Créé le: 01.04.2024
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Le style en exercice

Humour

Une suite aux "Exercices de style" de Raymond Queneau.
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Pour tout dire en une seule phrase,

 

c’est l’histoire, imaginée par Raymond Queneau, d’un ridicule jeune homme, pourvu d’un cou d’une longueur extraordinaire et portant un chapeau dont un cordon remplace le ruban, qui voyage vers midi dans un autobus bondé de la ligne S, qui se met à gueuler d’un ton pleurnichard contre un voisin qui le bouscule à chaque descente de passagers, qui file s’asseoir sur un siège devenu libre, et qu’on retrouve deux heures plus tard devant la gare Saint-Lazare en compagnie d’un camarade qui lui conseille de faire mettre un bouton supplémentaire à l’échancrure de son pardessus.

 

Trisyllabes

 

Vers midi,

l’autobus

s’alourdit

de cent gus.

Un jeune homme

au long cou,

coiffé comme

un coucou,

asticote

un dindon

qui lui frotte

les tendons.

Mais un banc

se libère :

le forban

s’y transfère.

À deux heures,

ce vivant

qui m’écœure

est devant

Saint-Lazare.

Un cerbère

très bizarre

lui suggère :

– Couds sur ton

vieil imper

un bouton

de gangster !

 

Matières

 

Dans un autobus en chrome plein de visages de cire, ma montre à quartz indiquait midi lorsque je vis un jeune homme en chair et en os. Il avait le cou en caoutchouc et portait un feutre entouré de chanvre tressé. N’étant pas de bois, il croisa le fer avec un homme de paille aux nerfs d’acier, qui lui avait froissé la tôle. Mais, trahi par ses jambes en coton, il tomba sur un fauteuil en bakélite et s’abîma dans un silence en or.

À quatorze heures, sous un soleil de plomb, je revis l’homme aux pieds d’argile sur le macadam de la Cour de Rome. Tout sucre tout miel, une bonne pâte lui disait : « Ajoute un rond de styrène à ta fourrure, car il faut faire feu de tout bois pour acquérir un style en béton ! »

 

Attelages

 

À midi, l’autobus est plein, son conducteur aussi. À l’intérieur, un jeune cadre, doté d’un long cou et d’un revenu considérable, couvert d’un chapeau ridicule et par une assurance tous risques, monte sur une marche et sur ses grands chevaux, parce qu’un voisin porte atteinte à ses panards et à son honneur. Après avoir essuyé ses chaussures et cet affront, l’offensé part s’asseoir sur un siège et sur ses devoirs de gentilhomme.

Deux heures plus tard, faisant face à la gare Saint-Lazare et à ses responsabilités, un ami du cadre lui dit : « Ton complet ne l’est pas : il lui manque un bouton et un style plus classique. »

 

Le jeu du ni oui ni non

 

– Il est midi, n’est-ce pas ?

– À peu près.

– Vous aimez prendre l’autobus ?

– Pas trop.

– N’êtes-vous pas complexé d’avoir un cou si long ?

– Je m’en fiche !

– Sur votre chapeau, c’est un cordon, n’est-ce pas ?

– Bien remarqué !

– Supportez-vous qu’on vous bouscule ?

– Jamais !

– Seriez-vous colérique ?

– Un peu.

– Vous préférez vous asseoir ou rester debout ?

– M’asseoir.

– Vous asseoir ?

– c’est cela même !

– Et si nous reprenions cette conversation dans deux heures ?

– Pourquoi pas.

– La gare Saint-Lazare, ça vous dit quelque chose ?

– Bien entendu !

– Vous devriez fermer votre col avec un bouton, sinon…

– Sinon quoi ?

– Perdu !

– Ah non, c’est de la triche ! J’ai le droit de dire « sinon » !

– Perdu ! Et cette fois-ci, sans discussion possible !

 

Pickpocket

 

Lorsque je grimpai dans l’autobus S, je vis qu’il était midi sur la tocante que je venais de voler. L’autobus était bondé, ce qui facilitait mon turbin. Je repérai tout de suite une jeune poire avec une longue tige et un galure entouré d’une ficelle. On avait dû lui faucher le ruban ! Tandis que je me rapprochais de ce gugusse pour lui chouraver le morlingue, il se mit en rogne contre un voisin balèze qui lui chatouillait les nougats. Vérole ! Je manquai mon coup, car cette lavette, ne pouvant pas soutenir le regard du mastard, fila poser son derge sur un fauteuil.

Deux plombes plus tard, devant la gare Saint-Lazare, je revis ce tocard en colloque avec un cave. Quand je passai près de lui, je réussis à lui arracher un beau bouton plaqué or.

 

Possessif

 

À mon heure, ma personne monte dans mon autobus S. Mes compagnons de voyage regardent mon cou magistral et mon feutre avec mon cordon qui remplace mon ruban. Mon voisin malmène mes pieds. Ma bouche lui exprime ma façon de penser, puis mes jambes suivent mon idée de poser mes fesses sur mon siège.

Mon temps passe et me voici devant ma gare Montparnasse avec mon ami qui conseille à ma pomme d’ajouter mon bouton de réserve à mon macfarlane.

 

Tautogramme

 

À bord d’un bus bondé, Bob, un blanc-bec au bibi bordé de bolduc, un bipède bizarre bâti d’une baguette entre le buste et la bobine, beugle contre un bachi-bouzouk qui le bouscule beaucoup : « Bordel de Berne ! Basta ! » Par bonheur, pas de bagarre, car Bob bondit sur un banc !

La Breitling batifole. Boulevard des Batignolles, un badaud brocarde Bob : « Brode un bouton sur ton blouson, beau bébé ! »

 

Titres de films

 

Dans Un tramway nommé désir, La corde de L’homme au chapeau rond provoque Un certain sourire. L’étrange monsieur Victor a le cou si long que Les passagers de la nuit le surnomment Le cygne.

Alors Le héros de L’histoire sans fin dit à L’inconnu du Nord-Express : « Malgré La foule qui nous bouscule à chaque Arrêt d’autobus, Ne nous fâchons pas ! » Puis il court s’asseoir sur Le fauteuil quarante-sept.

Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, devant La gare centrale, Camarade X et L’homme du jour se livrent à La guerre des boutons sur Le manteau du second.

Ainsi le veut La loi de L’éternel retour.

 

Polar

 

Midi. L’autobus S est le théâtre d’un épouvantable crime. La machine judiciaire se met en marche. Interrogatoire des nombreux témoins. Très vite, un suspect se dégage en la personne d’un homme jeune, doté d’un cou beaucoup plus long que la moyenne, coiffé d’un feutre avec un cordon mis à la place du ruban. Tous les témoins s’accordent à dire que cet individu s’est emporté contre la victime peu avant que celle-ci décède. Si la plupart soutiennent qu’une bousculade est à l’origine de la dispute, certains ont la désagréable impression que ce n’était qu’un prétexte. Plusieurs témoins (une dizaine) ont remarqué que l’homme au long cou s’est brusquement éloigné de la victime en traversant la foule et s’est tassé sur un siège comme s’il voulait dissimuler son visage.

Après une minutieuse enquête de deux heures, l’inspecteur Raymond appréhende le suspect devant la gare Saint-Lazare : « Je vous arrête pour meurtre ! On a retrouvé dans l’estomac de votre victime le bouton qui manque à l’échancrure de votre pardessus. Le laboratoire de la police scientifique est formel : ce bouton a été enduit de cyanure ! »

 

Western

 

Midi, sous le soleil accablant du désert de l’Oklahoma, dans une diligence de la Wells Fargo, Sabata, le tueur au cou de vautour, le métis au Stetson piqué d’une plume, écoute les serpents à sonnette. À chaque attaque des Cheyennes, le cow-boy d’en face lui donne des coups d’éperon dans les mollets. « Si tu continues, coyote à foie jaune, ça va saigner ! » dit crânement le chasseur de primes. Puis, avec la souplesse du puma, il passe par la fenêtre pour aller s’asseoir à côté du cocher.

Deux jours plus tard, devant la gare de Midwest City, Sabata provoque en duel Billy the Kid. Celui-ci dégaine le premier. Sa balle ajoute une boutonnière au pardessus de son adversaire.

 

Exagérations

 

L’horloge d’une église sonne douze mille coups. Dans l’autobus S, il y a plus de monde qu’à Bercy pour un concert de Johnny. Je vois un monstre avec le cou si long que les aliments doivent mettre vingt minutes pour atteindre l’estomac. Son galure est entouré d’une corde si épaisse qu’elle permettrait de pendre Moby Dick. Il entre dans une colère plus violente que celle de Dieu contre les habitants de Sodome et Gomorrhe, parce qu’un bourreau, dont la cruauté fait passer le marquis de Sade pour l’abbé Pierre, lui réduit les os des pieds en poudre fine. Puis il court un marathon pour aller s’effondrer sur un siège qui se liquéfie sous son poids.

Après que le soleil a eu deux fois le temps de faire le tour de la Galaxie, je revois le monstre devant la gare Saint-Lazare. Il est avec un Marseillais qui lui dit : « Ajoute donc un bouton à ta veste ! Elle est tellement large en haut qu’on croirait qu’elle a été portée par Lolo Ferrari ! »

 

Inventaire

 

Dans ma poubelle il y a

le journal Midi-Pyrénées

un ticket d’autobus

une foule de tickets

un long tube

un chapeau sans ruban

un bout de ficelle

une selle de cheval – non, je me trompe de liste !

un poster de Rambo

un bouquet de soucis

un sirop pour gorge irritée

une batterie à plat

un pied de chaise

une boîte de calmants

une tocante arrêtée à deux heures

un ticket du parking Saint-Lazare

la lettre d’un ami

un magazine de mode

un bouton

Mon concierge me dit : « Tu devrais trier tes déchets ! »

 

Conte de Noël

 

Dans le traîneau S, modèle lapon grand luxe à hotte rechargeable et bougie parfumée, qu’un attelage de rennes tirait sur la neige à l’heure où le carillon de l’église appelait fidèles et fêtards à la messe de minuit, un acteur âgé de vingt-cinq hivers, tout de rouge vêtu, affublé d’une guirlande autour de la capuche et d’une fausse barbe blanche qui lui dissimulait un cou long comme une bûche, s’irritait contre un mage qui lui secouait les branches chaque fois que descendaient des dindes au foie trop gras.

Quitte à rompre la trêve des confiseurs, le comédien malmené, habituellement fermé comme une huître mais croyant pouvoir se transformer à la seconde en père fouettard, lui servit en offrande un chapelet de compliments choisis : « Espèce de bœuf ! Vous n’êtes qu’un âne ! Filez doux, mouton, sinon je vous fais cadeau d’une boîte en sapin ! »

En vérité, le jeune cabot avait les boules. « Jésus Marie Joseph ! pensa-t-il, qu’ai-je dit ? Si je ne veux pas recevoir une volée de marrons, il faut que je m’éclipse ! » Et le voilà qui s’enfuit par la cheminée.

Une veillée plus tard, nous le retrouvons cour de Bethléem, devant la crèche Balthazar. D’une voix de divin enfant, Tino Rossi, les bras chargés de jouets, lui chantait : « Ajoute une étoile à ta pelisse, petit papa Noël ! »

 

Meilleurs vœux

 

Mon cher Raymond, laisse-moi te souhaiter de vivre un merveilleux réveillon de la Saint-Sylvestre dans l’autobus S, en nombreuse et joyeuse compagnie ! Que le champagne coule à flots le long de ton cou ! C’est la fête ! Enroule des serpentins autour de ton chapeau d’enchanteur ! Et si ta cavalière te marche sur les pieds pendant la valse, ne crie pas, mais embrasse-la ! Surtout, pas d’inquiétude ! Quand tu ne tiendras plus debout, tu pourras t’endormir sur un siège confortable. Après un sommeil réparateur, tu ressusciteras comme Saint-Lazare et tu te sentiras en pleine forme pour prendre le train de cette nouvelle année qui t’apportera, je l’espère, Santé, Bonheur, Fortune et bien sûr… un bouton supplémentaire pour ton pardessus !

