Créé le: 04.08.2020
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Les gourmandines

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Un matin de Printemps, à la terrasse du Café de Flore, St Germain des Près. Madeleine, Amandine et Florentin sont attablés près de la rotonde...
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Les gourmandines

 

Un matin de Printemps, à la terrasse du Café de Flore, St Germain des Près. Madeleine, Amandine et Florentin sont attablés près de la rotonde.

 

Florentin :  – Bonjour Madeleine, votre séjour en forêt noire a t’il été agréable ?

 

Madeleine :  – Oui, mon cher Florentin. D’ailleurs, je suis allé tout d’abord à Chamonix. La montagne se colore d’orangé au soleil couchant, vraiment exquis !

 

Florentin :  – Chamonix, Mont-Blanc, la mer de Glace. Délicieuse destination !

Et vous ma chère Amandine, comment était votre séjour dans la région génoise ?

 

Amandine : – Eh bien, mon cher Florentin, en premier, je me suis rendue avec Brownie dans la région haute en couleur du Napolitain. A la terrasse de l’hôtel Pannacotta où nous séjournions, nous avons rencontré un charmant congolais. Un homme du monde, vraiment très charmant, sûrement diplomate… Nous devisions gaiement en croquant de mignonnes cornes de gazelle. Ah, un soupçon d’Orient, quel plaisir pour le palais ! D’ailleurs, en cette saison, le ciel resplendissait, tout marbré vu l’heure matinale. Les rochers de la baie de Naples me rappelaient la côte de Baklava, si chère à mon cœur…

 

Madeleine :  – Ah, ma chère Amandine, quel parfait séjour vous avez dû passer !

 

Amandine :  – Oui, absolument. Nous en avons profité pour visiter le cloître, non pas St Honoré, mais de l’ancien couvent. Des nonettes batifolaient un peu bruyamment dans les jardins alors que des religieuses, plus réservées lisaient les saintes écritures. Pour clore cette matinée, un sacristain, très poli, nous a guidé pour une visite éclair de ce lieu si particulier. M. Panettone, le notaire, rencontré rapidement à Milan au retour, nous a aussi remis les documents que vous savez, à savoir quels zestes d’agrumes doivent faire partie de la fameuse recette, mais, chut, c’est un secret ès Maître d’Hôtel, digne d’Auguste Escoffier…

 

Florentin :  – Et vous, ma chère Madeleine,  de votre côté, avez-vous fait de mémorables rencontres ?

 

Madeleine :  – Oh, Florentin, n’en dites rien ! Dans la gare de Chamonix, j’attendais, impatiente, l’arrivée du train à vapeur pour Offenburg. Un bavarois, avec juste un peu d’embonpoint, s’est gentiment levé et m’a proposé un siège, tout à fait moelleux. Il m’a dit, d’un accent savoureux, qu’il était garde forestier. Je l’aurai deviné à son teint pain d’épices ! Nous sommes montés dans le même wagon. Il m’a invité dans son compartiment et nous avons pu continuer notre aimable conversation. Il adorait l’opéra, notamment le Roi Arthus, d’Ernest Chausson. Il partageait ce plaisir du « beau chant » avec l’une de ses amies viennoise. Pour l’heure, nous arrivions à notre destination. Ah ! Quel bel homme ! Et son costume nougatine, quel raffinement ! Je dois bien vous l’avouer…

 

Amandine :  – Trêve de confiseur, ma chère Madeleine. Pour moi, je préfère le divin Mozart. Sa « Flûte enchantée » me donne la chère de poule…Euh…

Et bien, mon cher Florentin, de quels entre-mets allez nous nous parler ?

 

Florentin :  – Revenant de l’Oranais où mon ministère m’avait retenu, je me suis rendu au pays nantais, pour une affaire pressante, celle des petits fours à chaux. Laissez-moi vous conter l’affaire par le menu bien que je ne sois pas friand de cette sorte d’imbroglio.

J’ai cependant décidé d’y mettre bon ordre comme l’aurait fait mon confrère Brillat Savarin des décennies plutôt.

Une vieille ganache de financier peu scrupuleux voulait déposséder une Marquise de l’usufruit qui lui était dû.

Pour ce faire, le scélérat n’utilisait pas de mignardises, mais comptait produire plus de mille feuilles montrant son bon droit. Ainsi, il s’apprêtait à convaincre les quatre quarts du jury… Son profit et rôle bien dissimulés comme une crème glacée dans une pâte à choux…

Hélas, la Marquise, originaire du pays d’Artois, ne résidait plus en France depuis plusieurs années. Elle avait élu domicile au nouveau monde, adorant ses îles flottantes, là où les indigènes dansent le meringué et boivent du pastis, d’après ce que j’ai ouï-dire…

Bref, il me fallait être très zélé. Au petit matin, j’embarquais illico presto dans le premier Paris-Brest.

