Créé le: 15.08.2024
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La Douceur de l’éternité
Elle se sentait seule, si seule...Et elle souffrait.
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En ouvrant les yeux, Elys ne parvenait pas à reconnaître l’endroit dans lequel elle se trouvait. Il faisait étrangement sombre et pourtant…elle n’avait aucune crainte, elle se sentait même en sécurité. Des scintillements commencèrent à apparaître au sein de l’obscurité. Grâce aux multiples points bleutés qui s’étaient formés, Elys put distinguer une forme à ses côtés. Sa couleur noire la faisant se fondre dans le paysage, Elys n’était pas en mesure de dire ce que cette forme était. La seule chose qu’elle savait était que cette dernière ne pouvait appartenir à celle d’un humain. Ses proportions étaient trop petites et larges. Elys discerna ce qui semblait être des oreilles de chat sur la tête de cette forme et une queue dont le bout ressemblait au signe de la famille de pique des cartes à jouer. La créature avait de magnifiques yeux dorés avec pour pupille une fente noire s’étirant sur la verticale. Celle-ci esquissa un sourire à l’adresse d’Elys. Les dents de la créature étaient d’une blancheur éclatante.
– Bonjour ou peut-être bonsoir, lui dit-elle.
La voix de la créature était emplie d’une douceur à laquelle Elys n’était plus accoutumée.
– Où suis-je ? demanda la jeune fille.
Elys palpa délicatement sa gorge avec le bout de ses doigts. Non, elle ne ressentait pas de douleur.
– Pourquoi me poser la question si tu connais déjà la réponse ? répondit la créature. N’est-ce pas toi qui a fait le choix de venir ici ?
– Je ne sais pas. Tout ce que je voulais c’était revoir maman…
– D’accord, je te mènerai vers elle, dit la créature. Suis-moi.
La créature commença à avancer d’un pas lent. Au fur et à mesure qu’Elys marchait avec la créature elle vit l’organisation des points brillants se modifier et en aperçut de couleurs différentes. Il y avait désormais des lueurs rouges, vertes et jaunes.
– Qu’est-ce que c’est ? demanda Elys en désignant les éclats de lumière.
– Des étoiles, déclara la créature.
– Des étoiles ? Ça veut dire qu’on est dans l’espace ?
– Plus ou moins, oui plus ou moins, répéta la créature.
Soudain, Elys aperçut un amas rougeâtre de gaz et de poussière s’échappant des étoiles. Celui-ci, s’étendant sur trois mètres de haut, avait l’allure d’un homme svelte et longiligne affublé d’un haut-de-forme. Un monocle recouvrait l’un de ses petits yeux noirs qui sondaient la jeune fille et la déshabillaient du regard, la dépouillant elle et les tréfonds de son être du plus profond sentiment d’intimité. L’homme rouge salua Elys en lui faisant la révérence avec son chapeau. Elys fut alors prise d’un mal de tête qui ravagea la moindre parcelle des cellules de son cerveau et d’une compression intense des muscles allant de sa gorge jusqu’à sa cage thoracique conduisant à de multiples suffocations répétées. Elle fut sur le point de s’effondrer sur le sol mais parvint à rester debout de justesse. La sensation qu’il lui faisait ressentir était familière…Elys refusait de se remémorer. Les doigts de l’homme, de même que la paume de ses mains, s’allongèrent en direction d’elle. Ils étaient prêts à se refermer sur elle tels les fils d’une toile d’araignée cherchant à capturer sa proie en vue de la dévorer. Le corps d’Elys se refroidit à mesure que les doigts de l’homme se dirigèrent vers elle. Juste avant le moment fatidique elle trouva la force de s’enfuir. La créature, n’ayant pas l’air d’être troublée par l’homme rouge, resta sur place. Elle finit par rejoindre Elys au bout d’un certain temps.
– Pourquoi as-tu couru ? lui demanda la créature.
– Car il allait nous attaquer.
– Nous attaquer ? Pourtant il ne m’a rien fait.
– Oui, peut-être qu’il voulait faire du mal seulement à moi.
– Et même si c’était le cas pourquoi l’as-tu fui ?
– Parce qu’il n’y avait pas le choix, il était trop grand pour que je fasse quelque chose.
– Ne t’inquiète pas, je t’aurais protégé s’il avait tenté de te faire du mal, déclara la créature.
– Toi ?
Elys dévisagea la créature chétive avec une expression de terreur mêlée d’appréhension.
– Oui moi, affirma la créature avec conviction. Bon continuons.
