Créé le: 21.08.2019
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J’entends ton coeur

Trésors 2019

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© 2019-2024 Alice Haas

Annie, vieille femme qui est entre rêve et réalité…. Mais si tout cela n'était finalement pas si étrange que cela. Peut-être qu'un vieux cadeau pourrait l'aider à se recentrer sur la réalité et ainsi l'aiderait à comprendre ce qui lui arrive.
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J’entends ton coeur

Comme le temps pouvait passer…

 

Assise sur un banc, non loin du lac face à elle, jouant avec un bout de ficelle, Annie avait le regard vague et chantonnait un petit air de musique qui lui passait par la tête. 

 

Personne ne passait plus sur ce chemin, autrefois bien fréquenté par les touristes. Rares étaient ceux et celles du coin qui connaissaient encore le lieu. Il se trouvait à une bonne vingtaine de minutes du village et le calme y régnait la plupart du temps. Seuls les bruits des oiseaux et des autres animaux des environs venaient parfois briser le silence.

Annie ferma les yeux un instant, respirant l’air pure du lieu avec plaisir et satisfaction. Ce lieu lui avait toujours donné un relent d’énergie et de sentiments positifs.

 

Puis, au fin fond de son esprit, une voix lui murmurait des choses venues du passé.

 

« -Le plus bel amour du monde, c’est celui que je partage avec toi ! »

 

« -Je n’ai peur que d’une chose, c’est le jour où tu te rendras compte que je ne suis qu’un homme… Et que tu t’en ailles et partes sans plus de regard… »

« -Je ressens quelque chose… C’est mon cœur qui bat… »

 

Rouvrant les yeux quelque peu, Annie remarqua que le paysage avait changé. Le ciel encore d’un bleu limpide quelques instants plus tôt, avait disparu pour faire place à un voile gris et blanc au-dessus du lac. Les oiseaux qui chantaient encore, avaient semble-t-il perdu leur voix pour laisser place à un silence parfait. Un silence presque trop silencieux au gout d’Annie, qui, reprit une grande inspiration avant de se détendre un peu plus, se laissant repartir dans ses souvenirs d’antan. 

 

« -Cher amour, je resterai toujours auprès de toi, quoiqu’il puisse arriver. »

 

« -Une seule image me revient de toi, c’est celle où tu me souris, les yeux remplis de larmes, et où tu me dis que tu es heureuse… Tout simplement. »

 

« -Une histoire est belle, lorsqu’elle sait se terminer. Ainsi, elle saura mieux repartir… »

Jack avait toujours eu le don de dire des choses surprenantes, sans que quiconque ne s’y attende. Jack avait été son ami d’enfance et lorsqu’ils furent plus adulte et plus mure dans leur sentiments respectifs, Annie et lui avaient finalement concrétisé leur sentiments et l’amour les avaient frappés comme tout en chacun, lorsqu’il s’agissait du premier et unique amour, c’était merveilleux. Le monde avait changé de couleur, les soucis et ennuies du quotidien semblaient avoir disparus et seule la plénitude des jours heureux semblaient durer pour l’éternité. L’amour faisait parfois virer les cœurs, mais surtout le tête…

Annie s’en souvenait très bien, de ces jours de joies, de rires et de gratitude. Jamais elle n’avait senti si forte émotion que durant tous ces jours passés au côté de Jack. Si c’était l’amour, alors rien n’aurait pu les séparer plus de temps qu’il ne le fallait. Chaque jour, chaque minute et même, chaque seconde était un véritable miracle, car c’était un instant volé au temps. 

 

« -J’ai une dernière chose à te dire… Je t’aime ! »

Une perle d’eau apparut sur les coins des yeux d’Annie.

 

Le souvenir de son amour, lui disant une dernière fois je t’aime, sans plus de cérémonie, l’avait touché en plein cœur.

 

Soudain, un bruit assourdissant vint lui vriller les tympans et Annie ne put que placer ses mains sur ses oreilles afin d’essayer de diminuer ce bruit.

C’était un bruit des plus horrible. On aurait dit un brouhaha mélangé à des battements, comme si quelqu’un était venu près de son oreille pour y jouer à pleine puissance du tambourin mêlé à de la corne muse. C’était vraiment insupportable, presque inhumain.

