombreuses années… Seulement les habitants de la planète terre veulent toute l’énergie, tout de suite ! Alors on gaspille et on pollue plutôt que d’économiser l’énergie ou de développer des énergies renouvelables à l’échelle locale pour répondre aux besoins essentiels.

Lucien imaginait soudain dans sa tête une planète terre envahie de centrales à charbon et de centrales nucléaires, avec un gros nuage brun permanent sur toute sa surface. Son visage même se rembrunit…

– Monsieur Lucien, venez avec moi, nous allons prendre une photographie devant l’éolienne numéro 1 ! »

Un journaliste et un photographe de la presse officielle chinoise étaient venus les photographier pour l’article de première page du Daily News journal qui allait paraître le lendemain dans les kiosques.

Lucien se força à faire un sourire un peu crispé pour la photo. Il ne comprenait pas pourquoi on pouvait être aussi fier d’un système qui était entrain de créer tant de problèmes pour les générations futures. Mais ce n’était pas forcément la photo des chinois eux-mêmes, mais peut-être plutôt des occidentaux qui avaient exporté jusque ici leur modèle productiviste et destructeur pour la nature.

Après le parc des éoliennes, ils allèrent encore visiter une ferme géante de production de poulets : 2 millions de poulets entassés dans plusieurs centaines de baraquements alignés les uns à côté des autres ! Les chinois étaient très fiers de leur fabrique car elle permettait de récupérer du biogaz avec les déchets des animaux, un nouveau système innovant et écologique.

Mais Lucien ne pouvait pas s’empêcher de penser aux camps de concentration qui avaient tant traumatisé l’Europe. Il avait lu l’histoire de la seconde guerre mondiale dans des livres. Tous ces animaux étaient gavés, traités aux antibiotiques puis passés aux abattoirs pour produire de la viande pour la consommation des habitants de Pékin. Il comprenait mieux, maintenant, pourquoi son ami Pierrane était devenu végétarien.

Ce soir-là, Lucien alla se coucher sans manger grand chose. Il faisait froid et il n’avait qu’une seule envie : se réchauffer sous sa couette. Dehors, des flocons de neige commençaient à tomber.

Le lendemain matin, Lucien fût réveillé par un rayon de soleil sur son visage. Il avait oublié de fermer les rideaux, avec toute cette brume assombrissante. Mais soudain le beau temps était revenu. Il se leva et écarta un peu plus les rideaux, découvrant un immense ciel bleu. Cette magnifique journée qui commençait avait déjà chassé les idées noires de la veille.

Il prit une douche rapide et enfila son dernier pantalon propre pour rejoindre M. Tao à la réception.

« – Bonjour Monsieur Lucien ! lui dit-il, avez-vous bien dormi ? et avez-vous apprécié les visites du parc éolien et de la ferme de production de poulets ?

– Ah oui, j’ai vraiment très bien dormi, répondit Lucien, en éludant la question des visites. Et quel beau temps, Monsieur Tao !

– En effet. J’ai fait passer l’ordre hier soir d’envoyer des fusées d’aluminium dans les nuages afin de déclencher des précipitations.

– Ah oui ? lui demanda Lucien, mais alors c’est pour cela qu’il s’est mis à neiger ?

– Oui, c’est parfois la seule façon nous avons de nettoyer le ciel de tous ces nuages bruns de pollution : des paillettes d’aluminium, une bonne chute de pluie ou de neige, et le ciel est à nouveau dégagé ! »

Lucien n’en revenait pas… Les terriens avaient donc plus d’un tour dans leur sac ! Ils pouvaient même décider de faire la pluie ou le beau temps. Leur planète était-elle donc devenue un immense champ d’expérimentation ? Il se disait en son for intérieur que quelque chose ne tournait pas rond. Mais il ne pipa pas un mot pour ne pas offusquer M.Tao qui l’avait accueilli avec tant de faste.

Ils traversèrent à pied un ancien quartier historique de Pékin. Les petites maisons en bois étaient alignées les unes contre les autres et de délicieuses odeurs de soupe et de nouilles sautées s’échappaient des cuisines. Lucien se sentit soudain plus à l’aise. Au bout d’une ruelle, il aperçut une immense porte en bois sculpté. Ce devait être l’entrée de la Cité Interdite !

M. Tao fit passer Lucien par l’entrée des visiteurs spéciaux et ils se retrouvèrent dans l’enceinte même de la Cité Interdite. Lucien n’en revenait pas : autant de beauté et de calme après le chaos de la rue et des embouteillages ! De grands arbres et des jardins minutieusement entretenus entouraient les différents palais de la Cité. Avec le soleil, l’eau des fontaines était étincelante et murmurait un clapotis apaisant. M. Tao raconta à Lucien l’histoire de la Cité Interdite mais il n’écouta que d’une oreille, absorbé par toute cette beauté autour de lui. Les grands palais étaient soutenus par des piliers sculptés et des toits en bois pointu sous une courbure élégante. Au centre, il y avait une immense cour où l’on pouvait admirer l’ensemble des bâtiments.

Cette dernière visite réussit à réconcilier Lucien avec la Chine. Il partir cependant avec la tête remplie de questions quant à l’avenir de ce grand pays et de la planète Terre en général.

Il écrivit un compte-rendu détaillé qu’il envoya à sa sœur et à Mars et Saturne avec le nouveau crédit de son mini-phone.

v. Bali, parradis terrestre

La prochaine étape du voyage de Lucien était l’île de Bali qui se situait à environ dix heures de vols à dos d’oiseau. Gaspard le Canard déposa Lucien dans un champ de rizières situé à côté des bungalows de Prana Diva. Lucien était ravi de sa nouvelle destination ! Après la grande ville bétonnée de Pékin, le contraste était saisissant. L’île était couverte de forêt et de collines verdoyantes avec de multiples rizières en terrasse. Les flancs du plus grand volcan étaient parsemés de magnifiques temples bouddhistes et hindouistes, tels des joyaux bien cachés dans un tapis soyeux de verdure. En arrivant dans son bungalow, Lucien se sentit tout de suite chez lui. Un grand magnifique plafond en bois sculpté dominait un grand lit confortable. La salle de bain était située dans une petite cour extérieure. On pouvait ainsi prendre sa douche en admirant le ciel bleu ou les étoiles, au milieu d’une couronne de plantes vertes : le paradis !

Lucien était très fatigué et il dormit presque vingt-deux heures de suite.

Le lendemain matin, il eut la merveilleuse surprise de découvrir que Pierrane et Sarah étaient là aussi ! Ils avaient décidé de le rejoindre pour la suite du voyage. Ils se régalèrent ensemble d’un immense petit déjeuner de fruits frais, d’œuf et de riz parfumé. Sarah avait aussi préparé pour Pierrane et Lucien une séance de vingt minutes de yoga, dans un des bangalows ouvert sur la forêt qui servait d’accueil pour les cours de remise en forme. Après quelques minutes de méditation, Lucien eût l’impression d’être à nouveau transporté jusqu’au fort de Hunza, dans l’Himalaya. Mais le climat ici était beaucoup plus chaud et humide.

Pierrane, Sarah et Lucien décidèrent de louer des vélos électriques pour faire le tour de l’île. Ils traversèrent de multiples villages et les rizières en s’arrêtant au gré de leur humeur pour visiter un temple ou se baigner sur une plage. C’était de vraies vacances !

En arrivant dans le village de Ubud, ils prirent une journée entière pour profiter d’un spa installé en pleine nature, où l’on pouvait prendre des bains chauds parfumés aux pétales de fleurs puis se faire masser pendant des heures en écoutant le champs des oiseaux de la forêt toute proche. Quel bonheur !

Comme aux Seychelles, les paysages de l’ile étaient d’une grande beauté. Et à cela il fallait ajouter tous les soins qui étaient aussi apportés pour la beauté intérieure.

Après deux semaines d’insouciance totale, la petite équipée avait rendez-vous chez un des plus grands sages de l’île, Maître Prana Hatha Sadu. Sa maison était entourée de bananiers et il reçut ses hôtes autour d’une table basse, avec un thé vert fumant servi dans de petites coupelles.

« – Mes chers amis, mes chers enfants, commença-t-il, vous avez fait déjà un grand voyage ! Les Seychelles, l’Inde, la Chine, et maintenant Bali. Vous voici arrivés presque à mi-parcours. Comment vous sentez-vous ?

Sarah lui répondit avec un air malicieux : -« Amoureux ! »

Pierrane et Lucien furent pris d’un grand fou-rire et le Maître ne put s’empêcher de sourire aussi à son tour. La candeur de Sarah en séduisait plus d’un !

« – C’est beau, l’amour, chère Sarah, lui répondit le Maître d’un air posé. Mais tu verras aussi avec l’expérience qu’il faut beaucoup de patience et d’écoute pour entretenir le bonheur d’un couple au fil du temps, surtout avec les enfants et le travail que cela génère.

Pierrane et Sarah se regardèrent d’un air complice. Ils ne voyaient pas bien quels pouvaient être les obstacles à leur amour.

– Mais revenons à votre mission, enchaîna le Maître. Avez-vous des questions à me poser ?

– Oui, dit Lucien. Expliquez-nous un peu plus quel est le sens de tout ça : toutes ces aventures, ces visites, ces rendez-vous. Au final, quel est le but ?

– Le but de votre mission dépendent beaucoup de vous, du sens que vous voulez lui donner. Mais l’idée principale de Mars et Saturne étaient de vous faire venir sur Terre pour observer et apprendre des habitants de la Planète terre afin de faire un rapport à vos compatriotes de l’ìle à votre retour. Vous avez déjà envoyé quelques compte-rendus, il me semble, mais il faudra aussi leur faire un rapport complet à votre retour.

– Alors c’est fini, les vacances ? demanda Pierrane.

– Pour l’instant, continuez encore à vivre chaque minute de votre aventure au présent, afin de ne rien rater ! Mais gardez simplement en tête qu’à votre arrivée sur l’île vous aurez l’occasion de partager vos expériences avec tous ceux qui sont restés là-bas.

– Ma sœur Léa m’a dit qu’on préparait une grande fête pour notre retour : c’est bien vrai ?

– Ah je crois que oui, dit le Maître en souriant. Mais vous n’en êtes pas encore là. Dites-moi, Lucien, qu’avez-vous retenu de ces premiers voyages ?

Lucien réfléchit quelques instants puis répondit :

– Je crois que les habitants de la planète terre se sont mis dans une situation bien difficile pour leur avenir. Aveuglés par leur soif de consommation et de production, ils risquent de compromettre l’avenir des générations futures : les centrales à charbon, la pollution, la montée des eaux, les nouvelles maladies… Je m’inquiète beaucoup pour eux ! Mais je ne sais pas ce que nous pouvons faire.

– Oui, vous avez raison, Lucien. Pour le moment, on ne peut qu’observer. Ensuite, ce sera à nous, les terriens, de prendre notre destin en main. Mais nous avons bon espoir que vous, et les habitants de votre île, vous puissiez nous aider à voir les choses avec clarté et distance pour prendre les bonnes décisions. C’est votre regard extérieur qui nous intéresse, avec la distance qui vous est donnée de par votre origine éloignée de la terre.

– C’est une grande responsabilité que vous nous donnez là ! s’exclama Pierrane. Après tout nous ne sommes que de jeunes enfants.

– Oui mais justement, ajouta le Maître. Ce sont souvent les jeunes enfants comme vous qui ont le plus de bon sens, et qui voient la vérité avec le plus de clarté.

