Créé le: 28.09.2018
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L’aigle et l’hirondelle

Animal! 2018

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© 2018-2024 Eroda Tej Ayli

Anna est Gréco-Suisse. À l'âge de 11 ans, elle est arrivée en Suisse où elle vit depuis 35 ans. Depuis un an, elle souffre de crises d'angoisse liées à la présence dans son salon d'un aigle pétrifié dont elle ne peut pas se débarrasser pour des raisons sentimentales. Un jour, une femme grecque inconnue l'appelle à l'aide car elle et son fils de dix ans sont dans le besoin. Anna va-t-elle répondre à l'appel au secours de sa compatriote ou résister au danger que lui inspire cette inconnue aux motifs secrets ?
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L’aigle et l’hirondelle – Page 1

 

L’aigle et l’hirondelle

 

Anna a de nouveau très peu dormi. Elle s’est réveillée, comme tous les trois jours cette année, au milieu de la nuit. Les yeux de l’aigle qui se trouvait dans la pièce d’à-côté la poursuivaient. L’attaque semblait être imminente. L’aigle était pétrifié,vendu comme souvenir bizarre par les locaux à un prix modeste.

 

Petros l’avait amené, de retour de la Tanzanie, il y a une dizaine d’années. Il avait décoré son bureau avec, un bureau blanc minimal qui ressemblait à un cercueil avec l’animal posé dessus. Anna n’avait pas apprécié mais ce n’était pas son bureau et ce n’était pas à elle de le décorer.

 

Depuis, le bureau avait été transporté dans son salon, dans un coin, et l’aigle s’y trouvait à présent. Il la regardait tous les matins s’habiller en vitesse, et tous les soirs lire ou revoir des documents.

 

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” On l’a trouvé près du lac Natron, dont l’eau est mortelle ” lui avait expliqué Petros. ” Tu vois, il y a une forte concentration de carbonate de sodium hydraté et de bicarbonate de sodium, on appelle ça le natron. Les Égyptiens l’utilisaient comme agent asséchant lorsqu’ils momifiaient les corps ! Du coup, plein d’animaux qui s’y promènent s’y retrouvent pétrifiés “.

 

Anna avait parlé à son psy de la carcasse d’oiseau dans son salon. Elle pensait que cet animal mort était responsable de ses angoisses qui semblaient à chaque fois être mortelles, du danger immédiat qu’elle ressentait soudainement.

Son psy n’avait pas donné de réponse, par contre il lui avait posé des questions factuelles, si elle avait des palpitations, sueurs, tremblements etc. Anna avait voulu se débarrasser de l’animal mais personne n’avait voulu l’accueillir.

 

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– Pourquoi tu ne le jettes pas ? lui avait demandé sa mère.  Anna n’y arrivait pas. Ce serait déloyal.

Petros n’aurait pas été d’accord. Ses yeux brillaient de fascination quand il parlait du lac qui attirait les oiseaux, puis les tuait: ” Certains scientifiques avancent l’hypothèse que les eaux de ce lac agissent comme un miroir. Les oiseaux pensent qu’ils volent vers le ciel mais ils s’y écrasent à pleine vitesse. “

 

Et puis si elle s’en débarrassait et que les crises d’angoisse empiraient ? Anna n’a jamais été superstitieuse, mais dans sa confusion elle ne pouvait pas exclure une malédiction.

 

Anna arrive au bureau avec une migraine. Elle assiste à deux réunions pendant lesquelles sa migraine empire malgré les médicaments. Peu après, sa secrétaire sonne pour demander si elle peut lui passer un coup de fil.

 

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–  C’est une dame grecque. Je n’ai pas retenu son nom, elle me dit que c’est très urgent, se justifie-t-elle.

–  Je lui parlerai merci, dit Anna, la voix affaiblie.

 

La dame parle engrec à voix haute et très rapidement. Elle doit être dans la rue parce qu’il y a énormément de bruit. Anna ne comprend pas tout. Apparemment la femme, une cousine lointaine d’un ami d’enfance, se trouve à Genève avec son jeune enfant et a besoin d’aide. Elle a trouvé son numéro dans l’annuaire.

