Créé le: 24.09.2018
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Le monstre de la vallée

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« Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan. L'invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre. » Charles Baudelaire
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Une fois arrivé au bout de la ligne du chemin de fer, j’avais poursuivi le chemin dans la diligence aussi loin que possible, et à présent je traversais la forêt à pied.

Le hameau où vivaient presque toutes les victimes se trouvait au pied des montagnes, au fond de la dernière des vallées. Le glacier qui le surplombait était la source du torrent que j’entendais gronder en contre-bas. Un autre village se développait à l’entrée de la vallée et un vieux pont en pierre à mi-chemin des deux était le seul moyen de traverser les eaux.

Mon enquête concernant la dizaine de morts étranges survenues ces dernières années s’annonçait difficile. La forêt était dense et compliquerait les recherches. Les témoignages des paysans et des chasseurs du fond de ces vallées ne viendraient pas spontanément en présence d’un intrus. Les indices étaient, d’après le peu d’informations dont je disposais, presque inexistants. L’origine de ces décès, qui se faisaient de plus en plus fréquents, était totalement inconnue. Même si, selon mes supérieurs, un loup ou un lynx devait traîner dans la région. Dans tous les cas, les consignes étaient claires : il fallait mettre un terme à cela et rapidement. Pour ce faire, je pouvais utiliser tous les moyens que je jugerais bons. Une telle liberté d’action signifiait que mes supérieurs sédunois de la gendarmerie avaient besoin d’affirmer l’efficacité de nos interventions.

Je trouvai enfin le petit chemin de chapelles devant me mener au village. Je le suivis et je devais bien en être à plus de la moitié lorsque j’entendis soudain une voix  :

– Que faites-vous là ?

Je tournai la tête et découvris un homme en train de m’observer à quelques mètres au-dessus de moi. Il était grand, robuste, vêtu d’un habit de chasseur, avec le visage fermé et un regard qui me scrutait

avec une certaine antipathie.

– Bonjour, répondis-je. Je suis envoyé par le gouvernement pour enquêter sur les morts qui se sont produites dans cette vallée.

– Voilà autre chose. Il descendit de son escarpement et vint me serrer la main. Je m’appelle Raiss.

– Josserand, enchanté.

– Je ne pense pas que vous trouverez grand-chose, ce qui a tué ces gens ne semble pas vouloir être arrêté. On a déjà essayé.

– Eh bien j’essayerai quand même.

Il me dévisagea un instant.

– Si cela vous amuse. Le village est par là, vous y êtes presque. Je vous laisse y aller, j’ai à faire.

– J’aurais aimé en savoir un peu plus sur ces morts.

– Je n’ai pas le temps. Puis il ajouta devant mon air insatisfait : Mais passez donc chez moi un de ces jours, nous reparlerons.

Je le remerciai et il se détourna. Cette discussion confirmait mes craintes sur le manque de collaboration des habitants. Je repris ma progression en suivant les petites chapelles.

 

Au bout de ces dernières, je découvris la petite église. Un prêtre se tenait entre les rangées de bancs. Tandis que je m’approchais, il me vit et me rejoignit à la porte d’entrée. Son nom était Oggier, un homme rempli d’énergie mais chez qui l’âge commençait à se faire sentir. Je lui expliquai rapidement les raisons de ma venue.

– Mon fils, je crains que tous vos efforts ne soient vains, me répondit-il. Nous ne pouvons rien faire contre les forces qui nous dépassent. Cette créature est l’œuvre du Diable. C’est un fléau envoyé pour nous punir et nous priver de ceux que nous aimons. Il n’y a rien que nous puissions faire à part prier Dieu pour qu’il nous épargne, fit-il avec un air grave.

– Êtes-vous certain qu’il ne puisse pas s’agir d’une bête de notre monde mon père ?

– J’ai toujours vécu dans ces montagnes et je n’ai jamais vu un animal faire un tel carnage. Cette créature ne tue pas pour se nourrir, elle tue pour tuer. Bien sûr que les loups sont dangereux, mais ils ne tuent pas des hommes adultes. D’ailleurs, nous l’aurions attrapé depuis le temps. Si cette créature a su se cacher pendant tout ce temps c’est qu’elle disposait de pouvoirs qui ne sont pas de ce monde.