– Mais quand je fais mon yoga ou ma méditation le matin, ajouta Sarah, j’ai l’impression de voir avec beaucoup de clarté quelle serait la bonne direction à prendre : le respect mutuel, l’amour, la compassion, le respect pour la nature. Mais dès que je suis à nouveau plongée dans la foule humaine de Dehli, ces grands principes spirituels me paraissent hors d’atteinte !

– Vous avez vu juste, Sarah et bravo pour votre pratique quotidienne qui est pleine de sagesse, la félicita le Maître. C’est une tâche de tous les jours, et même de toutes les heures et de toutes les minutes, que de mettre en pratique les valeurs auxquelles nous tenons.

– Je suis d’accord avec Sarah, dit Lucien. Quand j’étais là-haut au fort de Hunza, je me sentais tellement bien, en paix avec moi-même et avec le monde qui m’entoure ! Mais une fois à nouveau plongé dans les méandres de Pékin et les multiples problèmes auxquels sont confrontés l’humanité, j’ai l’impression que ton mon être est plongé dans le chao.

– C’est normal, dit le Maître, c’est parce que vous découvrez toutes ces choses nouvelles que vous ne connaissiez pas sur l’île. Mais ne perdez jamais le cap. Vous êtes là comme observateur. Abordez les choses et les personnes avec compassion et écoute. Et surtout, n’oubliez jamais de vous reconnecter avec vous-même. C’est cette paix intérieure qui vous aidera à avancer sereinement. Essayez d’emmener en vous-même les changements que vous voudriez voir dans le monde qui vous entoure.

Forts de ces conseils, Lucien, Pierrane et Sarah étaient désormais rassurés et un peu mieux armés pour affronter la suite du périple sur la planète terre.

Gaspard le Canard et Pâte d’Oie les attendaient devant l’entrée de la maison du Maître. Ce dernier donna à chacun un petit carnet pour écrire et un boudha taillé dans le bois pour les accompagner dans la suite de leurs périgrinations. Pierrane et Sarah montèrent sur le dos de Pâte d’Oie et Lucien sur le dos de Gaspard. Il fallait compter environ vingt heures de vol avant d’arriver jusqu’à leur prochaine destination : l’Afrique du Sud.

vi. L’Afrique du Sud et sa dualité

A Pretoria, un train attendait les trois voyageurs pour les conduire jusqu’à la capitale du pays : Johannesburg. Lucien, Pierrane et Sarah achetèrent des billets en troisième classe, les moins chers, et montèrent à bord du wagon réservé pour cette catégorie de places. Ils traversèrent le wagon de première classe. On n’y voyait que des passagers blancs et richement vêtus. Dans le wagon de deuxième classe, il y avait un mélange de blancs, de noirs et de personnes d’origine indienne. En bout de train, ils trouvèrent enfin le wagon troisième classe : il était bondé de monde et seulement des noirs ! Il y avait aussi une sorte de brouhaha permanent, avec des petits enfants et des bébés qui pleuraient et une drôle d’odeur de transpiration. Les passagers regardèrent Pierrane, Lucien et Sarah avec un drôle d’œil. Lucien avait lu des bouquins au sujet de l’hospitalité exemplaire des africains et il fut surpris de ne pas trouver un accueil plus chaleureux. Une grosse dame avec deux enfants sur les genoux de poussa tant bien que mal pour leur faire la place sur un des bancs en bois.

-« Bonjour ! » lui dit Sarah avec son sourire charmeur. Mais la dame ne répondit pas.

Un Monsieur en face d’eux vêtu d’une chemise blanche un peu usée et d’un veston noir leur adressa finalement la parole au bout de quelques longues minutes.

– Vous savez, normalement ce wagon réservé aux noirs, leur dit-il. Vous devez aller dans l’autre wagon.

– Mais nous avons des billets de troisième classe ! lui répondit Lucien en lui montrant leurs billets.

– Vous avez dû vous tromper au guichet ! lui répondit l’homme en veston.

– Mais non, ajouta Pierrane. On nous avait pourtant dit que l’apartheid avait été abolie en Afrique du Sud et que les blancs et les noirs vivaient maintenant ensemble et en paix !

– Ah oui, si seulement, soupira le Monsieur… D’où venez-vous mes enfants ? Vous semblez venir de loin !

– Nous venons de l’astéroïde 678, dans la galaxie 875 451, répondit Lucien.

– Ah, c’est vous qui êtes venus pour cette grande mission dont tout le monde parle !

– Oui c’est nous, dit Sarah avec fierté. Sauf que moi, je viens de l’Inde et j’ai rejoins la mission de Pierrane et Lucien en route.

– Ah oui, je vois, dit le Monsieur en veston, en regardant Pierrane avec envie. Mais vous, Madame, vous devriez être assise en deuxième classe du train, avec toutes les personnes comme vous qui ont des origines indiennes !

Lucien, Pierrane et Sarah étaient effarés. A quoi cela pouvait donc bien servir, de séparer ainsi les gens en fonction de leur coulour ! C’étaient à ne rien y comprendre.

Soudain le contrôleur du train déboula dans le wagon.

– Que faites-vous là ? leur dit-il d’un ton agressif. Vous n’avez rien à faire là ! Allez houste ! Dégagez d’ici et rejoignez tout de suite votre wagon ou bien j’appelle la police.

Lucien était hors de lui :

– Vous n’avez pas le droit de faire ça ! De séparer les gens de façon aussi arbitraire ! Et regardez, nous avons des billets de troisième classe. Nous avons le droit de rester ici avec nos amis ! dit-il en montrant la grosse dame et ses enfants et le Monsieur en veston. Ces derniers ne bougeaient plus, paralysés par la peur.

– Mais qui es-tu toi, petit insolent, pour me parler sur ce ton ! Tu vas me suivre tout de suite ! et il prit Lucien par le col pour le traîner jusqu’au wagon première classe. Sarah et Pierrane les suivèrent en courant.

-Arrêtez, arrêtez, Monsieur ! Je vous en supplie, lâchez notre ami Lucien ! Il fait partie de la mission spéciale envoyée depuis l’astéroïde 678 !

Mais le contrôleur n’avait visiblement pas lu les journaux et avait aucune idée de quoi Pierrane parlait.

– Toi tu te tais tout de suite ou je t’attrape aussi par le col ! lui dit-il.

Ils étaient dans le wagon de deuxième classe.

– Et tu restes ici avec ta copine indienne, c’est ici votre place ! ajouta-t-il.

Pierrane et Sarah étaient outrés. Ils n’allaient même pas pouvoir voyager avec leur copain Lucien.

– Lâchez-moi, dit Lucien, je reste ici en deuxième classe avec mes amis !

– Non, insista-t-il, toi tu me suis, petit insolent !

Lucien était hors de lui et il se mit à hurler :

– Tyran, abruti, dictateur ! Lâche-moi tout de suite ou j’appelle Mars et Saturne pour te mettre en prison sur l’astéroïde 18 !

Le contrôleur n’avait aucune idée de quoi parlait Lucien, et il pensait vraiment qu’il se moquait de lui avec ses histoires d’astéroïdes !

Pierrane vit le contrôleur devenir tout rouge, rouge de colère.

Il tira Lucien par la manche d’un coup violent.

– Lucien, tu es fou ! Viens-vite, cours, on sort par ici !

Sarah avait trouvé un échappatoire entre les deux wagons et était déjà montée sur le toit du train. Lucien et Pierrane se mirent à courir dans sa direction.

Le contrôleur se prit les pieds dans la lanière d’un sac de voyage qui traînait par terre ce qui leur donna quelques seconds de répit. Les passagers du train regardait la scène avec un air ahuri.

Une minute plus tard Sarah, Pierrane et Lucien étaient tous les trois sur le toit du train. Le contrôleur ne pouvait pas les attraper car le passage pour monter était tout petit et seuls des enfants pouvaient passer. Le contrôleur qui faisait sans doute une centaine de kilos ne pourrait jamais faire passer sa grosse bedaine par la fenêtre d’aération que Sarah avait réussi à ouvrir.

Il était furieux mais impuissant !

Les trois enfants étaient agrippés aux barres en fer du toit du train, les cheveux ébouriffés par le vent et à bout de souffle après cette course poursuite.

Mais ils étaient tous les trois soulagés, ils avaient eu très peur !

– Mais qu’est-ce qui t’a pris ? demanda Pierrane à son copain Lucien.

– Je ne supporte pas l’injustice ! répondit Lucien. Tu as vu comme ils entassent ces pauvres gens en troisième classe et gardent les sièges confortables pour les blancs friqués !

– Oui tu as raison, dit Pierrane, mais avec quelqu’un comme ce contrôleur, c’est impossible d’argumenter ! Il pense qu’il a raison et ne veut que faire respecter les règles même si elles sont stupides.

– Oui, dit Sarah, et en plus il veut prouver que c’est lui qui est le plus fort, et qui a le pouvoir sur les gens.

– D’accord, dit Lucien, mais ce que je trouve incroyable c’est que personne ne se rebelle, dans ce train ! Les gens semble accepter avec soumission. Je veux bien obéir aux lois et aux règles de vie en communauté, mais à condition qu’elles soient justes et justifiées !

– C’est vrai, dit Pierrane, mais ici, on n’est pas chez nous ! On ne peut pas décider à leur place de ce qui est juste ou pas juste, on est obligé de nous plier à leurs règles, sinon ils vont simplement nous expulser du pays.

– Oui, tu as raison, Pierrane, je n’aurai sans doute pas dû m’emballer, j’étais sous le coup de l’émotion.

Ils reprirent un peu leurs esprits et partagèrent un bout de pain et de saucisson en attendant que le train arrive à destination.

A Johannesburg, une escorte spéciale les attendait à l’arrivée du train. Le contrôleur avait averti de la présence des trois enfants sur le toit du train. Heureusement, le gouvernement d’Afrique du Sud avait été briefé au sujet de leur visite.

Le conseiller du Président Nelson Mandela était venu en personne pour les accueillir.

Il s’adressa tout de suite à Lucien.

« – Bienvenue en Afrique du Sud. Je comprends votre indignation, Lucien. Sur le principe, vous avez raison, et il est vrai qu’en théorie les lois ici ont changé. Les blancs et les noirs sont libres de leur circulation dans tous les lieux publics. Mais en pratique, les mentalités n’ont pas encore vraiment changé. Cela prendra sans doute plusieurs générations ! Je vous demande une seule chose : ne faites pas trop de vague. Nous avons déjà eu beaucoup de mal avec l’administration pour vous obtenir des visas. Alors plus un mot de travers, sinon ils risquent de vous jeter en prison et vous ne reverrez plus jamais votre sœur sur l’île ! »

Il ne fallait pas un mot de plus pour convaincre Lucien de se tenir à carreau jusqu’à la fin de leur séjour ici.

Ils arrivèrent enfin au Palais Présidentiel de Nelson Mandela. Lucien, Pierrane et Sarah furent tout de suite impressionnés par la prestance de cet homme qui les attendait sur le perron du Palais Présidentiel. Ils avaient vu dans les journaux une photo de Nelson Mandela à sa sortie de prison, le regard brillant et le point relevé vers la foule. Cette fois c’était comme si sa figure vivante était sortie de la première page du journal. Il avait le même regard et les accueillit avec un geste de la main en disant : « Amandla ! ». Ce mot voulait dire « pouvoir », « pouvoir au peuple », durant la lutte des noirs contre l’apartheid, la séparation des blancs et des noirs. Nelson Mandela avait passé presque trente ans de sa vie en prison pour avoir défendu les droits des citoyens noirs d’Afrique du Sud. Car ce pays présentait deux visages : celui des blancs, riches qui habitaient de belles maisons et de magnifiques jardins entretenus par leur personnel souvent noir ; et celui des noirs dont nombreux vivaient dans les quartiers très pauvres des banlieues des villes, les « townships », sans eau courante ni électricité. Après une un grande campagne de soutien du monde entier, le gouvernement sud-africain avait finalement libéré Nelson Mandela qui avait été démocratiquement élu Président de la Républicain de tous les citoyens sud-africains, blancs et noirs.