 

Monosyllabes

 

Un chant sort de Big Ben : dix coups. Le bus est plein. Je vois un mec au long cou fin, qui a mis sur son chef un fez ceint d’un fil. Ce faux dur bout, se fend de hauts cris, car un grand turc lui bat les reins quand des gens s’en vont. Il lui dit : « Gros con ! », puis, mort de peur, il fuit sur un banc de bois, loin des yeux de ce gars bien trop fort pour lui.

Un temps plus tard, sur la cour Saint-Luc, un gus dit au nul que j’ai vu dans le bus : « Mets un rond de plus sur ton frac ! »

 

Monorime

 

Dans un bus plein de Teutons,

je remarque un avorton

échappé de Charenton.

Il porte un chapeau breton

d’où pend un fil de coton.

Son cou long comme un python

doit effrayer les chatons.

D’une voix de baryton,

il pousse un « Jarnicoton ! »,

il menace un mironton :

« Fais gaffe à mes ripatons ! »

Puis, par crainte du baston,

il s’assoit loin du mecton

sur un fauteuil en béton.

Plus tard, devant Saint-Gaston,

je revois ce pauvre thon

cravaté par un maton

qui lui sort un vieux dicton :

« L’élégance d’un veston

peut dépendre d’un bouton. »

 

Monovocalisme

 

Célèbre élément de l’express S, l’éphèbe Ted, le chef lesté de l’éternel béret belge bêtement tressé de serge, les vertèbres grêles près de l’excellente tête de Celte, est très énervé. Les gens stressés descendent et le pervers dressé près de ses fesses le presse. Ce déréglé le cherche ! Excédé d’être serré, Ted peste, se rebelle et se jette prestement vers l’émergente bergère trente-sept.

Le temps s’est dépensé. Près de chez le Père Clément, vers le centre de Genève, le mec Perec dépêtre Ted : « Benêt, prends cette perle et ferme le V de cette espèce de veste ! »

 

Imparfait du subjonctif

 

Importait-il que nous confessassions ce que nous vîmes dans l’autobus S, un jour à midi ? Notre attention fut attirée par un curieux jeune homme qui eût sans doute préféré que son cou fût plus court et son chapeau moins abîmé. Pussions-nous faire en sorte que jamais les gens ne se bousculassent, que jamais ils ne s’engueulassent ! Hélas, que ne nous trouvassions-nous ailleurs ! Quel dommage que nous dussions être témoin d’un regrettable incident ! Était-il nécessaire que le jeune homme s’emportât contre son voisin, puis qu’il se précipitât sur un siège que nous eussions volontiers libéré plus tôt ?

À deux heures, devant la gare Saint-Lazare, fallait-il encore que nous nous adressassions à lui de la sorte : « Plût au ciel que vous ajoutassiez un bouton à votre pardessusse ! » ?

 

Le petit Nicolas dans l’autobus

 

À midi, avec Alceste, c’est mon meilleur copain, on a pris l’autobus comme des grands pour aller voir un chouette film avec des tas de cow-boys et d’indiens. Alceste, il mange tout le temps, alors, comme il tenait sa tartine à deux mains, chaque fois que l’autobus freinait, il perdait l’équilibre et se cognait contre un monsieur avec un long cou et un drôle de chapeau. Une fois, l’autobus a freiné si fort que la tartine d’Alceste s’est envolée pour retomber sur le monsieur. Alors le monsieur, il est devenu tout rouge tellement il était en colère, et il a dit des mots terribles à mon copain. Alceste, il a pleuré, mais ce n’était pas à cause de la colère du monsieur, c’était parce qu’il avait perdu sa tartine. Le monsieur, il avait l’air un peu embarrassé de rester devant Alceste qui pleurait, alors il est parti s’asseoir à l’arrière de l’autobus.

Deux heures plus tard, Alceste et moi, on est sortis très contents du cinéma Saint-Lazare. Alceste avait un gros cornet de pop-corn dans les mains. C’est marrant, on a revu le monsieur de l’autobus. Il était avec un ami qui lui disait :

– Tu devrais ajouter un bouton à ton pardessus, pour cacher cette tache de confiture !

 

Notice nécrologique

 

Sigismond Bardois, le célèbre collectionneur de chapeaux et de boutons de pardessus, est mort lundi vers midi dans l’autobus S, victime d’une odieuse agression. Un passager, auquel il adressait des reproches, est devenu fou furieux, au point de lui tordre le cou, qu’il avait d’ailleurs fort long.

La cérémonie funèbre s’est déroulée hier à quatorze heures. Une foule immense était présente à l’église Saint-Lazare pour rendre hommage au disparu. Sa veuve, dans un geste émouvant, a déposé sur la dépouille de son mari un magnifique bouton qui manquait à sa collection.

 

Inversions

 

Midi sept il est. Beaucoup de monde il y a dans l’autobus S. D’un homme jeune au long cou un cordon le couvre-chef entoure. Ce bec-blanc contre un voisin qui sur les pieds lui marche peste d’une pleurnicharde voix. Puis, sur un siège qui de se libérer vient se précipite.

Se sont écoulées deux heures. Maintenant se retrouve cet homme jeune devant la gare Lazare-Saint. D’un camarade il est accompagné, lequel lui dit : « Ami, des deux premiers boutons du col de ton pardessus tu devrais l’ordre inverser. »

 

Virelangue

(à lire à haute voix, le plus vite possible)

 

À six heures seize, ce bus S est sensass ! Visez ce zazou si saisissant ! Son cou, c’est sa saucisse à cent sous. Sa chéchia, c’est sa châsse à chouchou. Jugez-en, c’est son choix ! Il zézaie au zozo sioux assassinant ses arpions : « Sachem chanceux, sachez chassez chez ces Suisses chassieux au sang chaud chaussés de sabots en chêne et cessez ici ce jeu, singe asséché, sangsue, seiche suceuse ! » Est-ce chiasse ou sagesse si son siège en chair choit sous sa chaise en jais ? Sous ? Je suis sot : changez ça ! C’est « sur » sa chaise, c’est sûr !

À seize heures six, chose insensée, son sosie s’essuie sans souci à Saint-Sulpice où Sacha, son chef sans jugeote, lui chuchote : « Sois chou, chochotte, en juchant ce sceau sur ton sweat-shirt si chic ! »

 

Conseils à un jeune écrivain

 

Avant d’écrire, commence par lire de bons auteurs, par exemple Raymond Queneau. Lorsque tu te sens prêt à construire une histoire, fixe d’abord où et quand elle se passe, par exemple dans l’autobus S à midi. Présente le personnage principal, par exemple un jeune homme. Un bon truc est de fournir une information sur son physique, par exemple un cou long et fin, et de livrer un détail de sa tenue, par exemple un chapeau feutre avec un cordon qui remplace le ruban. Tu permets ainsi au lecteur de visualiser le héros, tout en lui laissant beaucoup de liberté pour compléter l’image. Invente un méchant, par exemple un voisin, sans lequel il n’est pas de bon scénario. Ce nouveau personnage doit interagir avec le premier, par exemple en le bousculant chaque fois que des passagers descendent. Il s’agit de créer une tension dramatique. C’est le bon moment pour dévoiler quelques aspects du psychisme de ton héros, par exemple en le montrant s’irriter contre le méchant sur un ton pleurnichard. Comme un héros sans faille n’est pas intéressant, tu peux insinuer qu’il est lâche, par exemple en le faisant bondir sur un siège devenu libre, au lieu d’affronter le méchant.

Pour rompre la monotonie, je ne connais rien de mieux qu’un saut dans l’espace et le temps, par exemple reprends le récit deux heures plus tard devant la gare Saint-Lazare. Introduis alors un dernier protagoniste, par exemple un camarade du héros, qui va te permettre d’amener la chute. Si tu veux finir sur une note inattendue, il faut que cet ultime personnage dise au héros quelque chose de fort, un message qui véhicule des symboles subtils, par exemple : « Tu devrais faire mettre un bouton supplémentaire à l’échancrure de ton pardessus ! ».

Naturellement, tout cela ne pourra te servir que si tu parviens à moduler ton style.

 

Stups

 

Pour le trip de midi, rien ne vaut l’autobus LSD, dans lequel tout le monde est stone ! Regardez ce hippie au cou fin comme un joint, ne trouvez-vous pas qu’il est planant avec sa coiffure en forme de champignon mexicain ficelé de chanvre ? Oh, mais le voilà qui sort de sa torpeur parce qu’un dealer vient de lui injecter dans la fesse le contenu d’une seringue ! Écoutez-le délirer ! Mais il devient complètement speed ! Faites-le s’asseoir pour le calmer !

Comme le temps passe ! Deux heures déjà que nous sommes ensemble ! Regardez devant la fumerie d’opium de la gare Marie-Jeanne, n’est-ce pas le hippie de l’autobus ? Je le reconnais : il est en compagnie d’une héroïne de l’extase. Je parie qu’elle essaie de le convaincre qu’il a suffisamment d’estomac pour se farcir encore une boulette de coke sous le manteau !

 

Sportif

 

Midi. Un officiel tire le coup d’envoi de la fameuse course populaire de Queneau-le-Roy. La foule des concurrents s’élance sur le Boulevard de l’Autobus. Vous connaissez bien sûr le jeune Fantasio, qui porte le dossard S. Il est célèbre pour sa casquette au profil aérodynamique et son long cou qui l’avantage dans les finish serrés. Il a pris un très bon départ. Oh, mais son principal adversaire, l’inquiétant Monsieur Choc, le bouscule ! Fantasio réagit vivement à ce geste antisportif en puisant dans le vocabulaire du capitaine Haddock. Et il augmente son allure, se détache du peloton de tête ! Quelle foulée ! Il court pour la place de premier. On peut compter sur lui pour asseoir sa victoire avec une confortable avance.

Le temps de battre le record de l’épreuve, Fantasio se retrouve devant le podium du stade Saint-Lazare, où son meilleur sponsor lui conseille d’accrocher un badge publicitaire à son tee-shirt.

 

Jeu

 

Je place mon autobus sur la case départ et je lance les dés. Douze ! donc j’avance mon cavalier, lequel renverse ton fou. Tu réagis en criant : « Double quine ! », à quoi je réponds : « Chapeau ! » Je tire une carte de chance : votre adversaire se retrouve enchaîné sur le banc d’une galère, il doit sauter deux tours. J’achète une gare au 13 rue d’Amsterdam. Comme ton second fou se pose sur cette case, tu dois me verser mille euros. Pour finir, je transforme en dame le premier bouton du pardessus du colonel Moutarde et je gagne la partie en déclarant : « Grand chelem, rebelote, échec et mat et dix de der ! »

 

Note : Ce texte est inspiré d’un gag de Cubitus, paru en 1973 dans un des premiers numéros de Tintin l’hebdoptimiste.

 

Préfixe répété (I)

 

Un automate sonne midi. L’autobus autoguidé fait le plein d’autochtones. Un autonomiste au cou d’une longueur non autorisée porte avec une autosatisfaction manifeste un chapeau dont la laideur prouve que l’autocensure n’est pas son fort. Par autodéfense, il s’autocritique face à l’autocrate autoproclamé qu’il rêve d’autopsier pour le punir de l’autodafé qu’il a fait subir à ses pieds. Geste d’autodérision : il s’autopropulse vers un siège autogéré.

Un autoréglage le fait resurgir deux heures plus tard devant une station d’autorail, où l’aborde un autostoppeur autodidacte qui s’autorise à lui dire : « Plaque un autocollant de plus sur ton autoportrait ! »

 

Préfixe répété (II)

 

À l’heure déterminée, sur un dériveur débordant de dévots, je découvre un député dépité, dont le cou dénaturé défie la décence et dont le chapeau démodé lui donne une dégaine déplorable. Il déblatère comme un dément contre un débardeur qui le déséquilibre chaque fois que des déistes débarquent : « Débile, déchet, débauché, décérébré, tu me débectes ! » Puis il détale comme un décathlonien, dévoré par le désir de détrôner un détestable démagogue pour se détendre sur son siège défraîchi.

