Créé le: 21.06.2025
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Grandir

Auto(biographie)

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© 2025 a Omar Bonany

Chapitre 1

1

Impropre à renouer pour l'heure avec mon passé familial, fût-ce au travers d'un récit édulcoré, je retourne en dernière analyse à mon projet de roman satirique
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G R A N D I R

 

Omar  Bonany

 

 

Au bord de l’abîme, il se cramponne à des crayons.

Élias Canetti, Le cœur secret de l’horloge (1989)

 

[NB: Posté initialement en 2021, et republié ici en juin 2025]

 

C’était la figure vivante de l’Ordre, le maître du château aux ouvertures condamnées, où nous étions relégués à demeure.

Mais il y avait de loin en loin des enclaves franches; des terres inaliénables et libres, étrangères à sa juridiction.

Il en allait ainsi de la Bibliothèque municipale. Déjouant sa surveillance, je m’éclipse dès que je le peux pour gagner cet ermitage.

Imperméable aux rigueurs d’un père habité de noires obsessions, c’est la serre chaude où je peux enfin trouver asile en toute quiétude.

De Chauderon à Montriond, impropre à concevoir qu’il puisse se trouver endroits plus hospitaliers, j’y aménage mes quartiers; j’y prends racine, sous la conduite des Anciens tout autant que des Modernes.

Dans la suite des temps, d’autres lieux d’ancrage s’offrant à ma curiosité, j’y pousse une reconnaissance; j’effectue le tour du propriétaire, ébahi devant les merveilles qui se présentent à ma vue.

Tombant successivement dans leur attraction, ce fut ainsi, du Cercle littéraire aux ors du palais de Rumine, ma triomphale tournée des grands ducs.

Puis vint la Citadelle, dont je ne songe plus à déserter l’enceinte consacrée. C’est sous les murs de Dorigny*, où j’emprunte la casquette d’auditeur libre, faute d’y occuper de plein droit une place attitrée sur ses bancs.

Payant ce providentiel sauf-conduit d’une assiduité redoublée, je m’emploie de cette manière à rattraper mes classes.

Elles furent, il y a beau temps, ruinées par le fait du prince, en la personne de mon père; mais ce dernier a beau avoir disparu, et ses lois d’airain tombées en désuétude, ses injonctions n’ont rien perdu de leur acuité, et se donnent toujours à entendre…

Désormais, c’est au sein de ce vivier où la pluralité des disciplines, à l’égal de la Maison de Salomon**, ne sont jamais en peine d’officiants, que je m’emploie à retrouver mes marques.

C’est là que je prends à tâche de grandir, en travaillant à restaurer, vaille que vaille, le livre dévasté de mon passé.

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* Dorigny: Campus de la faculté de Lausanne

** Maison de Salomon: In Nouvelle Atlantide, de Francis Bacon (Le philosophe, et non le peintre [1627])

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Caroline Rieder, quotidien 24 Heures (22 septembre 2021): «Deux cents habitants racontent leur Lausanne. La capitale vaudoise se donne à lire dans de courts textes de 1200 signes rassemblés dans l’ouvrage collectif D’Écrire ma ville Lausanne»

 

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© 2021, Éditions Soleil Blanc

(Remanié en 2025)

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