 

Anna propose de la rencontrer à la fin de la journée pour discuter calmement. Elle lui donne son adresse.

 

–  Fais gaffe, lui dit sa mère pendant la pause-déjeuner. Elles se voient deux fois par semaine pour se remonter mutuellement le moral.

–  Je n’ai rienpromis, se défend Anna. On va juste parler, histoire de comprendre sa situation.

–  Certes, mais elle me semble être un peu louche. Déjà tu n’as pas vu Stamatis depuis 35 ans, et elle, sa cousine soit-disant, te cherche ici à Genève ? Sans que lui se mette en contact auparavant ?

 

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Anna réfléchit. Sa nature lui fait voir d’abord le bien chez les autres.

–  Tu es encore fragile, ma puce, continue sa mère, et susceptible d’être exploitée. Tu te souviens encore du jeune serbe dans la rue l’autre jour ?

–  Il était croate ,maman, la corrige Anna. Et au fait je n’ai rien fait à part lui parler et l’amener à une pharmacie. Il était dans un état lamentable, avec plein de blessures au visage.

– Tu étais prête à appeler ses parents, lui payer même un billet pour retourner à son pays, lui rappelle sa mère, et lui il s’est enfuit en attendant le pharmacien.

–  Il avait des problèmes, voilà ! dit Anne en soupirant.

–  C’était un drogué chérie, dit sa mère en lui caressant le dos. Ce n’est pas en aidant les inconnus que Petros sera de retour, tu sais …

Anna sent uneboule dans son estomac. Du coup elle n’a plus faim. Elle s’excuse et part car elle a plein de boulot.

 

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Le soir, en arrivant chez elle, elle trouve une femme un peu plus jeune qu’elle en train de patienter devant son immeuble. Un gamin au gilet gris est à ses côtés.

–  MadameHatji, enchantée de faire connaissance, je suis Irini, elle lui tend la main.

–  Appelez-moi Anna, on peut se tutoyer,  Anna essaie un sourire tout en remarquant la poignée demain forte de la dame.

–  Lui c’est Yannis, dit la femme en lui indiquant de les suivre.

Anna est allée acheter deux pizzas, elle n’a pas le temps de cuisiner et c’est l’heure du souper, et puis les petits aiment les pizzas. Yannis mange avec grand appétit, il boit tout son jus d’orange. Sa mère hésite d’abord, puis elle formule clairement sa demande.

–  En fait jevois que vous avez un bel appartement, sans doute avec une chambre d’amis … Je voudrais vous demander s’il vous plait de nous laisser, Yannis et moi, loger chez vous, juste pour quelques jours ou semaines, jusqu’à ce que je trouve un boulot ici. Les hôtels sont tellement chers ici !

 

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Anna ouvre de grands yeux. Elle n’est pas préparée à cela. Elle commence à expliquer que c’est un moment délicat pour elle, et puis qu’elle ne les connait pas … mais elle estprête à les aider, elle connait des associations qui peuvent les aider, voire les héberger.

À ce moment-là, le téléphone portable d’Irini sonne et elle doit s’excuser. Elle va sur le balcon.

 

Pendant qu’elle parle d’un ton irrité au téléphone, Anna observe le petit qui s’est approché de l’aigle et l’observe attentivement.

–  Il est beau, dit le petit. Où est-ce que vous l’avez acheté ?

–  Eehhh, Anna sent un malaise soudainement. Je ne l’ai pas acheté. Il appartient à mon frère.

Anna n’arrive toujourspas à employer le passé quand elle parle de Petros.

–  Et il est où votre frère ? Le garçon est curieux.

–  Il est parti… disparu, repond Anna, la voix sèche.

– Je vois, le petit bouge sa tête en signe de compréhension, comme mon papa. Lui aussi il est parti.

