Chapitre 1

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Depuis 2013, je tiens des carnets électroniques. Ils sont nourris de pensées tantôt sérieuses, tantôt fantaisistes, et de fictions ou poèmes minuscules. En voici quelques extraits de l'année en cours.
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Des études de psychologie expérimentale ont montré le phénomène suivant: quand des hommes et des femmes sont en interaction, les performances cognitives des hommes baissent, tandis qu’elles restent inchangées chez les femmes. Une explication de ce phénomène pourrait être une force considérable des pensées sexuelles chez les mâles, qui envahiraient leur esprit et ne laisseraient pas beaucoup de place pour des opérations plus intelligentes. Un corollaire de ce phénomène est que les jeunes hommes devraient statistiquement moins bien réussir que les jeunes filles dans les écoles mixtes. C’est effectivement ce qu’on observe au niveau secondaire. Ainsi, la mixité à l’école est une source d’inégalité des chances. Une école pour qui l’égalité est une valeur capitale devrait pratiquer une ségrégation des sexes… Et si l’école ne veut pas renoncer à la mixité, il faudrait impérativement déplacer les examens. En été, avec les tenues légères que portent les filles, les capacités cognitives des garçons doivent être presque annihilées…

(20 octobre 2023)

 

Pourquoi les Européens doivent-ils être reconnaissants envers les Ottomans d’avoir pris Constantinople en 1453? Selon un article d’Olivier Rey dans le dernier numéro de la revue « Éléments », voici un enchaînement des conséquences de cette victoire turque. Parmi les fuyards, il y a des lettrés qui migrent en Italie. Ils mettent Platon à la mode dans les cercles branchés. Les « Platon fan’s clubs » fleurissent en Italie. Quand Copernic vient à Bologne en 1496, son esprit est contaminé par le néo-platonisme. « Le visible est un reflet de l’intelligible », gamberge-t-il, « et l’héliocentrisme, avec sa simplicité, est plus intelligible que le géocentrisme ». Plus tard, Galilée, imprégné lui aussi de Platon, conçoit le livre de la nature écrit en langage mathématique. Avant la prise de Constantinople par les Turcs, l’Italie était aristotélicienne. Les réfugiés l’ont fait basculer dans le platonisme.
Au vingtième siècle, quand des migrants turcs sont arrivés en Allemagne, ils ont apporté le kebab. Le kebab n’a pas encore révolutionné la physique allemande… Mais, allié à la bière, le kebab arrondit le physique germanique…

(4 octobre 2023)

 

On va peut-être s’apercevoir bientôt que, pour une intelligence artificielle, les personnes les plus faciles à simuler sont les politiciens et les dignitaires religieux, car leurs propos sont stéréotypés, prévisibles, obéissent à des règles assez précises, citent toujours les mêmes textes. Cela pourrait avoir pour conséquence de discréditer ces autorités à grande échelle. Mais si le blabla politique et religieux cesse de fonctionner, la seule façon de conduire les masses sera la dictature de la force.

(18 septembre 2023)

 

L’économie, je crois que c’est une histoire de promesses de coquillages. Si les promesses de coquillages sont nombreuses et jugées fiables, les vignerons vont demander beaucoup de coquillages en échange d’un tonneau. Mais si les mers rendent plus difficiles à obtenir des promesses de coquillages, les vignerons vont réclamer moins de coquillages en échange d’un tonneau. Les promesses de coquillages peuvent être considérées comme une création temporaire de coquillages virtuels qui seront détruits quand l’emprunteur libérera la mer de sa promesse. Mais l’excès de promesses non libérées crée tellement de coquillages virtuels que les mollusques vont devoir travailler comme des esclaves pour produire de la vraie calcite. Cela stresse la mer et se baigner devient dangereux. Alors on construit moins d’hôtels au bord de la mer. On en construit d’autant moins que les promesses de coquillages se font plus difficiles à obtenir. Et ce qui vient compliquer les choses, c’est qu’il faut aussi tenir compte de nombreux éléments, comme la présence de requins, la chimie du carbone et du calcium, l’ivresse de Bacchus, l’intervention de Diogène sur la question de l’usage des tonneaux, etc. Bref, tout cela me dépasse…

(15 septembre 2023)

 

1) Comment conserver des livres pendant des millions d’années? En les fossilisant. Des livres où la matière a été remplacée par de la silice pourront être lus dans des millions d’années en découpant des tranches fines.
2) Soit X l’histoire de la pensée humaine. Dégraissons X en lui ôtant tous les développements, argumentations, bavardages. Que reste-t-il? Un catalogue de dogmes. Ce catalogue est le squelette de la pensée de ces quatre derniers millénaires. Voilà un précieux fossile à léguer à l’homo post-sapiens.
3) Thèse: l’esprit contient une machine à fabriquer des dogmes.
4) Thèse: la raison est une machine à promouvoir des dogmes.
5) Programme politique: remplaçons les débats par des tournois où chaque dogme est défendu, l’épée à la main, par un champion.
6) La « reductio ad gladius » est le stade suprême de l’argumentation. Pour y parvenir, il faut avoir compris la vanité de l’argumentation.
7) Bon, maintenant que j’ai fini d’écrire des bêtises, je vais me préparer des champignons de Paris à la moutarde de Dijon.

