Créé le: 08.07.2016
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Violette rêve, Violetta vit (01) Le lion est mort ce soir
L’étude des rêves est à l’origine de la médecine
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Violetta: Introduction
La jeune cantatrice reste immobile, une gerbe de roses dans les bras, et son bonheur est celui de tout le public de la Scala de Milan qui l’ovationne depuis plusieurs minutes. Ce soir elle a chanté avec toute son âme, au sommet de son art et sans regret. Elle a atteint cet unique lieu où les innombrables points de la tapisserie font apparaître l’ébauche de l’œuvre tout entière. Isolée dans l’éclat des projecteurs, elle se sent transportée à l’origine du monde, lorsque la nature est offerte dans sa primordiale beauté à l’œil qui la découvre. Elle foule des terres vierges et se désaltère à la source des torrents. Elle parcourt les déserts, les villes, les champs et les forêts. Elle franchit les rivières, les océans ; les glaciers et les montagnes. Elle laisse ses empreintes dans les sols fertiles et le vent emporte son nom. Elle a froid l’hiver et se laisse rouler dans les vagues de l’océan sous le soleil brûlant. Elle s’enivre du parfum des premières fleurs et vendange le raisin doré. Elle se promène avec les bêtes sauvages et son chant ressuscite les corps.Le chemin qui reste à parcourir sera long ou court, semé d’embûches et de résultats, dans l’ombre et dans la lumière mais rien ne l’arrêtera. L’énergie créatrice qu’elle a contactée en elle sera désormais son moteur. Elle n’a plus peur car pour la première fois, elle a reconnu sa voix. Et le public l’a entendue. Elle repense avec émotion à la voie constellée de rêves qui a été la sienne depuis ce moment lointain où elle n’osait crier : «Vous ne me connaissez pas. Vous ne savez pas qui je suis. Un jour je serai une étoile.»
Depuis que Jeanne a découvert la richesse inépuisable des rêves, elle pense que sa vie a pris une nouvelle dimension. «Il aura fallu tout ce temps, pense-t-elle souvent, pour que mes yeux s’ouvrent autrement ».Aucune routine n’a jamais pu lui imposer sa loi, chaque jour apporte sa nouveauté et les membres de sa famille ne cessent de l’étonner. Son mari , ses trois enfants et ses deux petites filles forment autour d’elle une communauté imprévisible et les événements inattendus se succèdent dans sa vie. Ce fut donc pour faire plaisir à une amie que voici une dizaine d’années elle l’accompagna à un séminaire qui s’intitulait «Le travail sur les rêves». A cette époque, son scepticisme était grand face à l’importance que semblent attribuer à l’inconscient ceux qui se chargent de le rendre seul responsable de nos comportements.Quelle ne fut pas sa surprise de se trouver ce soir-là aussi bien face à des thérapeutes doués d’une exceptionnelle qualité d’écoute qu’à des personnes sans formation médicale mais auxquelles l’expérience personnelle avait enseigné une profonde connaissance de l’âme humaine. Ils parlaient tous de l’importance des rêves sans emphase et sans volonté de convaincre mais avec la même certitude. Le rêve est un miroir qui ne dit que notre réalité. Jeanne fut très étonnée d’apprendre que ce phénomène est à l’origine de la médecine. Dans l’Antiquité grecque, les disciples d’Asclépios, dieu de la médecine, écoutaient les songes des malades afin d’établir un diagnostic et de prescrire un traitement. Les fidèles venaient à Epidaure de partout dans le monde grec pour être guéris, un peu comme on fait, aujourd’hui, des pèlerinages à Lourdes.
Au VIe s av.J.C, il y avait environ 400 temples dans les quels se pratiquait le rituel de l’incubation. Ce rituel consistait à endormir le patient à l’aide de drogues pour qu’il reçoive en rêve les messages d’un dieu. Les prêtres médecins interprétaient ces rêves pour tenter de trouver l’origine de la maladie et d’en découvrir la cure. Ils faisaient ensuite des prescriptions que les fidèles devaient suivre pour guérir. Lorsque ceux-ci faisaient de “bons rêves”, ils étaient renvoyés chez eux.
En médecine traditionnelle chinoise, les rêves d’un malade sont une aide intéressante pour poser un diagnostic; c’est la raison pour laquelle le praticien demande toujours à son patient s’il peut lui en raconter.Pour Hippocrate (460-377 av.J.C.) qui est considéré comme le père de la médecine, le rêve contient d’importantes informations sur la santé physique et mentale du patient.