 

Puis, en un éclair, tout disparu…

 

Le bruit n’était plus, le lac avait disparu et sa forêt aussi, ainsi que les oiseaux… Il n’y avait plus que le vide, un vide immense. Comme à l’image de son cœur…

 

Vide depuis la disparition de son bien-aimé, vide de tous sentiments, de perspectives et d’avenir. Seul ne comptait plus que sa solitude inépuisable et infini… 

 

Pourtant, Annie pouvait encore la sentir au plus profond d’elle-même, une petite lumière résidait encore en elle. Celle d’un amour infini, cet amour qu’elle avait ressenti pour son Jack.

 

Lorsqu’Annie rouvrit les yeux, qu’elle avait fermé au moment où le bruit assourdissant lui avait presque brisé son ouïe, elle ne vit que du blanc. Clignant des yeux pour s’habituer, elle ne fut même pas surprise de voir une chambre d’hôpital autour d’elle. 

 

« -Comme c’est étrange… J’ai beau te regarder chaque jour de la même façon, mais jamais je ne te vois pareil…. Tu es plus belle chaque jour qui passe. »

 

-Quel beau flatteur mon Jack…. C’est ce qui me faisait le plus rire chez toi !

Annie tenta de bouger pour se positionner un peu mieux dans son lit, mais une vive douleur apparue dans tout son corps, l’obligeant ainsi à rester immobile.

Plusieurs minutes passèrent, Annie resta seule, sans bouger, regardant de temps à autre par la fenêtre de sa chambre l’extérieur. C’était une vue quelconque à son gout. Seul le passage de quelques hirondelles ici et là, aiguillait un peu son paysage vide et trop carré des immeubles.

Annie ne se demanda même pas comment elle avait atterri là, dans cette chambre froide et dénué de vie. Elle le savait parfaitement, cela faisait des semaines qu’elle était là.

 

La dernière chose qui réussissait encore à lui donner du baume au cœur était ces moments où elle méditait et où ainsi elle pouvait voyager hors de ce lieu et retourner sur son banc, face au lac, si proche de chez elle.

Un sourire fleurit sur son visage alors qu’Annie se remémora une scène entre elle et Jack.

 

C’était le jour de son anniversaire, elle venait d’atteindre ses quarante ans. Son travail de manager lui prenait beaucoup de temps et ce mois-là, elle n’avait vu son mari que pour aller au lit et se recoucher, ainsi elle avait espéré que Jack lui fasse une belle surprise en rentrant ce jour-là.

 

Jack avait revêtu son beau costume et avait accueilli sa moitié avait une magnifique rose dans la main, qu’il ne tarda pas à lui offrir, un grand sourire aux lèvres. Après cela, il lui avait tendu un petit paquet bleu et jaune, enrobé d’un nœud papillon de la même couleur. Annie se souvenait avoir trouvé la chose très touchante et était heureuse d’avoir retrouvé son mari ainsi.

Annie ne s’était pas faite prier et avait accepter le cadeau de son mari, impatiente de l’ouvrir et découvrir ce qu’il avait bien réussi à lui dégotter.

 

Sa mine réjouit se transforma bien vite en un regard perplexe et d’incompréhension. Dans ses mains, elle tenait deux bouts de bois en croix qui étaient reliés ensemble par un bout de corde. C’était loin d’être un cadeau idéal pour son anniversaire. Elle qui s’attendait à un bijou ou quelque chose de plus utile qu’un bout de bois. La déception se lisait très facilement sur son visage et malgré ses efforts pour renvoyer un sourire à son mari, celui-ci n’en fut pas dupe.

Jack, en parfait historien qu’il était, lui sourit, un air bienveillant et entreprit d’expliquer l’objet.

 

Il s’agissait en réalité…

 

-Tu vois chère Annie, ceci est un talisman qui vient tout droit de Madagascar. C’est un objet qui relève d’un trésor patrimonial de ce pays. Cet objet composé de deux éléments en bois disposés en forme de croix reliés par une chaîne en métal est un type d’objet magique qu’on appelle là-bas un ody. Celui-ci sert d’intercesseur destiné à lutter contre la sorcellerie et à protéger son possesseur de l’envoûtement d’un esprit maléfique. Souvent, il est lié à la divination, ce type même d’ody serait supposément présent lors d’une séance de tromba, afin de protéger l’individu en transe d’une rencontre avec un ancêtre potentiellement nuisible.

Annie l’avait écouté faire son exposé sans trop comprendre le pourquoi il lui avait offert un tel objet, un bijou aurait été plus classique et bien plus joli à son goût. Mais par amour pour son mari, elle haussa un peu les épaules avant de se résigner.

Jack n’avait jamais été très doué dans ses cadeaux. L’année dernière, il lui avait dégoté un vieux traineau qu’il avait trouvé dans une vieille brocante. Jack avait trouvé l’idée originale, sachant qu’ils allaient partir l’hiver suivant en Suisse du côté des Alpes pour skier et du coup, luger.

