J’ai été absente depuis longtemps, trop longtemps ; je me devais de guérir, de brûler les échafaudages de la colère, de passer au-delà des injustices que je croyais avoir subies. La vie m’avait bien sollicitée, elle m’avait donné plus d’expériences qu’il ne m’en fallait, toujours selon moi, bien sûr
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Je sortais à peine de clinique, où l’on m’avait traitée pour une dépression grave et j’essayais de me mouvoir dans la vie, à la recherche d’une certaine sérénité.

Mon travail de pigiste me permettait d’échapper un peu à mon quotidien, d’apprendre et de grandir ; il correspondait à mon intérêt pour les mots et pour les gens ; il me valorisait et me donnait confiance en moi.

Aussi, un soir d’automne voilé de brouillard, j’avais reçu l’appel de mon rédacteur en chef pour couvrir le changement de présidence d’une association caritative venant en aide aux personnes atteintes d’une maladie dégénérative.

Mon service terminé, je m’apprêtais à quitter les lieux et me mettre au travail pour la rédaction du papier. A ce moment-là, sur le pas de la porte, la présidente sortante nous avait présentés.

Ton histoire m’avait touché, tu avais l’air effondré car ta femme souffrait de cette maladie.

Tu m’avais raconté tout l’amour que tu avais pour elle et ta manière de prendre à bras le corps cette cruelle expérience, qui avait planté son décor au sein de ta famille, l’épuisant et faisant voler en éclats tous les espoirs.

J’avais tout rapporté à mon chef et ce dernier m’avait ainsi accordé pleine page.

Après lecture de l’article, tu m’avais félicitée pour ma plume mais aussi pour ma sensibilité et mon empathie ; de but en blanc tu as ajouté : « Je t’adore … oups, pardon, je vous ai tutoyée » ; oui, mon travail était bon !

Par je ne sais quelle source, tu avais appris ma vie, mon engagement en faveur des personnes atteintes de TED (trouble envahissant du développement) mon courage, vu que moi-même j’étais confrontée à ce terrible handicap par le biais de ma fille. Trois jours plus tard je recevais de ta part une donation conséquente en faveur de la fondation que j’avais créée quelques années auparavant.

De fil en aiguille, nous avions développé une sorte d’amitié, qui s’était transformée en amour. J’avais l’impression qu’une complicité s’était installée entre nous ainsi qu’une complémentarité, qui nous permettait, mutuellement, de pallier à nos manques respectifs.

Je croyais avoir rencontré un ange !

J’osais enfin espérer en un juste retour ou une juste récompense de mes peines. Mes prières avaient été entendues et je voyais l’avenir avec sérénité et confiance. Tu étais, à mes yeux, le sauveur.

Du jour au lendemain tu avais mis à ma disposition tout ce qu’il fallait pour continuer ma mission et ce fut tout naturellement que je t’avais nommé président de ma fondation.

Fondation que j’avais créée avec ma maigre épargne, mes larmes, ma douleur et mon espoir de donner aux enfants atteints d’autisme un semblant de dignité.

Tu avais les moyens financiers et dans mon esprit, notre collaboration pouvait aboutir à quelque chose de noble et merveilleux.

Tu ne tarissais pas d’éloges à mon égard. J’avais en toi une confiance aveugle et te sentais habité d’amour ; j’étais loin d’imaginer où cette expérience m’aurait menée.

Epuisée, je t’avais laissé prendre les rênes de ma vie ; tu as réussi à me convaincre de quitter mon activité, sous prétexte que je n’avais pas besoin de gagner quelques centaines de francs, puisque toi, tu avais la capacité de subvenir largement à mes besoins.

Petit-à-petit, aveuglée par les fastes et la grande vie que tu me proposais, je me suis laissée aller dans un confort illusoire, qui me semblait être le bonheur. Grande faute que de t’avoir écouté, car ce fut le début de mon isolement.

Tu étais mon sauveur et j’étais ton jouet ! Puis le sauveur a laissé sa place au menteur, au manipulateur, au calculateur, pour enfin se poser en victime.

Ton manque d’élégance, ton incohérence et ta couardise, frôlaient à peine ton machiavélisme.