« – Mes chers amis, leur dit-il, entrez donc, nous allons prendre un thé roiboos. Vous avez fait un long voyage à bord du train, et qui plus est en grande partie sur le toit du train ! Méfiez-vous de la police ici, car ils sont souvent encore très conservateurs… Mais écoutez-les et ne prenez pas de risque. Au final, c’est grâce à la police que ce pays n’a pas sombré dans la guerre civile. »

– Dites-moi, Nelson, demandit Lucien, comment avez-vous pu rester aussi calme et pendant tant d’années face à toutes ces injustices ?

– Hum, ce n’était pas toujours facile, Lucien. En prison durant toutes ces années, j’ai eu des moments de désespoir. Mais ce qui m’a toujours redonné courage, c’était de savoir que je n’étais pas seul, que derrière les barreaux, d’autres gens se battaient pour la justice. Et chaque jour, je prenais soin de moi, de ma santé physique et mentale, malgré les conditions souvent difficiles.

– Je crois entrevoir le sens de ce que vous dites. J’ai passé trois semaines de retraite méditative à la forteresse de Hunza, dans l’Himalaya, et j’ai senti qu’il y avait mille ressources en chacun de nous pour atteindre la paix intérieure. Mais au final, je me sentais tout de même très seul et j’étais tellement content de revoir mes amis Pierrane et Sarah en sortant !

– Oui, quand je suis enfin sorti de prison après toutes ces années, les retrouvailles avec ma famille, mes amis, et les bains de foule m’ont envahi de joie ! C’est dans ces moments-là que nous nous rendons compte à quel point nous sommes connectés les uns aux autres, entre êtres humains. »

Il fit une pause et jeta un coup d’œil par la fenêtre.

« – Maintenant, chers enfants, je suis de plus en plus vieux, et il y a de nombreux défis qui attendent votre génération. Enfin, vous, encore, sur l’Ile de l’astéroïde 678, vous avez votre avenir assuré. Mais pour les habitants de la planète terre, les choses s’annoncent plus corsées. Et c’est pour cela que nous avons demandé votre aide à Mars et Saturne.

« – Que pouvons-nous faire ? demanda Pierrane d’un air désemparé.

– Pour l’instant, pas grand chose, observer, écouter et faire un rapport complet quand vous retournerez sur votre île, très bientôt. Pour ma part, il y a une seule chose que je voudrai vous enseigner : personne, seul, ne peut changer le monde ; mais à plusieurs, tout devient possible. »

Sur ces paroles d’une grande sagesse, Lucien, Sarah et Pierrane saluèrent le grand homme et partirent à nouveau sur les dos de Gaspard et Pâte d’Oie pour leur prochaine destination.

Ils reçurent un message sur leurs min-phones leur disant qu’il leur restait plus que deux escales avant de rentrer sur l’Ile. Lucien se réjouissait déjà de rentrer pour raconter de vive voix ses aventures à sa sœur Léa. En revanche Pierrane et Sarah n’étaient pas si pressés de rentrer car ils risquaient de devoir se séparer si Sarah devait rentrer de son côté en Inde…

v. Le Kenya : la nature dans toute sa diversité

Ils arrivèrent très tard le soir sur les flancs du Mont Kenya. Le plus haut sommet du Kenya était recouvert d’une forêt dense et luxuriante. Le soleil s’était couché très rapidement, aux alentours de dix-huit heures. La végétation qui recouvrait les arbres à tout étage formait comme un rideau sombre qui ne laissait pas filtrer les dernières minutes de luminosité.

Lucien sortit la lampe de poche de son sac de voyage et commença à chercher un endroit plat pour planter la tente. Pierrane et Sarah étaient blottis l’un contre l’autre, appuyés sur le tronc d’un immense arbre. Ils n’étaient pas très rassurés, tous les trois.

« – Lucien, tu crois vraiment que l’on peut dormir ici ? lui demanda Pierrane.

– Ecoute, je ne sais pas ! Mais que pouvons-nous faire d’autre ? Il fait trop noir pour marcher faire le sommet du Mont Kenya maintenant, nous n’avons pas d’autre choix que d’attendre le lever du soleil demain matin pour partir.

– C’est vrai, dit Sarah, mais moi j’ai vraiment peur que des animaux sauvages viennent nous attaquer dans la nuit. »

On entendait toute sorte de bruits retentissants dans les sous-bois, des cris d’oiseaux, des crissements d’insecte, des bruits de pas de gros animaux qui cherchaient leur chemin dans les bambous…

– Je propose que l’on fasse un grand feu ! proposa Sarah pour se rassurer elle-même autant que ses deux compagnons.

– Bonne idée ! dirent Lucien et Pierrane en cœur.

– Tu sais faire ? demanda Lucien.

– Oui, oui ! J’ai appris ça dans mon camp de scout ! »

Sarah n’avait pas perdu une minute : elle avait déjà collecté de petits brindilles et les avait assemblées en forme de totem.

– Cherchez-moi encore de petites brindilles, du petit bois, le plus sec possible, et aussi des feuilles séchées. Si vous avez quelques vieux journaux dans vos sacs, ce sera encore mieux. »

Pierrane faisait le tour de l’arbre en ramassant minutieusement tous les matériaux qui lui paraissaient propres à la combustion. Lucien trouva un vieux journal dans son sac, c’était celui de l’article sur les éoliennes en Chine. Il y était un peu attaché mais se dit que ce serait parfait pour allumer un bon feu.

Cinq minutes plus tard, Sarah avait réussi à allumer un bon feu et ils étaient tous les trois autour des flammes qui leur réchauffaient le corps et le cœur.

– Bravo Sarah ! lui dit Pierrane avec un regard amoureux, tu es vraiment magique ! On va pouvoir monter la tente avec l’esprit tranquille.»

A vingt heures ils étaient tous au lit, blottis les uns contre les autres dans la petite tente de voyage, après avoir avalé quelques gâteaux et la dernière gorgée d’eau de leurs gourdes. Ils ne comprenaient pas bien pourquoi Gaspard le Canard et Pâte d’Oie les avaient déposé ici, au beau milieu de la jungle. Les deux grands oiseaux étaient repartis illico presto, sous le prétexte qu’ils seraient des proies faciles pour les prédateurs de la forêt équatoriale.

Vers une heure du matin, ils furent réveillés en sursaut par d’énormes bruits de bambou cassé. Lucien sortit sa lampe de poche et ouvrit doucement la porte de la tente pour voir ce qui se passait. Le feu s’était éteint et un éléphanteau s’était aventuré près des cendres, sans doute attiré par les miettes de gâteau et les sacs à dos qu’ils avaient laissés dehors par mégarde. Lucien tressaillit.

« – Que fais-tu là ? dit-il à l’éléphanteau, rentre chez toi ! ».

L’éléphanteau fut tout de suite ébloui par le faisceau lumineux de la lampe de poche qui fit apparaître ses petits yeux jaunes brillants et il partit en courant dans l’enchevêtrement de bambou. Lucien fut soulagé pour l’espace d’une demi-seconde mais il n’avait pas vu que la maman éléphant se cachait là, tout proche, derrière le grand arbre où Pierrane et Sarah s’étaient installés en arrivant. La femelle éléphant se mit à pousser un barrissement effrayant qui ressemblait à une vibration sourde et longue. Pierrane et Sarah se réveillèrent en sursaut.

« – Lucien, que se passe-t-il ? demanda Pierrane. »

« – Là, regarde, c’est un bébé éléphant et une maman éléphant qui sont venus trop près de la tente et ont pris peur en voyant ma lampe de poche ! »

Les deux éléphants étaient déjà partis, la maman éléphant tirant son petit par la trompe.

Ils avaient sans doute aussi peur que Lucien, Pierrane et Sarah !

Ils avaient été avertis qu’ils se trouveraient sans doute nez à nez avec des éléphants, une fois arrivés au Kenya, et que ces gros animaux étaient impressionnants mais inoffensifs si on ne cherchait pas à s’interposer entre une mère et ses enfants. Ils étaient pourtant tous les trois secoués par l’expérience et eurent beaucoup de mal à se rendormir pour le reste de la nuit.

Le lendemain matin, tout paressait plus calme sous le rayons du soleil. Les bruits stridents de la forêt s’étaient arrêtés, comme si les oiseaux et les insectes avaient attendu le jour pour dormir. Ils plièrent la tente toute humide et commencèrent à marcher en direction du sommet du Mont Kenya. En montant, la végétation changeait, laissant bientôt la place à une forêt plus clairsemée. En arrivant dans une grande clairière, ils trouvèrent Gaspard le Canard et Pâte d’Oie qui les attendaient en buvant de l’eau fraîche dans une petit lac.

« – Vous voilà, vous ! Mais où étiez-vous ? On a passé la plus mauvaise nuit de tout notre voyage avec des énormes éléphants qui auraient pu écraser notre tente en moins de deux ! » s’écria Lucien.

« – Et, oh, Lucien, calme-toi, répondit Gaspard. Nous ne faisons que suivre les instructions de Mars et Saturne. Ils ont dit qu’ils voulaient que vous fassiez l’expérience de la vie sauvage sur Terre. D’ailleurs, nous partons dès ce matin pour le Parc de Masaï Mara. Vous allez voir, là-bas, il y a des animaux de toutes les couleurs et toutes les tailles !

– Oh non ! dit Pierrane, moi j’ai envie de rentrer à la maison. En plus, notre tente est trempée !

– Ne t’inquiète pas, dit Pâte d’Oie, vous serez bien accueillis, là-bas, on vous a réservé une place dans un de des lodges du parc. Allez, montez vite sur notre dos ! »

Ils partirent sans plus attendre.

Gaspard et Pâte d’Oie avaient dit juste : ils furent accueillis comme des rois dans une des lodges confortables du parc. Depuis le balcon en bois, on avait une vue imprenable sur les animaux de cette immense réserve : des éléphants, des lions, des girafes, des gazelles et même parfois des tigres. Lucien, Pierrane et Sarah n’en revenaient et ils mitraillaient de photos. Ils n’avaient jamais vu de telles merveilles, même sur leur île.

Le lendemain matin ils partirent à l’aube avec un guide du parc pour observer les animaux. Ils semblaient vivre paisiblement les uns avec les autres, malgré leurs différences de tailles, de couleur, de pelage. Les gazelles et les girafes étaient venus se désaltérer au bord d’un lac, accompagnés de nombreux oiseaux. En regardant attentivement, on devinait dans le lac les yeux d’un crocodile qui dépassaient de la surface de l’eau et une grosse masse avec des petites oreilles : un hippopotame. Lucien, Pierrane et Sarah avaient vu des photos et des dessins de tous ces animaux dans les livres de la crèche, mais les voir en vrai, c’était encore une autre expérience.

Soudain ils virent un rhinocéros qui avait l’air très fatigué, allongé sur son flanc droit.

« – Qu’est-ce qu’il a ce rhinéros ? demanda Lucien au guide du parc.