– Il reste la possibilité qu’il s’agisse d’un tueur humain, rajoutai-je, toujours sceptique quant à ses élucubrations.

– Aucun homme n’est assez cruel pour faire cela.

– Ne dit-on pas, dans la bible, que le cœur de l’homme se remplit parfois du désir de faire le mal ? lui fis-je remarquer en me servant de mes restes de catéchisme.

– Il y a en effet une parole semblable dans l’Ecclésiaste. Parfois le cœur d’un homme est trop empli de haine, elle coule dans ses veines depuis toujours et à force d’être écoutée elle finit par s’imposer… Et après un temps de réflexion, il conclut : Mais je ne crois pas que les gens d’ici puissent faire cela à leurs propres enfants, aux membres de leur famille.

Comme la nuit commençait à tomber, je le laissai à ses occupations pour trouver un endroit où m’installer.

J’atteignis enfin l’auberge. Une vieille bâtisse aux poutres grinçantes faisant office de bistrot, de restaurant et d’endroit pour louer une chambre, bien qu’il ne devait en comporter que deux ou trois. Le patron, M. Appert, m’accueillit avec un large sourire, comme un client attendu depuis longtemps. C’était un homme plutôt rond, jovial et portant une large barbe noire.

Une fois installé, je lui expliquai les raisons de ma venue.

– Ah c’est une chance que vous soyez là ! répondit-il. Il était temps que les autorités fassent quelque chose pour arrêter ce massacre !

En poussant la discussion, je pus obtenir les renseignements qui me manquaient concernant les faits. En un peu plus de trois ans il y avait eu treize morts, dont un homme qui avait disparu sans que l’on puisse en savoir les causes, deux autres hommes, sept femmes et trois enfants. Les dernières attaques étaient plus rapprochées entre elles. La plupart des corps étaient mutilés, certains déchiquetés, éviscérés et les deux derniers décapités.

– Si vous voulez mon avis, dit le patron, il n’y a qu’une bête pour pouvoir faire ça. Qui pourrait tuer autant de gens qui n’ont rien fait ? En plus des enfants !

– Il y a des fous très dangereux.

– S’il y avait un fou dans le coin on l’aurait repéré il y a longtemps ! Et puis vous avez vu ce que peut faire un loup affamé ? En plus, on a des lynx dans la région.

Il était vrai que je ne croyais pas beaucoup à la probabilité qu’un homme ait pu faire autant de morts et massacrer ainsi les corps. Le fait que la plupart des victimes soient des enfants ou des jeunes femmes, et donc des proies plus faciles, correspondait aussi au comportement d’un animal. Mais de quel genre

de bête pouvait-il s’agir ? Je n’avais jamais entendu parler de cas similaires concernant des loups, ou même des lynx.

Avant d’aller me coucher, je décidai de profiter de la facilité de parole de mon hôte pour savoir à qui j’avais eu affaire :

– J’ai croisé un homme sur le chemin, un certain Raiss, vous le connaissez ?

– Oh Raiss, bien sûr que je le connais ! Tout le monde le connaît ici. C’est un ancien chasseur. Il vit en dehors du village, au milieu de la forêt. Il vient de temps en temps. La plupart des gens ne l’aime pas. C’est vrai qu’il n’est pas très sympathique. Je crois qu’il n’aime pas trop la compagnie. Mais il ne m’a jamais posé de problèmes.

Je le remerciai pour ses précieuses informations et partis me coucher.

 

Durant la semaine qui suivit, je visitai le village et rendis visite aux familles des victimes. J’inspectai aussi les lieux où l’on avait découvert les corps, sans trouver le moindre indice. Il régnait dans le village une haine contre cette bête qui terrorisait la vallée depuis trop longtemps. Cependant, une certaine forme de fatalisme semblait avoir gagné une partie des habitants.

