Chapitre 1

1

Au début du monde, les animaux s'organisent et cherchent à donner du sens au rôle qui leur a été donné par Mère-Nature et Premier-Souffle. L'histoire de Renard nous apprend, entre autres, que les Fake News ne datent pas d'hier et qu'elles n'attrapent que celles et ceux qui s'agitent sans se poser de question sur les rumeurs qui leur parviennent.
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Il y avait, dans les prairies verdoyantes et encore jeune du début du monde, un animal solitaire dont la couleur de la fourrure faisait penser aux flammes du feu, lorsque celles-ci tourbillonnent sur un ciel de crépuscule. Cet animal au museau fin et à la queue touffue, Renard, avait pour occupation principale de courir après des poules sauvages -il faut savoir qu’au début du monde, tous les animaux étaient sauvages car les êtres humains n’avaient pas encore appris à les domestiquer. Renard passait le plus clair de son temps à tenter de les attraper et, une fois la poule capturée, il cherchait un endroit -par exemple un buisson ou un bosquet près duquel il serait à l’abri- pour faire de sa proie son déjeuner. Seulement, le pelage de Renard, s’il était beau, le rendait également très visible, ce qui ne l’arrangeait pas pour chasser : en effet, les poules le voyaient arriver de loin et elles en profitaient pour s’enfuir et lui échapper.

Une nuit qu’il ne parvenait pas à trouver le sommeil et veillait en regardant le disque d’agent qui traverse le ciel et que nous appelons Lune, Renard se demanda comment celle-ci faisait pour disparaître régulièrement et revenir ensuite, tout aussi régulièrement. Il aurait trouvé cela pratique de pouvoir se rendre invisible comme elle, car, se disait-il, cela lui aurait permis d’avancer vers ses victimes sans être vu. Ainsi, chasser serait moins fatiguant. Comme ce soir-là, Lune était pleine et bien ronde, Renard décida de lui poser la question qui le démangeait :

– Lune, s’enquit-il alors, dis-moi, quel est ton secret pour devenir invisible et redevenir ensuite visible à ton gré ?

Lune se pencha vers la terre, se demandant qui lui parlait. Découvrant qu’il s’agissait de Renard, elle lui dit :

– Bonsoir Renard. Tu aimerais connaître ce qui fait que je disparais et apparais au fil du temps, et cela de manière aussi régulière, c’est bien ça ?

– Oui, répondit Renard. Cela me serait très utile pour chasser les poules, que de ne pas être vu.

– Hoho, fit alors Lune. Je vois, c’est une idée rusée, en effet. Mais je ne peux pas t’aider car vois-tu, c’est Soleil qui m’éclaire. Et c’est lui qui fait que je suis visible comme ce soir ou alors invisible, comme je le serai dans quelques jours.

– Ah, c’est Soleil, fit Renard un peu déçu -car il savait qu’il n’obtiendrai jamais rien de Soleil qui était peu enclin à s’occuper des petits problèmes des animaux du début du monde. Eh bien, je vais aller chercher ailleurs.

– Oui dit Lune, c’est ça. Va et trouve la réponse à ta question.

Renard s’en alla donc et, au plus profond de la nuit, il sentit soudain dans le léger tressaillement de ses moustaches, Vent, qui soufflait doucement sur la plaine. Renard s’arrêta alors et demanda alors à Vent :

– Vent, s’il-te-plaît, dis-moi, comment fais-tu pour être là sans que personne ne te voie ?

Vent tourna alors un peu autour de Renard et lui demanda à son tour :

– Pourquoi me poses-tu cette question, Renard ?

– Parce que j’aimerais bien me rendre invisible et ainsi attraper plus facilement les poules que je dévore pour mon déjeuner.

– Hoho, je vois, dit alors Vent, c’est une idée rusée, en effet. Puis Vent expliqua à Renard les raisons de son invisibilité ainsi :

-Vois-tu Renard, au début du monde, Terre,  Feu, Eau et Air se sont réunis et ont décidé ensemble de leurs apparences : Terre serait brune et ocre, afin que les animaux puissent bien voir où ils construisaient leur maison;  Feu aurait les couleurs que tu lui connais et dont ton pelage s’est inspiré pour lui ressembler, car il était important qu’il soit vu, ceci afin que l’on évite de s’en approcher et de se brûler. Pour Eau et pour Air (qui me porte), il ne leur a pas semblé que prendre une couleur soit nécessaire. En effet, il leur paraissait important qu’Eau soit transparente afin que les pêcheurs puissent voir les poissons et les attraper ; quant à Air, il leur parut évident qu’il soit également transparent, sans cela, personne ne verrait rien du paysage.

