Créé le: 06.07.2024
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Le Paradis, c’est les Autres
Rédemption pour une misanthrope grâce... aux animaux !
Comprendre par l’amour inconditionnel de la Nature que l’Enfer c’est de rester sciemment seul
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Lalie, bougonne senior, grincheuse depuis sa plus tendre enfance, vit isolée en son mas dans la garrigue languedocienne avec ses animaux (chatte, chien, poules) et son potager.
À force de se poser des questions existentielles, Lalie est devenue misanthrope, méditant sur les enseignements sapientiaux de l’Ecclésiaste. Notamment, que plus on a de connaissances, plus on a de souffrances et que tout est vanité (au sens de vain), mais Lalie constate aussi l’autre signification du mot vanité parmi ses congénères humains : futile, ridicule et pathétique. Elle est heureuse d’être à la retraite et enfin libérée du formalisme étriqué de la société, si ridicule qu’elle en devient sarcastique.
Quand on lui signifie son pessimisme prédominant, elle répond : « réalisme ! » Et quand elle se montre optimiste, c’est par son humour déjanté et décapant qu’elle qualifie de pédagogique. Il faut dire que Lalie est neuroatypique, avec nombre de traits HPI déroutants et pour ne rien arranger, TDAH avec un cerveau droit survolté, une carte heuristique (mind mapping) qui absorbe comme une éponge toutes sortes de savoirs. Bref, hyperactive jamais au repos et d’une éloquence verbale tantôt brillante et sage, tantôt lapidaire, mais aussi et surtout… soûlante.
Lalie a fini par préférer les animaux aux humains, car ces êtres aiment inconditionnellement et ne se complaisent pas dans la perversion, ils vivent selon leurs instincts. Chez eux, pas de plaisir à faire le mal alors que l’humain démontre à travers les siècles sa capacité aux comportements sciemment psychopathes. De plus, la racine du mal, l’égoïsme est omniprésent chez lui et génère discriminations et conflits de prédation répétés. Sans oublier la cupidité et la trahison.
Aussi, Lalie est progressivement devenue végétarienne et vit en harmonie avec les règnes animal, végétal et minéral. Avec le règne humain, mise à part sa famille et quelques amis éloignés géographiquement, elle cohabite, malgré elle, avec un voisin, Nathaniel, qui l’exaspère, car il est sociable et reçoit régulièrement, ce qui occasionne du bruit.
Un jour, après une énième dispute, Lalie fait une crise d’apoplexie et s’effondre dans son jardin, embrassant un énorme chou. Nathaniel éclate de rire devant la scène aussi incongrue que sa victime est perchée et à tous points de vue. Mais il se rend vite compte de la gravité de la situation et appelle le 112. Mis en relation avec les secours, il applique scrupuleusement les consignes des gestes qui sauvent.
Pendant ce temps, Lalie est dans un trou noir
— Ça y est, c’est fini, rideau et il n’y a rien après ? Moi qui ai toujours été spirituelle, où est la Lumière ? Je refuse le néant, il n’existe pas tout comme le hasard, les musulmans l’affirment et je les crois comme je crois en la Bible et tous les écrits sacrés plurimillénaires. De plus, la physique quantique traduit en langage scientifique ce que savent les spiritualités depuis toujours : tout est énergie, donc tout est éternel, où est la Lumière divine ??! Personne pour me guider ?
— Ah, j’ai perdu mes lunettes, c’est pour ça ? Oh, mais je vois mieux sans, finies myopie et presbytie, je perçois un filet de lumière au loin et BONHEUR : ma Pomponnette, ma Youquette, mon Dago 1er, mon Tibert, mon Panthère, mon Félix et tous les autres animaux de ma vie depuis mon enfance puis… mon papa et tous mes autres chers disparus momentanément à mes yeux sur la terre en troisième dimension. Je suis dans quelle dimension là ? combien y en a-t-il ?
— Calme-toi, tu le sauras quand ton heure sera venue, là c’est juste un aperçu. Tu as fait une apoplexie non pas à cause de ton cerveau opéré en urgence il y a quelques années, mais de ton cœur, car si celui-ci est brisé émotionnellement et/ou constamment surmené par tes colères, il lâche prise et c’est l’arrêt. Pourquoi as-tu vu les ténèbres avant la Lumière ? Parce que tu étais dans une colère noire, mais quand tu as évoqué la Lumière, elle s’est manifestée progressivement et ténue, le temps que tu te calmes.
Avant de venir vivre dans ton mas, notre cher mas familial, tu étais constamment épuisée physiquement et moralement. Cela venait certes de ta post-opération, mais surtout par toute une vie de déceptions, trahisons de la part de gens sans scrupules : égoïstes, vaniteux, cupides, obséquieux, menteurs, iniques, bassement matérialistes, tout ce que tu exècres, car tu es hypersensible et généreuse. Trop idéaliste et neuroatypique dans un monde dystopique. La vie sur terre t’a laissé un goût amer et te rend souvent cynique. Alors, tu t’es protégée en te mettant à l’abri du monde mais il n’est jamais loin.
