Créé le: 07.09.2021
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Janus
Janus
Réflexion sur la mélancolie aux nuances destructrice et créatrice. Un état qui s’est affiliée au fil du temps à la bipolarité, représentée ici par Janus. Deux divinités se confrontent mais Diane est aussi mon deuxième prénom. Ce mal-être que tous, en tant qu’humains, doivent à sa manière affronter.
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Janus,
Ces mots te sont adressés, à toi mon adversaire. Cette histoire hostile transcrit un parcours au relief accidenté et les chocs infligés. Côte à côte, la sérénité cicatrise les blessures. Camouflée, la paix est là, elle se bat, elle implore. Cette homélie, je te prie de la lire.
Une rencontre. Entre mélancolie et existence. A travers alacrité et vivacité. Le début d’une oppression et une fin combative.
Dès l’enfance tu me suivais à l’affût de mes pensées. Je me sentais menacée sans comprendre le danger. Je me rappelais d’être accablée par tes reproches. La culpabilité me torturait sous des blâmes illusoires. Ton emprise me causait des cauchemars. Je me réveillais alors consciente que j’étais encore en vie. Malgré toi.
Derrière les ténèbres se dressait une image rigoureuse. A l’adolescence, j’ai écouté tes directives. Rigueur, travail, recherche de la perfection. Alors, avec ton aide, j’arrivais à tout maîtriser. Se purifier de l’intérieur, la clé de l’excellence. Sur une pente ravissante, je commençai à vaciller. Tu t’approprias mon corps qui se transformait. Ma sève était aspirée pour laisser apparaître des formes saillantes et longilignes. Je m’allégeais. Ma force physique peu à peu absorbée, je me sentais décliner. Je risquais de m’affaisser. À cause de toi.
Je résistais. Contre toi.
Je m’étais mise à te fuir. En saisissant une monture qui surgissait, je galopai loin de l’ombre d’une sombre bête. Un intervalle libre, ce que j’espérais. Je pensais toujours à toi, me convainquant que tu n’avais jamais existé.
Tu m’as retrouvé quelques années plus tard dans une lourde solitude. Tu as proposé de combler ce silence pesant. Aussi les carences. L’absence par ton omniprésence. Je ne pouvais plus alors me détacher de toi. Notre relation balançait parmi l’adoration et l’animosité, telle une vive passion. Deux moitiés congruentes se complétaient dans un enlacement resserré. Chaque partie, celle embrumée et l’autre aveuglante s’épanouissait en ce lien acéré.
Néanmoins le chaînon serti de reflets ardents, s’accrochait à son maillon. Il resplendissait dans des nuances éblouissantes. Une fusée intérieure déclenchait des étincelles de lumière dont l’intensité avivait les sens.
Tu n’abandonnas pas le joug sur ma lucidité en m’extirpant des angoisses. Les décisions s’emballaient. L’imagination s’accélérait. De folles idées se multipliaient si nombreuses dans ma tête. Et si embrasées.
Une dimension brûlante et ravageuse. Sans réduire pourtant mon âme en un filet de cendre, l’imaginaire fulminait. Du haut des cimes, le ciel s’ouvrait et pénétrait au sein d’un univers humide et feuillu. Je me promenais dans ce monde ombragé, contournant un cerclage de colonnes boisées. Je caressais les arbres qui devenaient des amis. Je me réfugiais auprès d’eux, imprégnée par la fraîcheur de l’enchantement. La végétation dégageait un gai parfum. Les senteurs tellement légères donnaient l’impression de décoller. Je m’envolais, la joie me faisant virevolter. Grâce à toi.
Tu attisais cette flamme. Avec le même souffle, gonflée par tant de plaisir, je flottais. Il fallait redescendre. Au-dessus d’un brasier persistant, mon cœur refroidissait. La brûlure se calmait tandis que des crépitements survivaient. J’ignorais les craquements tels des failles dans les profondeurs.
Dans le déni, je pensais m’être éloignée de toi pour toujours. Rien ne pouvait désormais m’accabler. Avec le temps je m’étais fortifiée. Cependant, au décours de phases toute puissantes, je découvrais à nouveau ma fragilité. Mon besoin d’être choyée. D’être désirée. Ton attraction ne cédait pas. Tu me poussais toujours vers des sentiments ambigus. Je dépendais de toi mais tu m’anéantissais au lieu de me protéger. Amour et haine. Aimer violemment. Détester éperdument. Une sensibilité exacerbée s’en exprimait.
Maintenant que je rédige cette missive, je me rends compte de ta cruauté. Un mal transparent tournoie autour des âmes et choisit sa proie. Un mal livide apparaît dans le vide, puis prend sa place. Il se déploie et l’espace tout autour paraît encore plus énorme. Tu me guettes. Je t’évite. Tu m’observes. Je t’appréhende. Tu me saisis et réveilles une plaie lancinante.
Je glisse dans les ténèbres. Tiraillée par des idées intrusives, je me sens dépérir. Le manque approprie mon esprit en une obsession. L’existence semble ralentir. Un seul geste exige un effort herculéen au risque de rester figée. Ma volonté s’oppose à ton influence. Je m’affronte à toi. Il est difficile de résister. Appesantie par la peine, j’avance si lentement. Du moins je continue. Peut-être que les pas tracées sur le sol sont ceux d’un ange qui me portent.
Subitement un éclair de béatitude. L’allégresse, jusqu’à maintenant réprimée, éclate. Larmes de joie effaçant le malheur. Un sublime bonheur frôle les nuages et dépasse la grisaille. Le paradis terrestre semble à ma portée. Une pluie débordante lave toutes les inquiétudes.
J’ai découvert l’extase, une drogue spirituelle. Je te remercie de m’avoir fait connaître cette sensation divine aussi bien qu’infernale. Un saisissement qui doit être accueilli avec précaution, car autant éphémère qu’il peut être, cause souvent une lourde chute. Une retombée brutale, aux conséquences affligeantes, me prend conscience du véritable bien-être. Une rébellion triomphante parce qu’elle demeure perpétuelle. Un jour, qui s’écoule, se réinvente. L’émerveillement remplace l’euphorie et s’ouvre à la contemplation. Méditer au lieu de se doper, s’intoxiquer, s’empoisonner. Transmettre son attachement autrement que de souhaiter une passion fiévreuse. Par un transfert victorieux, je le réussis en t’apprivoisant, non en te chassant.
Sans toi, je ne rédigerais pas cette lettre. Je n’aurais pas obscurci ces deux pages où s’écrit une révoltante humeur. Un affrontement sur des émotions, des instants de douleur. Une défense à l’unique prétention de sublimer la souffrance. Celle que tu m’as imposée.
Mon ennemi. Mon meilleur ennemi. Tu deviens mon allié. À la mort, mais surtout, au nom de la vie.
A Dieu
Diane
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