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Il s'agit du texte que j'ai écrit durant l'atelier d'écriture de Sabine Dormond. Je l'ai retranscrit le plus authentique possible bien qu'il possédait quelques défauts. Il parle d'une surprise du quotidien d'une entité qui est là pour la simple raison qu'elle doit être là.
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Si loin de tout… Mais bien à la portée de moi. Cette silhouette dansante au sommet de ces toits manque de pas grand-chose pour espérer savoir voler. Une petite aide, une petite pichenette, un petit souffle ou peut-être même un petit rien qui ne nécessite nullement que quelqu’un se glisse derrière elle.

 

Je l’observe, me tapissant dans les ombres du sol. Je l’épie, de mes yeux perçants. Attendant le bon moment, l’opportunité ou l’invitation, de partir à sa rencontre.

Le vent glacial souffle au même rythme que les longues secondes défilent. Mais je sais faire preuve de patience, comme à chaque fois. Contrairement à elle, je sais ce que je fais là. Elle regarde ma position sans me voir, des dizaines de mètres nous séparent, en hauteur comme en longueur. Il m’est encore difficile de savoir si elle m’attend ou si mon apparition la surprendra.

 

Mais qu’attend-t-elle ? Est-elle trop timide ou peureuse pour faire le premier pas ? Je suis là et je n’attends que ça. Dans cette éternité que dure le présent, il n’y a que nous deux, et contrairement à elle, je sais qu’il n’y a que moi qui ne craigne pas la solitude. Il n’y a que moi qui n’ait rien que je puisse perdre.

 

Chaque chose a une raison, la mienne n’a rien de personnel. J’agis, car je me dois d’agir. J’agis, car c’est pourquoi ma présence est requise. Cette silhouette n’est pas la première et ne sera certainement pas la dernière sur qui mon étreinte tombera. Je ne suis pas ici par malveillance, ni même par bienveillance. Peu me comprennent, peu m’invitent, peu m’acceptent, mais aucun ne m’arrête car aucun ne le peut. Je regarde encore cette personne, perdue, en haut de cette structure de pierre froide comme l’hiver. D’autres personnes arrivent, la regardent apeurées. Elles n’ont pas conscience que je suis là. L’animosité augmente, ces êtres se bousculent certainement pour voir la vedette qui ne les salue même pas. Je réalise qu’elle ne les voit pas. Quelqu’un semble vouloir prendre place à ses côtés. Il est monté, mais pour rien, il ne m’intéresse pas, pas encore. Il essaie de lui parler, la vedette ne lui répond pas, il essaie de s’approcher, elle ne le calcule pas. Elle vient de me faire part de son appel, telle est une date de rendez-vous, nous nous rencontrerons aujourd’hui. En regardant la situation autour, omniprésente dans l’environnement, je rajoute à mon message bruyamment silencieux, que nos ultimes échanges de regard, ne viendront pas comme elle le pensait.

 

Inutile de fuir. Mais elle ne fuira pas. La vedette regarde en bas, la foule la suppliant de cesser. L’individu s’approche d’elle de plus en plus en vite, son approche n’a pour elle pas plus d’influence qu’une levée de poussière.

 

Abandonner. La voilà prête. La vedette s’apprête à faire le pas que j’attendais, au-dessus du vide. Avec lenteur, je sors des ombres, invisible aux yeux qui m’entourent. Mon approche fait aboyer les chiens, hurler les corbeaux dans le ciel gris. Comme prévu, mon approche incite la dernière tentative à se manifester. L’inintéressant individu réussi à attraper le bras de la vedette avant qu’elle ne saute pour me rencontrer. Par son intervention, la vedette arrête son action. Epiés par mon regard aussi fatal que le destin, les deux êtres s’enlacent. Chaque fin d’une vie enseigne aux autres deux choses essentielles…

 

Savoir dire adieux et accepter le départ de quelqu’un. Il faudra à l’individu comprendre ces leçons lorsqu’une tuile se détache et fait chuter la vedette jusqu’à moi.

 

L’atterrissage brusque de la vedette ne provoque qu’un bruit net et un craquement résultant à une forme humaine de laquelle sortent différents os. La foule qui l’entoure ne montre qu’un air confus et horrifié accompagné d’un silence plus pesant que celui d’un cimetière qui ne fut brisé que par un hurlement désespéré en provenance de la personne restante sur le toit.