— C’est vrai papa, mais aussi loin que je m’en souvienne je suis une dépressive existentielle, que suis-je venue faire sur terre ? Et pourquoi ai-je survécu à mon opération risquée si c’est pour continuer à vivre de façon aussi pathétique ? J’ai voulu croire à une nouvelle vie mais elle s’avère illusoire. Donc je dois me convaincre avec le mantra suivant : « plus d’illusions donc plus de déceptions ». Réjouissant programme de fin de vie…
— Dieu seul le sait, ses desseins sont impénétrables, tu le sauras quand tu auras quitté ta dimension. C’est pénible et épuisant de vivre en dépression permanente, mais tu as tenu plus de la moitié de ta vie donc tu es résiliente et plus solide que tu ne le penses.
— Ça me fait une belle jambe, le temps est long quand on ne voit que le verre à moitié vide. Le monde m’écœure, tant de mensonges et la majorité des gens qui sont des moutons sur deux pattes, aucunement éveillés. Je suis tantôt apathique, tantôt enthousiaste, mais plus rarement, bref une sorte de bipolarité sans être reconnue comme telle. On me dit azimutée des neurones, bizarre, c’est usant. Je ne me sens nulle part à ma place. Certes, je reste spirituelle, j’ai bien conscience que Dieu sait mieux que nous ce qui est bon pour nous vu qu’Il est la somme de ses parties, nous ses créatures.
— Alors, ne tombe pas dans l’acédie, maladie de l’âme, obstacle à ta croissance spirituelle, torpeur spirituelle et repli sur soi, c’est la seconde mort comme si tu n’avais jamais existé. Ta léthargie prendra fin, qu’est-ce que le temps ? Il est long quand on souffre, mais n’existe pas au-delà de ton monde. Souviens-toi que mille ans sont comme un jour pour Dieu, l’au-delà est un éternel présent. Einstein a reconnu, à l’instar des traditions spirituelles, que passé, présent et futur n’existent pas :
« Pour nous, physiciens dans l’âme, la distinction entre passé, présent et futur ne garde que la valeur d’une illusion, si tenace soit-elle. ».
— Difficile pour moi de poser un regard spirituel sur tout ce qui m’ennuie dans la vie, les corvées en général, la banalité, la routine, tout cela représente de lourds fardeaux. Me forcer à être joyeuse ? Je me fourvoie dans les illusions et le serpent se mord la queue. Oui, j’ai des projets d’écriture, je suis douée pour ça, mais selon mon unique point de vue… à quoi bon essayer pour encore échouer ?
— Tu pars battue d’avance !
— L’expérience me rend réaliste donc défaitiste.
— As-tu pensé à tes neveu et nièces autistes ? tu crois que leur vie est simple, eux si innocents dans une société de compétition féroce où la bonté est vue comme une faiblesse ? et pour leurs parents, la bataille de l’inclusion scolaire où les neurotypiques apprécient peu les différences cognitives et comportementales ?
— Pardon, je sais que je ne devrais pas me plaindre, même si mes connexions neuronales me rendent déficiente en savoir-être, inadaptée au conformisme sociétal, d’où les dénominations stigmatisantes de décalée ou perchée.
— La patience est l’une des plus grandes vertus, alors quand on a la foi comme toi, on arrive à surmonter les défis de la vie intérieure et spirituelle. Notre vision est limitée ici-bas comme le dit saint Paul dans sa magnifique lettre aux Corinthiens sur les vertus théologales (Amour, espérance et foi) et ce n’est seulement que lorsque l’on sera de l’autre côté que l’on verra enfin complètement. Demandes à Dieu, toujours et au nom du Christ qui est l’intercesseur. « Que Ta volonté soit faite », comme le Christ l’a dit quelques heures avant son arrestation qui le mènera à l’une des morts les plus douloureuses.
C. S. Lewis a dit à ce sujet : au fond, à la fin de notre vie, tu n’as que deux choix, soit tu dis à Dieu « Que ta Volonté soit faite » et tu vas au Paradis, soit Dieu te dit « Que ta Volonté soit faite » et tu vas en enfer. Oui car alors tu ne te soumets pas à Dieu mais à ton ego.
— C’est rude à entendre papa.
— Oui mais indispensable au salut de ton âme, Dieu nous donne un esprit de pouvoir, d’amour et d’auto-discipline. Sois-en digne, ne te comportes pas avec tiédeur ni lâcheté. Et gare à la fausse lumière du New Age qui utilise beaucoup les vocables « énergies », « taux vibratoire » et aussi « dimensions », tu peux te perdre dans le bazar ésotérique que tu affectionnes. Consultes plutôt des théologiens et même un simple prêtre, il a fait de longues études en théologie et en philosophie.