Tu me connaissais bien, et tu avais su te servir de mes forces et de mes faiblesses.

Tu avais laissé chiens et porcs m’insulter, m’humilier sans jamais prendre ma défense, avec la distance de celui qui n’a rien vu, rien entendu, mais qui contrôlait tout. Avec la dextérité diabolique de diviser pour mieux régner.

Il y avait de quoi être frustrée ; nos discussions devenaient de plus en plus stériles et se terminaient en crise de nerfs.

Inutile de revenir sur ce que tu as fait, pourquoi et comment.

J’ai cherché ma place sacrée et légitime ailleurs, sans succès. Je t’en avais parlé, car pour moi, tu étais non seulement mon mari, mais aussi mon ami, mon père, mon ancre de sauvetage. Je me trompais.

Tes buts atteints, tu n’avais plus besoin de moi, je devenais l’incapable, la coupable de tout, la folle, la perverse narcissique, la personne à éliminer.

Chacun de mes faux pas était noté, je les ai multipliés, je ne savais plus qui j’étais. J’avais replongé dans la dépression et entre antidépresseurs, alcool, disputes, j’étais perdue et sous ton emprise.

Consciemment ou pas, à mon insu et malgré moi, tu avais fait de toi mon pire ennemi. Il ne restait qu’à trouver le public pour soutenir ta thèse, et la bonne personne pour faire le sale boulot ; pour toi, c’était un jeu d’enfant.

Tu m’as supprimée de ta vie, à coups de ruses et de mensonges ; puis, pas satisfait tu m’as isolée, comme une pestiférée ; tu as visé les bonnes personnes, même parmi mes amis et ma famille.

Le jour où je t’ai supplié d’aller parler à ma fille, qui te considérait comme un père et dont tu avais pris avec moi la responsabilité devant le tribunal d’être son tuteur, tu m’as dit qu’elle allait bien et que l’engagement en question était provisoire.

Tu m’as laissée dans le désespoir, dans une situation délicate, sachant qu’Estelle* pouvait décompenser, devenir dangereuse, pour elle et pour moi ; mais tu es parti en vacances, tu étais fatigué … ce que j’ai essayé de lui expliquer.

Tu as continué à jouer la victime colportant le fait que je t’empêchais de la voir et ô combien tu en souffrais

Estelle est TED, pas stupide ; combien de fois elle m’a dit en pleurant que tu l’avais abandonnée ; ces personnes sont pures et ne mentent pas.

Mon fils te respectait et avait pour toi la plus grande estime … tu l’as aussi laissé tomber. Trop honnête pour toi ? Probablement !

Tu as écouté les bons conseils de ton entourage ; certains ont dû avoir un sacré orgasme en apprenant notre séparation. Ils n’attendaient que ça !

Tu n’as jamais pris de mes nouvelles ; drôle pour quelqu’un d’aussi bon que toi, qui clamait haut et fort son amour inconditionnel.

Tu t’es entouré de belles personnes, qui, somme toute te ressemblent. Les mêmes que tu ne pouvais sentir et les mêmes qui te critiquaient dans ton dos, tout en te faisant des courbettes.

Tu m’avais gâtée, certes, mais ce que tu pouvais reprendre, tu l’as repris, tu as repris même ce qui ne t’appartenait pas, voix du verbe « usurper » !

Au-delà du paraître il y a l’être, ceci ne peut t’intéresser car trop sous l’emprise d’un ego surdimensionné. Te démasquer ? Utopie ! Et gare à ceux ou celles qui le font.

Ton vide a aspiré mon plein et l’a rempli de rien, l’amour que tu as reçu, tu ne l’as jamais senti, ni même appris ; oui, j’ai cru mourir brûlée par cette boule de feu qui consumait mon âme, je n’avais plus de terre sous mes pieds et dormais sur un tas de tesson de bouteilles. J’avais peur de continuer mon chemin sans toi mais j’étais dans une impasse, dans la confusion et dans l’instabilité émotionnelle, habitée cependant par l’espoir de ma guérison.