– Ah, c’est très triste, répondit le guide. Il ne reste plus que quinze rhinocéros blancs dans le parc. Ils ont tous été chassés illégalement par des braconniers qui volent leurs cornes pour les vendre en Chine et en Asie. Comme ils sont en voie de disparition, il est strictement interdit de les chasser. Mais le commerce des cornes de rhinocéros est bien trop lucratif.Une corne seule peut valoir plus de trente mille dollars ! De quoi s’acheter une belle voiture. Et celui-là, n’a pas échappé aux chasseurs. Au lieu de le tuer, ils ont préféré l’empoisonner avec des somnifères (ils ont des fléchettes avec du poison qui se répand dans le corps de l’animal et l’endort en quelques minutes).

Une fois l’animal endormi, les braconniers tronçonnent la corne et l’emmènent pour la vendre à des trafiquants de poudre de rhinocéros. La poudre est vendue très chère pour ses propriétés soi-disant aphrodisiaques. Et notre pauvre rhinocéros reste seul avec une énorme blessure sur le nez, à la place de la corne arrachée.

« -Mais c’est affreux ! dit Pierrane. Comment peut-on faire autant de mal à ces animaux ? et tout cela pour le simple gain d’argent ! »

– Et oui, vous avez tout compris. Voilà encore un problème de plus pour les habitants de la planète terre. A force d’exploiter les ressources naturelles et de détruire la biodiversité, ils vont peut-être un jour se retrouver seuls sur terre, en tant qu’espère vivante ! Et alors ils n’auront plus grand chose pour survivre eux-mêmes, car la survie de l’espèce humaine dépend de toutes les autres espèces vivantes. Tenez, par exemple, ce que vous avez mangé ce matin au petit déjeuner : les fruits, le lait, les œufs, le blé du pain, tout cela vient de la nature. Et les plantes et les animaux cohabitent dans des écosystèmes très complexes dans lesquels chacun dépend de chacun. Si vous enlevez un maillon de la chaîne, tout peut s’effondrer. Par exemple, s’il n’y a plus de planctons ou de poissons dans les océans, les baleines et les phoques n’auront plus rien à manger et ils disparaîtront à leur tour. »

Lucien, Pierrane et Sarah restèrent perplexes. Décidément, les enjeux auxquels étaient confrontés les habitants de la planète terre étaient de plus en plus complexes.

Ils continuèrent la visite du parc en prenant encore de nombreuses photos. Chaque photo de chaque animal était devenue comme un véritable trophée, face aux menaces qui pesaient sur toutes ces espèces vivantes.

vi. Dernière escale au Sahara

La dernière escale du voyage de Lucien, Pierrane et Sarah étaient dans le Sud Algérien, une des parties les plus belles du désert du Sahara. La seule ville de la région s’appelait Tamanrasset. Plutôt qu’une ville, c’était une bourgade provinciale, simple et entourée de sable, qui comprenait quelques rangées de maisons en terre séchée alignées le long des allées poussiéreuses. Il y régnait une certaine nonchalance, autour du grand marché qui s’étalait sur plusieurs allées. On y trouvait des grands tissus bleus foncés, appelés « Cheich » que les hommes mettaient sur leur tête pour les protéger du soleil et du vent du sable, des grandes robes colorées, des bijous, des statuettes d’argent, des objets sculptés dans le bois. Véritable carrefour en l’Afrique du Nord et l’Afrique noire, Tamanrasset était aussi le lieu dit de nombreuses légendes anciennes, passage obligé des caravanes de soie et d’argent.

Il leur restait deux semaines de voyages avant de rentrer, deux semaines d’aventure au milieu du désert. Leur guide touareg leur avait préparait un itinéraire en boucle au départ de Tamanrasset. Ils préparaient leurs affaires pour le grand départ, le lendemain : réserves d’eau et de nourriture, vêtements simples et longs pour protéger du soleil, pharmacie de secours, essence et roues de secours pour les véhicules, etc…

Le soir avant le départ, leur guide qui s’appelait Moussa les invita tous à dîner sur une terrasse face au coucher de soleil. L’atmosphère était douce et baignée par une belle lumière orangée. Tous les membres de l’expédition étaient assis en tailleur sur un grand tapis tissé en laine, autour d’une table basse sur laquelle défilaient les plats délicieux de couscous, tajins et légumes marinés aux épices. Lucien, Pierrane et Sarah se régalaient !

Ils firent tous ensemble le point sur l’itinéraire des prochains jours et les affaires importantes à emmener. Moussa leur montra une grande carte en papier usé où l’on distinguait à peine les noms des rares petits villages qu’ils allaient traverser au début et à la fin du parcours. Entre les deux, il n’y avait ni route ni piste pour traverser les étendues de sable et de pierre qui les attendaient. Mais Moussa les rassura. Il connaissait le désert comme sa poche car il y avait travaillé pendant des années comme guide et prospecteur pour les compagnies pétrolières et gazières françaises qui sillonnaient la région.

« – Et pourquoi viennent-ils ici pour chercher du pétrole et du gaz ? lui demanda Lucien.

– Car chez eux ils n’ont plus de réserves d’hydrocarbures ou de combustibles fossiles. Enfin disons qu’ils ont quelque chose qui s’appelle les gaz de schiste mais cela coûte très cher pour les extraire de la terre et en faire une source d’énergie exploitable. Alors ils préfèrent venir ici en Algérie. Dans certains endroits, on fait un trou et le pétrole sort presque tout seul, comme en Arabie Saoudite.

Mais les gens du pays, ici en Algérie, ils sont contents qu’on leur prenne leurs ressources naturelles ?

– Oui et non, répondit Moussa. Le gouvernement algérien encaisse quatre-vingt pour cent des bénéfices et laisse vingt pour cent aux compagnies étrangères, donc en théorie plutôt une bonne affaire pour le pays. Sauf que le gouvernement est corrompu.

– Corrompu, ça veut dire quoi ?

– Cela veut dire que certains dirigeants politiques ne sont pas très honnêtes et au lieu d’investir l’argent du pétrole dans leur pays, par exemple pour construire des écoles ou des hôpitaux pour les populations qui en ont besoin, ils préfèrent se mettre l’argent dans la poche et se faire construire de grosses villas au bord de la mer ! »

Moussa, lui qui était de nature très calme, commençait à s’agiter sur son coussin.

« – Mais c’est du vol ! s’indigna Pierrane. On devrait les mettre en prison !

– Oui tu as raison, répondit Moussa. Seulement voilà, le problème c’est que ce sont souvent ces gens-là qui décident de qui peut être juge ou pas et de qui on peut mettre en prison. Donc ils sont en général assez tranquilles, sauf si les journalistes s’en mêlent et qu’ils font apparaître la vérité à la lumière. Mais les medias eux aussi sont sous la tutelle du gouvernement. Les journalistes indépendants trop curieux et critiques à leur égard risquent eux-mêmes la prison, voir la torture.

– C’est pas juste, ajouta Lucas. Alors pourquoi les gens d’ici ne gardent pas leur pétrole pour eux ?

– Ce n’est pas si simple, dit Moussa. Les gens d’ici, les touaregs, veulent aussi trouver un bon travail avec un bon salaire, ce qui leur est offert par les compagnies pétrolières. Et puis ils aimeraient leur indépendance, mais sans Alger, la capitale du Nord, ils ne pourraient pas faire grand chose pour développer leur économie, en étant aussi isolés au milieu du désert. Alors nous sommes complices de notre propre exploitation, malgré nous.

C’est en partie pour cela que j’ai arrêté de travailler pour ces entreprises. Je préfère guider les touristes pour leur montrer la beauté du désert, plutôt que de dénicher des champs de pétrole ou de gaz sur lesquels les entreprises vont installer leur arsenal d’exploitation, véritable saignée dans ce beau paysage vierge.

– Mais il faudra être prudent, ajouta-t-il après une pause, il y a des bandits du désert qui rôdent parfois à l’affût des étrangers pour les kidnapper et demander une rançon à leur gouvernement en échange de leur libération. Avec l’argent obtenu, cela leur permet d’acheter des armes et de financer le terrorisme contre les Etats occidentaux mais aussi les gouvernements comme l’Algérie qu’ils estiment complices de leur exploitation. Ils justifient ensuite leur lutte avec des motifs religieux auprès de la population facile à manipuler dans les zones rurales où il y a peu d’éducation et beaucoup de pauvreté. Ils s’affichent comme des amis de la nébuleuse d’Al Qaeda et des fidèles de Allah, prêts à tout au nom de l’islam pour enrayer l’impureté de l’Occident. »

Sarah commençait à avoir un peu peur. Elle se demandait ce qu’elle faisait ici. Ce certainement son dernier voyage. Mais elle ne voulait plus se séparer de Pierrane et lui non plus.

« – Ne vous inquiétez pas, dit Moussa. Ici je connais tout le monde et même les bandits du désert me connaissent. Je sais exactement où ils sont et ce qu’ils font. Je ne vous emmènerai que dans les lieux sûrs. Vous allez voir, le désert est magnifique, magique, envoûtant ! Le seul vrai danger pour vous, ce sera les insectes et les serpents. Attention aux piqûres et aux morsures. »

Nos voyageurs n’étaient qu’à moitié rassurés. Mais après un bon thé chaud à la menthe et une bonne nuit se sommeil, ils étaient prêts à partir à l’aventure.

Le premier jour ils traversèrent encore quelques villages. Les habitations étaient très simples, avec des murs en terre séchée mélangée de paille et les toits en taule. Des pierres posées sur les toits devaient les empêcher de s’envoler en cas de tempête de sable. Les gens étaient d’une gentillesse extrême et les saluaient sur leur passage, surtout les enfants qui dansaient, chantaient et criaient dès qu’ils les voyaient. Pour le déjeuner, une famille d’amis de Moussa les invita à partager leur repas. La nourriture était très simple mais préparée.

Moussa leur montra comment pétrir la pâte pour le pain, un mélange de farine et d’eau que l’on faisait ensuite cuire comme une galette dans des braises chaudes, four à pain improvisé pour l’occasion. Les amis de Moussa avaient tué un poulet pour préparer un plat spécial pour leurs invités d’honneur. En dessert, il y avait des dattes fraîches et juteuses et du thé à la menthe. Moussa leur montra aussi le puis duquel on pouvait sortir un seau d’eau. L’eau était très précieuse et utilisée avec parcimonie. Il n’avait pas plu une seule goutte d’eau depuis presque deux ans et il faillait aller de plus en plus profond pour trouver encore de l’eau au fond du puis. Lucien et Pierrane repensèrent à ce que leur avait dit Mme Jolie, à leur arrivée aux îles Seychelles, et au problème du changement climatique. Mais les habitants du village imploraient surtout les dieux pour faire revenir la pluie. D’après eux, les dieux étaient en colère à cause de tous les trous que les hommes blancs avaient creusés dans la terre pour extraire du pétrole ou du gaz, et pour les punir, ils avaient arrêté de leur donner la pluie pourtant si précieuse pour la vie fragile dans le désert. Sans eau, ni les hommes ni les animaux ni les plantes ne pourraient survivre bien longtemps. Certains arbres pouvaient résister deux ans sans pluie, certaines plantes restaient dormantes et se réveillaient d’un coup pour fleurir à chaque pluie du désert. Mais si les pluies étaient trop espacées, la végétation ne résisterait pas et les hommes devraient quitter leurs villages quand les puis seraient complètement asséchés.