 

Ce genre de spectacle fait partie de mon quotidien et ce n’est pas pour ça que je suis venu. Quelques instants plus tard, je fini par la voir apparaitre. L’âme que j’étais venu chercher regardait son corps charcuté par sa chute. Ma voix imperceptible pour les vivants la fit frissonner.

 

–          Voulais-tu vraiment me rencontrer ? Ou sentais-tu simplement mon approche ?

 

L’âme resta silencieuse, regardant son corps continuellement comme si elle faisait son deuil d’elle-même.

 

–          Ta venue ici sera douloureuse pour les vivants, mais nul n’échappe à son destin. La vie, comme la mort, ne constituent qu’une chose continuelle.

 

En lui tendant la main je continuais de lui parler.

 

–          Viens avec moi, comme la vie t’a amené à la naissance, c’est à moi de te guider vers l’au-delà, mais je te préviens, notre route passera par ce qui te retient.

 

A ces mots, l’âme se tourna vers moi et suite à une certaine forme de détermination, elle me dit.

 

–          Je ressusciterai.

 

Un bien étrange mot.

 

Certainement persuadée par une vision ou convaincue… Peu importe, elle me suivit. Son attitude déterminée s’amenuisait au fur et à mesure que nous marchions, le doute la suivait et son ombre semblait plus s’imposer à elle que la mienne. Je la conduisis plus loin, un peu en dehors de la ville. Là, se trouvait une petite maison. L’âme se montra d’un coup effrayée, constatant une résonnance entre elle et la modeste bâtisse. De cette résonnance, apparurent des formes floues. On y vit des enfants jouer au ballon sous l’œil d’un seul adulte. L’âme semblait terrifiée.

 

–          Après la disparition de ta mère, ton père mis tout en œuvre pour toi et tes frères et sœurs afin que vous puissiez garder le sourire.

 

Les formes changèrent ensuite, dévoilant une ado en colère envers cette forme adulte. Cette image éveilla une forme de tristesse à l’âme, comme si je lui racontais une histoire dont elle craignait et connaissait déjà la fin.

 

–          Mais à accumuler les sacrifices, il du s’attaquer à tes biens, t’interdire des choses, vendre des souvenirs chers. Tu lui en a voulu.

 

Les formes changèrent encore, montrant l’ado s’en aller sous le regard désolé de l’adulte.

 

–          En colère, tu as décidé de le laisser à sa misère, de l’oublier, et de prendre ta propre vie en main, sans jamais lui pardonner.

 

L’âme sembla partir en sanglot, mais sans la possibilité de verser de larme. Puis, je pointais du doigt la porte d’entrée alors que les formes disparaissaient.

 

–          Il est à l’intérieur, seul. Ta première paix à acquérir, c’est le pardon mutuel, pardonner et être pardonné.

 

C’est sous mon regard vide mais bienveillant, que l’âme se dirigea, pleine de crainte, vers l’antre de ses peurs.

 

Après avoir franchi la porte, l’âme vit la demeure presque propre. Un homme, vieux et faible, faisait la vaisselle en regardant par une fenêtre devant lui. Timidement, la défunte s’approcha de lui. Je la regardais se confesser à son père, parler par intermittence de ses souvenirs chaleureux à ses côtés, de l’importance de ce qu’il lui avait privé. Après quelques secondes plus longues, je l’entendais lui pardonner. Le plus facile était fait. Elle me regarda, son regard triste semblait me supplier de l’autoriser à s’arrêter là.

 

–          Tu dois le faire. Sans même t’entendre, il comprendra.

 

L’âme voulu me convaincre avec ces habituels arguments qui n’affectent ni ma pitié, ni mon empathie.

 

–          Je n’en ai que trop souffert, j’ai mal. C’est trop dur… Je… Je regrette… Tellement…

 

A ses mots, l’homme s’interrompit dans sa corvée, alors que mon regard pesant et insistant poussait à lui, le mur contre lequel l’âme était dos. Cette dernière céda. Se mettant à genoux derrière son père, elle fini par confesser sa requête.