 

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Après un moment de silence, le garçon commence à raconter en bougeant ses mains, comme si il dessinait dans l’air :

–  On a appris plein des choses sur les aigles à l’école. Moi j’aime bien l’aigle royal. Il est brunfoncé, avec un plumage plus brun-doré sur la tête et le cou.  J’ai lu qu’il est monogame. Ça veut dire que le mâle et la femelle sont unis souvent pour la vie. Chaque printemps la femelle pond quelques œufs mais la plupart du temps un seul jeune survit : le plus fort agresse et finit par tuer les plus faibles, alors même que leur mère peut les nourrir tous. C’est vraiment dingue ça, non ?

 

Anna suit des yeux Irini, dont le visage trahit un désespoir.

Une minute plus tard, la femme rentre dans le salon. Elle tremble.

–  Désolée pourl’interruption, dit-elle en s’asseyant. Madame Hatji, Anna, continue-t-elle en prenant les mains d’Anna dans les siennes, je vous demande ceci comme une compatriote. Vous connaissez la situation difficile au pays. J’ai dû quitter mon job, tellement mal payé, et je suis venue ici pour un futur meilleur pour mon fils. Vous devez pouvoir comprendre …

 

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Anna veut bien l’aider, mais comment ? Ce ne sont même pas les avertissements de sa mère qui l’en empêchent, mais elle pense à ses crises nocturnes. Comment gérer avec deux personnes en plus ?

Irini l’examine avec des grands yeux interrogatifs. C’est comme si elle met son humanité en question ,comme une mise à l’épreuve de son identité d’origine. Anna pense au sens pur du mot grec ” filoxenos ” : l’ami des inconnus.

–  Je comprends que ça doit être très difficile pour vous, dit Anna en soupirant. Mais je pense que la meilleure solution serait de vous donner les coordonnées d’une association. Genève est une ville accueillante, on a des bonnes structures publiques et ça marche. On va vous aider !

–  Enfin, s’énerve Irini en se levant et en tapant sur ses genoux, vous ne comprenez pas ? Je ne peux pas aller là-bas avec mon gosse, comme si on était des … des … sans abris! Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas nous aider, vous avez tout cet espace ici toute seule !

En disant cela, elle sort des cigarettes et un briquet et va sur le balcon en claquant laporte. Anna a oublié l’orgueil grec, un trait tellement hellénique: Elle penseà toutes les tragédies, les guerres qui sont nées suite à une crise d’orgueil …

 

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Puis elle observe le garçon qui, bien installé dans la chaise de Petros, reste silencieux et dessine dans un petit carnet.

–  Qu’est-ce que tu dessines ? lui demande Anna en s’approchant.

–  Un ” helidoni“, lui répond le petit et, en mettant le stylo dans la bouche, continue : Comment est-ce qu’on appelle les ” helidonia ” en français ?

 

Anna cherche le mot, en vain.

–  Pour être franche, je ne me souviens pas, elle lui répond.

–  Comment ça se fait ? Je pensais que tu es d’ici, insiste le garçon.

–  Je suis d’ici et d’ailleurs, dit Anna. J’ai vécu en Grèce jusqu’à mes onze ans, avant de venir m’installer ici avec ma famille. Là-bas on disait ” helidonia“, les oiseaux migrateurs qui partent pour hiverner en Afrique et retournent chez nous pour nicher et se reproduire en été. En Suisse il n’y a pas de helidonia.

 

A ce moment-là, Irini éteint sa cigarette et rentre dans le salon.

 

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–  On n’a plus rien à se dire, viens, Yannis, on s’en va, dit-elle avec une voix grave, en attrapant le petit par le coude.

 

Anna essaie de la calmer, mais la mère prend son sac et pousse le petit brusquement vers la sortie. Il a à peine le temps de dire au revoir.

–  Vous êtes des gens froids, ici en Suisse, dit  elle avant de claquer la porte, tout ce qui vous intéresse est votre bien-être. Vous ne savez pas ce que ce sont les vrais problèmes.