Malgré cette épée de Damoclès qui était au-dessus de leur tête, et cette attente interminable pour les prochaines pluies, les villageois semblaient somme toute plutôt heureux. Le village était paisible et à la tombée de la nuit on entendait les crépitements des feux, les rires des enfants, et les chants de leurs parents pour les endormir. La vie était simple et belle. Leur seul moyen de subsistance était leur bétail et leurs animaux, les chameaux, les chèvres, les poules. Environ une fois tous les deux mois, ils allaient jusqu’à la ville de Tamanrasset pour échanger les animaux contre de la farine de blé et d’autres éléments de nécessité. Il y avait même une petite école sur place avec un instituteur passionné de littérature française et un dispensaire avec une excellente doctoresse qui s’occupait même de faire naître les bébés sur place et de prendre des jeunes mamans avec beaucoup d’attention.

Moussa était visiblement très heureux d’être ici.

« – Ici, c’est mon village natal, leur annonça-t-il. C’est ici que je suis né ! Dans cette maison même, celle du dispensaire, avec les volets verts, leur montra-t-il du doigt avec un regard plein de fierté. Maintenant toute ma famille est à Tamanrasset, y compris ma vieille maman dont nous prenons grand soin. Mais mes meilleurs souvenirs, ils sont ici, au village.

C’est là que j’ai fait mes premiers pas, mes premières bêtises aussi, et là que j’ai appris à écrire et à compter, dans la petite école de la place du village. Les jours de mon enfance ici comptent parmi les plus heureux de ma vie ! Vous voyez, il n’y a pas besoin de pétrole, de gaz, ni de voiture, pour être heureux…

Lucien se sentait à mille lieux de Pékin et de ses embouteillages. Lui et Pierrane repensaient aussi à leur village à eux, sur l’Ile. Après ces longs mois de voyage sur la planète Terre, ils avaient maintenant vraiment envie de rentrer chez eux, pour retrouver les lieux, les odeurs et les visages familiers.

« – Je comprends, dit Pierrane avec un air nostalgique. Nous aussi nous sommes très attachés au village où nous avons grandi ! Vous devriez venir, un jour, Moussa, nous pourrions vous montrer tous les meilleurs endroits pour observer les étoiles ! »

Moussa sourit.

-« J’aimerais beaucoup venir, si vous m’invitez. Mais pour cela je vais devoir encore travailler quelques années pour pouvoir m’offrir le voyage, répondit Moussa. Mais je garde votre promesse en mémoire, elle n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. »

Après cette première étape dans le village de Moussa, ils étaient devenus comme des amis et avaient presque oublié qu’il était leur guide et eux ses clients. Moussa leur montra tous les coins secrets du désert : les oasis perdues, les rares lacs pour se baigner, les dunes oranges et jaunes pour rouler dans le sable, les montagnes aux multiples grottes et pitons rocheux pour jouer à cache-cache. Pierrane et Lucien avaient presque oublié qu’ils avaient le mal du pays et Sarah ne regrettait plus d’être venue.

Le troisième jour, ils découvrirent un lieu absolument incroyable. Moussa l’avait surnommé « le château de Jeannot » car c’était Jeannot, un ancien client guide de haute montagne qui lui avait fait découvrir les multiples passages à l’intérieur du château. Cet édifice rocheux était érigé au milieu d’une étendue de dunes aux teintes orangées. Il n’avait pas été construit par les hommes mais simplement par la force naturelle de l’érosion et du vent. Au centre, un grand ensemble rocheux formait le cœur du palace de couleur sombre, entouré par des tourelles et clochers qui alternaient entre le beige, l’orange et le jaune clair. Lucien, Pierrane et Sarah n’en croyaient pas leurs yeux. Ils passèrent la journée à arpenter les salles et les couloirs naturels du « château », à découvrir les multiples recoins, et à jouer aux chevaliers et princesses. Ils n’avaient jamais vu de terrain de jeu aussi exceptionnel.

Les jours de succédèrent sans repère géographique ni temporel. Ils flottaient au milieu des dunes, en marchant des heures et des heures pieds nus dans le sable doux et frais du matin ou de la fin d’après-midi. Aux heures plus chaudes, ils faisaient tous une grande sieste sur le tapis en laine que Moussa avait emmené, à l’ombre d’un rocher ou d’un tissu étendu sur des branches. Le soir, ils dormaient à la belle étoile avec un simple matelas et un sac de couchage en plume. Pierrane et Sarah dormaient blottis l’un contre l’autre. Ils n’avaient jamais vus autant d’étoiles ! Chaque soir, ils essayaient de les compter une à une mais s’endormaient avant d’avoir fini. Lucien lisait un livre que l’instituteur du village de Moussa lui avait donné. Ça s’appelait « Le Petit Prince » d’Antoine de Saint Exupéry. C’était l’histoire ce petit garçon qui visitait différentes planètes avant d’arriver dans le désert où il rencontrerait un grand aviateur. Lucien adorait ce livre et le gardait en permanence dans sa petite sacoche de voyage. En arrivant sur l’île, il s’était promis de lire l’histoire en entier à sa petite sœur Léa.

Lucien se sentait bien, dans le désert si pur et si lumineux. Mais il était bientôt l’heure de rentrer.

Un matin, Pierrane et Sarah se réveillèrent en sursaut. Quelque chose de chaud avait bougé sous leur couverture. Soudain ils poussèrent tous deux un cri : un serpent !

Moussa se précipita vers eux avec une grande pelle et attrapa le serpent et la poignée de sable sur lequel il était couché.

« – Ne bougez surtout pas, leur dit Moussa. C’est un serpent venimeux extrêmement dangereux. Si il vous pique, vous n’avez que vingt-quatre heures pour vous rendre à l’hôpital le plus proche au risque de mourir. »

Lucien, Pierrane et Sarah se regardèrent les uns les autres avec un air effrayé. Heureusement Moussa avait déjà emmené le serpent bien loin.

Ils ne dirent plus grand chose pour le reste de la journée, en regardant le paysage défilé à bord de la voiture qui les ramenait à Tamanrasset.

Le soir Moussa leur avait réservé une surprise, avec un autre dîner succulent et un groupe de musique traditionnel pour chanter et danser.

Le lendemain, la fusée qui devait les ramener sur l’astéroïde 678 les attendait derrière la dune adossée à leur hôtel. Lucien, Pierrane et Sarah étaient encore un peu endormis en montant à bord, sans vraiment réaliser ce qui leur arrivait. Moussa vint leur dire au revoir. Lucien avait les larmes aux yeux. C’était la première fois qu’il quittait un ami sans savoir quand il le reverrait. Il repensait au livre du Petit Prince et à l’histoire du renard que le Petit Prince avait apprivoisé. Il imagina Moussa comme un renard du désert et se mit à sourire. Il se promit de le faire venir un jour sur l’Ile.

Sarah était ravie : elle avait obtenu l’autorisation de raccompagner Pierrane jusqu’à l’Ile de l’astéréoïde 678. Elle serait la première jeune femme de la planète Terre à visiter une autre planète.

2. Le retour de Lucien et le départ de Léa

A l’aube, ils arrivèrent enfin sur l’astéroïde 678 après une longue nuit de voyage à bord de la fusée de Mykos. Il y avait des couchettes à bord mais Lucien, Pierrane et Sarah avaient peu dormi car ils avaient passé la soirée à jouer, discuter et écouter de la musique, tellement contents de rentrer pour Lucien et Pierrane et prête pour une nouvelle étape pour Sarah.

Depuis la piste d’atterrissage il fallait encore prendre un train pour arriver jusqu’à l’Ile. Lucien et Pierrane regardaient le paysage défiler par la fenêtre de leur wagon. Après ce long voyage sur la planète Terre, ils avaient l’impression de voir les choses à travers de nouvelles lunettes. Il faisait un temps magnifique et une lumière d’une étrange pureté baignait l’atmosphère. Lucien et Pierrane avaient l’impression d’être face à un tableau vivant, composé de trois couleurs superposées dans une harmonie parfaite : la surface bleue foncée scintillante du lac, la verdure des champs et des forêts où évoluaient librement les animaux, et le grand ciel d’un bleu éclatant. Sarah ne disait rien mais elle prenait de nombreuses photos.

Lucien et Pierrane ne tenaient plus en place et couraient d’un bout à l’autre du wagon.

Comme c’était bon de rentrer chez soi après toutes ces péripéties !

En arrivant à la station de l’Ile, ils eurent l’immense joie d’être accueillis par une petite foule d’amis et d’éducatrices qui leur avaient préparé une surprise. Ils avaient emmené une grande banderole avec leurs prénoms et un mot de bienvenue et chantaient des chansons à tue-tête !

Lucien, Pierrane et Sarah sautèrent du train avec leur petit sac à dos et se mirent à crier de joie en embrassant tous les amis qui étaient là.

« – Léa, ma sœur ! s’écria Lucien. Elle était aux premières loges pour accueillir son frère. Ils se mirent tous deux à pleurer de joie en dansant et s’embrassant à la fois.

– Lucien, tu es enfin rentré ! J’ai cru que tu n’allais jamais rentré, surtout quand tu étais dans ce temple de méditation de l’Himalaya… Comme tu as grandi ! et minci aussi ! On va te faire manger pleins de bons plats pour te requinquer !

– Léa, comme je suis content de te retrouver. J’aurais voulu que tu sois là à chaque instant pour partager toutes mes aventures. Toi aussi tu as changé ! » lui dit-il en la dévisageant de bas en haut.

-Regarde ces grands cheveux blonds ! »

La robe de Léa laissait aussi apparaître les premières formes arrondies de la féminité. Lucien ne dit rien par pudeur mais il était surpris de voir tous ces changements chez sa petite soeur.

« – Allez, viens ! lui dit Léa en le tirant par la manche. On va prendre le petit déjeuner sur une terrasse !

– Ok ! dit Lucien sans hésiter. Et, Léa, je voulais aussi te présenter mes amis Pierrane et Sarah. Enfin, Pierrane, tu connais ! Et Sarah vient de New Dehli.

– Enchantée, dit Léa avec un grand sourire. Venez avec nous sur la terrasse ! »

Léa était un peu jalouse de Sarah car elle aimait beaucoup Pierrane mais elle ne dit rien et ils partirent tous les quatre sur la terrasse face au lac pour savourer un délicieux petit déjeuner.

Lucien profitait de chaque instant, chaque minute et il prenait enfin conscience de la chance qu’ils avaient d’habiter dans un si bel endroit. Ils furent servis des tartines de pain frais au beurre et à la confiture de fraise maison, un bol de chocolat chaud et des jus d’orange doux et fruités.

Léa racontait les dernières histoires de l’Ile. Lucien et Pierrane écoutaient en souriant. Ils voulaient eux aussi raconter leurs aventures mais ne savaient pas par où commencer. Tout était si différent sur la planète Terre. Ils trouvaient cela difficile de partager leurs émotions avec les personnes de l’Ile qui n’étaient jamais partis, comme s’ils étaient séparés par un mur d’incompréhension.

En même temps, ils préféraient du moment présent, des retrouvailles, du paysage, et de toutes ces odeurs familières qui les enveloppaient dans le doux parfum de leur enfance.

Ils passèrent la plupart de la journée au bord du lac à jouer sur la plage de sable et se baigner dans l’eau douce du lac. Sarah et Léa commencèrent à sympathiser en se faisant bronzer sur les grandes serviettes de bain que Léa avait emmenées.

Le soir arrivait déjà quand ils décidèrent de rentrer à la maison pour se doucher et se changer.