J’allais devoir rencontrer la citoyenne dénommée Feuillantine.

Elle avait été jadis la dame de compagnie de Mme la Marquise et vendait maintenant des tourteaux sur le port. Je trouvais rapidement son enseigne, non loin du phare de la rade de Brest.

Prestement, je lui résume la situation. En parlant à cette citoyenne, je croise la ferme détermination de son regard. Comprenant ce qui se tramait, la citoyenne Feuillantine me déclare vivement « Cet homme n’est qu’un muffin ! J’ai, non loin, les moyens de briser sa vile ruse, elle va se dégonfler et retomber comme un soufflé mal cuit ! ».

Puis, elle se retire quelques instants dans une pièce voisine et en revient avec un vieux papier gaufre. Elle en extrait un macaron daté et signé qui prouve sans aucun doute le bon droit de Mme la Marquise, ma cliente ! « Aussi vite la pièce montée, aussi vite fut partagée », comme se plaisent à dire les mitrons !

Ah, ah ! Notre homme n’allait plus manger ni brioche ni croissant, mais bien son pain noir. Lui qui croyait rouler les juges dans la farine, il allait finir sur le sol humide et sablé des geôles de la République ! Ah Mesdames, quelle aventure !

Mais me voici parmi vous maintenant, je me sens quand même tout frais sorti du pétrin…

 

Madeleine :  – Ah, regardez ! Voici Charlotte qui revient de Pithiviers. Comme elle est élégante dans sa robe pastel de crêpe dentelle. Bonjour ma toute belle !

 

Charlotte :  – Le bonjour vous va bien ! Je suis exténuée, ma petite chienne Chouquette a grignoté une part du moka que j’avais rapporté pour vous de chez Massepain, à Lübeck…

Il est vrai que c’est un amour de petite créature, mais elle a vraiment le cœur chocolat. Avez-vous quelques nouvelles de Mme Tatin ainsi que de sa tarte, qu’elle aurait renversée ? Une histoire aussi épique que celle de Lord Crumble ! De quoi défaillir et tomber dans les pommes…

 

Amandine :  – C’est sans mentionner les déboires de M. Kouglof, habitué à fumer des cigarettes russes, qui n’arrivait plus à sortir de son moule – ce qui aurait fait perdre la tête à la reine Marie-Antoinette, des années auparavant !

 

Madeleine :  – Oui, mais je vous arrête, rien ne vaut les démêlés de Babà que l’on m’a évoqués à Naples. Ce brave Babà, qui tout comme Ali, avait force opposants, tels Tiramisu en Italie, Strudel en Autriche ou bien Vacherin en France – pour n’en citer que peu. Bref, ce brave Babà devait faire front face à cette coalition qui pensait remporter le trophée. C’est alors qu’il eût l’idée de s’allier à une boisson exotique encore peu connue, dénommée « rhum ». Quelques gouttes suffirent, et ainsi il remporta la bataille du bon goût ! Mais cela doit rester dans les arcanes liquoreux pour un temps encore…  On raconte que les terribles corsaires buvaient de ce « rhum » abondamment…

 

Charlotte :   – L’exotisme peut avoir du bon. Personnellement, j’aime tellement les fraisiers, framboisiers que l’eau à la bouche m’en vient. Ainsi restons dans notre belle France, et refusons l’hégémonie des Windsor, qui n’ont d’yeux que pour les cakes, puddings … C’est vraiment trop ploum, à dire vrai !

 

Florentin :  – Mesdames, votre culture de la canne à sucre me semble plus que raffinée ! Vous ne vous baignez pas dans le fleuve de l’oublié…

A propos, en Bretagne, j’ai eu aussi le privilège de discuter avec M. Kouign-Amann. Cet homme ne s’en laisse pas compter et que ce soit bûches, cannelés ou clafoutis, il n’en a cure. Les mauvaises langues disent « qu’il fait son beurre en économisant de la farine »… Mesdames, veuillez m’excuser pour ce langage par trop trivial…

Encore à propos, puisque nous en sommes à l’heure d’une collation, que diriez-vous de quelques craquettes, croquambouches avec une douceur de crème frangipane ?

 

Garçon, sauriez-vous exhausser notre vœu de gourmandise ? Avec une fillette de framboisine pour ces dames, s’il vous plaît !

 

Amandine, Charlotte et Madeleine, en un parfait trio :  – Oh, mon cher Florentin, nous ne sommes quand même pas des gourmandines ! D’ailleurs, la gourmandise n’est un péché capital que pour les hommes, comme l’a assuré Mlle Melba !

 

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