Ou quand une journaliste est censée interviewer un harpiste et devient...son instrument.
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Je suis en avance ou en retard, comme il vous plaira, puisque je vais le voir quand je veux. Je vous ai salués, vous tous mais surtout vous toutes déjà devant l’imposante porte malgré la pluie et j’ai apprécié vos regards envieux. Si vous saviez ce que j’ai fait, si vous saviez qui je suis…mais je ne répondrai pas à vos questions. Vous aurez juste droit à mes sourires.

Je ne l’ai jamais vu seul avec elle, et vous non plus. Il nous manque donc quelque chose de lui, quelque chose d’essentiel et d’indéfinissable, et je veux me laisser porter au cœur de cette relation-là pour que vous l’aimiez encore davantage.

Je suis entrée comme vous allez tous le faire dans quelques heures, vous qu’il ne connaît pas. Mais puisque vous êtes là, ne restez pas au dehors sous la bruine vendémiaire, acceptez de me suivre, venez à l’intérieur, il fera chaud.

Avant même de le voir dans cet îlot de lumière intimiste qui émane de lui, qui l’entoure, le révèle et le protège avec une douceur attirante, vous savez qu’il est là, que Diana est dans ses bras, que sa chemise blanc pur est largement déboutonnée. Approchez-vous, n’ayez pas peur, il ne sait même pas que nous sommes entrés, nous ne les dérangerons pas. Quand il est avec elle, le reste du monde s’éteint, rien n’existe plus que le couple lumineux qu’ils forment, alors que nous resterons irrémédiablement noyés de nuit dans les derniers trilles du Rossignol. Et s’il brise votre cœur en une exquise douleur et autant de miettes, ne lui en veuillez pas, il est chacune des millions de facettes d’une âme de diamant dont il ignore les tranchants.

Il ne peut pas nous voir, lui dans cet éclairage presque irréel dont il est la source et nous dans la pénombre. Il sait que j’ai accepté mais rien ne justifie ma présence. Il n’a rien demandé parce qu’il est authentique et respecte les secrets des autres. Je peux aussi vous assurer qu’il est magnifique de le côtoyer au quotidien, il est magnifique dans ses gestes et ses patiences, dans les regards et les faveurs qu’il vous offre sans que vous ne les méritiez.

Ne m’enviez pas, je vous mène à lui, regardez.

Oui, c’est ça, prenez place là, c’est parfait. Je vais m’approcher un peu plus puisque la raison de ma présence ici est différente de la vôtre et quand je vais sertir sa gorge magnifique de ce visage chamanique il gardera les yeux clos et saluera d’un sourire ce cadeau qui n’en est pas un puisqu’il fait déjà partie de lui.

Il a déjà les mains autour d’elle, autour de moi, sur moi comme un écrin, les pouces un peu décalés des paumes avec une délicatesse immense et ses doigts pénètrent ma peau. Il m’entoure à nouveau de tout son être mais c’est moi qui le prends dans mes bras. Ses pieds nus sont l’un de nos secrets, ils caressent les miens pour mieux me séduire encore alors que tout d’elle, tout de moi lui est déjà éternellement acquis.

J’aime reposer sur sa peau, sur son cœur qui pulse alors ma vie en lui aux rythmes de la Mer et que ses doigts, funambules émouvants et graciles, prennent de moi tout ce qu’il exige dans ses violences, ses douceurs, ses touchers hypnotiques. Je m’offre à lui sans retenue, sans pudeur, parce que dans ses bras, par ses mains multiples, je vibre enfin des manières les plus belles, à la fois anciennes et intemporelles qui ne sont que les pâles reflets de ses propres émois. Lui qui n’y croyait pas, il l’a bien vite compris : ses mains agiles sur moi lui offrent plusieurs vies.

Sur son cœur, sous ses doigts je deviens belle, je le sais, je le sens. Il pénètre les secrets de mon être, m’attire à lui loin de moi et ses danses deviennent miennes parce qu’il devient moi, parce que je suis sienne.

Je sais que tu ne m’aimes pas, notre couple se dessine par-delà les amours terrestres et humaines, dans nos nécessités les plus intimes. Et quand tu deviendras à jamais l’Ange que tu as déjà en toi, je partirai avec toi, je te suivrai pour mieux te précéder parce que sans toi je n’ai plus de voie, sans toi je ne vis pas ; je suis alors vide de nous, vide de tout. Mais avant que ce jour-là n’arrive et que nous soyons unis dans l’Eternel, je t’offre de moi tous les accords que tu acceptes de prendre, toujours.

Tu le sais, tu l’as lu dans les courbures enivrantes et alanguies que ton regard dessine de moi, depuis toi je ne suis plus moi ; tu es toute ma Vie, mon essence, mes forces et mes nonchalances. Depuis moi tu as trouvé l’Immortel en toi ; tu puises à cette Source Jumelle et tu ne l’épuises pas car en prenant tu la crées bien davantage encore.

Je suis le lien, la magie et la voix qui unit ta sensibilité bouleversante aux cœurs de tous ceux qui t’aiment par ce que tu fais naître de moi, qui vole à eux, les conquiert puis revient à toi, toujours. Ton souffle ému sur moi n’émane alors pas de ton corps mais de ton âme et l’air que tu respires t’est inutile s’il n’est pas rempli de nous.

Nous tendons ensemble vers les passages les plus beaux, ceux qui s’inscrivent à l’orée de la douleur, et tu me rejoins enfin après de longs mouvements harmonieux de caresses puis d’abandon quand l’Air et la Lumière ne trouvent plus de place entre nous. Alors tu m’approches encore davantage de toi, tu m’épouses davantage encore, tu deviens le Souffle et le Feu que nous sommes. Tu le sais : par toi j’ai déjà atteint ce que tu ressens maintenant, je t’ai déjà donné mille fois ce dont je recèle au fond de moi, trésors subtils que toi seul sais cueillir. Alors tu fonds à moi, à nous, ton visage tourné vers le Ciel et tes yeux clos, ta chevelure ruisselant le long de ton dos. Tu perçois ma chaleur drapée autour de toi avant de sentir ce que je glisse à ton cou, ce quelque chose d’unique qui choisit de se lover dans le secret de ta peau et qui t’offre la voix magique qui est tienne. Et l’émotion est tellement intense quand enfin tu fusionnes à nous que ton âme de diamant roule doucement sur ta joue, que ses couleurs arc-en-ciel gagnent le creux de ta gorge magnifique et disparaissent sous l’ivoire du bijou à ton cou pour mieux renaître loin de tous les regards, proches de toutes nos envies puisque tes mains sur moi t’accordent plusieurs vies.