Léa leur annonça alors qu’une grande fête était prévue le soir même avec tous les amis de l’Ile pour célébrer leur retour.

Lucien et Pierrane étaient à nouveau tout excités. Ils dénichèrent en vitesse quelques beaux habits dans leurs placards. De nombreux habits étaient devenus trop petits. Heureusement ils avaient gardé des habits de leur baptême civil qui à l’époque étaient trop grands.

Léa et Sarah passèrent deux bonnes heures à se préparer dans la salle de bain, en rigolant comme des folles à chaque essayage de robe. Lucien et Pierrane les attendaient sur le balcon en sirotant un jus de pomme.

« – Alors vous êtes prêtes ? leur demanda enfin Lucien. Il est déjà vingt heure trente et nous avions rendez-vous au château à vingt heures !

– Oui, oui on arrive ! répondirent Léa et Sarah en ricanant. »

Ils furent enfin tous prêts à partir. Lucien et Pierrane avaient sorti des chapeaux ce qui les rendaient très élégants.

En arrivant au château, il y avait déjà une foule d’amis vêtus de leurs plus beaux habits. Les couleurs vives, oranges, jaunes, rouges, leur rappelaient étrangement la foule indienne de Delhi. Sarah n’en croyait pas ses yeux.

Le château était éclairé par des projecteurs oranges et jaunes et décoré de lampions colorés suspendus sous un grand voile blanc au –dessus de la cour intérieure qui accueillait une scène et un groupe de musique. Les enfants circulaient librement pour danser, chanter et se rafraîchir d’un des cocktails de fruits frais.

Lucien et Pierrane étaient aux anges.

Soudain le groupe de musique fit une pause et l’éducatrice Viviane leur demanda de monter sur la scène. Lucien et Pierrane avaient le cœur qui battait à toute vitesse.

« – Bravo à nos deux aventuriers, et nous vous souhaitons un bon retour sur l’Ile ! leur dit simplement Viviane. Et voici un cadeau pour fêter votre retour ! ajouta-t-elle.

Ils avaient chacun reçu un immense album avec toutes les photos et tous les mots qu’ils avaient collectés pendant leur voyage et envoyés aux amis de l’Ile. Ils feuilletèrent quelques pages et furent soudain plongés à nouveau au milieu de la jungle du Kenya, dans les dunes du désert du Sahara ou encore sous les cocotiers des Seychelles. Ils avaient les larmes aux yeux.

– Merci ! dit Lucien. Un grand merci à vous tous et surtout à ma sœur Léa qui m’a soutenu à distance pendant tout ce voyage !

– Merci à vous tous ! ajouta Pierrane. Et je vous présent aussi Sarah, notre invitée spéciale de la planète Terre ! »

Il la fit monter sur scène et elle fut accueillie par une vague d’applaudissements.

– « La fête peut commencer ! conclut Viviane. »

Et sur ces mots un nouveau groupe de musique monta sur scène pour enflammer la foule avec des musiques dansantes endiablées.

Ils dansèrent toute la nuit et se couchèrent à l’aube. Ils étaient tellement épuisés qu’ils dormirent de tout leur saoul et ne se réveillèrent que le surlendemain.

Daniel, le maire du village, finit par venir frapper à leur porte pour les réveiller. Il avait la mission de faire le débrief de Lucien et de préparer Léa à partir à son tour. Elle n’était pas encore au courant.

« – Allez debout les enfants, réveillez-vous ! Il est déjà neuf heures du matin et vous avez dormi plus que vingt-quatre heures d’affilée ! »

Sarah émergea la première de son petit lit douillet. Elle se frottait les yeux et se demandait ce qui lui arrivait. Elle réalisa enfin qu’elle était venue ici sur l’Ile et était bien loin de la maison familiale de New Delhi. Elle se tourna vers Lucien, Pierrane et Léa pour les réveiller doucement.

« – Je vous attends au château à dix heures pour notre entretien, leur dit Daniel. Et soyez à l’heure car je dois partir midi précise pour une autre séance, les avertit-il. »

Ils se préparèrent à la hâte, vidèrent enfin leurs sacs de voyage et mirent leurs habits sales dans la machine à laver avant de partir du château.

Daniel les attendait de pied ferme dans la salle de réception normalement destinée aux mariages. Sarah regardait de tous les côtés et se voyait déjà revenir ici en robe blanche.

« -Alors, dit Daniel, ne perdons pas de temps. Lucien, Pierrane, je tiens à vous remercier pour la mission d’observation que vous avez accomplie sur la planète Terre. Nous avons été tenus au courant par tous vos messages et photos envoyés grâce aux miniphones. Nous allons maintenant avoir quelques semaines pour revoir étape par étape toutes les observations que vous avez faites.

– Alors vous avez bien reçu toutes nos informations ? Les Seychelles, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, Bali, le Kenya, l’Algérie ? demanda Lucien.

– Oui, reçus cinq sur cinq. Il y a certaines informations que nous avions déjà. Par exemple nous savions que le changement climatique était un vrai problème pour nos amis de la planète Terre. Mais d’autres éléments ont été surprenants. Et surtout toutes les relations que vous avez nouées là-bas avec les leaders de chaque pays vont nous aider à préparer la prochaine conférence mondiale de Paris en 2027. Il y a déjà eu un sommet mondial de ce type en 2015 qui a échoué pour différentes raisons. Mais cette fois nous devons réussir et aider les Terriens à se mettre d’accord sur des solutions concrètes et rapides pour répondre à leurs problèmes planétaires, sans quoi l’avenir de leur planète sera compromis et nous devrons à terme leur trouver une solution d’hébergement. Or notre astéroïde est bien trop petit pour accueillir neuf milliards de terriens. Donc il y a urgence à agir.

Lucien, Pierrane, Sarah et Léa ne voyaient pas très bien où il voulait en venir.

« – Cette conférence à Paris, c’est donc l’année prochaine ? demanda Léa.

– Oui, dit Daniel. Et je dois aussi vous annoncer que vous partez dans une semaine pour faire partie d’une délégation de notre Ile pour découvrir à votre tour la planète Terre et préparer le sommet de 2027. Léa n’en croyait pas ses oreilles. Elle se doutait que quelque chose se préparait pour elle, mais n’avait jamais pensé que le départ serait aussi imminent et la mission aussi longue qu’une année entière« – Déjà ! s’écria Lucien. Mais je viens juste de retrouver ma sœur et maintenant c’est elle qui va partir ! Nous allons donc être à nouveau séparés ! »

« – Oui, dit Daniel avec un air résigné. Je vous ai dit qu’il n’y avait malheureusement pas de temps à perdre. Mais vous serez en contact par vidéoconférence et miniphone toute la durée de la mission. Vous deux, Lucien et Pierrane, allez jouer un rôle important pour conseiller Léa et Sarah à distance et les soutenir moralement dans les moments difficiles.

« – Ah mais alors moi aussi je repars ? demanda Sarah d’un air affolé.

– Oui, vous serez là pour épauler Léa qui n’a encore jamais mis les pieds sur votre planète.

Sarah était à la fois flattée de faire partie de cette délégation très spéciale et triste à l’idée de devoir déjà quitter l’Ile en laissant surtout Pierrane pour une année entière.

– Vous avez une semaine pour réfléchir. Mais je vous conseille d’accepter. C’est une opportunité qui ne se présentera qu’une seule fois dans votre vie. Et surtout passez du temps tous les quatre, avec Pierrane et Lucien, pour préparer la mission et vos affaires. Comme ils reviennent tout juste de voyage, ils pourront vous conseiller, Sarah et Léa, au sujet de ce qu’il faut préparer. Je vous souhaite bon courage et bonne chance. Et un grand merci pour votre engagement et dévouement au service du bien public, termina Daniel. »

Sur ces mots, il raccompagna les quatre enfants jusqu’à l’entrée du château.

Pierrane, Lucien, Sarah et Léa sortirent avec le cœur et les épaules lourdes des responsabilités qui venaient de leur être confiées. La fête des retrouvailles était bel et bien finie.

Mais dés le lendemain ils étaient déjà tous les quatre affairés et occupés par les préparatifs de départ pour Léa et Sarah.

3. Le voyage de Léa

i. New York

Dans la fusée qui les emmenait sur la planète Terre, Léa eut une drôle de surprise. Elle avait mis de jolis vêtements et même de jolis sous-vêtements blancs qui étaient devenus tout tâchés de sang brun. Elle savait qu’un jour cela devait arriver, mais ne pensait pas que ce serait le premier jour de son grand voyage intergalactique ! Elle était toute émue de se sentir déjà comme une jeune femme qui pourrait un jour avoir des enfants. Sarah était un plus âgée et passa un peu de temps avec son amie pour la rassurer et lui donner les protections nécessaires pour les premiers jours des règles. Par la suite, ce ne serait plus qu’une question d’habitude.

Comme Léa se sentait un peu fatiguée, elle passa la plupart du voyage à dormir. Son frère Lucien lui avait pourtant préparé un dossier complet de documents et de cartes à lire avant d’arriver sur Terre, mais il lui semblait plus important de faire le plein d’énergie.

La fusée se posa proche d’un immense aéroport appelé aéroport Kennedy, du nom d’un ancien président très connu qui avait fait beaucoup pour la paix entre l’Est et l’Ouest pendant la guerre froide. De là, Sarah et Léa montèrent dans un train qui les mena jusqu’au cœur de Manhattan, le centre des affaires de New York. Léa ne quittait pas des yeux les immenses gratte-ciels qui s’élevaient au-dessus d’elles, la tête relevé et le regard perdu dans les nuages. Elle n’avait jamais vu de ville aussi grande et imposante. Dans la rue, tout le monde s’affairait dans un flot de voitures puis de piétons, au rythme des feux qui alternaient entre le rouge et le vert. Léa se sentait envoûtée par cette ville et son cœur battant à toute allure. Sarah elle n’était guère enchantée et pensait surtout à Pierrane qui était resté sur l’île au bord du lac. La foule, elle connaissait bien, en venant de Dehli. Mais elle n’aimait pas beaucoup les odeurs de frites et de burgers frits et tous ces gens qui était manifestement en surpoids. Léa et Sarah étaient comme deux petites souris toutes fines et toutes légères qui se faufilaient dans une foule de géants, entre des bâtiments eux aussi géants.

Elles passèrent les jours suivants à s’acclimater peu à peu à leur nouvel environnement et à découvrir les multiples trésors de la ville, le musée des arts modernes, Time Square, Central Park, le pont de Brooklyn, statue de la liberté, le sommet de l’Empire State building…

Quand soudain, un matin, elles furent réveillées par des sirènes en furie et des bruits de radio et télévision dans les chambres voisines de la leur. Léa se leva et regarda par la fenêtre de leur Bed&Breakfast : un énorme nuage de fumée grise s’échappait d’une des deux tours jumelles de Manhattan. Elle n’en croyait pas ses yeux.

« – Sarah, regarde ! On dirait que les tours jumelles sont en feu ! Il faut appeler les pompiers ! lui dit Léa.

Sarah se leva pour la rejoindre sur le bord de la fenêtre.

– Ah oui ! Incroyable ! Et regarde par là tous ces camions de pompier et les voitures de polices : ils sont déjà en route ! »

– Qu’est-ce qu’on fait ? dit Léa. On y va ?

– Hum, peut-être qu’on ferait mieux de quitter la ville pour éviter les ennuis ! »

A ce même moment, Léa reçut un message sur mon mini-phone de la part de Lucien qui avait entendu parler d’un crash d’avion sur une des tours jumelles de New York et lui demandait des nouvelles.