 

Annie l’avait remercié et aux souvenirs de ces vacances d’hiver, il était vrai qu’ils s’étaient beaucoup amusés et avaient bien rit.

 

Revenant de ses souvenirs, Annie s’assit sur le bord de son lit et tout en regardant un instant vers l’extérieur, elle tourna la tête en direction de sa table de chevet et tendit la main pour ouvrir un petit tiroir. 

 

Ses doigts touchèrent un vieil objet qu’elle gardait près d’elle depuis la disparition de son mari. Elle le prit dans sa main et fut presque surprise de revoir ses deux bouts de bois en croix. Depuis son quarantième anniversaire, elle l’avait gardé sans pour autant y faire attention. Pourtant, aujourd’hui, elle avait envie de croire aux paroles de son défunt mari et serra l’objet avec délicatesse contre elle.

Cela faisait plusieurs années qu’on lui disait être folle, qu’on lui répétait qu’entendre des voix n’était pas normal et qu’elle devrait plutôt aller en service psychiatrique. 

 

Malgré cela, Annie ne les avait jamais écoutés et s’était murée dans un silence pour éviter toutes ces remarques mal venues. Elle n’était pas folle si depuis le décès de son bien aimé elle l’entendait parfois lui parler, elle était juste plus ouverte que les autres sur le voile qui sépare les vivants des morts.

 

Aujourd’hui, elle voulait s’en assurer et ainsi, en tenant ce petit objet, elle priait de toutes ses forces pour que la vérité lui soit révélée. Afin que son esprit puisse se tranquilliser et que son âme soit apaisée. Elle voulait se défaire du mensonge et de l’illusion, car elle n’aurait pu supporter l’idée même que son Jack ne soit vraiment plus là.

Et pour une raison qu’elle ne comprit pas tout de suite, Annie entendit une mélodie lui raisonner dans la tête, la chanson mythique mais tellement authentique de Joe Dassin, « Ça va pas changer le monde ».

 

Elle finit par fredonner les paroles alors que bientôt, la chanson se terminait déjà. 

 

« C’est drôle, tu es partie

Et pourtant tu es encore ici »

 

Ses paroles lui allaient très bien, elles parlaient pour elle, c’était tout à fait sa situation actuelle, puis, les paroles se succédèrent et finalement elle fut frappée d’un éclair de lucidité incroyable. Le genre de chose qui vous permet de vous dire que vous ne pouvait qu’avoir raison sur ce fait.

« …l’écho de ta voix

Ton adieu, je n’y crois pas du tout

 

C’est un au revoir, presqu’un rendez-vous »

« Il est comme avant, le monde

C’est toi seule qui as changé

 

Moi, je suis resté le même »

 

Et là, Annie comprit !

 

Elle rouvrit les yeux et a failli avoir une crise cardiaque lorsqu’elle croisa des yeux bleu émeraude. Ces yeux-là, elle les aurait reconnus parmi des milliers d’autres, c’était les yeux dans lesquels elle s’était mainte fois plongé dedans et avait vu sa vie défiler.

Les yeux de Jack…. Son Jack.

Annie resta stupéfaite, serrant inconsciemment avec plus de vigueur l’objet dans ses mains contre sa poitrine. 

 

-J-J-Jack… ?!

 

Le fantôme de son mari se recula quelque peu et un sourire amusé sur les lèvres, un regard pétillant de malice il semblait s’amuser comme un enfant face au visage de son femme.

 

Aucun mot ne fut prononcé, aucun son ne raisonna dans la chambre, pourtant, la voix de Jack se faisait entendre de manière clair et perceptible. 

 

-Annie… Tu n’es pas folle ! Je suis toujours là, près de toi…

 

Annie garda les yeux exorbités sur la silhouette spectral de son bien -aimé. N’arrivant pas à aligner une pensée cohérente dans son esprit, Jack lui sourit de manière bienveillante, comme il l’avait si souvent fait de son vivant.

 

-Je suis bien là, face à toi Annie ! 

Un petit moment de silence passa et finalement, Annie reprit courage et cligna des yeux, pouvant à peine y croire. Elle sentait son cœur battre la chamade et des larmes se formèrent dans ses yeux, tant l’émotion était forte.

 

La joie et seul l’amour infini qu’elle avait encore pour son défunt mari la submergeait. La surprise et la peur avait été balayé lorsqu’elle réalisa que c’était bien Jack face à elle.