Déplaçons-nous de deux heures. Le décor est maintenant le dépotoir Saint-Dédé. Un déviationniste déballe à notre délégué des décadents : « Ajoute un détail à ton délire pour mieux définir ton style de déconstruction ! »

 

Monsieur ramène sa science

 

À midi (savez-vous qu’il est 15 heures à Dubaï quand midi sonne à Paris ?), je montai dans l’autobus S (savez-vous que la ligne S existe depuis 1894 ?) qui était bondé (savez-vous que sa contenance maximale est de 125 personnes ?). Je remarquai un jeune homme au cou très long (savez-vous qu’un long cou peut résulter d’une vertèbre cervicale surnuméraire : anomalie génétique qui touche une personne sur trois millions ?). Il était coiffé d’un bolivar (savez-vous que le bolivar est non seulement un haut-de-forme à larges bords, mais aussi l’unité monétaire du Venezuela ?) entouré d’un cordon (savez-vous que cette mode fut lancée en 1947 par un futur satrape du Collège de ‘Pataphysique ?). Il hurlait (savez-vous qu’un cri humain peut atteindre 120 décibels ?) contre un voisin qui lui marchait sur les pieds (savez-vous qu’en Papouasie les indigènes se marchent sur les pieds pour se saluer ?). À ma grande surprise, je vis soudain le jeune homme se jeter sur un siège libre (savez-vous que c’est Philippe Starck qui a dessiné les sièges des autobus parisiens ?).

Deux heures plus tard (savez-vous que la seconde est la durée de 9’192’631’770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de Césium 133 ?), devant la gare Saint-Lazare (savez-vous que le poète André Chénier attendit la mort à Saint-Lazare, ancienne léproserie transformée en prison sous la Terreur ?), je revis l’énergumène du S en compagnie d’un camarade (savez-vous que « camarade » vient de l’espagnol « camarada » qui signifie « chambrée » ?). Ce dernier lui conseillait d’ajouter un bouton (savez-vous que les meilleurs boutons sont en corozo : matière blanche tirée de la noix d’un palmier ?) à l’échancrure de son pardessus (savez-vous que je ne trouve rien à dire à propos du pardessus ?).

 

L’homme qui n’en savait rien

 

Je ne sais pas pourquoi je suis monté dans l’autobus S, ni quand. Pour une raison que j’ignore, il était plein. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi les gens me regardaient. Était-ce à cause de mon cou d’un format inhabituel ? Ou de mon chapeau dont j’ai modifié quelque chose ? Comment savoir ? Et pourquoi diable ce type ne pouvait-il s’empêcher de me bousculer ? Je ne sais pas pourquoi je me suis énervé. J’ai dû dire des mots que je ne comprenais pas et je me demande bien pourquoi j’ai filé m’asseoir sur un… sur un…

Je ne sais pas ce que j’ai fait pendant deux heures, ni pourquoi je me suis retrouvé devant la gare Saint-je-ne-sais-qui. J’étais avec un type que je ne connaissais pas, qui m’a dit – je crois – d’ajouter une pièce à quelque chose que je portais par-dessus je ne sais quoi. Mais pourquoi je vous raconte tout ça ?

 

Décasyllabes

 

Il est midi dans l’autobus bondé.

Un jeune adulte au cou dégingandé

porte un gibus entouré d’une corde.

La foule en marche est prétexte à discorde.

L’olibrius querelle son voisin

qui, prétend-il, lui broie les mocassins.

Il vitupère, il proteste, il pleurniche,

puis il bondit sur un fauteuil en friche.

Deux jours plus tard, devant l’hôtel du Nord,

quelqu’un lui donne un conseil cousu d’or :

« Mon cher, ajoute un bouton à ta veste

trop échancrée, et tu seras céleste ! »

 

Bibliothèque verte

 

À midi, dans l’autobus X, le sous-lieutenant Langelot repéra tout de suite son contact : un homme jeune – mais pas autant que lui – que la nature avait pourvu d’un cou filiforme et le mauvais goût d’un chapeau burlesque. Il s’en approcha, puis, comme convenu, le bouscula sans ménagements. Tandis que la soi-disant victime feignait de s’irriter contre lui, Langelot, qui se savait observé par les hommes du Sphinx, lui remit discrètement – mais pas trop – les faux plans de la dernière invention du professeur Propergol. Dès qu’il eût empoché les documents, l’espion partit s’asseoir sur un siège qui venait comme par miracle de se libérer.

Deux heures plus tard, en planque devant la gare Saint-Vladimir, Langelot eut la désagréable surprise de revoir son contact à l’écoute d’un agent non identifié qui lui disait : « Tu devrais faire mettre à l’échancrure de ton pardessus un bouton supplémentaire avec un micro-émetteur incorporé. » Langelot comprit que son contact avait été retourné. Il devait appeler de toute urgence le capitaine Montferrand, son supérieur au S.N.I.F.

 

Problème d’arithmétique

 

Soit un autobus S, qui se déplace à midi, transportant 83 passagers. Soit Paul, 26 ans, l’un d’entre eux. Sachant que son cou mesure 25 cm de haut et que la ficelle entourant son chapeau est 1,5 fois plus longue ; sachant qu’à chaque arrêt 27 personnes descendent et 23 montent ; sachant que ces mouvements de foule déséquilibrent le voisin de Paul, qui lui marche alors sur les pieds à 3 reprises ; sachant que Paul proteste en tout 6 fois avant de s’asseoir sur une des 8 places libres ; sachant qu’il se retrouve 2 heures plus tard devant la gare Saint-Lazare, combien doit-il ajouter de boutons à son pardessus pour dépasser de 7 le tiers de l’âge du conducteur de l’autobus ?

 

Numérique

 

Vers douze heures dans l’autobus cinq, mon attention fut attirée par un drôle de numéro qui arrivait à la fin du premier des trois âges. Coiffé d’un huit-reflets, il essayait de lire un roman du Club des Cinq. Cette activité donnait une courbure comique à son cou très long. Bousculé par un quadragénaire, il réagit en moins de deux : « Vingt dieux ! À nous deux, bourgeois de mes deux ! Je te dis les cinq lettres et je te souhaite sept ans de malheur. Un type comme toi, ça mérite de recevoir douze balles dans la peau et d’être enfoui six pieds sous terre ! » Après cette tirade qui laissa l’autre comme deux ronds de flanc, l’excité bondit en deux temps trois mouvements sur un siège. Je crois qu’il avait le trouillomètre à zéro.

À quatorze heures, qui est-ce que je revis devant la gare Cinq-Lascars ? Je vous le donne en mille : ce zéro, colérique comme pas deux, qui avait fait le diable à quatre dans l’autobus. Il faisait maintenant les cent pas avec un second couteau qui lui parlait au premier degré : « Tu vas sans doute penser que je coupe les cheveux en quatre, et plutôt deux fois qu’une, mais je m’en moque comme de l’an quarante ! Je n’irais pas par quatre chemins pour te dire tes quatre vérités. Si tu crois qu’il suffit d’être sur son trente-et-un pour séduire les trois Grâces et les neuf Muses, ce que tu te goures ! Ton costume ne casse pas trois pattes à un canard. Alors, en un mot comme en cent, je te le dis entre quat’z’yeux, et j’espère que tu me reçois cinq sur cinq, accroche un trèfle à quatre feuilles à ta boutonnière ! »

 

Visite d’un musée

 

Mesdames et Messieurs, bienvenue dans le musée du style ! Il est midi : la visite peut commencer. Sur votre gauche, admirez ce dessin très soigné d’un autobus, œuvre de jeunesse de l’immense Léonard de Vinci, qui nous prouve une fois de plus l’étendue de son génie visionnaire. En face de vous, ce tableau peint par Modigliani s’intitule « L’homme au long cou ». Regardez avec quel souci du détail l’artiste a représenté le cordon du chapeau ! Plus loin, vous pouvez contempler « Bousculade au cœur de la foule », une immense toile dans laquelle Picasso parodie « Les Sabines ». Au milieu de la salle, lisez quelques vers de « La dispute » de Malaspina sur cet authentique manuscrit du treizième siècle ! Le siège qui se trouve contre le mur n’est pas une œuvre d’art, mais la chaise du gardien. Comme le temps passe : il est déjà deux heures sur cette superbe « Montre molle » de Dali ! Nous sommes maintenant devant « La gare Saint-Lazare », une fameuse huile peinte par Monet. Enfin, voici la pièce maîtresse de notre musée : le véritable pardessus de Marcel Duchamp. Vous remarquerez qu’il manque le bouton supérieur, probablement volé par un admirateur du maître. Mesdames et Messieurs, la visite est terminée. Merci de ne pas oublier le guide !

 

Proverbes

 

Le soleil de midi luit pour tout le monde. À beau mentir qui prend l’autobus. Long cou ne veut pas dire tête dans les nuages. On ne doit pas juger les gens d’après leur chapeau. Homme bousculé n’amasse pas mousse. Qui perd son calme perd sa force. La peur donne des ailes. Qui trouve une place renonce à la chasse. Le temps ne s’arrête jamais. On a tous une gare dans le cœur. Il ne faut pas arracher un bouton du manteau de Saint-Lazare pour le coudre sur le pardessus de Saint-Raymond.

 

Sermon

 

Mes bien chers frères, mes bien chères sœurs, nous voyageons tous dans le même autobus. Quelle que soit la longueur de notre cou, quel que soit l’aspect de notre chapeau, nous sommes égaux devant Dieu. Serrons-nous les uns les autres pour mieux nous unir à notre Seigneur et ne bousculons pas notre prochain ! Le Christ a dit : « Si tu crois en moi, tu trouveras toujours une place à mes côtés, sur la terre comme au ciel ! » Et si parfois les épreuves du temps tourmentent notre cœur, prions Saint-Lazare que le Christ a ressuscité ! En vérité je vous le dis : que notre manteau soit paré d’un col d’hermine ou qu’il craquelle et perde ses boutons, c’est dans la nudité de notre âme que nous nous présenterons devant le Juge suprême.

 

Nietzschéen

 

Sous le soleil du Grand Midi, dressé sur le char de Dionysos, Zarathoustra parla au peuple :

« Je vous enseigne le Surhumain. L’homme a fait du chemin depuis le singe : il a inventé le bonheur et le chapeau ridicule. Pour se hisser jusqu’au surhomme, il lui faut tendre le cou vers la grande santé. Ne laissez pas l’Esclave qui est en vous bousculer votre instinct de vie avec la mauvaise conscience chrétienne ! Cessez de fuir vers le berceau d’un arrière-monde ! Ne savez-vous pas que Dieu est mort ? »

Ainsi parlait Zarathoustra.

De retour dans les solitudes glacées du Saint-Gothard, Zarathoustra se dit à lui-même :

« Ne sois pas si frileux ! Ta morale n’est pas encore assez ouverte. Déboutonne-la davantage ! »

 

Sens, forme ou sonorité des lettres

 

J pense : G le devoir de tout vous dire, depuis A jusqu’à Z, sur ce K étrange. À l’heure H, dans un autobus S plein de fumeurs de H, un jeune adulte du groupe O, l’R un peu bête, la tête perchée sur un I, coiffé d’un A, déclare sa N à son voisin de droite, un colosse bâti comme un T, qui lui fait mal aux L. Puis, pour ne pas jouer sa vie aux D, il court poser son Q sur un siège en U.

2 h plus tard, devant un cinéma X, une personne avec un chromosome Y lui prouve par a + b qu’il devrait faire mettre un O supplémentaire sur le V de son manteau.