– Ecoute, moi je veux y aller et savoir ce qui se passe, dit Léa. Allons-y ! »

Sarah eut à peine le temps de répondre que Léa avait déjà enfilé ses vêtements et fermé son sac avec quelques affaires pour la journée.

Sur le chemin, elle envoya un message à son frère lui disant qu’elle se rendait sur place.

En approchant des tours jumelles, Léa et Sarah croisèrent des employés de banques en costumes qui partaient dans toutes les directions, visiblement paniqués par les événements. C’était le cœur même de la finance mondiale et des affaires qui avait été touché. Les critiques allaient bon train contre le système capitaliste importé des Etats-Unis qui profitaient à une poignée de traders enrichis pendant que le reste de la planète peinait à sortir de la pauvreté. Léa et Sarah entendaient des bribes de conversations et d’informations à la radio. On parlait déjà d’un attentat terroriste, d’Al Qaeda, une nébuleuse d’islamistes dont l’origine viendrait de l’Afghanistan. Elles avaient du mal à faire le lien avec New York et tous ces employés de multinationales, si ce n’est le fait que le gouvernement américain s’était plusieurs fois immiscé dans la politique intérieure de certains pays du Moyen Orient, pour y favoriser l’accès au pouvoir de dirigeants favorables à leurs projets d’exploitation pétrolière. Il y a de nombreuses années, les Etats-Unis avaient aussi armé les rebels djihadistes contre l’invasion de l’URSS (maintenant la Russie) en Afghanistan. Aujourd’hui, ces interventions semblaient se retourner contre eux et le réseau d’Al Qaeda et des talibans avaient repris les armes à leur compte pour lutter contre l’Occident au nom de la religion islamique.

Toutes ces histoires s’entremêlaient dans un méli-mélo de phrases entendues par ci et par là au milieu d’une foule désordonnée, d’un bruit de sirènes assourdissant et surtout une fumée de plus en plus épaisse et nauséabonde.

« – On y va ! dit Sarah à Léa. Ça va mal tourner ! ajouta-t-elle en la tirant par la manche pendant qu’elle échangeait des informations avec un journaliste venu sur place pour couvrir l’actualité du prochain flash info de la chaîne télévisée CNN.

A ce moment précis, il y eut un immense fracas. La terre se mit à trembler et un énorme souffle de vent violent projeta Sarah et Léa contre le mur du Starbucks café qui faisait l’angle de la rue. Elles se précipitèrent à l’intérieur pour se mettre à l’abri des multiples débris qui tombaient du ciel. « Les tours se sont effondrées », entendirent-elles autour d’elles.

Elle s’installèrent sous une table du café, la gorge nouée par la peur.

Léa envoya un message à Lucien pour lui annoncer la catastrophe mais le réseau ne semblait plus fonctionner. Quelques minutes plus tard, le message partit et arriva à Lucien. Léa lui demandait de solliciter de l’aide de façon urgente et d’avertir tout le monde sur l’île.

La nouvelle se répondit à une vitesse éclair.

Quelques instants plus tard les premières victimes affluaient, le visage couvert de suie et parfois de sang quand les personnes étaient blessées. Le café Starbucks allait bientôt se transformer en quartier général pour les services des secours qui étaient venus prêter main forte aux pompiers et commencer à essayer de dégager les survivants coincés sous les décombres. Léa et Sarah avaient l’impression de vivre un cauchemar. Elle restèrent là jour et nuit pendant quatre jours, à accueillir les secouristes venus en renfort depuis l’Ile et aider au mieux qu’elles pouvaient avec toute la logistique.

Le cinquième jour, le chef de la mission médicale leur conseilla de rentrer à l’hôtel pour se reposer. L’essentiel avait été accompli et leur aide avait été d’une grande utilité pour coordonner la mission des secouristes de l’Ile mais il fallait maintenant qu’elles récupèrent.

Elles étaient exténuées et passèrent le restant de leur séjour à se remettre de leurs émotions. Partout on parlait de la lutte contre le terrorisme. Elles avaient vraiment peur qu’une troisième guerre mondiale éclate. Par le passé, le Président américain Georges Bush avait fait plusieurs interventions armées dans le monde arabe qui avaient enflammé les conflits entre l’Orient et l’Occident. Mais cette fois c’était une femme démocrate noire qui était aux commandes, Mme Obama, et tout le monde espérait qu’elle pourrait éviter de reproduire les mêmes erreurs et prendre les bonnes décisions pour ramener la paix.

La veille de leur départ des Etats-Unis, Léa et Lisa furent convoquées par Mme Obama pour une réunion à la maison blanche.

« – La peur est grande dans notre pays, leur dit gravement Mme Obama. Il faut à tout prix mettre sur pied un programme massif d’aide au développement et de lutte contre la pauvreté dans les pays où s’implante l’islamisme et le terrorisme. L’obscurantisme se nourrit du désespoir des jeunes qui n’ont ni accès à l’éducation ni accès à l’emploi. Si Al Qaeda leur propose de sortir de la pauvreté en devenant des héros au nom de la religion, pourquoi refuseraient-ils ? Ils sont logés, nourris et on leur offre même des femmes. S’ils meurent, on leur promet qu’ils iront au paradis en martyr et qu’ils auront droit à encore plus de femmes. Nous devons aussi aider tous les musulmans modérés de ces pays à reprendre leur destin en main, sans quoi c’est la minorité islamiste qui va imposer la charia à tous ! »

Lisa et Léa ne comprenaient pas tout, mais après ce qu’elles avaient vu comme désastre humain à New York, elles comprenaient que l’heure était grave.

« – Que pouvons-nous faire ? demanda Léa.

– Je vous propose de vous rendre dès demain en Afghanistan pour rencontrer le chef d’Etat, Mr. Karzai et pour nous aider à coordonner une mission de solidarité sur le long terme En particulier nous devons investir dans l’éducation, y compris l’éducation des femmes, seul rempart possible contre l’ignorance et l’obscurantisme. »

Léa et Lisa ne se furent pas priées et elles partirent le lendemain pour Kaboul, la capitale afghane.

ii. L’Afghanistan et le Tajikistan

A Kaboul, Léa et Lisa furent accueillies par les conseillers et gardes du corps du Président pour se rendre au centre ville sous escorte civile. Le quartier du Président était sous haute sécurité avec des militaires et des miradors partout pour empêcher tout attentat islamiste. Léa et Lisa avaient aussi dû se couvrir la tête d’un grand voile noir pour ne pas attirer les regards indiscrets.

Cependant, une fois arrivées dans le palais présidentiel, tout semblait très paisible. Le palais était d’une élégance architecturale unique et entouré d’un jardin magnifique. Les salles intérieures étaient décorées de peintures et sculptures anciennes.

M. Karzai vint les accueillir dans la salle de réception où étaient disposées des fauteuils confortables et des tapis brodés de laine.

« – Bonjour Léa et Lisa, et soyez les bienvenues chez nous. Comme vous le voyez, notre pays était jadis un grand pays de culture et de raffinement. C’est ce que nous devons préserver aujourd’hui… Il n’y a pas si longtemps les islamistes ont détruit des merveilles comme ces immenses bouddhas géants. Mais passons tout de suite aux choses sérieuses. Vous étiez aux Etats-Unis il n’y a pas si longtemps et avez vu mon homologue américaine. Que pouvons-nous faire pour éviter de telles catastrophes et construire une paix durable ?

– Mme Obama propose de mettre sur pied un programme d’aide au développement sur le long terme, avec un volet important consacré à l’éducation, y compris l’éducation des femmes, répondit Léa.

– Oui, c’est une excellente idée, acquiesça Mr.Karzai, mais c’est les financements qui nous manquent. Après tant d’années de guerres civiles les caisses de l’état sont vides. La corruption, le marché noir et le traffic de drogue ne sont pas là pour nous aider.

– Je crois que les américains sont prêts à investir pas mal d’argent si cela peut leur garantir la paix et la sécurité chez eux en éradiquant les racines du terrorisme, dit Lisa.

– Oui, vous avez raison. Mais il ne faut pas non plus être trop angélique. Pour démanteler le réseau Al Qaeda, dans l’immédiat, il faudra aussi en passer par la force.

– C’est prévu dans le plan, ajouta Lisa, comme première étape d’intervention, avec un renfort pour former vos propres troupes de sécurité afghanes. Mais il faut aussi mettre en place les solutions de long terme dès maintenant.

– C’est entendu, dit Mr. Karzai. Faites passer le message à Mme Obama que je suis prêt à la rencontrer en personne dans les prochains jours pour finaliser le plan d’entente. Le mieux serait de se rencontrer en terrain neutre et sûr, par exemple à Genève, en Suisse.

– C’est noté, dit Léa. »

Et elle avait déjà préparé un message à faire partir en urgence à la maison blanche.

Pour la suite de leur séjour, Mr. Karzai avait préparé une visite des sites historiques et aussi une visite des principaux bâtiments de service public de la ville. Beaucoup étaient encore complètement délabrés : la poste, l’université, l’hôpital.

Mme Aisha Dalila, directrice d’une ONG locale de défense de droit des femmes, les guida jusqu’à la maternité. Elle était très fière d’avoir pu mettre sur place un lieu digne de ce nom pour aider les femmes afghanes à accoucher dignement et dans des conditions sanitaires sûres.

« – Vous n’imaginez pas ce qui se passe dans les campagnes, leur raconta-t-elle. Les femmes n’ont accès à aucun soin de santé car leurs maris refusent qu’elles soient examinées par des médecins hommes pour des raisons religieuses. Mais le problème, c’est que les femmes sont privées d’accès à l’éducation. Comment voulez-vous former des médecins gynécologistes femmes dans ces conditions ? Alors beaucoup de femmes accouchent dans des conditions effroyables. Parfois on leur fait même des césariennes d’urgence sans anesthésie et nombreuses sont celles qui meurent d’infections ou d’hémorragies. En hiver, les conditions sont très rudes avec le froid, sans électricité ni chauffage. Et en été, la chaleur et le manque d’eau ne favorise pas non plus une bonne hygiène.

– C’est quoi, une césarienne ? demanda Léa avec un air inquiet.

– Si le bébé est mal engagé, on doit parfois ouvrir le ventre de la maman pour le sortir sain et sauf de l’utérus et sauver aussi la vie de la maman après de longues heures de travail douloureux. Heureusement, dans la plupart des cas tout se passe bien et les femmes accouchent tout à fait naturellement à la maison. Mais en cas de problème, mieux vaut être proche d’un bon hôpital. Or il n’y a qu’ici, à Kaboul, dans la capitale afghane, que les femmes peuvent accéder à une vraie prise en charge.

– Et pourquoi les femmes ici ont-elles autant de bébés ? demanda alors Lisa.

– Ah, ça c’est encore un autre problème. Les hommes ont souvent plusieurs femmes et avoir beaucoup d’enfants est vu comme un signe de richesse et de domination. De plus, les femmes n’ayant pas reçu d’éducation ont rarement accès aux moyens de contraception moderne (la pilule, le préservatif, etc.), qui sont aussi vus comme des interventions contraires à la religion. Tenez, nous avons fait ce petit dépliant qui explique tout. Mais les femmes doivent pouvoir savoir lire pour le comprendre.” Aisha leur tendit le dépliant que Léa et Lisa gardèrent précieusement. Le soir, elles le lurent du début à la fin. C’était assez facile à comprendre avec les dessins. En fait c’était la première fois que quelqu’un leur parlait de ces choses si importantes pour des jeunes femmes. Il avait fallu venir jusqu’en Afghanistan pour apprendre tout cela !