 

En rentrant au village lors de mon septième jour de présence, une vieille femme – que j’appris plus tard, de M. Appert, être considérée soit comme une gentille folle, soit comme la sorcière du village – m’interpella depuis le rocher sur lequel elle était assise :

– Il paraît que vous cherchez la bête. Je ne pense pas que vous soyez prêt.

Je m’approchai d’elle et lui demandai de développer sa pensée. Elle m’expliqua, sans me regarder, que de nombreux monstres rôdaient dans les forêts de nos montagnes, des créatures que les gens ne prenaient plus au sérieux. Mais que maintenant ils devraient bien accepter l’existence de ces choses. Les ombres vivaient plus proches de nous que beaucoup le pensaient.

Lassé de l’entendre se perdre dans des histoires obscures, je fis mine de vouloir partir. Elle m’agrippa le bras et, en me fixant du regard, me dit :

– Tenez, c’est de l’aconit, en me tendant quelques fleurs séchées. Cela pourrait vous servir.

– Écoutez, au moment où je trouverai cette bête, ce ne sont pas vos fleurs qui me protégeront.

– Vouloir se défendre est déjà important. Les gens croient que les ombres vivent à l’extérieur, ils s’imaginent des bêtes rôdant dans la forêt, vivant au fond des grottes. La vérité, c’est que les ombres vivent déjà en nous.

Et elle se remit à fixer le lointain d’un air vague.

Voyant que je ne tirerais rien de plus de sa part, je la saluai et rentrai à l’auberge.

 

Dix jours après mon arrivée, un jeune homme déboula en hurlant sur la place du village. Il demandait de l’aide et semblait effrayé. Je suivis le groupe qui s’était précipité à sa suite. Il nous conduisit à travers la forêt jusqu’à une petite étable. Le berger qui l’occupait gisait contre une pierre. Du sang coulait de son ventre et il semblait sur le point de perdre conscience. Le jeune homme l’avait trouvé ainsi en venant lui amener quelques provisions. Nous tentâmes tout ce qui était en notre pouvoir pour le sauver, mais il s’éteignit peu de temps après notre arrivée. Il eut toutefois le temps de décrire la

chose qui l’avait attaqué : un loup, mais plus grand qu’un animal ordinaire, aussi robuste qu’un ours et plus agressif. Tout le monde conclut que la bête avait encore frappé.

Je savais maintenant qu’il s’agissait d’un loup plus grand que la moyenne, ou d’un autre animal assez ressemblant pour être confondu avec lui. Un seul point m’intriguait dans cette version ; pourquoi avait-il pris le risque d’attaquer le berger, alors que tous les moutons étaient à l’extérieur et qu’aucun ne semblait blessé ?

Je m’apprêtais à suivre le cortège ramenant le corps au village lorsque je réalisai que nous ne devions pas être loin de la maison de M. Raiss. Je décidai donc de lui rendre visite pour continuer la discussion de notre première rencontre et lui demander s’il n’avait rien vu rôder qui ressemblerait à un gros loup. Après avoir vérifié la direction auprès de l’un des villageois, je me mis en chemin.

Je marchai pendant une demi-heure et trouvai enfin son petit chalet. J’appelai de l’extérieur et frappai à la porte. Comme personne ne répondait, je pris la liberté d’entrer. Je vis Raiss, assis par terre dans un coin du salon. Il semblait apeuré.

– Eh bien, que se passe-t-il ? demandai-je, inquiet.

– J’ai vu la bête. Je l’ai vue, comme je vous vois. Elle était si proche…

– Quand l’avez-vous vue ?

– Ce matin.

– Elle ne vous a rien fait ? Tant mieux. Vous avez eu de la chance.

– Je n’ai rien pu faire, mon corps refusait de bouger et de m’obéir, je ne me contrôlais plus… Normalement je sais me contrôler.

– C’est très naturel, le rassurais-je. Parfois, quand nous avons peur, le corps se fige et nous ne sommes plus capables d’agir.

Il était réellement paniqué, je ne m’attendais pas à le voir dans un tel état. Il était si différent par rapport à notre première rencontre. Les airs que l’on peut prendre ne cachent pas éternellement ce que l’on est, songeais-je.