En avançant, Elys et la créature tombèrent sur un amas jaune de matière interstellaire qui s’apparentait à une table rectangulaire. Il y avait un banc à chacun des bords les plus larges de celle-ci. Des figures humaines formées par des amas verts, roses, violets et oranges ayant la taille d’enfants et d’adolescents étaient assises sur les deux bancs sans prêter attention à Elys et à la créature. Les figures n’avaient pas de yeux contrairement à l’homme rouge. Cependant, elles avaient un air rassurant. Elles dégageaient une atmosphère de joie et de bonne humeur autour d’elles dont Elys s’émerveillait. Elys essaya de se rapprocher de ces figures attrayantes afin de participer à leur discussion animée, toutefois elle était incapable de comprendre les mots qu’elles se disaient. Bientôt elle sentit qu’un mur invisible se dressait entre elles. Étant donné qu’elle n’arrivait pas à les comprendre elle présuma que si elle tentait de leur parler les figures ne seraient pas en mesure de saisir ce qu’elle dirait. En outre, Elys craignait qu’elles puissent mal les interpréter et éprouver de l’aversion voire de la répulsion envers elle. Elle décida donc de ne pas interagir avec les figures.
– Tu en es sûre ? demanda la créature.
– Sûre de quoi ?
– De ne pas vouloir discuter avec elles.
– Comment tu sais ça ?
– Car tu ne peux rien me cacher en ces lieux. D’ailleurs ça se voit sur ton visage que tu souhaites leur parler.
– Je vois, non ça ira…
– Elles sont très gentilles.
– Non c’est bon.
– Très bien il ne faudra pas le regretter alors.
Elys et la créature dépassèrent les figures. Le mouvement de pas d’Elys était agité.
– Sinon c’était quoi les choses qu’on a vu ?
– Les choses ?
– Les choses colorées qui ressemblent à des personnes ?
– Elles seraient vexées si elles t’entendaient les appeler ainsi.
– Alors ce sont des personnes ?
– Malheureusement je ne peux pas te dire grand chose sur elles pour l’instant.
– D’accord…
– Tu pleures ? demanda la créature.
– Non…
Elys essuya ses larmes avec le dos de sa main.
– Si tu veux vraiment leur parler, on peut encore faire demi-tour, déclara la créature avec une voix mielleuse.
– Non…Non…Elles ne m’aimeraient pas de toute façon, elles me trouveraient trop bizarre.
– Ne dis pas…
– Non je le sais, je ne suis pas faite pour être aimée par les gens. Sinon mon oncle m’aurait mieux traité. La figure rouge lui ressemblait d’une certaine façon…
– C’est lui qui s’est occupé de toi lorsque ta mère est partie ?
Elys ne répondit pas. La créature comprit et évita d’insister.
– Personne ne peut m’aimer à part maman…
– C’est pour ça que tu as décidé de quitter l’autre monde ? demanda la créature.
– Oui…
– Bon avançons, je doute que mes mots puissent te convaincre, dit la créature d’un ton grave.
En continuant son chemin avec la créature, Elys constata des galaxies et des nébuleuses défiler devant elle. Les galaxies qui se présentaient en face de la jeune fille étaient des tourbillons d’une si grande beauté que l’idée d’être aspirée par l’une d’elle la mettait dans un état d’extase. Elle aurait pu ainsi respirer la poussière interstellaire composée d’éclats de lumières multicolores qui sillonnait autour du centre de leurs galaxies. Elys vit également des galaxies naines, à la différence de leurs grandes sœurs elles n’étaient pas en forme de tourbillon mais elles étaient des nuages rassemblant des étoiles compactes dotées d’une couleur dominante. Les nuages qu’Elys préféra furent ceux de couleur bleue à l’image des yeux de sa mère pareil au saphir. Les nébuleuses, elles, apparaissaient plus tangibles que les galaxies puisqu’elles étaient une accumulation de gaz cosmique et de poussière interstellaire d’une telle densité qu’Elys sentait qu’elle pourrait se faire étouffer si jamais elle se rapprochait trop d’elles.