Après les visites, Léa commença à se sentir pas très bien. Elle était très fatiguée et ne comprenait pas ce que se passait car depuis son départ de l’Ile ses règles ne s’étaient presque pas arrêtées. C’était comme si son corps saignait de douleur et de compassion pour les évènements tragiques qui se déroulaient à New York et en Afghanistan.

Le lendemain elle fut rapatriée sur Dushanbe, la capitale du Tajikistan, où il y avait une base militaire importante avec des médecins français et canadiens qui pouvaient l’examiner et éventuellement décider de son retour en Occident.

Dushanbe était vraiment une ville étrange où le communisme de l’URSS avait presque éliminé toute trace de l’islam en détruisant les mosquée, interdisant le voile et en investissant dans l’éducation et l’accès au travail pour les femmes. Ici, les femmes pouvaient même choisir librement leur mari, en tout cas dans les grandes villes. Dans les campagnes, le mariage forcé était encore de mise. Après la chute du communisme, de nombreuses infrastructures publiques furent laissées à l’abandon ; là aussi les universités et les hôpitaux n’étaient guère reluisants. Les rues étaient presque désertes le soir avec le couvre-feu et les coupures d’électricité. Malgré cela, il y avait une boîte de nuit où les expatriés qui travaillaient pour les ONG humanitaires pouvaient venir se défouler, danser et boire de la vodka. Lisa fut invitée à prendre part dans l’une de ces fêtes mais Léa préféra rester à la guest house pour se reposer.

A priori elle n’avait rien de grave, juste du surmenage et les médecins leur recommandèrent un long séjour dans les grands espaces d’Amérique du Nord et du Sud.

iii. Les Amériques

Lisa décida de revenir dans son pays, en Inde, pour se reposer et revoir sa famille.

Quant à Léa, elle était attendue à Vancouver, sur la côte Pacifique du Canada pour un programme de remise en forme. La ville était époustouflante de beauté, nichée entre l’Océan, la forêt et les montagnes aux sommets enneigés. De quoi prendre un grand bol d’oxygène et oublier l’espace d’un moment les multiples problèmes de la planète terre, pour vivre au présent et profiter de la vie !

Le matin, Léa commençait sa journée par un cours de yoga et de méditation. Son frère lui avait beaucoup parlé de son séjour dans l’Himalaya et elle ressentait maintenant dans tout son être les bienfaits décrits par Lucien.

Après cette séance matinale, Léa se régalait d’un petit déjeuner copieux avec des céréales, du lait frais et des myrtilles juteuses.

Puis direction la place pour courir le long des vagues en humant l’air frais marin au son des mouettes rieuses. Sur le retour de la ballade, Léa s’allongeait dans le sable pour regarder défiler les nuages blancs, comme des moutons dans le ciel bleu intense.

L’après-midi, elle s’était inscrite à l’université pour suivre quelques cours intéressants sur la géopolitique, la lutte contre les discriminations, et aussi pour apprendre l’Espagnol afin de préparer son prochain voyage vers l’Amérique latine.

Après les cours, elle travaillait parfois deux heures à la cafétéria pour arrondir les fins de mois et se payer quelques vêtements chauds de montagne.

Car tous les week-ends, elle partait à l’aventure avec le club montagne de l’université, souvent pour deux ou trois jours complets dans la nature. C’est là qu’elle avait fait la rencontre de Matteo, un jeune homme timide aux yeux bleus, plus bleus encore que le ciel. Il parlait peu et il était difficile pour Léa de vraiment apprendre à le connaître. Mais elle sentait qu’il avait quelque chose d’unique à offrir, un grand cadeau mystérieux caché au fond de son cœur.

Ensemble ils partaient souvent pour escalader les plus beaux sommets de la région. Matteo était passionné de montagne et ne semblait guère s’intéresser beaucoup aux filles. Léa, elle, sentait son amour grandir de jour en jour mais n’osait pas encore lui faire part de ses sentiments.

Elle savait aussi qu’elle allait bientôt devoir repartir. Et elle habitait si loin du Canada, sur son île de l’astéroïde 678. A quoi bon s’investir dans une relation quand il y avait si peu d’avenir possible ?

Alors pour l’instant, ils restaient amis et partenaires de cordée.Léa profitait de la vie, en croquant à plein dent toutes les opportunités de sorties et de découvertes. Au mois de mai, elle partit pour un mois de voyage avec ses deux meilleurs amis de l’université, Yves et Anne-Laure. Avec leurs sacs à dos et leur tente, ils remontèrent toute la côte Ouest jusqu’à l’Alaska, en traversant les fjords, les forêts et les multiples montagnes où se cachaient de nombreux ours et des caribous.

Léa écrivit plusieurs lettres à son amie Lisa, en Inde, pour lui raconter ses aventures et lui demander conseils au sujet de Matteo. Car même en étant loin de lui, elle pensait chaque jour à son regard mystérieux et souhaitait qu’il soit là, à ses côtés, chaque jour, quand elle se réveillait le matin dans la petite tente de voyage. Lisa comprenait car son cœur à elle était aussi absorbée par Pierrane et son absence lui pesait beaucoup. Mais ni Léa ni Lisa ne savaient si leurs histoires seraient un jour possibles du fait de la distance qui les séparaient entre la planète terre et l’astéroïde 678. Est-ce que c’était simplement des amours de jeunesse qui allaient vite s’oublier ou vraiment des histoires sérieuses sur le long terme ?

En rentrant de l’Alaska, Matteo était venu chercher Léa à l’aéroport. Elle avait un peu honte car elle portait encore les presque les mêmes habits depuis un mois. Ils passèrent prendre une douche et se changer dans le petit appartement d’étudiant de Matteo puis sortirent dîner sur une terrasse au bord de la mer. Léa avait découvert le goût des délicieux fruits de mer, les coquilles Saint Jacques, le saumon, les grandes crevettes, le tout arrosé d’un vin blanc fruité de la vallée de l’Okanagan.

Le soir Matteo et Léa allèrent se promener sur la plage. Il y avait un fin croissant de lune d’une couleur orangée presque magique. Ils s’assirent sur un rocher en écoutant le bruit des vagues. Léa n’y tint plus et se tourna vers Matteo pour l’embrasser.

Tout cela n’avait pas beaucoup de sens car elle devait partir seulement quelques jours plus tard. Mais Léa et Matteo avaient décidé de ne plus trop réfléchir et se laisser porter par leurs sentiments naissants d’amour l’un pour l’autre. Les prochains jours, ils ne se quittèrent plus d’une minute. Ils savaient qu’il ne leur restait plus beaucoup de temps à partager avant la séparation.

Le jour du départ, ils versèrent tous les deux de chaudes larmes mais ne voulurent rien se promettre face à l’incertitude de l’avenir prochain.

Dans l’avion qui l’emmenait vers l’Amérique du Sud, Léa s’était réfugiée dans sa musique préférée, une chanson de Moby qu’elle écoutait en boucle.En arrivant à Santiago du Chili, elle fut rapidement happée par le quotidien. Il lui fallait trouver un logement et se débrouiller avec son Espagnol encore bien hésitant. Les chiliens parlaient vite et avec un accent difficile à comprendre. Elle prit rapidement ses marques en s’inscrivant au club de montagne de la ville pour rencontrer de nouveaux amis et partir à l’aventure presque tous les week-ends. La semaine, elle avait décroché un stage aux Nations Unies pour étudier les effets du changement climatique sur les populations vulnérables et les stratégies de réduction des risques naturels. Au fin c’était assez ennuyeux car même si elle avait collecté des éléments intéressants de recherche, elle se demandait bien si son rapport allait servir à vraiment aider ces populations concrètement, ou si le rapport allait simplement être posé dans le placard d’une armoire pour les dix prochaines années.

Les chiliens étaient d’une gentillesse incroyables et l’invitait à tous les barbecues et à toutes les soirées salsa. Léa passait du bon temps mais cherchait aussi à donner du sens à son séjour.

Elle s’inscrivit comme volontaire avec une ONG locale « Un techo para Chile » qui construisait des maisons en bois dans les bidonvilles où les gens étaient trop pauvres pour se payer un logement digne de ce nom. Les autres jeunes volontaires étaient tous chiliens et elle se sentait parfois un peu à part. Mais elle fit la connaissance d’une famille chilienne qui lui confia ses deux jeunes enfants à garder. Elle les emmena jouer dans la rivière et faire des jeux éducatifs. Ils étaient tellement enthousiastes qu’elle eut envie de rester avec eux encore de longues semaines. Elle fit aussi la rencontre d’une vieille dame qui avait perdu toute dignité et tout goût à la vie. Son mari était alcoolique et l’avait longtemps battue avant de décéder d’une maladie du foie et deux de ses enfants étaient morts prématurément. Ses cheveux étaient sales et emmêlés et elle portait de vieux haillons déchirés. Léa l’emmena se laver et se coiffer dans la rivière et lui fit cadeau d’une belle robe. La vieille dame lui était tellement reconnaissante de l’avoir aidée à retrouver sa dignité.

Une fois la mission terminée, le jour du départ, elle fit cadeau à Léa d’une grande couverture brodée à la main et l’embrassa chaudement en lui disant qu’elle la considérait comme sa propre fille. Léa était tellement émue qu’elle ne put s’empêcher de verser quelques larmes.

Elle racontait toutes ses aventures à son amie Lisa, en Inde et Matteo au Canada, mais sans recevoir l’écho attendu de leur part. C’était parfois difficile de partager des expériences humaines aussi fortes avec des personnes aussi lointaines.

Léa continua sa route vers le Sud du Chili, en bus ou en stop. Elle avait aussi pris des poux et des puces pendant son séjour dans le bidonville et avait du mal à s’en débarrasser ! Elle avait pourtant lavé tous ses vêtements à quatre vingt dix degrés, et lavé ses cheveux avec des shampoings spéciaux, mais rien à faire, au bout de quelques jours les petits insectes faisaient leur réapparition et ça la grattait de partout ! C’était assez gênant aussi car à plusieurs reprises elle avait passé ses poux et ses puces aux compagnons de voyage rencontrés sur la route.

Au final, elle trouva une pharmacienne qui lui recommanda de faire une teinture au henné. Elle était alors enfin débarrassé des poux. Ses cheveux étaient maintenant tout rouges ! Quant aux habits, elle décida de changer sa garde robe et le problème fut réglé.

Au Sud du Chili, Léa découvrit les glaciers de la Patagonie, les grands espaces sauvages et les pics pointus de granite. Puis elle fit un détour par le Brésil pour se réchauffer le cœur et l’esprit dans la foule du carnaval et sur les plages ensoleillées.

Elle apprit au détour d’un message de Matteo qu’il avait prévu un voyage au Pérou et en Bolivie. Elle n’hésita pas une seconde pour le retrouver pour la fin de sons séjour. Ils passèrent encore un mois inoubliable à découvrir ensemble les chemins des Andes, les ruines de Machu Pichu, et les rives du lac de Titicaca.

Ils terminèrent leur circuit par le désert d’Uyuni et les volcans d’Atacama, qui leur offrirent des paysages tous plus incroyables les uns que les autres, avec des étendues de sel brillant recouvert d’une fine couche d’eau scintillantes dans laquelle se reflétaient les montagnes, ou encore des volcans aux flancs rouges et des lagunes d’eau bleuté au milieu desquelles d’immenses cactus géants s’élevaient vers le ciel.

Matteo et Léa ne voulaient plus se séparer.

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