Créé le: 21.01.2013
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Le retour d’un petit prince

Nouvelle

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Sans préface
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Le lieutenant Craig pesta une fois de plus contre la chaleur du désert, dont l’inconfort était décuplé par son harnachement militaire. Dans sa jeep blindée, l’air conditionné ne fonctionnait plus depuis longtemps et il lui tardait de rejoindre sa base. Il venait d’inspecter un poste avancé et rentrait, seul, ce qui ajoutait à son malaise.

Il enfreignait en cela une règle stricte qui stipulait que jamais un américain, qu’il soit civil ou militaire, ne devait se déplacer seul sur cette si dangereuse terre d’Afganistan. Ils étaient à court d’effectif et son sergent venait d’être sérieusement blessé.

Il avait pris une piste qui raccourcissait considérablement son trajet de retour ce qui était également une entorse à toutes les règles. Soudain, au passage d’une petite dune, son véhicule fit une embardée et, comme dans un mauvais rêve, le lieutenant Craig le sentit se renverser au ralenti, tourner en un demi-tonneau et s’immobiliser sur le toit dans un grincement étouffé par le sable.

Suspendu par son harnais, la tête en bas, s’il était dans une position inconfortable, il n’était heureusement ni blessé ni même contusionné. Après s’être dégagé, non sans peine, il mit un temps considérable à s’extraire du véhicule, les portières étant bloquées par le sable. Ce sable rougeâtre et tellement fluide à cet endroit qu’il était la cause probable de l’accident

C’est par la porte arrière qu’il s’en extirpa. A genou dans ce désert qu’il haïssait et admirait en même temps, il réalisa lentement toute l’étendue du désastre en voyant que sa radio était restée prise sous la jeep de 5 tonnes.

Il se redressa péniblement, tout de même endolori quand soudain, une petite voix retentit dans le silence si particulier de ces grands espaces :

– Est-ce que vous vous êtes fait mal ?

Stupéfait, le lieutenant Craig se détourna dans la direction d’où elle provenait et découvrit, effaré un enfant d’une dizaine d’année assis à l’ombre parcimonieuse d’un buisson.

– Mais qu’est-ce que tu fais là ! balbutia-t-il, se demandant si l’accident était à l’origine de cette vision improbable.

– J’attendais un ami, c’était un ami qui était venu comme vous mais avec un avion.

– Mais…d’où viens-tu, c’est loin de tout ici ?

L’enfant eu l’air accablé, il prit une poignée de sable dans sa main et le laissa s’écouler lentement.

– je n’ai plus de chez moi, ma planète a été détruite. C’est à cause d’un baobab !

Le lieutenant Craig secoua la tête, il devait sûrement faire une fièvre hallucinatoire, tout était possible dans le désert.

Le petit garçon secoua ses boucles blondes et poursuivit :

– mon ami m’avait donné un mouton et un matin, quand je me suis réveillé, il n’était plus là, c’est pour ça que le baobab a pu grandir et ma planète était trop petite pour lui, quand quelque chose prend trop de place, ce n’est vraiment pas bien du tout…Tu as beaucoup de place sur la tienne, n’est-ce pas ?

– Heu…oui, dans ce pays il y a beaucoup de place mais c’est dangereux partout, tu ne devrais pas être tout seul et loin de tout.

– Toi aussi tu es seul et tu es comme mon ami, son avion ne volait plus, c’est quoi ces habits bizarres’

– Je suis un officier de l’armée des Etats-Unis, je suis venu dans ce pays pour l’aider.

– C’est quoi une armée ?

Soudain Jack Craig eu une illumination, le Petit Prince de Saint-Exupéry, il était, dans son délire, en train de parler avec ce personnage extraordinaire qui l’avait fait rêver, comme des millions d’autres.

– c’est quoi une armée, répéta l’enfant !

Jack, comme envoûté, répondit :

– c’est des hommes et des femmes qui sont entraînés pour défendre leur pays

– Tu es dans ton pays alors ?

– Non, c’est un pays ami, je suis venu pour l’aider

– Ah !

L’enfant resta songeur

– c’est pourquoi çà, demanda-t-il en pointant son doigt vers son colt.

– C’est pour me défendre

– C’est quoi défendre ?

– Si quelqu’un veut me faire du mal, je dois l’en empêcher

– Mais si tu es venu pour aider, pourquoi on veut te faire du mal ?

Jack resta un moment sans répondre, embarrassé

– c’est parce qu’il y des gens qui veulent du mal à tous le monde, des gents très méchants

– Mais sur ta planète, avec toute la place que vous avez, vous pourriez avoir chacun votre place et même des moutons et des baobabs ensemble et encore des fleurs.

Jack sourit, l’innocence était devenue denrée rare dans sa vie de soldat, c’était comme de nager dans une eau fraîche après avoir passé une journée dans un blindé par 40 degrés

– je crois que c’était comme ça au début, il y a longtemps. Tu sais, je ne pense pas que ton ami va venir.

– Mais c’est peut-être toi mon nouvel ami…

Il s’interrompit et, l’air grave, repris,

– Peux-tu me dessiner une planète, pas trop grande mais pas trop petite non plus ?

Jack se réveilla, une infirmière était penchée sur lui, maternelle et attentive

– le Petit Prince…il faut que je lui dessine une planète…son seul ami…il faut…

Il perdit conscience et ne retrouva ni n’oublia jamais celui qui avait tant besoin d’un ami.

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