(13 septembre 2023)

 

La philosophie mourrait s’il était possible de la comprendre. La vie, c’est déjà compliqué sous les modèles de la biologie, alors, quand on lui ajoute une couche d’existentialisme, la vie devient d’une telle opacité que je préfère enfiler l’incomplet veston de Gödel et le bâillon de Wittgenstein. Il y aussi le Tao, où la seule voie est de ne pas la chercher. Et toutes les taxonomies finissent en taxomomies. J’ajoute que le non-être n’existe plus depuis le Big-Bang, et qu’il n’existait pas non plus avant, d’ailleurs. Par définition, par décision et par mauvaise foi. La mauvaise foi peut tendre vers le bon doute. Et dans le doute, obstine-toi!

(12 septembre 2023)

 

Il y a des gens qui créent des dieux, qui les prient, qui les prennent pour exemples, qui sont désireux de les servir, de leur obéir…
Il y a des gens qui se voient comme des dieux, qui veulent que les autres les voient comme des dieux, qui tendent vers le divin de tout leur orgueil…
Il y a des gens qui ont tellement besoin de dieux qu’ils adorent le premier venu, celui de leur enfance, celui qui est censé les aimer, mais qui bien souvent les maltraite…
Il y a des gens qui étudient les mathématiques, la physique, la chimie, la biologie dans l’espoir de trouver dieu dans une formule…
Il y a des gens qui se moquent de dieu, qui l’affublent d’un nez rouge et d’une géométrie burlesque, ce qui peut être une façon de lui rendre hommage…
Il y a des gens qui poussent l’imitation de dieu jusqu’à se faire crucifier, parce la souffrance est leur raison de vivre…
Et pendant que tous ces gens s’excitent avec le divin, Diogène, encore et encore, cherche un homme…

(12 septembre 2023)

 

Il existe une usine qui produit des explications. On ne sait pas trop qui la dirige. Elle contient de nombreuses machines qui fabriquent des explications variées. Des ouvriers ont pour rôle de les dérégler de temps en temps. Ainsi, de nouvelles explications sortent. Des employés sont chargés d’emballer les explications et de les envoyer dans les magasins. Il existe plusieurs sortes de consommateurs d’explications. Certains vont les choisir en rayon en se laissant guider par leurs désirs. Ils les assimilent sans trop se poser de questions. D’autres, les enquêteurs, vont soumettre les explications à toute une série de tests. Ce commerce est caractérisé par une offre élevée. Globalement, il n’y a jamais eu pénurie d’explications depuis que l’usine existe. Toutefois, la demande de chacun n’est pas satisfaite. Certains clients voudraient consommer des explications que l’usine n’a pas encore produites. Il leur faut faire preuve de patience. Nul ne sait de combien de manières les machines peuvent être paramétrées.

(7 septembre 2023)

 

Selon Macron: « L’école, c’est d’abord construire du commun ». Selon mézigue: « L’école, c’est d’abord nourrir des talents inégaux ».

(7 septembre 2023)

 

Quand j’essaie de résoudre dans ma tête un problème de mathématiques, je pense et ma pensée est sévèrement contrainte par la nature des mathématiques et par mon savoir en ce domaine. Quand je pense à autre chose (à mes impôts, à mon travail, à autrui, à mes sentiments, à mes désirs, à mes projets, etc.), il est possible que ma pensée soit aussi sévèrement contrainte par mon savoir, mais cela saute moins aux yeux que pour les mathématiques. Plus une pensée s’éloigne des mathématiques, plus des croyances risquent de s’ajouter au savoir dans le poids des contraintes. D’accord, mais savoirs et croyances sont deux notions très proches. Réunissons-les pour former un ensemble de points. Penser devient alors: sélectionner des points et former un certain graphe orienté avec cette sélection. Et ce jeu s’accompagne d’une mystérieuse impression baptisée « conscience ». Bon, mais quel est le rôle de l’affectif dans la pensée en action? Faut-il ajouter des points au graphe? Peut-être, mais ce n’est pas sûr… L’affectif a déjà joué un rôle dans la formation des savoirs et des croyances et, au moment où la pensée s’exerce en conscience, il est probable que l’affectif participe à la sélection des sommets et à la création d’arêtes. Une idée serait aussi d’imaginer que l’affectif confère une chaleur variable aux différents points de l’ensemble des savoirs et des croyances. Tout cela est certes simpliste, mais je m’amuse à penser depuis ma baignoire, tandis que la mousse du savon se dissout peu à peu…

(7 septembre 2023)

 

