En réponse à l'article paru dans Le Temps du 25 août 2021, sous la plume de Christine Matthey, intitulé "Luigi Lucheni, autoportrait d'un enfant martyr". Pour écrire son article, la journaliste s'est basée sur la préface d'Hervé Le Corre, dans une réédition chez les éditions françaises "Inculte".
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En réponse à l’article paru dans Le Temps du 25 août 2021 sous la plume de Christine Matthey, intitulé  » Luigi Lucheni, autoportrait d’un enfant martyr  » :

Pour écrire son article, la journaliste s’est basée sur la préface d’Hervé Le Corre, dans la réimpression en catimini, chez les éditions françaises « Inculte » (filiale de Actes Sud), des « Mémoires de l’assassin de Sissi ».

Or je les avais publiés dans leur contexte inédit, à Paris au Cherche Midi en 1998. La moitié de cet ouvrage était consacrée au résultat de mes scrupuleuses recherches ayant permis de reconstituer toute cette affaire, et de ranger la publication des Mémoires de Lucheni dans leur véritable contexte. A noter que ce livre a été traduit en plusieurs langues (même en chinois), et qu’il a suscité un film documentaire mis en scène par Alain Timsit, produit par Jakaranda.

Nous assistons malheureusement, dans le cas de la réédition chez Inculte, à une double imposture :

1. Mon nom et l’édition originale du Cherche Midi ne sont pas référencés dans le présent ouvrage. Ni mon éditeur ni moi-même ont par ailleurs été avisés.

2. L’objet et les circonstances de la découverte des cahiers manuscrits de Lucheni sont relatés d’une manière volontairement déformée par Hervé Le Corre. La perspective du drame historique (l’assassinat de l’Impératrice Elisabeth d’Autriche à Genève le 10 septembre 1898) s’en trouve ainsi totalement biaisée voire faussée. Je m’en explique :

La préface de cette réédition nous dit :   » Il (Lucheni) remplit 5 cahiers. 4 seront volés par des gardiens. Seul le premier racontant son enfance a été retrouvé « . L’article du Temps s’en fait l’écho ainsi :  » Quatre de ces cahiers ont été dérobés par des gardiens ». Puis, plus loin :  » Ne reste donc à lire que ce premier cahier, intitulé Histoire d’un enfant abandonné à la fin du XIXe siècle, racontée par lui-même. »

Ces deux affirmations sont totalement fausses. Si Inculte avait fait mention de l’édition originale et inédite des Mémoires de Lucheni en 1998, la journaliste du Temps aurait pu la consulter et n’aurait pas relayé cette fâcheuse fake news !  Car la nature précise des documents que je j’ai conservés si longtemps y est décrite :

C’est mon père N. Cappon qui avait acheté en 1938 les 5 cahiers manuscrits du célèbre assassin, à la fille du gardien-chef de l’ancienne prison qui a cessé de fonctionner en 1912. J’ai hérité de ces documents. Cette femme lui avait affirmé qu’ils avaient été tous légitimement récupérés dans la cellule de l’assassin à la prison de l’Evêché, suite au suicide de celui-ci en 1910 dans le cachot où il purgeait une énième punition. Or j’ai mené mes propres recherches durant plusieurs mois dans les archives de ce pénitencier jadis installé au chevet de la cathédrale Saint-Pierre de Genève, puis démoli tardivement en 1940.

Ceci grâce aux facilités offertes à moi sur Genève par l’Archiviste d’Etat de l’époque, Mademoiselle Catherine Santschi. J’y ai découvert le pot aux roses :

Les archives d’Etat du canton de Genève nous révèlent que dans leur totalité, ces 5 cahiers n’ont pas été récupérés après la mort de Lucheni, mais l’ont bien provoquée d’une manière indirecte. Le directeur de la prison s’est borné à constater en 1909, que Lucheni se plaignait de la disparition de ses cahiers. Or j’en ai déduit, en toute logique, qu’ils ont été dérobés frauduleusement par les gardiens, dont une des filles en fera ses choux gras en 1938 …

Dès lors, on comprend bien que ce ne sont pas 4 cahiers qui ont été volés, mais bien 5.  Ce n’est par conséquent pas « le premier cahier » qui englobe à lui seul le titre cité dans l’article du Temps, mais bien l’ensemble des 5 cahiers. Ils ont été filmés par Jakaranda et sont consultables par tous les historiens qui en feraient la demande.

Qu’est-ce que ça change: il n’y a malheureusement aucune suite à la relation de cette terrible enfance, celle de Luigi Lucheni. Car c’est à l’issue de ce premier travail autobiographique du le célèbre réprouvé, que les gardiens ont commis leur larcin. Ce qui a provoqué la colère illimitée et le désespoir d’un prisonnier qui aurait bien voulu poursuivre un patient retour sur lui-même. S’en suivront des punitions à répétition dans un obscur et humide cachot au sous-sol de l’Evêché. Sa mort suspecte en 1910 sera la conséquence logique de cette dépossession. J’en dirai davantage sur ce « suicide », dans une prochaine suite à mon livre paru en 1998. Suite rendue possible grâce à la découverte par moi-même de nouveaux documents inédits.

Résumons-nous donc : c’est bien le contenu des 5 cahiers qu’a republié Inculte tout récemment, et non pas uniquement le premier. Ce qui change tout quant aux enjeux posthumes et à la compréhension du véritable contexte historique : laisser supposer (comme le fait Hervé Le Corre, auteur de romans policiers) que 4 autres mystérieux cahiers se trouveraient encore dans la nature est une imposture vérifiée ! Une hypothétique suite où seraient révélés un jour, qui sait, les véritables raisons ayant poussé Lucheni à tuer Sissi !? On voudrait en frémir par avance … mais c’est tout faux.

Doublement regrettable, dès lors que la vérité est déjà connue par tous les lecteurs de mon livre paru à l’occasion du 100e anniversaire de l’assassinat à Genève, de l’Impératrice Elisabeth d’Autriche (1898-1998).

Au plan historiographique, on ne peut se permettre une telle manipulation préméditée de la vérité. Et sur le terrain de l’édition, on ne devrait pas s’autoriser telle imprudence.

Voir mon article très documenté sur Infoméduse, intitulé :

 » Tribune libre — La réédition des « Mémoires de l’Assassin de Sissi est une imposture  »

 

Santo CAPPON, le 27 août 2021

 

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