Après un moment passé à le rassurer, il se redressa et repris confiance. Je le questionnai sur l’allure de la bête et le lieu de leur rencontre. Il me répondit avec son antipathie retrouvée qu’elle ressemblait à un gros loup et me décrivit l’endroit.

Comme il ne semblait pas vouloir que je reste plus longtemps, je le remerciai et me préparai à retourner au village.

– Vous feriez mieux de rentrer chez vous, me dit-il sur le pas de la porte. Quand une bête a goûté au sang humain, elle n’y renonce jamais. Et elle devient très dangereuse.

Je le remerciai pour son conseil mais indiquai que c’était pour cela que je comptais bien mettre fin à ces meurtres. Il acquiesça de la tête et ferma la porte. Je m’engageai sur le chemin du retour.

Je réfléchis à la situation durant le trajet. Étant certain que la bête se trouvait à proximité du village, je décidai d’organiser dès le lendemain une grande battue à travers la forêt pour la dénicher. Je fis donc passer le mot et convainquis tous les hommes du village de s’armer de leur fusil.

Le lendemain, je mis en place le dispositif de recherche. Si la bête avait été vue deux jours auparavant par M. Raiss et qu’elle avait attaqué le berger la veille, nous pouvions supposer qu’elle continuait à avancer dans la même direction. J’envoyai donc les habitants un peu plus loin que la maison du

berger. Je décidai d’aller chercher Raiss, car nous aurions besoin de tous les hommes sachant se servir d’un fusil. Le ciel était gris et une légère brume se levait. Les recherches risquaient d’être infructueuses, mais nous ne pouvions pas laisser passer cette occasion car nous ne savions pas quand la bête referait une apparition.

Je me dépêchai de me rendre au chalet de Raiss, que je trouvai vide. Je l’appelai et cherchai autour de sa maison lorsque j’entendis un cri effrayant. Je courus dans sa direction, de plus en plus inquiet, et m’arrêtai au sommet d’une pente. Dans la clairière en contre-bas, je vis une sorte de loup gigantesque courir puis s’arrêter. Je n’en croyais pas mes yeux, je n’avais jamais vu un animal si grand. Le loup se redressa alors sur ses pattes arrière. J’écarquillai mes yeux ; il semblait perdre en muscles et en poils. Petit à petit, son museau et ses oreilles se raccourcirent et sa taille diminua pour bientôt laisser place à un homme. J’étais déjà stupéfait, mais je reconnus alors, sous les anciens traits de ce monstre, M.Raiss.

Par réflexe, sans prendre le temps de réfléchir, je pris mon fusil, y introduisis la poudre, la bourre et une balle, tandis qu’il sortait ses vêtements et se rhabillait. Je ne dus pas être assez discret, car il tourna sa tête vers moi. Son visage semblait empli de haine et il se mit à courir dans ma direction. Je le visai mais ratai mon tir. En le voyant se rapprocher, j’abandonnai mon fusil et me mis à fuir le plus vite que je pus.

J’allais entre les arbres, sans savoir quelle direction suivre, les branches s’agrippaient à mon manteau, je sautais sur les rochers, j’entendais derrière moi les bruits de plus en plus bestiaux de mon poursuivant.

Je m’engouffrai entre deux rochers et un arbre tombé. Je me retrouvai dos à une paroi rocheuse, et face à une bande de terre qui longeait le vide. Je voulus faire demi-tour mais me retrouvai face à la gueule de la bête qu’était redevenu Raiss. Il bloquait la sortie, mais le passage était trop étroit pour lui permettre de passer. J’eus l’impression de contempler la mort qui hurlait pour me récupérer. Je me ressaisis et cherchai mon pistolet, introuvable. Il avait dû tomber durant ma course. Lorsque je relevai la tête, il n’était plus là. Je tendis l’oreille, rien. Je décidai d’emprunter la petite bande de terre.

Je la suivis en faisant attention à ne pas glisser jusqu’à me retrouver dans la forêt. Je fis encore quelques pas avant de me figer. J’observai Raiss, redevenu humain, sortir de derrière un arbre.