À des degrés divers, tous les êtres humains pratiquent le dialogue intérieur. Ce dialogue sera probablement plus fréquent chez les personnes souvent seules et plus riche chez les personnes de haute culture. À quelles lois obéit ce dialogue intérieur, quels sont les facteurs qui l’influencent le plus, voilà des questions auxquelles il nous est difficile de répondre. Nous vivons ce dialogue intérieur sans bien connaître ses « mécanismes ». Quand nous avons l’impression qu’une décision résulte de ce dialogue intérieur, alors nous posons le terme de « libre arbitre » pour nommer ce processus. Ce terme me paraît abusif, car il s’applique à un processus en grande partie mystérieux; or le terme « libre arbitre » laisse entendre qu’il y aurait derrière ce processus un homoncule (arbitre libre, despote éclairé) qui serait le dépositaire de notre « âme », de notre « moi véritable », de notre « part essentielle ». Bref le concept de libre arbitre me semble provenir de notre tendance à fabriquer des êtres (des dieux) pour « expliquer » des processus. Je dirais que les hommes ont un fort penchant pour l’animisme. Nous formons des essences à partir de tous les phénomènes, nous créons des dieux à tout bout de champ. Peut-être n’y a-t-il pas une grande différence entre ce concept de « libre arbitre » forgé pour personnifier notre dialogue intérieur et ces dieux du paganisme qui personnifient d’autres processus (l’amour, la guerre, etc.).

(7 septembre 2023)

 

Ceux qui veulent dénigrer la philosophie emploient souvent des expressions comme: « c’est de la masturbation intellectuelle » ou « c’est couper les cheveux en quatre ». Et si on retournait ces reproches pour en faire des qualités…? Après tout, couper les cheveux en quatre est un excellent moyen d’exercer une patience nécessaire à toute aventure intellectuelle ambitieuse. Et se masturber l’intellect est la meilleure manière de maintenir dans la solitude un désir de faire l’amour avec tous les trésors culturels de l’humanité. N’est-il pas nécessaire de s’être beaucoup entraîné à couper les cheveux en quatre pour comprendre une démonstration qui exige de longues ramifications? N’est-il pas bienvenu de s’être beaucoup masturbé l’esprit pour pouvoir jouir d’un beau poème ou d’une théorie cosmologique ingénieuse? Alors lundi, tu vas expliquer à tes élèves que l’onanisme et la chirurgie capillaire sont les premières vertus d’un philosophe en herbe. Et n’oublie pas de préciser que l’expression « philosophe en herbe » n’est pas réservée aux végétariens, qu’il est en toute égalité et en toute légalité possible de couper un brin d’herbe en quatre et que les pensées carnivores, carnassières et charnelles ont aussi leurs lettres de noblesse, même si la noblesse est mal considérée en démocratie.

(3 septembre 2023)

 

Comment réfléchir à quelque chose qui nous dépasse? Question diabolique. Conséquence des progrès scientifiques, presque tous les sujets nous dépassent. Pour être plus précis, je dirais que presque n’importe quel sujet demanderait une très longue étude si on voulait en avoir une vision à la fois large et profonde, sans laquelle une réflexion sérieuse n’est pas possible. Une solution est de renoncer à mener une réflexion sérieuse (sauf dans les quelques rares domaines où nous en savons beaucoup) et, si le démon de la réflexion nous démange tout de même sur des sujets que nous connaissons mal, de pratiquer par esprit de jeu le pari du paradoxe, la recherche d’angles inattendus, la formulation d’hypothèses atypiques, l’art de poser des questions que personne ne pose, la pensée poétique, la réfutation des sottises courantes.

(28 août 2023)

 

Selon une conjecture de la termitique (science qui étudie l’évolution inéluctable des sociétés humaines vers des organisations dont la termitière fournit un modèle paradigmatique), le mythe de la terre mythique est un terme de la phase terminale de la mystification qui posa l’homme sur un piédestal en béton armé, entre l’âge d’or peuplé de dieux et l’avenir radieux placé sous le règne de l’égalité, de la justice, de la paix et de l’ennui sidéral. La termitique remet les pendules à l’heure: l’homme est un pont vers le termite.

(26 août 2023)

 

La rhéologie m’intéresse beaucoup plus que la théologie. Alors je fais une recherche sur Amazon et je tombe sur des titres épatants. Ioana Stanciu publie des livres délicieux comme: « Rhéologie de la mousse », « Rhéologie des vernis et des peintures », « Rhéologie des produits de confiserie », etc. Manal Sorour, a écrit le très appétissant: « Propriétés non newtoniennes des concentrés de fruits ». De 3 auteurs, on trouve l’excellent « Du rôle des additifs dans les propriétés rhéologiques de la pâte – Farinographe ». Bahaa Kamel m’intrigue avec « Caractéristiques tribologiques et rhéologiques du nano lubrifiant ». Imen Mahmoudi me fait rêver avec « Formulation du cake au gel d’Aloé vera: incidence sur la qualité physicochimique, rhéologique, sensorielle et l’activité antioxydante du cake ». Si l’on ajoute que la rhéologie traite aussi de la dynamique de la lithosphère, du froissement des textiles, du lait condensé, de la farine de riz basmati, de la boisson favorite de Dracula, et qu’elle joue avec les équations aux dérivées partielles et l’analyse de Fourier, il y a vraiment de quoi se régaler!