J’ai suivi une thérapie, une de plus. Je ne suis pas folle, ni perverse narcissique ; je suis hypersensible, un don et un défaut, ça m’a coûté cher, mais je sais maintenant pourquoi je ne te voulais plus en moi ; toujours ailleurs, à la recherche du plan « B », dans un mécanisme de triangulation, tu ne pouvais entendre les cris de mon cœur. Tu étais tristement dangereux !

Aussi, à l’instar de Diogène je prendrai ma lanterne en plein jour en criant à tue-tête : « Je cherche l’homme » ou encore, le cas échéant : « Ôte-toi de mon soleil » ! Phrase que j’aurais dû prononcer quelques années auparavant !

Commentaires (7)

Jean Cérien
08.05.2022

Le besoin de reconnaissance est bien le pire des salaires : une dette sans fin. Votre belle écriture vaux beaucoup mieux. Bonne chance pour la suite de votre production littéraire.

Lisa de Leonardis
08.05.2022

Un mot tout petit, que je trouve parmi les plus jolis, merci Jean, Merci !!!

L.
29.08.2021

Encore un témoignage poignant sur ces monstres qui nous entourent. Ils seront toujours là, à traquer leurs victimes. Comment se protéger de ces prédateurs ? En témoignant justement. Pour pouvoir en dresser les portraits robots et prévenir les êtres fragiles qui sont leurs premières proies. Merci pour cet écrit.

Lisa de Leonardis
11.05.2021

Mais, vous ... êtes vous un petit Ange ? En tout cas vous me mettez du baume au coeur ! Merci

Naëlle Markham
10.05.2021

Oh non, vous n'êtes pas seule! Par contre, comme je le disais, la seule voie pour survivre, c'est la fuite. Je pense qu'il est complètement illusoire d'espérer qu'un vampire change de nature. Quand sa victime se réveille, qu'elle s'oppose à lui et finalement s'enfuit avant qu'il ne lui arrive le pire, le vampire ...eh bien, il va juste partir en chasse pour se trouver une nouvelle proie. Il ne se remettra j a m a i s en question. Les cabinets des psys sont remplis de victimes de vampires, mais vous n'y trouverez jamais un vampire lui-même. Comme ils le disent si bien, ce sont les autres qui sont fous; eux se portent très bien, pas d'inquiétude à avoir. "La smalah et tutti quanti" décortique d'un ton que j'ai voulu volontairement léger tout ce mécanisme de destruction, de déconstruction de la victime. Il y a déjà beaucoup de films et de romans bien plus terrifiants sur ce sujet. J'ai préféré prendre le contre-pied. Pour vous consoler, une dernière réflexion : pour remplir le vide immense qu'il a en lui, le vampire a pour cibles des personnes bien précises. Il recherche celles dont il pourra siphonner la joie de vivre, l'empathie,la générosité, la gentillesse, la facilité de communication, etc.. Alors, dites-vous que toutes ces belles qualités-là vous les avez, mais à l'avenir soyez prudente en ce qui concerne les personnes avec qui vous les partagez (https://relation-aide.com/library/le-profil-du-pervers-narcissique).

Naëlle Markham
10.05.2021

Peut-être qu'à force de faire leur portrait, on pourra sauver de futures victimes des griffes de ces gens les plus toxiques que je connaisse, les pervers narcissiques, que j'appelle également vampires tant ils correspondent à la définition. Ils sont aussi en bonne place dans mes écrits et ce n'est pas un hasard. C'est justement l'un des indices pour les reconnaître: ils font beaucoup parler d'eux... en leur absence. Et une excellente façon de les détruire, c'est bien de braquer un projecteur sur leurs agissements: les témoins, ils détestent ça (le même effet que le soleil pour les vampires). Il n'en reste pas moins que la seule échappatoire c'est la fuite. En attendant, bravo pour le portrait décapant.

Lisa de Leonardis
10.05.2021

Merci Naëlle, merci beaucoup, votre commentaire me fait sentir moins seule ... je sais que je ne suis pas la seule; les jeux sont si subtiles - j'espère vraiment qu'un jour proche ils sortiront de leur déni, pour eux et pour toutes les victimes qui, parfois frôlent la mort ... et c'est grave !

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