 

-Jack ? Je ne rêve pas ?! Demanda d’une petite voix Annie alors qu’elle osait encore à peine respirer.

 

Un mouvement de tête positif de Jack soulagea quelque peu Annie, qui tenait toujours fermement son talisman dans les mains. Jack s’approcha un peu et finit par s’assoir près de sa bien-aimée. . Le lit de bougea pas, aucun poids ne vint s’ajouter au matelas, Jack n’était finalement qu’un fantôme, aussi léger qu’une plume.

Annie le regarda, le dévora des yeux et alors que son cœur continuait à battre la chamade, elle put enfin sourire et un poids imaginaire venait de s’éloigner d’elle.

 

-Je ne suis pas folle hein ?! C’est bien toi face à moi… ?!

 

Jack lui sourit et comme pour tout à l’heure, Annie entendit plus qu’elle ne vit, les mots de Jack s’implanter en elle.

-Non Annie, tu n’es pas folle, où alors nous sommes des milliers à l’être !

 

Un instant passa et le flot de paroles reprit de plus belle dans la tête d’Annie, pourtant, elle ne s’en plaignait pas.

 

-Ce talisman, c’est l’objet qui me relit à toi, c’est l’émetteur qui capte ma présence et mes paroles. Tu vois, finalement je te l’avais dit, c’est un joli talisman… ! 

 

Puis, la voix de Jack devint plus sérieuse et Annie sut qu’elle devait l’écouter avec plus d’attention et qu’elle devait se souvenir des mots de son mari.

 

-Annie, je n’ai plus beaucoup de temps… Mais saches que je resterai près de toi jusqu’au jour où tu me rejoindras. Annie, tu dois savoir que c’est les mots de mon cœur que tu entends par moment et que quoiqu’il puisse arriver, tu ne seras jamais folle de croire en moi.

 

Une main se posa sur la joue d’Annie, celle-ci fut surprise de la chaleur qu’elle dégageait, sachant que c’était la main fantomatique de son mari.

-Enfin, surtout de croire en nous, notre amour… Il dépassera le temps et la mort, car il fut réciproque et sincère ! Unique en somme !

Annie ferma les yeux un court instant pour profiter de cette chaleur.

 

Mais, comme elle était apparue, elle disparut sans laisser de trace. 

 

Annie rouvrit les yeux et alors que les larmes coulèrent sur sa joue, elle ne vit que le vide face à elle. Jack avait disparu. 

 

Annie baissa la tête et même si elle était triste et qu’une sensation de perte émergeait en elle, quelque chose au fond de son cœur la réchauffa sans qu’elle ne puisse l’expliquer. Puis, à nouveau, une voix raisonna en elle.

« -Je t’aime… Pour toujours et à jamais »

 

Annie serra son talisman et se mit à pleurer. Des larmes de joie et de tristesse à la fois, tout se mélangeait en elle.

Toutefois, une seule chose était certaine pour elle, c’était que Jack vivrait toujours en lui jusqu’à son dernier souffle. Jusqu’à son dernier soupir, sa dernière respiration et sa dernière pensée.

…-… Epilogue …-…

 

Bien des mois plus tard, Annie releva sa plume de son carnet et avec un air fier sur le visage, elle contempla ses écrits.

Assise dans sa chaise, elle posa sa plume et s’étira un long moment, ses articulations lui faisait un mal de chien, mais elle n’en fit pas plus, sachant que l’âge n’apportait rien de bon.

 

Elle prit une grande inspiration et se gratta la tête pour balayer ses pensées. Quelques secondes encore et Annie sourit tout en reprenant son carnet dans les mains.

 

Elle le contempla un long moment avant de s’exclamer d’une voix enjouée et satisfaite.

 

-Enfin, c’est fini ! 

 

Elle regarda par sa fenêtre et vit le jour se lever. Un magnifique spectacle qu’elle ne manquait jamais de contempler lorsqu’elle le pouvait. 

 

-J’ai enfin terminer ce livre, celui qui raconte notre histoire à tous les deux, mon cher Jack !

Elle se leva avec peine mais réussit à aller chercher une enveloppe et un timbre. Elle plaça son carnet dedans et après avoir écrit l’adresse du destinataire, Annie sentit un grand soulagement.

 

-Je pourrai enfin te rejoindre…

 

« -Je suis toujours là, je t’entends… »

 

Annie sourit alors qu’elle pouvait presque voir l’image de son mari près d’elle, lui tendant la main.

 

-Je t’aime !

 

« -Je t’aime encore plus. »

 

…-… Fin …-…

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