(25 août 2023)

 

La rencontre inopinée d’une goutte d’eau avec l’épaule nue d’une femme sans ombre soulève des questions qui poussent le levier d’Archimède à crier eurêka. Mais il ne faut pas pour autant éclipser le problème de la pluie sur le mont chauve. Pourquoi, malgré une bonne irrigation naturelle ou un orage de notes russes, le mont chauve (bozu-yama en japonais) reste-t-il chauve? Il est regrettable que l’école ignare, plus soucieuse de têtes bien fesses que de têtes bien abreuvées, n’arrose pas suffisamment les jeunes pousses. Le mont chauve est chauve, parce que son socle est en serpentinite et que les arbres n’aiment pas les minéraux de cette roche. Mais pourquoi le peuplier et le canard n’aiment pas le calcaire? Et pourquoi le chêne et le lézard vert n’aiment pas l’argile? Voilà des sujets bien plus intéressants que « l’impact du numérique sur le développement cognitif des pré-adolescents » ou « la prévention du harcèlement scolaire vis-à-vis des personnes LGBTQI+ »…

(24 août 2023)

 

Dans la mesure où la chaîne du Jura peut être considérée comme un coulis de framboises qui s’étend vers le nord-ouest à la vitesse prodigieuse d’environ 1 mm par an, il devrait être possible de calculer la viscosité du Jura. Voilà un sujet de recherche que tu peux donner à tes élèves. Plus costaud: selon certains physiciens, l’espace-temps pourrait être modélisé par un fluide de viscosité nulle; mais, si nous posons au contraire l’hypothèse d’une viscosité non nulle, pouvons-nous obtenir un modèle intéressant? Plus métaphysique: si la pensée est un fluide, comment mesurer sa viscosité chez Platon, chez Kant, chez Nietzsche? Comme la viscosité dépend généralement de la chaleur, la viscosité moyenne de la pensée va-t-elle augmenter au 21e siècle? Par ailleurs, le succès du commerce des ventilateurs va-t-il déboucher sur l’invention de nouveaux moyens de ventiler les idées?

(24 août 2023)

 

Jeu. Qui suis-je? J’ai inspiré à Laclos le personnage de Valmont dans « Les liaisons dangereuses ». J’ai inspiré à Dumas le personnage de l’abbé Faria dans « Le comte de Monte-Cristo ». J’ai inspiré à Jules Verne la description d’une éruption du Stromboli dans « Voyage au centre de la Terre ». Nicolas de Saussure m’a rendu hommage en baptisant une roche d’après mon nom. Je suis un géologue qui a mené une existence aventureuse. Je suis… Je suis Dieudonné Sylvain Guy Tancrède Déodat dit de Gratet de Dolomieu. La dolomie est une roche importante, on en trouve en Valais et, bien sûr, dans les Dolomites. Étonnant, non? Je viens de lire ça dans un livre passionnant: « Histoires secrètes de cailloux », de Patrick De Wever.

(24 août 2023)

 

Lieu commun: « on apprend de ses erreurs ». Objection: certains sont plus doués pour commettre des erreurs que pour apprendre.

(19 août 2023)

 

« Scientiste » est un mot qui est devenu péjoratif, qui est souvent employé pour désigner des esprits qui seraient excessivement fermés à toute spéculation non scientifique. Pourtant, si on définit le scientisme comme l’idée que la science, malgré toutes ses imperfections, malgré toutes les questions qu’elle laisse sans réponse, malgré (ou grâce à) le caractère provisoire des modèles, est la plus intelligente voie qu’emprunte l’esprit pour essayer de connaître le monde, alors le scientisme cesse d’être une maladie honteuse. Être amoureux de la science n’est pas une tare et n’empêche pas d’être aussi amoureux des autres domaines de la culture. J’ai l’impression que, depuis plusieurs décennies, c’est l’anti-scientiste qui a défini le scientiste, si bien que plus personne n’ose se dire scientiste.

(18 août 2023)

 

Les affirmations « Je ne crois pas à l’existence des fantômes » et « Je crois à l’inexistence des fantômes » sont-elles équivalentes? Plus généralement, si celui qui ne croit pas à X peut aussi être considéré comme une personne qui croit à non-X, le seul moyen d’échapper à la croyance est-il de suspendre son jugement ou de remplacer la formule « je crois à X » par « je parierais plutôt pour X que pour non-X » ou par « je privilégie l’hypothèse X plutôt que sa négation »?