 

Les sept Péchés capitaux

 

La Gourmandise : Il est midi, dépêche-toi de prendre l’autobus pour rentrer ! Un succulent repas t’attend. Ta femme t’a préparé ton plat préféré : des filets de perche au citron. Et comme dessert : une tarte à la rhubarbe.

L’Orgueil : C’est ton cou que les gens regardent. Sois en fier : il est magnifique ! Sa longueur est signe d’intelligence et te donne un air d’aristocrate. Quelle classe ! Tu es de la race des seigneurs.

L’Avarice : C’était une excellente idée de remplacer par un cordon qui ne coûte presque rien le ruban déchiré de ton vieux melon. Un chapeau, ça doit durer toute une vie. À quoi bon dépenser des fortunes pour avoir du neuf ?

La Colère : Non mais, qu’est-ce que c’est que cet enfoiré qui te marche sur les pieds ? Vas-y, engueule-le ! Montre-lui de quel bois tu te chauffes ! Fais-le crever de frousse, ce crétin maladroit, ce butor qui te manque de respect !

L’Envie : Vois tous ces privilégiés qui ont la chance d’être assis, tandis que toi tu es debout ! Comme tu voudrais être à leur place ! Et ce ne serait que justice, car tu le mérites plus qu’eux.

La Paresse : Enfin tu peux t’asseoir ! Comme c’est bon de se reposer sur un siège confortable ! Tu as beaucoup travaillé ce matin. Détends-toi, ferme les yeux ! Une petite sieste te fera le plus grand bien.

La Luxure : Ajoute un bouton à ton pardessus et je te garantis qu’avec ton élégance et ton charme naturel, tu vas tomber toutes les filles que tu désires !

 

J’accuse

 

J’accuse l’autobus S d’être en retard. J’accuse X de me boucher la vue avec son cou vertigineux et son immense sombrero de seconde main. J’accuse Y, le voisin de X, de bousculer X. J’accuse X de m’écorcher les oreilles avec ses jérémiades. J’accuse X de bondir sur le siège que je convoitais. J’accuse le hasard de me remettre en présence de X deux heures plus tard devant la gare Saint-Lazare. J’accuse Z, un ami de X, de se mêler de ce qui ne le regarde pas. J’accuse X de manquer de décence en ayant le col trop ouvert. J’accuse réception d’une lettre m’informant que mes plaintes sont rejetées. J’accuse le coup !

 

Bègue

(à lire à haute voix, le plus vite possible)

 

Coucou cousins zinzins ! Ami, à midi, dis Didi, dis ! Ta tata t’a vu dans l’auto, dans l’obus, dans l’autobus, où Lolo, l’homo, l’homme au beau cou beaucoup coulé dans la chair chérie, hérissé d’un bibi bizarre à rare arabesque immonde, inonda d’anormaux mots Momo, môme aux maudits dix dictons, tonton tondant dans d’emmerdantes prairies riquiqui, qui l’enquiquinait de coups de coudes. Le rigolo Lolo, lopette entendue, dupa papa Momo en bondissant sans s’en sentir irrité sur un flambant banc bancal.

Plus tard, Tartarin, Rintintin, Tintin, avez-vous voulu Lulu, l’ululante anti-titis, qui quittait la gare à garce et s’essayait à taper pépé Lolo : « Sûr, sûr ! Sur ton boubou, bouton tombera, rat, rare ara raté ! Bye-bye ! »

 

Militaire

 

À midi, sur le pont d’un vaisseau de la Marine Nationale, une section d’officiers subalternes s’entraîne à défiler en colonnes par quatre. L’aspirant Bébert, une grande gueule sur un long cou, le pompon mal ajusté sur le bonnet, s’emporte contre un enseigne de deuxième classe, qui le bouscule pendant l’exercice. Dégoûté, Bébert quitte l’unité pour aller s’asseoir sur un panneau d’écoutille.

Deux heures plus tard, dans la coursive Saint-Lazare, le Capitaine réprimande Bébert : « Un bouton manque à votre caban. Trois jours de gnouf ! »

 

À vous glacer le sang

 

Minuit. Dans le train fantôme, la mort guette. Mais il y a pire que la mort ! Voyez-vous ce jeune homme au long cou marqué de cicatrices ? Comme il est heureux d’avoir peur ! Fervent lecteur d’Eerie et de Creepy, ces vieux magazines d’épouvante, il s’amuse à porter un chapeau sur lequel une araignée a tissé sa toile. Il l’appelle « ma goule » et lui donne des moucherons à manger. Cette nuit, c’est lui qui pourrait bien servir de proie. L’entendez-vous hurler de douleur ? Profitant d’une bousculade, le comte Dracula lui a planté ses canines dans la veine jugulaire. Terrorisée, la victime détale et s’enfonce dans un cercueil.

Quelques temps après, dans un caveau du cimetière Saint-Lazare, Van Helsing parle au vampire de fraîche date : « Pour te libérer de la malédiction qui pèse sur toi, je dois trouer ton linceul avec un épieu ! »

 

Astronomique

 

Parvenue au milieu de son existence, la Voie Lactée était si fréquentée que les corps célestes s’y bousculaient. En ce temps-là, Saturne n’avait qu’un seul anneau, d’ailleurs assez ridicule, et se distinguait des autres planètes par une très haute cheminée volcanique au pôle sud. Une collision avec Uranus lui fit cracher beaucoup de feu. Déstabilisée, Saturne quitta son orbite pour s’enfoncer dans un trou noir.

Deux milliards d’années plus tard, par suite d’une singularité dans la géométrie de l’espace-temps, Saturne se retrouva dans la galaxie d’Andromède, où l’explosion d’une étoile lui permit d’ajouter une belle comète à sa ceinture d’astéroïdes.

 

Acrostiche

 

R écitons une histoire !

A midi, dans le bus,

Y van, long cou notoire,

M isérable gibus,

O bjurgue un colle-au-derge.

N é pétochard, Yvan

D égage sur un siège.

Q uel poème savant !

U ne heure après ce geste,

E n face d’un relais,

N otre Saint, tout modeste,

E coute un gringalet : «

A dditionne à ta veste

U n bouton, s’il te plaît ! »

 

Un conte à votre façon

 

1. Il est midi.

Si cette heure vous convient, passez à 2 ;

sinon passez à 14.

2. Il y a beaucoup de monde dans l’autobus S.

Si l’autobus S vous dérange, passez à 3 ;

sinon passez à 4.

3. Il y a beaucoup de monde dans l’astronef T.

Passez à 4.

4. Simon possède un très long cou.

Si la longueur de son cou vous gêne, passez à 5 ;

sinon passez à 6.

5. Simon possède un cou parfaitement équilibré.

Passez à 6.

6. Simon possède un chapeau dont il a remplacé le ruban par…

Passez à n’importe quel numéro compris entre 7 et 9.

7. un cordon.

Passez à 10.

8. une ficelle.

Passez à 10.

9. un fil de fer.

Vous avez des goûts bizarres, mais bon, passez à 10.

10. Simon injurie un voisin qui l’a bousculé.

Si vous voulez connaître les insultes qu’il lance, passez à 11 ;

sinon passez à 12.

11. « Nyctalope, anantapodoton, trypanosome, hapax, microcéphale cachectique, renifleur de méconium, oligophrène éléphantiasique ! »

Passez à 12.

12. Simon se précipite sur un siège qui vient de se libérer.

Si vous voulez savoir pourquoi, passez à 13 ;

sinon passez à 14.

13. Simon n’est pas très courageux. Il a eu peur que son adversaire réagisse violemment à ses propos peu courtois. S’asseoir représente pour lui le meilleur moyen de fuir le danger.

Passez à 14.

14. L’horloge de la gare Saint-Lazare affiche 14 heures.

Si vous préférez la gare de Lyon, passez à 15 ;

sinon passez aussi à 15.

15. Devant la gare, Simon écoute le conseil d’un ami.

Si vous désirez connaître ce conseil, passez à 16 ;

sinon passez à 17.

16. « Tu devrais faire mettre un bouton supplémentaire à ton pardessus. »

Si vous n’avez pas bien lu, revenez à 15 ;

sinon passez à 17.

17. L’histoire est terminée.

Si cette histoire vous a plu, vous allez sans doute adorer la prochaine ;

si cette histoire vous a déçu, consolez-vous en découvrant celle qui suit !

 

Quenine d’ordre 3

 

Prendre l’autobus à midi, c’est mon style !

On ne voit que moi, car j’ai le cou très long

et le couvre-chef décoiffant – comme on dit !

 

« Ne me poussez pas ! », voilà ce que je dis

à ce malotrus si dépourvu de style.

Et je vais m’asseoir, car l’autre a le bras long.

 

Quand on réfléchit, le temps n’est jamais long.

Devant Saint-Lazare, un courtisan me dit :

« Un bouton de plus, et vous aurez du style ! »

 

Note : Généralisation, due à Raymond Queneau, de la sextine : une forme inventée au douzième siècle par le troubadour Arnaut Daniel, la quenine permute de strophe en strophe les mots sur lesquels les vers se terminent. La permutation est dite « en spirale », car, pour obtenir le nouvel ordre à partir du précédent, il suffit de relier les éléments par une spirale et de les lire en suivant ce tracé. Dans le cas de la quenine d’ordre 3, on dit aussi que la permutation est « cyclique ».

 

Douze groupes de trois verbes de chaque groupe

Avertissement : Dans le texte qui suit, chaque verbe doit être choisi dans un ensemble comprenant un verbe du premier groupe, un du deuxième et un du troisième. Le nombre de lecture possibles s’élève à 531’441. Un procédé semblable permit à Raymond Queneau d’écrire cent mille milliards de poèmes.

 

À midi, l’autobus S se {gonfle ; remplit ; distend}. Un jeune homme au long cou {détonne ; divertit ; surprend}, d’autant plus qu’un cordon {défigure ; travestit ; distord} son chapeau. Et voilà qu’il {hurle ; rugit ; bout} ! Il {engueule ; agonit ; assaille} un voisin, parce que celui-ci lui {écrase ; aplatit ; moud} les pieds chaque fois que des passagers {débarquent ; déguerpissent ; descendent}. Pour {achever ; finir ; clore} son numéro de clown, il {saute ; bondit ; fond} sur un siège libre.

Deux heures plus tard, il {émerge ; surgit ; apparaît} devant la gare Saint-Lazare, en compagnie d’un camarade qui lui {beugle ; barrit ; brait} d’ {ajouter ; assortir ; adjoindre} un bouton à son pardessus.

 

Sans verbes

 

Que de monde dans l’autobus S à midi ! Non mais quel râleur ce Belge avec un cou de flamant et un chapeau de cordelier ! Stupide, sa colère contre son voisin de droite, à cause d’une bousculade ! Oh le froussard ! Ce siège libre, quelle aubaine pour lui !

Deux heures plus tard, devant la gare Saint-Lazare, voici de nouveau le Belge, cette fois-ci en compagnie d’un ami. Celui-ci : « Pourquoi pas un bouton de plus sur ton pardessus ? »

 

Scoop

 

Enfin le moment est venu de vous dévoiler ce que vous attendez depuis longtemps ! Que fit le jeune homme au cou d’autruche entre sa fuite sur un siège libre de l’autobus S et sa rencontre d’un camarade deux heures plus tard devant la gare Saint-Lazare ? En exclusivité mondiale, voici la réponse : il se rendit dans une boutique Emmaüs pour s’acheter un pardessus d’occasion.

 

Envahissante publicité

 

Le texte qui suit vous est offert par les stylos La Rapière.

À midi (pour que chaque minute soit belle, portez une montre Toccata), dans l’autobus S (simplifiez-vous la vie : prenez l’autobus), je remarque un jeune homme bizarre, avec le cou distendu et le ruban du chapeau remplacé par un cordon (un chapeau de chez Morris est un chapeau dont on dit : chapeau !). Il pleurniche parce qu’un voisin lui a marché sur les pieds (la chaussure Furstenbach : confort et solidité). Constatant que la querelle tourne à son désavantage (apprenez à résoudre les conflits grâce à la méthode Luigi), il profite d’une place libre pour prendre la fuite (à la moindre fuite, le plombier Michel accourt aussi sec).