 

–          Je te demande pardon pour tout. Pour l’incompréhension de la nécessité de tes actes, de celle de ta souffrance. Pardonne-moi de t’avoir laissé. Pardonne-moi de réaliser trop tard que j’aurai du revenir…

 

Un silence de quelques secondes s’éternisa puis, une phrase sorti de la bouche de l’homme avec une grande sincérité.

 

–          Je te pardonne.

 

L’âme brilla d’un coup d’une lueur plus prononcée. Un poids la maintenant en ces lieux, venait de disparaître.

 

L’âme sembla plus légère, libérée de ce fardeau, elle me sourit. Ceci fit pour moi une étrange sensation car les sourires qui me sont destinés sont rares.

 

En sortant de la maison, l’âme s’arrêta un instant. En me retournant, je voyais qu’elle regardait la maison comme si elle regardait son passé, comme si elle était prête à quitter plus de chose que je le pensais.

 

Au fil de mon existence, j’ai vu toute sorte de personne à faire passer dans l’au-delà. Des résiliés qui avaient mis de l’ordre dans leur vie avant leur trépas pour être prêt pour le voyage. Des héros tombés pour une cause, me rencontrant satisfaits de ce qu’ils ont accomplis. Des terrifiés dont les nombreux regrets m’ont fait prendre le temps nécessaire pour les emmener à destination. Des suicidaires faussement résolus dont la totalité de leur vie est une tristesse à consoler. Mais jamais, jamais je n’avais vu une telle âme. La perte de tout au fil de sa vie l’avait poussé à se précipiter son trépas, mais sa force d’âme, lui a fait réaliser qu’elle avait déjà eu ce qu’elle désirait et ce qu’elle avait eu besoin.

 

Bien qu’étant une âme, elle prit une grande inspiration puis revint à moi, plus lumineuse que je ne l’avais prévu en l’amenant ici, à cette maison, témoin de ses années les plus vivantes. Elle me dit avec une voix spectrale forte.

 

–          Je ne reviendrai pas à la vie, je ne le désire plus. Emmène-moi jusqu’au bout du chemin.

 

Mon visage, macabre et stoïque, connaissais néanmoins désormais, une certaine admiration. Une sensation qui m’était encore inconnue jusqu’à ce jour.

 

–          Bien, dirigeons-nous dans ce cas au point de ta dernière attache…  L’acceptation, pour toi, comme pour ceux que tu laisses avant de définitivement partir.

 

L’endroit où je l’emmenai ensuite, pris un certain temps à apparaître, mais dans sa situation, il était nécessaire. Ce sera là, que sa présence dans ce monde se terminera, entourée par des vivants.

 

Les cloches des églises retentissaient au milieu des tapotements continu de la pluie. La défunte à mes côtés ou plutôt moi aux siens, nous regardions cette foule de vivants habillés de noir dont les parapluies formaient un toit de soie. Ces personnes silencieuses, écoutant les paroles d’un prêtre, entouraient une tombe encore ouverte, chacun, une fleur à la main. Parmi eux, se trouvaient plusieurs personnes qui avaient assisté à la chute de la vedette, le père de cette dernière, à peine quelques personnes qui lui partagent quelques traits familiaux, l’individu qui l’avait empêché de sauter, et quelques autres.

 

Après ce long discours, tout ce rassemblement lança ses fleurs dans la tombe, avant de s’en aller. Nous restâmes ici des jours, le temps n’étant désormais plus une préoccupation pour elle, ils passèrent comme des secondes.

 

Le temps, je le lui l’avais laissé, elle s’approcha de la tombe qui, fermée, était désormais décorée de fleurs, sa présence acceptée dans le royaume de la vie.

 

M’approchant, je lui mis mes mains sur ses épaules. Dans ses mains, apparu une fleur.

 

–          Quand tu es prête.

 

Lui dis-je.

 

Elle mit la fleur dans le vase de la tombe. Suite à cela, elle me fit face. Alors qu’elle se mit à briller, plus intensément qu’elle ne l’ait jamais fait, l’âme me souri. Mon visage impassible, était ma seule possibilité de réponse. Quand soudain, elle vint vers moi, m’enlaça… Me remercia… Avant de disparaître… A toi de découvrir ce que l’avenir te réserve dans l’au-delà…

 

Fin

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