(18 août 2023)

 

Une tarte à la crème de la psycho-sociologie naïve: le besoin de reconnaissance. Pour expliquer le mimétisme, la course à la renommée, le succès des réseaux sociaux, Monsieur Café, philosophe amateur, sort la notion de « besoin de reconnaissance » et cligne de l’oeil. Il a l’impression que la messe est dite… Mais diable! ce « besoin de reconnaissance », qui semble loin d’être dichotomique, savons-nous en évaluer la force moyenne et la variance dans des populations diverses? Sans une modélisation mathématique, quelle valeur explicative pouvons-nous lui accorder dans l’analyse de phénomènes sociaux? Ne sommes-nous pas en présence d’une explication illusoire, d’un artifice rhétorique? Associer l’expression mal définie « besoin de reconnaissance » au phénomène « succès des réseaux sociaux », cela nous fait-il beaucoup avancer sur le chemin qui mène à la compréhension? J’en doute, et mon scepticisme s’étend à la plupart des concepts de la psycho-sociologie naïve. Je ne dis pas que ces concepts n’ont aucun sens, je pense qu’ils correspondent à une réalité. Mais je crois que ces concepts restent trop flous pour juger éclairante la manière dont ils sont employés dans nombre de discours à visée explicative.

(17 août 2023)

 

Selon un lieu commun philosophique, c’est la conscience de notre mort qui nous pousserait à désirer donner un sens à notre vie. Voilà une idée qui me paraît d’autant plus suspecte qu’elle est souvent acceptée sans argumentation concluante. Qu’est-ce qui pourrait la réfuter? Il faudrait examiner si des humains immortels éprouveraient aussi le désir de donner un sens à leur vie. Le problème est que nous ne disposons pas encore d’humains immortels… Reste l’expérience de pensée. Supposons que je sois immortel. Qu’est-ce qui changerait dans ma manière de concevoir l’existence? Pas grand-chose, je crois. J’aurais infiniment plus de temps pour explorer l’univers, donc je serais peut-être moins pressé, mais il me semble probable que ce seraient les mêmes moteurs qui me feraient avancer.

(17 août 2023)

 

Il me semble que la censure peut être divisée en plusieurs catégories. J’en vois au moins trois. Il y a une censure légale qui inscrit dans la loi ce qui ne doit pas être dit. Il y a une censure d’état qui fait pression sur les médias et les écoles pour diluer ce qui ne doit pas être entendu. Il y a une pseudo-auto-censure, qui est en fait un phénomène statistique: les gens qui travaillent dans les grands médias sont loin d’être représentatifs de toutes les couleurs politiques, ce qui débouche sur un biais de sélection (idem à l’université, idem dans l’éducation). Dans tous les pays, le ministère le plus important n’a aucune existence officielle: c’est le ministère de la propagande.

(14 août 2023)

 

L’abus de repos est dangereux pour la santé. C’est avec le repos qu’on nourrit les cimetières. Alors, pour ne pas trop me reposer l’intellect, j’explore comment la transformée de Fourier permet de calculer des probabilités; pour ne pas trop me reposer l’âme, je me promène dans des endroits où des soldats font des tirs; pour ne pas trop me reposer la musculature, je nage en eaux troubles; pour ne pas trop me reposer le foie, je suis prêt à boire des bières avec toi…

(12 août 2023)

 

Quelle est la plus populaire de toutes les théories du complot? Celle qui attribue à Dieu un rôle décisif et impénétrable dans l’histoire de l’univers, en particulier pour ce qui touche aux affaires humaines. Ce complotisme de haute pègre ne rechigne pas à farcir ses discours de « fake news » hénaurmes. Les autorités scolaires, pourtant fort soucieuses de combattre le complotisme politique, font preuve d’une sacrée complaisance envers les foules qui adorent le Grand Comploteur Éternel. Quand je me plonge dans la géologie et la paléontologie, quand je découvre tous les aléas qui auraient pu conduire dans d’autres directions la double évolution géologique et biologique, je me dis que le Dieu omnipotent de la Bible, de la Torah ou du Coran est une invention que l’ignorance rendait alors nécessaire. Cette invention a joué un rôle tellement important dans toute l’histoire culturelle qu’elle survit à tous les progrès de la science. Donc Dieu n’est pas mort. On n’a tué ni le pire de Dieu, ni le meilleur. Un athée comme moi peut se permettre d’envelopper dans le langage du divin certaines idées comme l’amour ou la beauté; ou d’aimer follement certains écrivains religieux qui incarnent avec panache une résistance à des nouveaux dogmatismes. Par contre, j’avoue que je n’attache aucun crédit à des idées comme « L’homme voulu par Dieu et créé à son image » ou « L’immortalité de l’âme » ou « Le péché » ou « Le jugement dernier », etc. Le seul livre de la Bible qui me parle est celui de l’Ecclésiaste, dont le caractère nihiliste rejoint le célèbre monologue de Macbeth:
« Tomorrow, and tomorrow, and tomorrow,
Creeps in this petty pace from day to day,
To the last syllable of recorded time;
And all our yesterdays have lighted fools
The way to dusty death. Out, out, brief candle!
Life’s but a walking shadow, a poor player,
That struts and frets his hour upon the stage,
And then is heard no more. It is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing. »