Deux heures plus tard devant la gare Saint-Lazare (la vie en train, c’est bon pour le train de vie), je retombe sur cet individu. Quelqu’un tente de le convaincre (au séminaire Vernet, nous vous persuaderons que vous pouvez persuader) d’ajouter un bouton à son pardessus (pour ne pas prendre une veste, habillez-vous chez Pierre Cardon).

 

Lapalissades & pléonasmes

 

Avant midi, ce n’est pas encore midi ; après midi, ce n’est plus midi. Dans l’autobus S, je vois de mes yeux un jeune homme qui n’est pas vieux. Quand on a le cou long, la tête est loin du tronc ; et quand un couvre-chef est entouré d’un cordon, c’est qu’il n’est pas ceint d’un ruban. Ce modèle de spécimen s’irrite contre un voisin qui se trouve près de lui et qui lui piétine les orteils avec ses pieds. S’asseoir permet d’éviter de rester debout : c’est ce que pense cet énervé qui manque de calme.

Si deux heures ne s’étaient pas écoulées, il serait deux heures plus tôt ; et si je ne prenais pas l’air devant la gare Saint-Lazare, je serais ailleurs. Je revois ce type que j’ai déjà vu. Comme il est en compagnie d’un camarade, il n’est pas seul. J’entends de mes oreilles le nouveau venu lui dire : « Il faut qu’un col soit ouvert ou fermé. Si tu veux qu’il soit fermé, ajoute en plus un bouton supplémentaire ! »

 

Test

 

1. Dans l’autobus, qu’est-ce qui attire votre regard ?

A : un long cou

B : un long nez

C : de gros nénés

 

2. Que trouvez-vous le plus ridicule ?

A : un chapeau rafistolé

B : une banane de rocker

C : un cheveu sur la tête à Mathieu

 

3. Votre voisin vous bouscule. Comment réagissez-vous ?

A : vous lui adressez des reproches sur un ton pleurnichard

B : vous lui explosez la tronche

C : vous le remerciez de sa tendresse

 

4. Que convoitez-vous ?

A : une place vide

B : une place d’employé des pompes funèbres

C : le Saint-Siège

 

5. De quoi peuvent parler deux hommes devant une gare ?

A : d’un pardessus et d’un bouton

B : d’un dessus de lit en peau de mouton

C : de jolis dessous en coton

 

Si vous obtenez moins de trois réponses A, vous manquez terriblement de style.

 

Fatrasie

 

Dans un coche ignare,

sur un bleu bizarre

au cou de héron

pousse un shako rare.

Cogné par Icare,

son cul part au front.

Chronos boit deux biberons.

Près du relais Saint-Lazare,

l’ami du bleu fanfaron

lui dit de coudre un cigare

sur son tabard d’Oléron.

 

Note : Forme poétique médiévale à deux rimes réparties selon un schéma fixe sur un sizain de pentasyllabes suivi d’un quintil d’heptasyllabes, la fatrasie est en outre caractérisée par le non sens et la préciosité.

 

À la TV

 

À midi, j’allumai mon poste de télévision pour regarder un film dans lequel j’avais joué. L’histoire se passait dans un autobus et j’interprétais un personnage assez ridicule. Je portais un chapeau loufoque avec une drôle de corde autour et surtout, grâce à des effets spéciaux numériques, on m’avait affligé d’un cou très long. J’avais pour partenaire Richard Kiel, qui devait me bousculer plusieurs fois. Ma meilleure scène était quand je l’engueulais d’une voix pleurnicharde, avant de fuir vers une place qui venait de se libérer.

À deux heures, quand ma femme voulut changer de chaîne pour regarder un documentaire sur la gare Saint-Lazare, elle me dit : « Saloperie de télécommande ! Il y a un bouton qui ne fonctionne plus ! »

 

Système de triples de Steiner

 

Il est midi moins cinq et je ne sais où me mettre dans cet autobus S. Allez savoir ce que fait ici ce jeune homme saugrenu ! Son cou est bien trop long et son chapeau ne lui va pas du tout : je lui conseillerais plutôt le port d’un tricorne. Il se met en rogne parce qu’un voisin lui file des coups dans les reins chaque fois que des passagers s’en vont. Mais je ne sais quel ange gardien lui conseille de filer vers une place libre.

Les heures filent, ça ne fait pas de mal, et l’excentrique du S est maintenant devant la gare Saint-Lazare, tout comme mézigue. Un camarade lui conseille de faire mettre un bouton supplémentaire à son treillis.

 

Note : Ce texte emploie 7 verbes, chacun apparaissant 3 fois : aller, conseiller, être, faire, filer, mettre, savoir. Imaginez que ces verbes sont des points et les phrases des lignes. Alors, comme vous pouvez le vérifier, chaque ligne contient 3 points et chaque paire de points est incluse dans une seule ligne. C’est la définition d’un système de triples de Steiner. Précisons encore qu’avec un ensemble de 7 points, le nombre de paires possibles s’élève à 21. Comme 3 paires sont incluses dans une ligne (en effet, de {a ; b ; c}, nous pouvons extraire {a ; b}, {b ; c} ou {a ; c}), il y a nécessairement 7 lignes. Il s’ensuit que chaque point apparaît dans 3 lignes. Pour finir, signalons que cette configuration particulière est aussi un plan projectif fini d’ordre 2 (je vous fais grâce de la définition !). C’est beau les mathématiques, non ?

 

Guide touristique

 

La gare Saint-Lazare vit le jour en 1837 avec l’ouverture du chemin de fer reliant Paris à Saint-Germain. D’abord construite en bois, elle fut transformée plusieurs fois durant le dix-neuvième siècle. Les travaux dirigés par l’architecte Jules Lisch entre 1885 et 1889, en préparation de l’exposition universelle, lui donnèrent sa physionomie actuelle, avec notamment son bel escalier double, côté Cour de Rome, auquel fut ajouté un escalier mécanique en 1936. La gare Saint-Lazare inspira le peintre Claude Monet qui la choisit comme sujet de plusieurs tableaux exécutés fin 1876 début 1877, dont sept furent présentés à la troisième exposition impressionniste. La gare Saint-Lazare fut aussi le théâtre d’un événement qui marqua les esprits. C’est en effet sur son parvis qu’un jeune résistant, reconnaissable à son cou démesuré, reçut la rosette de la Légion d’honneur, pour avoir tué dans un autobus le chef régional de la Gestapo.

 

Métagrammes

 

À midi dans un mini-bus, Gus, faune jaune au cou de fou, mec sec au feutre neutre avec un galon de salon, peste en perte contre un Russe rosse qui lui rentre dans le ventre, puis bondit comme un bandit sur un siège en liège.

Deux jeux plus tard devant une gare gore, Ali, l’ami qui rit, lui dit : « Par la foudre, fais coudre un bouton sur ton mouton ! »

 

Musical

 

La philharmonie entonne le prélude à l’après-midi d’un faune. Trop de notes se bousculent pour sortir de la grosse caisse. Un violoncelle, accompagné par un chapeau chinois, chante un lamento, parce qu’un cor mal embouché lui frotte les cordes. C’est de peu qu’il échappe à la syncope. Le second mouvement le dirige vers un fauteuil d’orchestre. Soupir !

Deux mille battements de métronome plus tard, le voilà transposé sans tambour ni trompette devant la gare Saint-Mozart. Un maestro, qui sait se mettre au diapason de chaque voix, lui claironne : « Ne fais pas de caprice ni de fugue ! Recherche l’harmonie, l’accord parfait ! Ajoute une croche à ta partition et tu seras canon ! Mais pas besoin de sérénade, tu connais la musique ! »

 

Caractère

 

François S*** a le cou long, le chapeau meurtri, l’honneur chatouilleux. Il ne supporte pas qu’on le bouscule. S’il n’est point dépourvu d’aplomb pour admonester, il préfère le confort d’un fauteuil à la gloire de la bataille. Quand il ne voyage pas en carrosse, on peut l’apercevoir dans la cour du château de Saint-Lazare, où qui veut lui plaire doit avoir l’élégance de lui dire ce qui manque à la sienne. Il est un jeune comte promis à un brillant destin littéraire.

 

Qui suis-je ?

 

S’il m’arrive de chercher midi à quatorze heures, c’est parce que mon but est de transporter. Pour être couronné, j’évite de tirer en longueur. Quitte à énerver, je dois parfois bousculer des règles trop strictes et m’asseoir sur des principes sanctifiés. J’habille les idées avec une touche personnelle, en me souciant du moindre détail. Mes exercices sont des jeux prisés par les écrivains. Je suis… je suis…

 

Raciste

 

Quand on prend l’autobus à midi, on se croirait pas en France. C’est bourré de métèques ! Qu’est-ce que ça pue ! Qu’est-ce que ça jacte fort ! Et dans des langues qui écorchent les oreilles ! Non mais regardez-moi ce bamboula ! De quelle tribu il sort pour avoir un cou pareil ? On a dû l’étirer entre deux éléphants. Et son chapeau de dictateur d’opérette ! Un huit-reflets avec une liane autour ! Mais qu’il retourne dans sa brousse ! Et voilà qu’un youpin le bouscule ! Les Juifs, ça se croit tout permis ! À la TV, y en a que pour eux ! ça y est, le nègre se met à réagir ! Il lui en a fallu du temps pour comprendre que le youpin lui chatouillait les côtes ! Mais il parle pas, il aboie ! Et encore, un chien c’est moins pénible à entendre ! Mais je rêve ! L’est complètement dégonflé le moricaud ! Il a pas de couilles ! Le voilà qui détale comme un poltron pour se réfugier sur un siège libre. C’est le monde à l’envers : les noirs peuvent s’asseoir tandis que les blancs doivent rester debout !

Deux heures plus tard, je revois mon bamboula devant la gare Saint Lazare. On voit qu’il a rien à faire de la journée, ce glandeur ! Et je parie qu’il reçoit du fric de l’état ! Quand je pense qu’on paie des impôts pour ça ! Il est avec un bougnoule pas net qui veut lui vendre un bouton en ivoire pour son burnous. La gare est de plus en plus mal fréquentée !

 

Langage Schtroumpf

 

Dans l’autobus Schtroumpf, vers onze heures du schtroumpf, le Schtroumpf girafe, coiffé d’un schtroumpf rafistolé tant bien que schtroumpf, schtroumpfe contre le Schtroumpf costaud qui lui donne des coups de schtroumpf dans les schtroumpfs chaque fois que des schtroumpfs descendent. Comme il schtroumpfe une place de libre, il se schtroumpfe dessus.

Deux schtroumpfs plus tard, devant la gare Saint-Schtroumpf, le Schtroumpf à lunettes, l’index tendu, lui schtroumpfe : « Tu devrais schtroumpfer un bouton supplémentaire à ton pardeschtroumpf, car, comme le dit le Grand Schtroumpf… »

 

Palindrome

 

Le bus : site caressé, racé. Sire, ce nul offre sa vérité : le top nu. Ce sale rage d’être velu griveton, licorne, fin urus ; et – nom d’Ali ! – va relever l’âme. Cèle ce duel, leude, cèle ce mal rêvé ! Le ravi lad monte sur un if en roc.

Il note : virgule verte de la gare. Là, sec, un pote le tire : « Va, serf fol, une cerise caressera ce tissu bel ! »

 

Note : Un palindrome est un texte qui reste identique (abstraction faite des accents, des espaces et des signes de ponctuation) quand on le lit à l’envers, lettre après lettre. Écrire un palindrome de plusieurs lignes représente un travail si contraignant que la version ci-dessus flirte avec le symbolisme le plus obscur. Pourtant, presque tout y est : le bus, le type qui rage, son long cou (la corne de la licorne), son chapeau (un griveton est un soldat, or un soldat porte un béret), la querelle (le duel), le siège (l’if en roc), la gare, le pote, le bouton (la cerise), le pardessus (le tissu bel) et la mauvaise foi de l’auteur.