– Je vous avais dit de rentrer chez vous dit-il presque fatigué. Puis, comme pour lui : Je ne devrais pas encore le faire… Mais en même temps, ajouta-t-il dans un sourire, c’est tellement agréable. Il tourna sa tête vers moi et je vis son œil virer au jaune.

Sans en demander davantage je me remis à courir entre les arbres. Je me dirigeai vers ce qui semblait être la lisière de la forêt. Je m’arrêtai de justesse au bord du promontoire donnant sur le torrent. Je me retrouvai entre ce ravin, une paroi rocheuse et une petite falaise, dos à la forêt dont je sortais.

Coincé, je sortis mon couteau et observai le bois. Soudain j’entendis un craquement. Je me tournai et le vis bondir sur moi. Je tendis mon bras et enfonçai ma lame dans son ventre avant de m’effondrer sous la violence du choc. Sans doute surpris, il se déporta en hurlant. À cet instant, le sol, ne pouvant supporter un tel poids, se rompit et il tomba de la falaise.

Après un instant de stupeur, je m’avançai jusqu’au bord du promontoire et regardai. Son corps gisait une dizaine de mètres plus bas, en partie empalé sur un tronc d’arbre brisé. La majorité de son corps

n’était plus humain, mais une partie de son visage était toujours reconnaissable, bien que déformé par la haine dans une expression de sauvagerie.

Étant certain qu’il était mort, je décidai de m’approcher de lui. Après avoir contourné la pente qui me séparait du corps, je me retrouvai à ses côtés. Je fus surpris de constater que son visage semblait plus apaisé qu’auparavant. La haine quittait enfin son corps. Et son côté bête me paraissait moins étendu que je ne l’avais vu d’en haut. Je pensai que j’avais mal vu, mais plus je le regardais et plus il semblait redevenir humain.

Je cherchais que faire du corps et me demandais ce que j’allais raconter. Tandis que je regardais autour de moi pour inspecter les lieux, mon regard s’arrêta sur le bord du ravin. Sans plus réfléchir, j’ôtai le corps de son pieu de bois et le fis rouler pour le jeter dans les bras du torrent. Il disparut rapidement dans les flots.

Après un long moment à tâcher de remettre mes idées en place, je pris la direction du village.

J’arrivai à l’auberge lorsque la nuit était déjà tombée. Le salon était rempli. Les discussions à propos de mon absence à la battue s’entendaient depuis la rue. J’entrai en poussant la porte d’un coup sec. La surprise parut grande et l’on me questionna sur ce que j’avais fait et sur l’origine de mes blessures.

– La bête est morte, lançai-je.

Une grande émotion se fit sentir dans la foule réunie devant moi. Comment ? Qu’est-ce que c’était ? demandèrent des voix.

– Nous avons lutté un bon moment à travers la forêt. M. Raiss était là aussi. Lui n’a pas survécu. Leurs corps sont tombés dans un ravin. Je n’ai donc pas bien pu observer la bête. Mais il n’y avait rien

d’humain dans toute cette affaire. Je sentis comme une légère déception à cette annonce chez certains de mes interlocuteurs. Maintenant, conclus-je, vous n’avez plus rien à craindre. Rentrez chez vous, auprès de vos familles.

 

Je restai encore au village quelques jours, le temps de régler les détails et d’assurer la mort de la bête aux habitants. Ils tentèrent de retrouver son corps ainsi que celui de Raiss, sans succès. Après cela je quittai la vallée, laissant derrière moi ce village et enfouissant ces souvenirs au fond de ma mémoire, comme le corps au fond du torrent. Là où personne ne risquerait de les découvrir.

 

À cette époque, je pensais que certaines choses devaient rester secrètes, mais je m’interroge aujourd’hui sur ce choix. Je ne veux pas emporter ces souvenirs dans ma tombe. Mais faut-il dévoiler jusqu’où peuvent nous mener les haines tapies dans les ombres de notre âme ? Je laisse le soin de décider du destin de cette histoire à la personne qui trouvera ces quelques lignes.

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