(12 août 2023)

 

Introduction au cours de philosophie:

 

Sachant que Dieu est mort, que l’humanité va disparaître, que le langage est miné, que le beau est malmené, que l’humour traverse une mauvaise passe, que la victime plaintive est plus honorée que le combattant loyal, que les idéologies provoquent des batailles où l’insulte est plus fréquente que l’attitude chevaleresque, que la tyrannie des minorités asservit les valeurs, que la violence des jeunes envers les enseignants augmente, que la politique pousse l’école à promouvoir la médiocrité, que la culture se dissout dans le numérique, que l’intelligence artificielle va faire perdre à l’esprit humain tout ce dont il pouvait jadis tirer fierté, que la surpopulation et la pollution détruisent les splendeurs de la nature, que les épidémies, les guerres, la pauvreté, les catastrophes nous promettent un avenir agité, le cours de philosophie a pour objectif prioritaire de vous amener à comprendre comment nous en sommes arrivés là. Ce but, et d’autres en prime, vous fera voyager parmi des penseurs et des scientifiques dont presque personne n’applique au quotidien les leçons d’intelligence. Pour les rares élèves qui survivront à un premier semestre axé sur une démoralisation générale, le second semestre visera à prouver qu’il est malgré tout possible de beaucoup s’amuser en philosophant…

(12 août 2023)

 

Est-il possible de s’efforcer de faire son possible pour offrir à son âme un bel univers de possibilités? Oui, c’est possible et c’est même possible que ce soit en définitive la seule possibilité d’exister.

(2 août 2023)

 

Il me semble que maintes caractéristiques psychiques devraient être considérées non pas comme des variables dichotomiques (soit on a, soit on n’a pas cette caractéristique), mais comme des variables continues (ou discrètes avec un grand nombre de valeurs possibles). Cela rendrait certains discours moins simplistes. Par exemple, si on me demande: « Êtes-vous sexiste? », je ne peux pas simplement répondre par « oui » ou par « non ». Je préfère dire: « J’estime fort probable que mon niveau de sexisme est à une distance de la moyenne inférieure à un écart-type si on considère la population mondiale des hommes adultes. » Bien sûr, la réponse peut être différente pour certaines sous-populations de la précédente.

(11 juillet 2023)

 

La culture, à Genève, me semble très politisée. La probabilité qu’il y ait chaque année un festival de films sur les migrants ou les LGBT est proche de 1. La probabilité qu’il y ait une fois tous les 20 ans un festival de films avec John Wayne est proche de 0.

(24 juin 2023)

 

La crédulité me semble être une caractéristique importante de l’esprit. Apprendre, c’est souvent commencer par croire. Quand un cerveau n’a pas encore beaucoup d’informations à traiter, il ne peut pas faire grand-chose d’autre que d’accorder du crédit à ce qui revient statistiquement le plus souvent dans les propos qu’il entend. Ce n’est que plus tard, avec l’acquisition d’une grande culture, qu’un esprit peut combattre sa tendance probablement innée à la crédulité. Mais… la résistance au changement, la force des croyances — surtout de celles qui ont un caractère religieux, de celles qui relient des gens — font que la crédulité de l’enfance, de l’adolescence, de la jeunesse conduit souvent à porter en soi pendant toute une vie des idées idiotes. D’où l’importance pour tout État, pour tout Commerce d’implanter dans les jeunes cervelles les croyances qui visent à perpétuer le caractère de cet État, de ce Commerce. C’est pourquoi tout État, tout Commerce se servent des lieux fréquentés par les jeunes pour faire, à des degrés divers, de la propagande.

(15 juin 2023)

 

Et Molière?
Étoile? Mer?

(14 juin 2023)

 

Une démocratie parlementaire peut-elle à notre époque rester plus d’une année sans créer de nouvelles lois ou sans modifier des anciennes? Il me semble que non. Est-ce uniquement la complexification (surtout sur le plan technique) des sociétés qui explique ce phénomène de frénésie législative? Il me semble que non, même si cette complexification joue probablement le plus grand rôle. Si les lois peuvent être facilement changées, cela encourage-t-il les citoyens à ressentir du respect pour les lois? Il me semble que non. Quand on envisage de changer une loi, on s’interroge sur les conséquences probables de ce changement, mais qui diable essaie d’évaluer la probabilité de pouvoir revenir en arrière dix ans plus tard? Ne serait-il pas raisonnable d’adopter des lois « à l’essai » pendant une période fixée?