Anna reste seule en se demandant si ça n’a pas été une erreur, si elle avait le droit de refuser son aide.

 

Trois jours plus tard, elle en parle à son psy. ” Je me sens coupable “, dit-elle.

Pour la première fois, il lui propose de considérer la possibilité de se séparer de l’aigle,même si ça semble être une trahison.

 

À peine sorti du cabinet, le téléphone sonne.

–  Madame Hatji bonjour, se manifeste une voix basse à l’appareil. Je m’appelle Mr Dubois, je vous appelle de la police cantonale. Désolé de vous importuner mais …

 

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Mr Dubois explique de manière extrêmement neutre que l’enfant d’une femme grecque qui a eu un accident grave a donné son nom à elle comme personne de référence à Genève. Il s’agit bien d’Irini et Yannis, il n’y a aucun doute.  La mère est dans le coma, elle a pris un virage trop vite, a perdu le contrôle et est sortie de la route. La voiture s’est écrasée contre un mur. Irini ne portait pas de ceinture de sécurité. Le petit va bien mais est traumatisé. Anna demande àparler à l’enfant.

–   Tu vas bien? demande-t-elle.

–  J’ai peur, répond le petit. Maman n’ouvre pas les yeux. Tu viens me chercher ?

–  Oui. Tu sais quoi, elle ajoute, j’ai demandé le mot pour ” helidonia ” en français. On les appelle ” hirondelles “.

–  C’est un joli mot, hirondelles, dit le petit avant de lui passer l’infirmier.

– Accepterez-vous donc de vous occuper du petit pendant un moment ? On a besoin d’un peu de temps pour voir où on en est avec la mère et contacter les proches en Grèce. Sinon on peut le placer dans un établissement …

–  Pas besoin Monsieur, j’arrive.

 

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Une heure plus tard, Anna est en train de conduire vers son bureau avec Yannis dans la voiture, quand elle a une crise de panique. Elle pense voir l’aigle voler en toute vitesse contre son pare brise.

Effrayée, elle s’arrête au milieu de la route. ” Il faut éviter encore un accident “, pense-t-elle. En arrivant de nouveau à respirer, elle gare la voiture au parking le plus proche.

 

– Viens, on vafaire un tour, dit-elle à l’enfant, dès qu’elle raccroche le téléphone où elle informe le bureau qu’elle est malade.

 

Elle respire profondément et se sent mieux immédiatement.

– Ça va aller? dit Yannis, anxieux.

– Oui, t’en fais pas, ça va passer, le rassure-t-elle.

Ils sont dans le centre historique en train de monter et descendre les ruelles. Anna propose un tour au carrousel de la place de la Madeleine et Yannis se réjouit. Ils montent sur les chevaux tous les deux, l’un près de l’autre, et se laissent emporter par la musique à la fois kitsch et apaisante. En descendant, ils se mêlent dans la foule qui se promène sur les pavés anciens.

 

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–  Qu’est-ce qui est écrit là ? dit Yannis en montrant une plaque sur un mur.

Anna lit et traduit simultanément : “Au 28 Grande Rue vécut Jorge Luis Borges, écrivain

 

‘De toutes les villes du monde,

 

De toutes les patries intimes,

 

Qu’un homme cherche à mériter

 

Au cours de ses voyages,

 

Genève me semble

 

La plus propice

 

Au bonheur’ “.

 

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En arrivant à la cathédrale SaintPierre, ils gravissent les nombreuses marches et atteignent,non sans mal, les hauteurs du sommet de la tour.

 

Tout Genève défile sous leurs yeux. Avec des mots simples, Anna raconte l’histoire de laRéforme et les coutumes urbaines d’autrefois à la Maison Tavel.

Elle parle d’une voix douce, rassurante, comme une maîtresse aimée, et regarde le petit qui, émerveillé, absorbe l’histoire comme une éponge.

 

Ils s’arrêtent au Bourg-de-Four pour une glace et ensuite ils montent la petite ruelle qui mène à la promenade de Saint-Antoine.