Pour Freud, “Le rêve est la voie royale qui mène à la connaissance de l’inconscient dans la vie psychique”. Il est la source de la connaissance de soi.Développée aux Etats Unis, la méthode de travail sur les rêves consiste à écouter attentivement le récit qui en est fait puis à poser les questions dont les réponses permettront de retrouver des événements oubliés. L’auteur du rêve est le seul à connaître sa réalité et il est donc le seul à pouvoir résoudre l’énigme à laquelle il est confronté. Peu à peu il parvient à établir un lien entre les émotions ressenties pendant la nuit et ce qu’il est en train de vivre dans la réalité. Le rôle du professionnel est celui de guide. Son art ne s’apprend pas dans les livres.
Les nombreux cours et séminaires auxquels
Jeanne a participés lui ont appris à faire abstraction d’une projection arbitraire de ses propres émotions sur le récit du rêveur qui est en face d’elle pour lui laisser la place d’exprimer ce qu’il ressent, sans jugement préconçu. L’intuition joue un rôle prépondérant dans la démarche et Jeanne pose parfois des questions qui la surprennent elle-même car elles ne lui semblent pas pertinentes, voire même déplacées. Mais ces interventions spontanées provoquent souvent des réponses qui, à la stupéfaction du rêveur, donnent accès à l’interprétation du rêve. Sa signification ne résultera que d’une étude sérieuse du contexte dans lequel il a été fait. L’appréciation exacte de la situation consciente est essentielle et il ne suffit pas de connaître par cœur des codes correspondant à des images, telles que les proposent les dictionnaires des rêves. Car chaque être humain fabrique ses propres symboles en fonction de son expérience personnelle. Le rêve n’est pas un élément isolé, coupé de la vie réelle. Il est au contraire bâti sur les émotions ressenties par le rêveur. Le travail sur les rêves consiste à parcourir avec lui le chemin qui le conduira à découvrir sur lui-même des informations essentielles.
Lorsque le secret qui semblait impénétrable se révèle soudain dans une évidence éclatante, une lumière se met à briller dans le regard de celui qui l’a perçu. Il est souvent bouleversé par l’incroyable subtilité et la lucidité avec laquelle le message lui a été transmis. Les voies qui s’ouvrent à lui pour résoudre la situation présente lui redonnent une dimension d’espoir; il est envahi par un sentiment de bonheur face à une vérité qui le concerne mais qu’il n’avait pas encore perçue. Pendant quelques instants, il se sent des ailes. C’est la beauté de ce moment qui permet à Jeanne d’écouter chaque rêve comme s’il était le premier et de se réjouir de chaque nouveau récit.
Ce matin elle a rendez-vous avec Violette Marcau, une jeune femme de vingt-cinq ans, qui vient la consulter dans les moments où elle a des décisions importantes à prendre car elle a constaté que ses rêves lui indiquent très souvent une voie qu’elle n’avait pas envisagée et qui se révèle être la meilleure pour elle.Dès qu’elle pénètre dans la pièce ensoleillée où Jeanne exerce son activité, avant même de parler, Violette déroule une grande feuille sur laquelle elle a représenté l’image de son cauchemar : au centre rugit un lion dont on ne voit que la tête, des lignes multicolores se déchirent dans tous les sens, comme dans un gribouillage d’enfant. Le dessin a probablement été exécuté avec une grande rapidité, dans l’urgence, néanmoins le trait est assuré. Jeanne observe attentivement le fauve, tandis que la jeune fille reste silencieuse quelques instants avant de s’exclamer sur un ton angoissé:
«Alors? Qu’en dîtes- vous? Suis-je en train de devenir folle? Répondez!»Jeanne invite la rêveuse à s’asseoir confortablement dans un fauteuil. Il faut progressivement la rassurer et engager avec elle un dialogue qui lui permettra de se détendre et de considérer le rêve comme un auxiliaire précieux et non comme une menace effrayante. Les larges traits rouge, orange et mauve qui entourent ce lion décapité hurlant son mal semblent plonger la jeune fille dans un état d’angoisse tel qu’elle redoute d’en perdre la raison.- Si vous deviez donner un titre à votre rêve, comment l’appelleriez-vous? demande Jeanne La réponse fuse instantanément:
Violette relève la tête, fixe le plafond puis s’exclame: – Oui, il est vraiment mort.