(14 juin 2023)

 

Le tableau périodique des éléments
Les atomes bêlent, Dieu parque l’idée

(6 juin 2023)

 

En mai, le Conseil national a voté l’interdiction d’utiliser en public des slogans nazis. Mais cette interdiction soulève des problèmes complexes. Tout d’abord, qu’est-ce qu’un slogan nazi? Hors contexte nazi, des expressions comme « le sol et le sang », « la beauté du travail », « le travail rend libre », « la force par la joie », « mon honneur s’appelle fidélité », « travail, famille, patrie » n’ont rien d’infâme. C’est uniquement parce que les nazis (et Vichy pour la dernière) les ont mises en valeur qu’elles deviennent interdites d’expression. Ensuite, comme Zinoviev l’avait signalé à propos des lois soviétiques de censure, cette interdiction s’applique-t-elle aussi aux citations? J’imagine que ça dépend du contexte. Si la citation est faite par un historien, un journaliste ou un juriste, elle est autorisée; par contre, elle ne l’est pas si elle faite par quelqu’un qui veut contourner l’interdiction. Mais comment savoir, par exemple, si un écrivain qui met dans la bouche d’un personnage des propos qui rappellent un slogan nazi le fait pour promouvoir l’idéologie nazie ou le fait pour d’autres raisons? Je comprends que les slogans nazis puissent être ressentis comme des injures ou des blessures par les descendants des victimes du régime nazi. Mais qu’en est-il de la perception des slogans communistes (dont certains sont très proches des slogans nazis) par les descendants des victimes de régimes communistes? Pourquoi le Conseil national n’a-t-il pas eu l’audace de voter l’interdiction de tout slogan, qu’il soit nazi ou non? Le slogan est le « cri de guerre d’un clan écossais ». Une société qui condamne la guerre doit interdire le slogan. Voilà qui aurait pu déboucher sur une dystopie intéressante. Est-il possible de s’exprimer sans slogan? Il faudrait être dans une perpétuelle invention… ce serait épuisant! Privé du slogan, comment feraient campagne les partis politiques, comment les troupeaux de manifestants s’y prendraient-ils pour exprimer leur revendications, comment l’État se débrouillerait-il pour opérer sa propagande dans les écoles et les médias? C’en serait fini des devises sur les drapeaux, sur les monuments. Plus question de fonder des lois sur des slogans! Les théologiens seraient dans l’obligation de récrire les textes sacrés pour en éliminer tous les slogans.

(3 juin 2023)

 

Peut-être que toute insignifiance signifie quelque chose. Peut-être que, dans un monde où le divertissement tient beaucoup de place, il cesse d’être un divertissement pour devenir la part essentielle de tant d’humains. Peut-être que nous sommes tentés de disséquer des âmes mortes pour y rechercher des poisons. Peut-être que le slogan a tué la pensée. Peut-être que ces « peut-être » nous invitent au voyeurisme, à la tentation de déshabiller l’Actuel.

(2 juin 2023)

 

Le député Pascal Kojak propose à nos autorités d’instaurer une journée de « lutte contre la calvuphobie ». Qu’est-ce que la calvuphobie? Une attitude de moquerie et de discrimination à l’égard des chauves. Il est important de signaler que le ressenti d’un chauve prime sur le droit à l’humour. Les chauves sont des personnes fragiles, incapables de se défendre toutes seules. Un État progressiste a le devoir de protéger les chauves. « La calvuphobie tue! » On ne compte plus le nombre de témoignages de chauves qui se déclarent tentés par le suicide, à force de subir les moqueries des chevelus. De plus, la sociologie intersectionnelle prouve que la calvuphobie se conjugue souvent au racisme anti-blanc, puisque les désignés Caucasiens sont beaucoup plus exposés à la calvitie que les désignés non-Caucasiens. Il est temps de déconstruire les stéréotypes dont les chauves sont victimes. La calvuphobie n’est pas une opinion, c’est un délit. On ne naît pas chauve, on le devient. Non, les chauves ne sont pas tous des obsédés sexuels! La preuve: au Tibet, c’est dans les monastères qu’on trouve le plus de chauves. Il est important de récrire la Bible pour y supprimer l’histoire calvuphobe de Samson. Non, la force n’est pas dans la chevelure. Il faut en finir avec ce cliché obscurantiste! Le député Kojak souhaite que le Maire organise un festival Yul Brynner pour honorer les chauves. Il serait bienvenu aussi de mettre sur pied une grande marche des crânes rasés, pour affirmer la fierté d’appartenir à la communauté des têtes d’oeuf. Brisons la coquille des lieux communs! Offrons aux chauves des chapeaux pour les protéger des coups de soleil! Mais ce n’est pas suffisant! La calvitie est une construction sociale. Ce n’est pas la chevelure qui fait la différence. Un chevelu peut, s’il se sent chauve à l’intérieur, se déclarer chauve et exiger que la société le reconnaisse comme tel; inversement, un chauve peut se déclarer chevelu. Se moquer de la transition capillaire est tout à fait odieux et contraire à nos lois. Les élèves doivent être informés de tout cela. Il s’agit bien d’information, et non de propagande. L’Education Nationale ne fait jamais de propagande.