Anna aime venir à cet endroit, si calme, si serein. Elle s’assoit sur un banc et pense à son enfance, quand ils étaient en Grèce, en train de courir et grimper sur les pins de la colline, sous un soleil qui semblait éternel.

 

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Puis, quand ils sont arrivés à Genève sans parler un mot de français – elle à onze ans, lui à neuf – elle avait des crises pendant lesquelles elle n’arrivait pas à respirer. Leur mère les amenait au bord du lac pour voir la fontaine et Petros, ses deux grands yeux inquiets, lui caressait la main: ” Je  compte jusqu’àdix et tu vas mieux, ok ? “ Son petit frère comptait avec sa petite voix si douce dont elle arrivait à peine à se souvenir.

 

– Je peux aller jouer à la plaine de jeux ? demande Yannis.

Elle lui fait signe que oui et le garçon se met à courir. Quelques minutes passent mais pour Anna c’est bien plus longtemps. Elle part dans sa tête et, pour un moment, se sent comme si elle venait enfin de réussir. Réussir à rentrer dans une machine à remonter le temps et à se transférer instantanément vers le passé. Elle se balade entre son enfance heureuse et son présent solitaire en pleine conscience. Elle savoure les petits moments d’insouciance à leur juste valeur.

Les bouquets du premier mai, recueillis sur les collines, les longs dimanches avec leurs parents à la campagne, les poissons frais à la taverne, les siestes sous les chants des cigales, les premières pluies de septembre qui lui mouillaient la figure lorsqu’elle sortait de la cour de l’école primaire …

 

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À l’ombre des acacias, alignés à la française, Anna se demande quelle est la patrie des hirondelles, l’Europe ou l’Afrique, pendant que son regard suit le garçon à distance.

 

Puis elle regarde vers le Musée d’art et d’histoire ainsi que le groupe de bâtiments à sa droite. Elle lit sur un panneau d’information qu’ils ont été construits sur les terrains occupés par des fortifications datant du XVIIIe siècle. Probablement par des immigrants, comme elle, qui sont venus comme des petites hirondelles habiter ce pays.

Assise sur unbanc, elle observe les mouvements énergiques du garçon, son visage apaisé, sa manière de communiquer avec les autres enfants même si il ne parle pas leur langue. Anna se lève et marche vers Yannis qui est en train de descendre d’un toboggan.

 

– Eh, petit homme, l’appelle-t-elle.

– Je suis là, rigole l’enfant qui bouge les mains.

– Tiens, dit Anna se mettant sur les genoux, je compte jusqu’à dix et tu tombes dans mes bras,ok ?

– Ouiiii, crie le garçon en prenant de l’élan.

 

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Anna ouvre les bras :

– Un, deux,trois, quatre  … Le garçon court vite et tombe dans ses bras avant qu’elle ait eu le temps de dire dix. Elle le soulève, lourd comme il est, et le met sur ses épaules pour continuer leur promenade, comme son père le faisait avec Petros au même âge.

 

Le soleil est au milieu du ciel, tout en haut, et Yannis pense pouvoir presque le toucher. Il étire tout son corps vers le haut et puis se rabaisse en rigolant. Du coup, il s’aperçoit de quelque chose.

– Regarde, Anna, regarde là, dit-il en montrant un drapeau accroché au sommet d’un immeuble. Il y a un aigle. Il est coupé en deux ! Vaincu ! On a gagné !

 

Anna lève les yeux et voit un drapeau jaune et rouge. Un sourire monte à ses lèvres, et puis elle commence à rire. Elle constate qu’il s’agit bien du drapeau de Genève, sur lequel figurent une clé et un demi-aigle noir. C’est la première fois qu’elle s’en rend compte, et elle trouve ça ironique.

Yannis rit aussi en posant ses mains sur les épaules de la fille forte qui supporte le poids de son monde entier. Anna pense que lui aussi, comme les hirondelles, est venu habiter son hiver, avant de repartir, l’été, vers le soleil du sud.

 

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