Tandis que la jeune fille se perdait dans la contemplation de ces objets célestes d’une splendeur surpassant toutes les merveilles terrestres, elle finit par en oublier la créature devant elle censée lui servir de guide et alla dans une direction toute autre. Alors qu’elle se mouvait dans cet espace d’une magnificence dépassant l’entendement, elle se rappela de la saveur qu’elle avait connu en observant le ciel étoilé ; que ce fut sur des photographies qu’elle avait vu dans des livres, sur internet ou encore à travers le télescope. Plus elle plongeait dans ces souvenirs agréables et plus elle se sentait vivante, resplendissante d’une gaieté et d’une joie qui lui avait été si rare. Elle voulait à nouveau contempler ce ciel…Paradoxalement son corps disparaissait à vue d’oeil, elle avait la sensation de devenir aussi évasive que l’eau et d’accéder à sa flexibilité ainsi qu’à sa liberté. Pendant qu’Elys se sentait gagner d’une force lui donnant l’impression de pouvoir se confronter à toute épreuve, la pensée de sa mère lui vint. Elle avait décidé d’aller dans ce monde pour être avec elle. Son corps retrouva peu à peu un aspect concret, la beauté de l’espace cosmique lui apparaissait de moindre valeur que la douceur et la tendresse de sa mère. Elys fit volte-face afin de rejoindre la créature.
Prise de désarroi, Elys ne trouva aucune trace de la créature. Elle avait cru s’être séparé de cette dernière il y avait tout juste une minute mais on dirait qu’elle s’était trompée. Ne sachant comment la créature se nommait, il n’était pas possible de l’appeler. Et même si cela avait été le cas, Elys était dépourvue de l’énergie nécessaire pour crier son nom. Son cou gémissait de douleur à force d’être comprimé par une corde invisible. Elys avait la sensation de s’asphyxier, elle commençait à tituber, son corps ne tenait plus en place. L’effort de devoir continuer à marcher malgré son état l’épuisait en raison du peu d’oxygène qui circulait dans ses poumons mais s’arrêter n’aurait rien changé selon elle ou encore pire, elle se serait effondrée sans pouvoir jamais se relever. Cette peur contraignit Elys à puiser dans ses dernières ressources. Sa vision se troubla, la tonalité des astres perdit en intensité et en vivacité. Les étoiles étaient devenues ternes. Leur brillance n’étant plus là pour la vivifier, Elys était sur le point de s’assoupir dans ce lieu prenant peu à peu la forme d’une nuit sans étoiles. Avant que ces dernières ne disparaissent, Elys vit une figure verte lui faire face. Cette figure ne lui faisait ni chaud ni froid par rapport aux précédentes. Pourtant elle avait le sentiment de l’avoir déjà vu et qu’elle avait occupé une place importante dans sa vie. Il était étrange que celle-ci ne lui évoqua rien. La figure était sans visage mais Elys sut que c’était une femme grâce à sa silhouette. Elle lui rappelait son “amie” Martine mais elle avait davantage été une connaissance qu’une vraie amie. Elys et elle s’étaient fréquentées uniquement car elles étaient les deux exclues de leur classe.
– Elys ça ne va pas n’est-ce pas ? lui dit-elle.
– En plus d’être la seule figure à s’adresser à elle et ce dans un langage intelligible elle connaissait son nom.
– Comment tu…
– Ne t’en fais pas.
La figure verte caressa les cheveux d’Elys. La femme verte tendit un objet avec sa main libre. Elys considéra longuement celui-ci.
– Prend-le, ce sera mieux après, murmura la femme verte à l’oreille d’Elys.
– Mais je dois voir maman…
– Ne t’inquiètes pas, grâce à elle tu reverras ta mère, marmonna la femme verte.
L’objet en question était une seringue. Elys la prit avec appréhension, sa main tremblait. Une lumière commença à s’échapper de la seringue. Ses tourments, sa tristesse et ses inquiétudes, tous disparurent en l’espace d’un instant. Ses sens furent anesthésiés. Plus la seringue luisait et plus elle se sentait aspirée par celle-ci. Soudain ce sentiment de plénitude laissa place à une souffrance exacerbée la transperçant de toute part.
– Maman…Maman…marmotta Elys avec toute la force qui lui restait.
La créature revenue dans les parages était en train d’observer la scène. Son regard croisa celui d’Elys tandis qu’elle se faisait absorber par la lumière émanant de la seringue. Elys agita sa main pour implorer son aide.
– C’est le sort que tu as choisi, je ne peux rien faire contre ça, déclara la créature affligée. Il n’est pas permis à une personne qui a tout abandonné de pouvoir espérer.
Les cris de la jeune fille s’évaporèrent dans la noirceur de l’espace pour laisser place au silence propre au vide intersidéral et au néant. Elys avait désormais quitté ce monde intermédiaire. Malheureusement ce n’était pas le paradis qui l’attendait et ni la chaleur de sa mère.
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