(1 juin 2023)

 

Il y a un propos d’Einstein qui est souvent cité: « Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide. » Mes commentaires:
1. Même un génie comme Einstein peut dire parfois des stupidités.
2. Seuls les poissons qui grimpent aux arbres ont du génie.
3. Si tout le monde est un génie, il y a énormément de gens qui font tout leur possible pour ne pas le montrer.
4. Penser que tout le monde est un génie est une idée rassurante pour les imbéciles.
5. Il n’est pas suffisant de dire que tout le monde est un génie; il faut ajouter que tout le monde est un héros, tout le monde est est un artiste, tout le monde est remarquable!

(25 mai 2023)

 

Puisque dieu est omniscient, il savait en dictant le Coran que ses propos susciteraient parfois des difficultés d’interprétation. Or il me semble évident de supposer que dieu avait la volonté d’être compris de tous les humains, y compris des moins instruits. Dès lors, pourquoi ne s’est-il pas exprimé avec un maximum de clarté? Pourquoi a-t-il choisi de dicter le Coran en arabe, langue souvent équivoque, et non en latin, langue beaucoup plus claire?

(15 mai 2023)

 

La forme algébrique qui permet d’exprimer la génération z en fonction des générations x et y donne-t-elle des courbes de niveau qui correspondent à la bêtise pyramidale de la sociologie?

(12 mai 2023)

 

J’essaie de lire le Coran. Je n’imaginais pas à quel point ce livre est ennuyeux et répétitif! Presque à chaque page, ce livre répète l’idée que les infidèles (ceux qui ne croient pas au dieu unique) connaîtront pour l’éternité les supplices de l’enfer, car Dieu est vengeur et hait ceux qui ne croient pas en lui. Une religion dont le livre sacré sépare l’humanité en deux catégories: les croyants promis au paradis et les incroyants promis à l’enfer peut difficilement être considérée comme une « religion de paix ».

(11 mai 2023)

 

Les montagnes vivent. Au gré de la tectonique, du volcanisme et de l’érosion, elles naissent, se transforment et meurent. Puis renaissent, etc. Les ondes sismiques les font tantôt frissonner de plaisir, tantôt gronder de colère. Les eaux souterraines leur sculptent des organes internes et la chimie minérale les dote d’un nombre impressionnant de dendrites neuronales. Elles se régalent de coquillages et de plantes qu’elles fossilisent. Les langues glaciaires leur procurent tellement de plaisir qu’il en résulte des jouissances en cascades. Et, comme chacun le sait, une montagne peut même être enceinte et accoucher d’un sourire.

(15 avril 2023)

 

Pâques est à l’origine une fête grecque pour célébrer la raison (le logos). Mais la proximité de cette fête avec le printemps, où les lièvres d’avril se font des poissons, fit que le mot « logos » se déforma en « lagos », c’est-à-dire « lièvre », en grec ancien. Quand les conquistadors ramenèrent le chocolat d’Amérique, Laocoon déclara: « Je crains les guerriers quand ils sont porteurs de cadeaux. » Il n’avait pas tort, puisque c’est ainsi que le lapin en chocolat détrôna la raison, pour le plus grand bonheur des Helvètes qui avaient inventé le lait en poudre aux yeux.

(9 avril 2023)

 

Beaucoup de gens aiment citer les fameux mots que Rabelais met dans la lettre de Gargantua à son fils: « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Mais si on lit toute la phrase: « Mais – parce que, selon le sage Salomon, Sagesse n’entre pas en âme malveillante et que Science sans Conscience n’est que ruine de l’âme – tu dois servir, aimer et craindre Dieu, et mettre en lui toutes tes pensées et tout ton espoir; et par une foi nourrie de charité, tu dois être uni à lui, en sorte que tu n’en sois jamais séparé par le péché. », on se rend compte qu’il s’en dégage une idée qui va à rebours de la science moderne, à savoir que la science (au sens ancien de « savoir ») doit s’appuyer sur la foi religieuse. Ce n’était peut-être pas exactement ce que pensait Rabelais, mais le propos de Gargantua s’inscrit tout de même dans une longue tradition de soumettre la recherche de la vérité à des critères religieux. Bref, ces mots de Gargantua me semblent plus proches des horreurs de l’Inquisition et des théocraties que de l’ouverture d’esprit requise dans une science prête à examiner toutes les hypothèses, même celles qui peuvent choquer notre sens moral. Bien sûr, le sens moderne de « Science sans Conscience n’est que ruine de l’âme » s’est éloigné du sens originel. Il est plutôt question maintenant de souligner les dangers de la technique. Il faudrait donc plutôt dire: « Technique sans garde-fou peut nuire à la qualité de vie. » Bon d’accord, ce n’est pas très poétique, mais citation sans réflexion n’est que ruine de la pensée, ce qui n’est pas grave, puisque le cours de la pensée ne monte jamais bien haut sur le marché des valeurs mobilières…

(5 avril 2023)

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