 

Terza rima

 

À midi, dans l’autobus S,

je vois un dandy plein de fiel,

au chapeau mou ceint d’une tresse.

 

Son cou s’élance vers le ciel

et son bec vomit des reproches

contre un voisin qui sent le miel,

 

coupable d’être un peu trop proche

d’un homme au nez si délicat.

Y a-t-il anguille sous roche ?

 

Ce toqué saute avec fracas

sur un siège orné d’hexagones.

Maintenant, finis les tracas !

 

Deux fois la grande cloche sonne

lorsque je revois ce gandin

devant la gare Saint-Cambronne.

 

Il est avec un muscadin

qui lui conseille d’un ton morne

d’ajouter à sa veste en daim

quelque joli bouton de corne.

 

Négations

 

Il n’était pas encore midi. Dans l’autobus S, les gens ne respiraient pas bien. Un jeune homme, qui n’avait pas le cou tassé ni le chapeau des plus classiques, ne se gênait pas d’engueuler son voisin qui ne lui ménageait pas les pieds. Puis, n’ayant plus d’yeux que pour une place de libre, il ne resta pas debout.

Deux heures ne s’étaient pas tout à fait écoulées. Le jeune homme, qui ne voulait pas quitter la Cour de Rome, n’écoutait pas son camarade qui ne pouvait se retenir de lui dire : « Ne prive pas ton pardessus d’un bouton supplémentaire ! »

Moi, je n’ajouterai rien.

 

Interrogations

 

À quelle heure ? Dans quel bus ? Qui ai-je vu ? Comment était son cou ? Qu’avait-il autour du chapeau ? Qui l’a bousculé ? Comment a-t-il réagi ? Sur quel siège s’est-il précipité ? Après combien de temps l’ai-je revu ? Devant quelle gare ? Avec qui ? Que manquait-il à son pardessus ? Ai-je fini mon histoire ?

 

Clichés

 

Sur le coup de midi, je montai dans l’autobus S. Nous étions serrés comme des harengs. Grâce à mon œil de lynx, j’aperçus un drôle de zèbre avec un cou qui lui donnait l’air fin. Ce jeune loup travaillait du chapeau. Rouge de colère, il criait comme un putois, parce qu’un type fort comme un turc et con comme un balai lui secouait les puces. Vif comme l’éclair, il bondit sur un siège comme un tigre sur sa proie.

Le temps fit son œuvre. Devant la gare de mon enfance, je revis cet agité du bocal. Un compagnon d’infortune lui disait d’une voix de stentor : « Ajoute un bouton blanc comme neige à ton blouson noir comme l’ébène et tu seras beau comme un camion ! »

 

Prolo

 

À midi, l’autobus S, le véhicule du pauvre, est bourré de travailleurs fourbus et tristes qui doivent rentrer chez eux pour déjeuner parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’offrir le bistrot le moins cher. ça sent la sueur et la misère. Un prolétaire au long cou (tare entraînée par un alcoolisme omniprésent dans son arbre généalogique), obligé, faute d’argent, de rafistoler son chapeau de paille avec de la ficelle bon marché, proteste avec véhémence contre un ignoble bourgeois qui lui marche sur les panards chaque fois que descendent les damnés de la terre. Comme la classe ouvrière de ce pays n’est pas encore assez mûre pour oser renverser les oppresseurs de tout poil, la victime de cette agression fasciste préfère s’asseoir sur ses acquis.

Un peu plus tard, devant l’entrée du petit personnel de la gare Saint-Lazare, un syndicaliste dit au malheureux dont le droit à l’intégrité physique des orteils venait d’être cruellement bafoué par un exécrable représentant de la classe dominante : « Cette fois-ci, la lutte commence ! Si le patron refuse de te payer un bouton supplémentaire pour fermer le col de ton vieux pardessus râpé, nous nous mettons en grève ! »

 

À la fortune des mots

 

Ma Rolex marquait midi lorsque je montai dans l’autobus Rolls-Royce. Un jeune yuppie, nanti d’un long cou parfumé d’Eau Sauvage et couvert d’un haut-de-forme cerclé de galons d’or, frisait le krach nerveux. Il dépensait des trésors de salive contre un nabab qui lui dévaluait brutalement les Weston à chaque descente de milliardaires. Plus riche d’arrogance que de courage, le Golden Boy fila louer un trône constellé d’émeraudes.

Deux magnums de Dom Pérignon plus tard, devant la bourse d’un paradis fiscal, je revis ce drôle de parvenu qui se payait du bon temps. Un trader sans intérêt lui conseillait – gratuitement ! – de faire coudre un diamant sur le revers de sa redingote Yves Saint-Laurent.

 

Sommaire

 

Cette semaine dans Pif-Gadget :

Pif et Hercule : Bonne année 1971

Les As : L’autobus en délire

Léo… bête à part… : Quel zoo, quelle foule !

Teddy Ted : Le Stetson au galon d’or

Pifou : Pas glop, pas glop bousculade !

Horace : Gros nez pâle contre Cou d’oie

Les Rigolus et les Tristus : La colère de Taciturnus

Les jeudis de Corine et Jeannot : Jeannot prend la fuite

Gai-Luron : Un fauteuil pour la sieste

Corto Maltèse : Deux heures d’oubli

La Jungle en folie : Gare à Saint-Lazare !

Placid et Muzo : Conseil d’ami

et bien sûr

Le Gadget : un magnifique bouton de pardessus, qui fait aussi office de bague, d’aimant, de décapsuleur, de mini-toupie, de boucle d’oreille et de taille-crayons.

 

Comme un loir

 

Levé à dix heures du matin, je me sentais déjà mort de fatigue à midi. Ma casquette, avec sa lourde visière, me pesait sur la tête, laquelle me pesait sur le cou (que j’ai long et fin). Je grimpai péniblement dans l’autobus S, où nous étions si serrés que je ne tardai pas à m’endormir debout entre mes voisins. À chaque arrêt, l’un d’eux me réveillait en m’écrasant les orteils. Puisant dans mes ultimes réserves d’énergie, je lui fis quelques reproches. Par bonheur, un siège se libéra : je m’effondrai dessus.

Après une sieste de deux heures, je descendis à la gare Saint-Lazare, devant laquelle je rencontrai le plus épuisant de mes amis. Il me conseilla d’ajouter un bouton à mon pardessus, car le col, tout comme moi, bâillait. Je lui répondis d’une voix exténuée : « Pas aujourd’hui, j’ai déjà fait tellement de choses que je suis éreinté ! »

 

Questionnaire de Pivot

 

– Quel est le mot que vous préférez ?

– Autobus.

– Quel est le mot que vous détestez ?

– Promiscuité.

– Quelle est votre drogue favorite ?

– Les bonbons pour la gorge.

– Quel son ou quel bruit aimez-vous ?

– Le murmure d’un feutre caressé par un cordon.

– Quel son ou bruit détestez-vous ?

– Le craquement d’un soulier qu’on écrase.

– Quel est le juron, gros mot ou blasphème que vous préférez ?

– Balai de chaise percée !

– Quel homme ou quelle femme choisiriez-vous pour illustrer un nouveau billet de banque ?

– Saint-Lazare.

– Quel métier n’auriez-vous pas aimé faire ?

– Chef de gare.

– Quelle est la plante, l’arbre ou l’animal dans lequel vous aimeriez être réincarné ?

– Le vison.

– Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous l’entendre vous dire après votre mort ?

– Ne te tracasse pas pour un bouton ! Maintenant, tu n’as plus besoin de manteau !

 

Note : C’est dans son émission Bouillon de culture, diffusée dans les années nonante, que Bernard Pivot posait ces questions à l’un de ses invités.

 

Nervalien

Style déshérité

 

Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,

Le Prince dérisoire à la nuque en folie.

Mon Histoire est célèbre et mon fez constellé

Porte le Cordon noir de la Mélancolie.

 

Dans le bus de Midi, Toi qui m’as bousculé,

Rends-moi la propreté de mes cuirs d’Italie !

La peur me saisit tant que je cours affolé

Vers l’arête où mon ombre à la chaise s’allie.

 

Suis-je Amour ou Phœbus ?… Lusignan ou Python ?

Mon front est rouge encor des beignets du Marine.

Je rêve dans la gare où Lazar me serine :

 

« Je t’ai deux fois vaincu, trafiqueur de boutons !

Fais-en coudre un nouveau sur la veste d’Orphée,

Pour séduire la Sainte et décrisper la Fée ! »

 

À la manière d’un monologue de Charles Cros

 

Il y a longtemps, longtemps, longtemps ; mais longtemps, longtemps… Alors vers midi… non, il n’y avait pas d’heure, puisqu’on n’avait pas inventé les nombres ; il n’y avait pas même de milieu du jour, puisqu’il n’y avait pas de jour, ni de nuit.

Alors il voulait voyager. Mais voyager comment, avec quoi ? Il n’y avait pas de navette spatiale, pas de Boeing 747, pas de paquebot, pas de train, pas de métro, pas d’autobus ! Vous oubliez qu’il a fallu inventer tout ça, que nous vivons dans le progrès. Oh ! le progrès !

Ne pouvant pas voyager, il voulut se coiffer d’un chapeau, vous savez, un de ces chapeaux avec une tresse autour. Mais il n’y avait pas de tresse, pas de chapeau, pas de tête pour porter le chapeau, pas de cou pour porter la tête. Nous croyons que ça a toujours existé, tout ça, mais c’est moderne !

Alors, il voulut se disputer – c’est une distraction. Se disputer, oui, mais avec qui ? Pas de fonctionnaire borné, pas de collègue de travail, pas de femme acariâtre, pas de voisin pour le bousculer ! Oh ! le progrès !

Peux pas me disputer ; impossible ? Eh bien, je vais m’asseoir. Mais m’asseoir où ? Sur quoi ? Pas de pierre plate, pas de monticule de terre, pas de dos d’âne, pas de planche à clous, pas de siège !

Alors pas voyager, pas se disputer, pas s’asseoir. Que faire ? – Attendre ? Eh bien, je vais attendre. Mais attendre où, devant quoi ? Pas de colonne Morris, pas de vitrine de pâtissier, pas de Tour Eiffel, pas de kiosque à journaux, pas de sortie de métro, pas de gare Saint-Lazare !

Alors, il voulut se vêtir : Il se dit (joyeux) : je vais enfiler de beaux habits ; je serais élégant ; je me regarderais dans… Dans quoi ? Être élégant pour quoi, pour qui ? Enfiler quoi ? Un pantalon ? Il n’y avait pas de pantalon. Une chemise ? Il n’y avait pas de chemise, ni de veste, ni de pardessus ; il n’y avait pas même de bouton. On n’avait pas inventé le bouton ! Oh ! le progrès !

Alors, le style ! Oui, il se dit (confiant) : Je veux me donner du style. Mais il n’y avait pas de style ! Le style, c’est une invention, un progrès ! Oh ! le progrès ! le progrès… (Il sort, stupide)

 

Absence de ponctuation

 

Dans l’autobus de midi malgré la foule je mis une ficelle à mon chapeau mou peut-être à cause de la chaleur mon cou me démangeait sur une longueur de vingt centimètres quand les gens descendaient un type me bousculait je finis par l’insulter mais j’avais peur comme une place se libéra je me précipitai dessus quel soulagement

Devant la gare Saint-Lazare un ami lut le texte ci-dessus que j’avais écrit deux heures auparavant puis me dit tu devrais tout de même mettre un point final à ce récit pour mieux l’habiller

 

Lettre d’insulte

 

Salut connard !