— C’est vrai que d’en savoir plus que la moyenne conduit à l’orgueil spirituel et ces deux mots sont antinomiques. De plus, c’est dangereux, on ne sait pas quelles portes on ouvre, notre curé détonnant nous avait avertis au catéchisme quand on se passionnait pour l’Apocalypse de St Jean sans y comprendre grand chose…l’attrait des enseignements ésotériques. En Israël quand j’ai visité la cité de la Kabbale, Safed, même sensation mais un rabbin m’a recadrée : « Pas d’apprentissage de la Kabbale avant 40 ans, le temps d’avoir un minimum d’expérience de la vie ». J’avais 23 ans et j’étais déçue, toujours pressée d’en savoir plus en grillant les étapes.
— Remémore-toi tes souvenirs liés aux êtres que tu aimes sur cette terre et au-delà ainsi que tes deux merveilleux séjours en Terre sainte, notamment celui où tu as pleuré de joie dans la grotte de la Nativité, jamais cela ne t’était arrivé avant, ni après d’ailleurs. Et cela n’a pas relevé du « syndrome de Jérusalem » pour autant. Rappelle-toi essentiellement tout le bien que tu as fait, l’Amour donné et celui reçu, il est éternel. Tous les êtres aimés et tous les autres que tu as aidés selon tes moyens, jusqu’à ces infimes vies que tu sauves quand elles se noient dans des gamelles d’eau au jardin… les pétitions que tu signes inlassablement pour les règnes vivants et qui te dépriment, les dons aux associations caritatives, le fait que tu te soucies de ne pas polluer ni de gâcher les ressources, ta politesse et ta patience lorsqu’il s’est agi de servir tes fonctions professionnelles. Oui, tu as toujours souhaité devenir philanthrope pour soulager les maux intolérables que sont la faim, les inégalités socio-économiques, les discriminations et autres maltraitances. Tu enrages que les très riches ne sont pas les plus généreux, mais « à qui il a été beaucoup donné, il sera beaucoup demandé », la justice divine est la plus juste, elle voit tout !
— Oui, c’est pour mes êtres aimés que je vis et pour soulager tant que je peux l’existence des êtres innocents et vulnérables. Je me souviens avec joie de mes deux séjours inoubliables sur les terres bibliques qui ont réjoui mon âme et me sauvent du désintéressement de la vie, ces personnes et ces lieux accueillants malgré un contexte conflictuel permanent. Je suis reconnaissante, j’éprouve de la gratitude de pouvoir être en relative bonne santé physique, mais j’ai hâte de trouver la sérénité du Royaume divin précédée de la Parousie, le retour de Jésus.
— Tu dois d’abord revenir afin d’achever ton pèlerinage et particulièrement accomplir tes missions relationnelles. Le règne humain est venu en dernier pour toi, c’est peu commun sauf pour les misanthropes. Toi qui sais t’exprimer brillamment, tu t’es complu dans le mutisme et a préféré la communication animale. Ton seul contact humain est ton voisin et tu vocifères, espérant le faire déménager, mais lui aussi a des missions, notamment celle de te resocialiser. Alors, quand tu seras rétablie, tu feras l’effort, du moins tu essaieras, d’aller à sa rencontre, plus souriante et d’enterrer la hache de guerre dont tu es seule responsable. Tu ne supportes pas le bruit certes, mais encore moins de voir son bonheur social et professionnel : vie maritale heureuse et vocation lucrative, tout ce que tu as partiellement raté malgré tes qualités humaines et ton potentiel intellectuel. Ma fille, tu n’auras pas à le regretter, cette future relation t’apaisera et t’enrichira de joie. Je t’aime, à bientôt au-delà du temps et de l’espace.
— Mais, je veux rester dans ce monde de félicité éternelle ! je me sens enfin pleinement sereine, la seule fois où j’ai ressenti un semblant de cette sérénité c’était en réanimation après ma neurochirurgie, j’étais lucide, mais je planais… non, non pas revenir… où suis-je ? Papa ? Non, c’est mon voisin qui sourit. Vous vous fichez de moi ? Zut, pardon et merci de m’avoir porté secours voisin.
— Vous pouvez m’appeler Nathaniel.
— OK et vous Lalie. Autant se tutoyer, hein ? Et recommencer sur de nouvelles bases ?.
— Oui ! selon saint Jean : celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est Amour. Pour toi Lalie, tu l’as connu partiellement, car tu n’as pas aimé universellement l’être humain ».
— OK, tope là, on devient amis et plus que voisins ? Je veux commencer ma rédemption. Cet accident m’a révélé combien j’étais ultra centrée sur ma personne à me lamenter tout le temps. Faire la rebelle (qui en plus ne sert à rien), c’est répéter le péché originel : croire devenir l’égal de Dieu et refuser orgueilleusement son plan. Je vais user de mon talent pour l’écriture et l’administratif en aidant les autres, écrivaine publique bénévole c’est recherché ! C’est fascinant d’écouter la vie des gens et de savoir que l’on peut précieusement aider. Cela m’aidera aussi car le bonheur, c’est le partage. Je vais contacter la paroisse et la mairie.
— Loué soit Dieu, moi je te réponds : Yes, affaire conclue pour notre amitié !
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