– Et pour les animaux, questionna Renard?

-Pour les animaux, répondit Vent, comme Eau et Air, ils n’ont pas reçu de couleurs. C’est le premier de chacun d’eux qui a adapté son plumage, son pelage, sa carapace à ses propres besoins, et cela en fonction de la mission que lui a confiée Mère-Nature et Premier-Souffle.

– Si je comprends bien, répondit Renard, nous sommes tous transparents, et c’est au fur et à mesure des besoins que nous créons dans notre imagination, que nous prenons une couleur?

– C’est à peu près cela, souffla Vent dans le creux de l’oreille de Renard. Nous prenons les couleurs que nous portons en fonction de raisons bien spécifiques qui se font et se défont au fil de nos existences. Regarde Eau, par exemple : suivant le milieu dans lequel elle se trouve, elle n’est plus transparente. Mais ce n’est pas elle qui change de couleur, c’est ce qu’elle porte en elle qui la colore ainsi. Et moi, lorsque je suis chargé du sable du désert, je peux également prendre la couleur des ocres qui le composent. Mais c’est le sable qui me donne cette couleur, ce n’est pas moi.

– Je vois, dit Renard. Il faut croire qu’au début du monde, à la grande table des animaux, le premier Renard a dû trouver intelligent de revêtir une robe de flamme comme celle que je porte. Je me demande bien pourquoi?

– Peut-être qu’il voulait attirer à lui la chaleur de Feu et ainsi ne jamais avoir froid, lui répondit Vent. Du reste, c’est vrai, cette fourrure te tient bien au chaud, n’est-ce pas? Et Vent souffla alors une longue brise, chargée de l’air en provenance des pôles, qui est très froid. Renard hérissa son poil et reprit :

– C’est vrai, mais cela ne m’aide pas à attraper des poules. Bon, reprit-il, je vais aller chercher ailleurs une solution à ma question.

– Oui dit Vent, c’est ça. Va et trouve la réponse à ta question.

Renard marcha encore longtemps sur la plaine du début du monde; quand il arriva à la fin de la nuit, alors qu’il avait beaucoup réfléchi, il se sentit un peu fatigué et chercha un endroit pour se reposer. Il trouva une sorte de renfoncement dans le sol de la prairie et s’y installa. Et là, tout d’un coup, alors qu’il allait s’endormir, Renard fut soudainement visité par une idée. Une de ces idées qui vous viennent comme ça, sans crier gare, et dont vous vous demandez d’où elle peut bien surgir, tant son apparition est brusque et certaine. Et cette idée était la suivante : il n’est nul besoin que je devienne invisible pour attraper les poules que je convoite. Il suffit que les poules me croient invisibles !

Renard sortit alors de son trou et couru dans la plaine en se mettant à crier :

-Vent !Vent ! Ca y est, je suis devenu invisible ! Regarde !

Vent se mit à tourner alors autour de Renard et constatant qu’il pouvait le voir sans gène, il lui répliqua :

– Mais comment ça, invisible ? Je te vois bien, moi !

Mais il était trop tard. Les paroles Renard avaient déjà été emportées par le souffle puissant de Vent et étaient parvenues chez les poules. Et chez ces dernières, ce fut le chaos : elles se mirent à courir en tous sens et hurlaient :

– Renard est invisible ! Renard est invisible ! Il va venir nous dévorer sans que nous ne puissions le voir. Vite, partons nous cacher !

Mais comment se dérober au regard d’un être invisible. Il finira toujours par vous trouver. Alors les poules changeaient sans cesse de places.

 

L’idée de Renard avait fonctionné au-delà de toute ses espérances: il attendit en effet, bien installé à l’ombre de son bosquet, qu’une des poules affolées et qui courait pour aller d’un abris à un autre, passe près de lui. Il n’eut qu’à avancer le museau pour s’en saisir et la dévorer toute crue.

Et c’est depuis ce jour que Renard s’est mis à chasser avec Vent, lui faisant colporter des mensonges, et profitant de la crédulité de celles et de ceux qui les écoutent pour en faire son déjeuner.

 

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