– Mais de quel lion s’agit-il ?-
– Mon père, il me chasse de la maison et ne veut plus me revoir. C’est pour vivre tranquillement avec sa nouvelle compagne. Je la déteste.-
Pouvez-vous me raconter votre rêve ?«Il y a un orage, des éclairs et je suis perdue, je ne retrouve plus la maison. Tout-à-coup un lion surgit, la gueule ouverte, je ne vois que sa tête. Je m’aplatis dans l’herbe et je sens que ma peau se recouvre d’un voile de plastique transparent. Je comprends que c’est pour que le lion ne puisse pas sentir mon odeur. Mais j’ai peur de suffoquer. Alors je profite d’un moment où il s’éloigne un peu pour m’enfuir et me débarrasser de cette pellicule.»
Jeanne voudrait que Violette comprenne que le lion est un aspect de sa personnalité et non le père rugissant qui la chasse de chez lui.- Pourriez-vous, pour un instant, prendre la place du lion. Ce fauve qui rugit en vous que veut-il ?
Me faire bouger. Il n’a pas de corps il ne peut pas m’attraper. Il veut seulement que je m’en aille.
Vous ne courez donc aucun risque. Mais vous ne pouvez pas rester où vous êtes car vous allez bientôt étouffer.
Violette semble un peu moins agitée. Elle réalise que cette énergie solaire de l’animal est la sienne et qu’elle doit la suivre. Mais pourquoi toutes ces couleurs, ces éclairs terrifiants ? –
Quels sont vos sentiments lorsqu’il y a de l’orage ? –
J’ai toujours été effrayée par l’orage car quand j’avais six ans mes parents m’avaient laissée dans la voiture alors qu’ils faisaient des courses et un orage très violent a éclaté. J’ai pensé mourir de peur et j’étais sûre qu’ils m’avaient oubliée et que je ne les reverrais jamais. Je déteste l’orage. Elle s’est recroquevillée sur le fauteuil et redevient la petite fille qui appelle désespérément ses parents.- Vous voyez que je deviens folle. Mon comportement n’est pas celui d’une adulte responsable. – Et pourtant, ajoute-t-elle comme pour se donner une contenance, je suis en dernière année de médecine.Cette déclaration hors de propos n’est faite que pour calmer les émotions trop fortes que le rêve suscite en elle et la rassurer.-
Le fabricant de rêves en vous, et nous ignorons qui il est, a recherché les images de l’orage pour vous permettre d’affronter une situation émotionnelle que vous êtes en train de revivre, celle d’une tempête qui vous effraie mais qui n’est pas dangereuse. Vous étiez en sécurité dans la voiture et vos parents ne s’étaient absentés que pour quelques instants. Mais ils vous aimaient toujours, déclare Jeanne en conclusion de la séance.
Violette prend congé de Jeanne en la remerciant avec des yeux brillants. Elle est rassurée sur son état mental et attend le prochain rêve pour reprendre rendez-vous. Aujourd’hui elle a été mise en contact avec une énergie nouvelle, celle du lion. C’est cette énergie qui va l’aider à transformer sa vie de fillette dépendante de son père en adulte qui surmonte une crise violente. Elle a les moyens de se protéger de la menace que constitue pour elle son départ de la maison, à condition de ne pas s’attarder avant de fuir. Et surtout elle peut admettre que si son père prend dans sa vie privée des décisions qui la contrarient cela ne change pas l’amour qu’il lui porte. Il s’est si bien occupé d’elle après que sa mère les ait laissés seuls. Ces ressources insoupçonnées qu’elle vient de découvrir vont lui permettre d’agir sans se sentir rejetée. Elle s’éloignera de son père non pas contrainte et fâchée mais à la suite d’une décision qui surgit du plus intime d’elle-même, du lieu où l’on ne peut se tromper car le rêve ne dit que ce qui est juste pour nous. Lorsque le sens de ces images nocturnes si énigmatiques devient clair pour leur destinataire, celui-ci ressent un sentiment d’intense bonheur. Même les cauchemars peuvent prendre cette dimension lorsqu’ils sont des avertissements pour le rêveur de changer un comportement dangereux.Pour Violette il s’agit de se mettre à la recherche d’un appartement sans perdre une minute. Cette nouvelle perspective l’enthousiasme et si elle pouvait annoncer dès ce soir à son père qu’elle se réjouit de l’inviter chez elle avec sa compagne, elle serait la plus heureuse des rêveuses! Elle achète le journal du jour et se met à lire attentivement les petites annonces.
A suivre: Chapitre 2 L’escargot bleu
Commentaires (1)
Webstory
26.06.2016
BRAVO Anne-Marie! Vous m'aviez parlé depuis si longtemps de cette histoire qui dormait dans un tiroir. Vous vous êtes lancée et c'est tout à votre honneur, et, pour le plaisir des lecteurs. Bonne lecture à tout ceux qui découvriront cette passionnante histoire tirée de rêves réels.
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