C’est l’ami Raymond qui m’a fourgué ton adresse. Tu te souviens ? je suis le type que tu as copieusement enguirlandé hier à midi dans l’autobus S, parce que Môssieur ne supporte pas qu’on bouscule sa viande. Dommage que tu aies détalé comme un lièvre pour t’asseoir à côté d’un flic ! Ta couardise m’a privé d’un grand plaisir : celui de serrer bien fort ton cou de grue avec le cordon de ton chapeau ridicule. Si tu as autre chose dans les veines que cinq litres de sirop de grenadine, rejoins-moi cette nuit à deux heures devant la gare Saint-Lazare ! On réglera cette affaire entre hommes. Je te jure que je vais te faire ingurgiter l’un après l’autre tous les boutons de ton paletot.

 

Hiatus

 

Dans l’autobus I il y a eu à midi assez de monde. J’ai vu un habitué au cou élancé et au hideux chapeau orné d’un cordon. Ce pacha a attaqué un voisin qu’il a accusé à tort de l’avoir bousculé exprès. Et après ce tohu-bohu il a aperçu un siège non occupé et a atterri illico dessus.

Deux heures plus tard, Nausicaa a à Aabenraa ahané et a au haï histrion hurlé : « Bêta, ajoute un bouton extra à ton manteau au haut col Mao ahurissant ! »

 

Note : De Malherbe à Flaubert, la plupart des grands écrivains français se sont cassé la tête pour éviter le hiatus (c’est-à-dire la juxtaposition de phonèmes vocaliques), qui, depuis, a cessé d’être un tabou littéraire. Aujourd’hui, on en rencontre à tout bout de champ, ce qui n’est peut-être pas une très bonne chose, car certains sont désagréables à l’oreille, surtout ceux qui mettent en contact deux « a », voire trois, quatre ou six, comme dans le texte ci-dessus.

 

Terrorisme

 

À midi, un attentat suicide d’une violence inouïe a fait exploser l’autobus S. On déplore 53 tués et 37 blessés graves. L’interrogatoire des survivants a permis d’établir que l’auteur de ce forfait particulièrement odieux était un jeune homme d’environ 25 ans, avec un long cou et un cordon autour du keffieh. La description correspond à un membre bien connu du réseau Al-Qaïda. Selon plusieurs témoins, le terroriste a d’abord lancé des insultes en arabe, quelque chose comme : « Chiens d’infidèles, mort à tous ceux qui ont marché sur les pieds des musulmans ! » Puis il s’est assis. Peu après, ce fut l’horreur… La déflagration s’est produite devant la gare Saint-Lazare, ne causant aucune victime parmi les nombreux passants.

Deux heures plus tard, les experts de la police ont inspecté minutieusement chaque centimètre carré des lieux du drame. Ils ont fini par mettre la main sur deux pièces importantes du puzzle : un lambeau du pardessus que portait le terroriste et le bouton du système de mise à feu de la bombe.

 

Embouteillage

 

À midi, l’autoroute S est tellement encombrée que plus personne ne peut avancer. Le chauffeur d’un drôle de camion rose avec une longue cheminée et un cordon qui flotte au sommet de l’antenne, s’énerve contre le conducteur du véhicule de derrière, qui lui a légèrement froissé le pare-chocs. Puis, à la surprise générale, il va s’asseoir au bord de la chaussée.

Deux heures plus tard, le même camion bloque la circulation devant la gare Saint-Lazare. Le chauffeur est penché sur le moteur, en compagnie d’un collègue qui lui dit : « Tu devrais faire mettre un nouveau bouchon à ton radiateur ! »

 

Vernissage

 

Sous la lumière verticale du soleil, dans la profondeur d’un autobus cubiste surchargé de volumes contrastés, une caricature de modèle naïf, avec le cou surréaliste et le chapeau rehaussé de gouache, ébauche une ombre d’expressionnisme fauve en réplique à ce monument d’art brut qui lui dégrade les contours et lui marche sur les pinceaux. Éclairé par un motif impressionniste, l’original tire un trait sur l’esquisse de bataille et, sans repentir, s’estompe comme un fusain pour prendre une pose assise sur un chevalet.

Deux expositions plus tard, devant le relief clair-obscur de l’Académie Saint-Lazare, un disciple de premier plan, qui le regarde peindre avec la touche inimitable d’un maître de l’art abstrait, lui brosse le fond d’une perspective miniature destinée à parfaire la croûte : « Ajoute encore un petit rond jaune sur la toile, vers le haut ! »

 

Lecture par un psychiatre

 

À midi, dans l’autobus S (ces précisions sont typiques d’un caractère obsessionnel), monte un curieux jeune homme. Il a le cou très long (cette particularité physique est fréquente chez les schizophrènes) et le chapeau garni d’un cordon (ce suicidaire porte sur lui-même le nécessaire pour se pendre). Il râle contre un voisin qu’il accuse de lui marcher sur les pieds (crise évidente de paranoïa). Puis il se précipite sur un siège devenu libre (il doit fuir, parce que sa fragilité psychique l’empêche de résoudre le conflit). Deux heures plus tard, devant la gare Saint-Lazare (une étude confidentielle rapporte que le huitième arrondissement de Paris détient le taux le plus élevé de malades mentaux), il discute avec un ami qui lui conseille d’ajouter un bouton à son pardessus (et moi je conseille à l’auteur de ce livre d’ajouter une pilule à sa dose quotidienne de neuroleptiques).

 

Citations

 

Comme disait Desmond Morris dans Le zoo humain : Quand l’autobus est plein, les cervelles se vident. Comme disait le docteur Olivier Sacks dans L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau : Une lésion de l’hypothalamus peut amener à confondre les cordons et les rubans. Comme disait l’Almanach Vermot : Il vaut mieux avoir un cou très long qu’un loup très con. Comme disait Paul de Tarse : Si quelqu’un te marche sur un pied, envoie-lui ton autre pied dans les fesses ! Comme disait Descartes : Le siège de l’âme est la glande pinéale. Comme disait Einstein : Deux heures, c’est toute une vie. Comme disait Saint-Lazare : Tous les chemins mènent à la gare. Comme disait Karl Lagerfeld : Les costumes bon marché me donnent des boutons. Comme disait Pierre Dac : Puisque, selon Buffon, le style c’est l’homme, l’exploitation de l’homme par l’homme n’est en définitive que l’exploitation du style par le style, à quoi j’ajouterais, si vous me permettez de vous parler de style à style, que le style est un loup pour le style, et réciproquement.

 

Formule tripartite couée

 

L’autobus, à midi, se nourrit de la foule,

qu’il agite et compresse à la rendre maboule.

Coiffé d’un panama

qu’entoure une ficelle, un drôle d’escogriffe

au cou de pélican tout à coup se rebiffe

et fait du cinéma.

Il accuse un vieillard, qui semble débonnaire,

de lui broyer les os, le cuir et les artères.

Puis cet hurluberlu,

craignant de recevoir un coup de canne à l’aine,

prend la fuite et s’assoit sur un vieux banc de frêne

à demi vermoulu.

Un peu plus tard, devant la gare Saint-Lazare,

le même énergumène est avec un Barbare

que j’entends déclarer :

« J’aime bien ton smoking, mais je crois qu’il lui manque

un truc pour avoir l’air un peu moins saltimbanque… :

un gros bouton carré ! »

 

Au théâtre

 

Hier soir, je suis allé voir un spectacle au théâtre Raymond Queneau. Malgré la beauté du texte, c’était archi-nul ! Sur la scène, il y avait une horloge en bois dont les aiguilles sont restées bloquées sur midi moins dix pendant toute la pièce ; un gros truc immonde en carton pâte, censé représenter la moitié d’un autobus ; des chaises dépareillées ; un tas de comédiens qui n’avaient aucune présence. L’acteur principal était d’une incroyable laideur, avec son cou de cigogne et son chapeau rafistolé. De plus, il jouait comme une savate. Incapable de trouver le ton juste quand il engueulait le type qui le bousculait, ce cabot n’était même pas foutu de s’asseoir avec naturel.

Je me suis fait chier pendant deux heures. Et le pire, c’est qu’à la fin du dernier acte, qui se déroulait devant une affiche de la gare Saint-Lazare – on ne peut pas dire qu’ils se soient cassé le cul pour les décors ! –, le partenaire du premier rôle était tellement nerveux qu’il en a oublié sa réplique !

 

Un gag de Gaston

 

À midi, dans un autobus bruxellois, Monsieur de Mesmaeker, étrennant un chapeau chic dessiné par Franquin, rêve d’avoir un cou télescopique pour pouvoir respirer au-dessus de la foule. D’un tempérament plutôt vif, il s’emporte contre un voisin qui, en le bousculant, a froissé son costume neuf. Mais sa colère retombe lorsqu’il aperçoit un siège libre, sur lequel il se précipite.

Deux heures plus tard, il est exact à son rendez-vous devant la gare du Midi. Prunelle, qui l’attendait, lui dit : « C’était une bonne idée de se rencontrer loin de qui vous savez. Il ne manque plus que votre signature là-dessus… » À cet instant précis, le parcmètre piégé par Gaston explose, réduisant en cendres les contrats et le beau costume de Monsieur de Mesmaeker, qui part en criant : « Les signerai jamais ! »

 

Mais ou et donc or ni car

 

Mais il est midi

ou presque

et l’autobus est petit

donc plein

Or je vois un type sans joie

ni beauté

car pourvu d’un cou trop long

mais gracile

ou fin

et coiffé d’un chapeau trop vieux

donc rafistolé

Or il n’est pas content

ni paisible

car son voisin le bouscule

Mais il se calme vite

ou fait semblant

Et voici qu’un siège se libère

donc il s’assoit

Or le temps ne s’arrête pas

ni ne recule

car il est maintenant deux heures

Mais je revois ce type Cour de Rome

ou devant la gare Saint-Lazare

et il n’est pas seul

donc avec un ami

Or celui-ci lui dit Ne sois pas si fier

ni vaniteux

car il manque une conjonction au col de ta veste

 

Suisse romand

 

Vers midi, dans un autobus qui péclote, j’aperçois un minçolet avec un bonnard capet d’armailli et le cou long comme un porreau. Il s’engringe contre un Dzodzet bougillon qui s’encouble dans ses jambes. Il lui lance des fions : « Charrette de charrette ! T’es complètement roillé ! Tu veux me faire déguiller ou quoi ? Attends voir, espèce de crouille, pelle à chenit, frouilleur au jass, pintoilleur de Williamine ! Continue et je te flanque une assomée ! » Puis cette grande mordache va se vautrer sur un siège et pousse un clopet.

Deux heures plus tard, je revois ce bobet devant la gare Cornavin. Il barjaque avec une grosse bedoume que j’entends dire : « Ce que t’est mal gaupé ! Tu aurais meilleur temps de mettre un bletse sur ton bredzon. » Il répond : « Je vais y faire. Mais excuse-moi, je dois rentrer pour faire la poutze. Il y a septante heures que je n’ai pas passé la panosse. Allez, tout de bon ! »

 

 

Avant le mariage

 

Mon cher Jean,

c’est avec infiniment de plaisir que je vous ai revu hier dans l’autobus S. Oserais-je vous avouer que je suis tombée sous le charme de votre cou si généreux ? Comme la nature vous a gâté ! Votre modestie dût-elle en souffrir, permettez-moi de vous complimenter sur votre élégant chapeau feutre entouré d’un magnifique cordon – voilà qui est bien plus original qu’un ruban ! Ce melon, que vous portez avec tant de grâce, prouve que vous êtes un homme de goût. Sachez combien j’ai admiré la mâle assurance avec laquelle vous avez blâmé ce sans-gêne qui vous bousculait ! Et, lorsque je vous ai vu bondir sur un siège, j’ai pensé : « Quelle énergie, quelle fougue juvénile ! » et j’ai souri. J’ai eu le bonheur de vous croiser deux heures plus tard devant la gare Saint-Lazare. Comme vous n’étiez pas seul, je n’ai pas osé m’arrêter. Mais j’ai entendu votre interlocuteur critiquer votre mise. Je ne suis absolument pas d’accord avec lui : votre pardessus – très classe – n’a pas besoin d’un bouton supplémentaire.

J’organise une petite fête chez moi, vendredi soir. Je compte beaucoup sur votre présence. Venez à dix-huit heures, afin que nous puissions bavarder en tête à tête avant l’arrivée des autres invités !

Bien à vous,

Charlotte

 

Après dix ans de mariage

 

Jean,

ça ne peut plus durer. ça fait dix ans que tu portes le même chapeau pourri. Depuis le temps, tu aurais pu au moins remplacer par un ruban ce cordon qui m’exaspère ! Je ne supporte plus ton cou monstrueux. Quand tu ris, tu ressembles à un dindon qui glougloute. J’en ai marre de ta susceptibilité maladive. Hier encore, tu t’es mis dans un état proche de l’hystérie parce qu’un malheureux t’a légèrement bousculé dans l’autobus. Et tu as fait preuve d’une incroyable muflerie en sautant sur un siège comme un sale gosse, au lieu de m’inviter à prendre cette place. On ne t’a donc jamais appris la politesse la plus élémentaire ? Deux heures plus tard, tu m’as presque insultée devant la gare Saint-Lazare, parce que je me suis permis de dire que ton vieux pardessus aurait bien besoin d’un bouton supplémentaire. En tout cas, ne compte pas sur moi pour le coudre !

J’organise une petite réception vendredi. J’ai invité des personnes qui, contrairement à toi, ont de la classe. Alors je te prie d’avoir la bonté de t’absenter pendant toute la soirée afin de ne pas me gâcher la fête !

À plus, Charlotte

 

Utopie

 

Dans l’île d’Utopie, tous les natifs se ressemblent. Ils ont le cou nettement plus long que les Européens, mais il serait sot d’attribuer leur élévation d’esprit à ce caprice de la nature. La coiffure nationale est une sorte de mitre blanche entourée d’un boyau de chien. Les autobus ne sont jamais pleins, même à midi, car les insulaires préfèrent marcher. Le mot « pressé » n’existe pas dans la langue utopienne. Si, par extraordinaire, une bousculade se produit, les gens s’embrassent pour s’excuser. Dans son infinie sagesse, le gouverneur a fait installer de confortables fauteuils un peu partout : sur les plages, autour des champs, près des routes, etc., car la sieste est le sport favori du peuple utopien. D’anciennes chroniques rapportent qu’un certain Lazarix dormit pendant deux siècles. Les indigènes ne parlent jamais chiffons, pour la bonne raison que, si l’on excepte leur couvre-chef, ils se promènent tout nus. Mais ils ne sont pas dénués de coquetterie : j’ai surpris un sorcier qui conseillait à son cousin de se faire tatouer un bouton d’orchidée au milieu du thorax.

 

Contradictoire

 

Après qu’eurent retenti les sept coups de midi, le conducteur aveugle de l’autobus S vit monter, parmi la foule clairsemée, un adolescent retraité qui se distinguait par un très long cou d’un demi-centimètre de haut. Coiffé d’un élégant chapeau moche, il était nu-tête et son crâne chauve arborait une abondante tignasse blonde comme l’ébène. En gardant son calme, il fulmina contre un voisin très éloigné qui lui marchait sur les molaires. Puis il courut au ralenti s’asseoir debout près du conducteur, sur la plate-forme arrière.

À midi trente, soit deux heures plus tard, le même individu, qui avait changé de costume, de corps et de tête, se trouvait devant la gare Saint-Lazare en compagnie d’un cul-de-jatte qui faisait les cent pas sur la piste de l’aéroport Charles de Gaulle et qui sans un mot lui disait d’ajouter un pardessus au bouton qui lui manquait.

 

Dis papa !

 

– Dis Papa, c’est quelle heure ?

– Il est midi, Clovis !

– Dis Papa, pourquoi ya tant de monde dans l’autobus ?

– Parce que c’est la Saint-Glinglin, et qu’à la Saint-Glinglin l’autobus est plein.

– Dis Papa, pourquoi il a un si long cou, le monsieur ?

– Parce qu’il a mangé trop de réglisse et pas assez de soupe.

– Dis Papa, pourquoi il a un cordon autour de chapeau ?

– Parce que son chapeau, c’est un cadeau qu’il veut offrir à sa maman.

– Dis Papa, pourquoi il est en colère, le monsieur ?

– Parce que son voisin l’a bousculé.

– Comme à la récré ?

– Oui Clovis, sauf qu’ici ce n’est pas un jeu.

– Dis Papa, pourquoi il court s’asseoir, le monsieur ?

– Parce qu’il a beaucoup d’enfants et que cela le fatigue énormément.

Deux heures plus tard, devant la gare Saint-Lazare.

– Dis Papa, c’est pas le monsieur de l’autobus, là-bas ?

– Oui Clovis, mais ne le montre pas du doigt !

– Dis Papa, pourquoi son ami lui conseille d’ajouter un bouton à son pardessus ?

– Pour que personne ne puisse lui chaparder le cœur.

– Moi je crois plutôt que c’est pour éviter de prendre froid.

– Bon alors Clovis, si tu ne crois même plus ce que te dit ton père, on rentre à la maison et tu files dans ta chambre !

 

Note : Ce texte est inspiré de File dans ta chambre : une série TV créée en 2002 par Stéphane de Groodt et Odile d’Oultremont.

 

Rondeau

 

Ce n’est pas élégant de trop se répéter !

Je ne me souviens plus si je vous ai conté

l’histoire du blanc-bec au long cou de sarcelle,

affublé d’un chapeau d’où tombe une ficelle,

qui dans un autobus se fait persécuter

par un crampon sans gêne, un pousseur patenté.

Le freluquet rugit, commence à l’insulter,

puis bondit sur un banc, car la peur le harcèle.

Ce n’est pas élégant !

Nous retrouvons plus tard le jeune homme agité,

sur cette Cour de Rome, où par fraternité,

son vieux copain lui dit : « Tu vois, Cadet-Rousselle,

je n’oserais jurer que ta mise étincelle,

car il manque un bouton sur ton blazer mité.

Ce n’est pas élégant ! »

 

Note : Forme fixe à deux rimes, dont le début du premier vers est deux fois répété, le rondeau fit son apparition vers la fin du quinzième siècle, connut son apothéose au seizième et déclina durant le dix-septième.

 

Errata

 

Page 11, ligne 3 :

lire « noyé dans le bus » au lieu de « noyé dans le pus ».

Page 13, ligne 5 :

lire « ce jeune gars » au lieu de « ce jeune gras ».

Page 28, ligne 5 :

lire « quel cou » au lieu de « quel con ».

Page 32, ligne 6 :

lire « qui porte un chapeau » au lieu de « qui porte un chameau ».

Page 41, ligne 4 :

lire « les mouvements de la foule » au lieu de « les mouvements de la poule ».

Page 55, ligne 7 :

lire « son voisin le bouscule » au lieu de « son voisin le bascule ».

Page 59, ligne 8 :

lire « une querelle explose » au lieu de « une quenelle explose ».

Page 63, ligne 9 :

lire « se jetant sur une place » au lieu de « se jetant sur une glace ».

Page 71, ligne 7 :

lire « devant la gare » au lieu de « devant la garce ».

Page 89, ligne 14 :

lire « Saint-Lazare » au lieu de « Saint-Nazaire ».

Page 93, ligne 28 :

lire « destine-toi un bouton » au lieu de « dessine-moi un mouton ».

 

Note : L’idée des Errata, je l’ai piquée à Hervé Le Tellier qui l’a exploitée dans Joconde jusqu’à 100, Le Castor Astral, 1998.

 

Corporel

 

Vers midi, dans l’autobus S, un type louche, avec la tête près du bonnet et la bride sur le cou, est de très mauvais poil, peut-être même à bout de nerfs, parce qu’il en a plein le dos qu’un voisin mal embouché, moche comme un cul de singe, lui colle aux fesses. Ignorant la langue de bois, il ne mâche pas ses mots pour lui bouffer le nez : « Tête à claques, mauvais œil, gueule de raie, ours mal léché, tu pues du bec ! Arrête de me labourer les flancs ou tu t’en mordras les doigts ! Si tu continues, je te ferai vomir tripes et boyaux – et tu crèveras la bouche ouverte ! » Puis, parce que son adversaire qui se défend bec et ongles lui fout les foies, cette cervelle de piaf à la dent dure court comme un dératé, la queue entre les jambes, pour aller poser son cul sur un siège. Et désormais, d’un air absent, il se tourne les pouces en se regardant le nombril.

Deux heures plus tard – à vue de nez –, devant le Sacré-Cœur, un poilu lui tape sur le ventre et tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de lui dire en lui touchant le col du doigt : « Ajoute un bouton, ici ! Sinon, par ce froid, tu ne vas pas faire de vieux os, et c’est un paletot sans manches qu’on te confectionnera. »

 

Cryptographique

 

C’était aux environs de midi que je montai dans un autobus rouge et noir, qui était si plein que j’avais du mal à respirer. Et je remarquai tout de suite un jeune homme un peu ridicule, avec un cou d’une longueur peu courante chez les animaux de notre espèce. Il parlait fort et gesticulait tant que je voyais s’agiter dans tous les sens les bouts du cordon qui remplaçait le ruban de son chapeau. Il râlait contre un voisin qui le bousculait et lui marchait sur les pieds chaque fois que des passagers sortaient tant bien que mal du véhicule. Lorsqu’il parvint enfin à retrouver son calme, il aperçut une place libre et se précipita dessus comme s’il avait le diable à ses trousses. Deux heures s’écoulèrent et je le revis devant la gare à l’écoute d’un camarade qui lui donnait des conseils pour améliorer sa mise.

 

Note : Ce texte dissimule un prénom. Voici comment le découvrir. Chaque phrase contient autant de mots que l’alphabet de lettres, c’est-à-dire 26. Repérez dans chaque phrase la position du mot « et », puis cherchez dans l’alphabet la lettre qui se trouve à la même position.

 

L’auteur de ce livre raconte

 

Hier, je suis monté à Paris pour signer le contrat d’édition. Naturellement, j’ai pris l’autobus S – depuis le temps que j’en parle ! Si l’on excepte un léger accent suisse, je n’ai pas de signe particulier : ni cou démesuré, ni coiffure excentrique ! C’est pourquoi je suis passé inaperçu. Personne ne m’a bousculé : je n’irais pas jusqu’à prétendre que cela m’a déçu. J’aurais pu m’asseoir, mais j’étais tellement excité par ce qui m’attendait que je n’y ai même pas pensé !

À quatorze heures, en contemplant la façade de la gare Saint-Lazare, que je n’avais pas revue depuis trente ans, j’entendais résonner dans ma tête la voix chaleureuse de mon éditeur, qui m’avait dit, juste après la signature du contrat : « Vous devriez ajouter encore un exercice à votre livre ! »

 

Remerciements

 

Je remercie Raymond Queneau, que j’aime lire dans l’autobus, d’avoir stimulé mon imagination.

Je remercie Camille Abaclar, et d’autres beaux esprits qui ont marqué la première décennie de la liste Oulipo (sur le net), d’avoir développé mon goût pour les jeux littéraires les plus casse-cou.

Je remercie Mosaïque théâtre de m’avoir fait vivre de passionnantes expériences d’acteur et de metteur en scène parmi sa collection de personnalités attachantes et de chapeaux.

Je remercie tous ceux qui m’ont marché sur les pieds de m’avoir ouvert les yeux sur ma faiblesse de caractère.

Je remercie le Père-Lachaise de ne pas m’avoir encore accueilli.

Je remercie Saint-Lazare d’avoir ressuscité ma flamme littéraire.

Enfin, je remercie Nadine de m’avoir prêté une oreille attentive et donné de précieux conseils pour améliorer mon style, et surtout… de recoudre mes boutons !

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