Créé le: 21.07.2024
70
0
1
De l’autre côté du mur
Savons-nous réellement ce qui se passe dans nos maisons ?
Suivez l'aventure de Sally, vous serez sans doute surpris...
Reprendre la lecture
Sally murmura :
— Depuis quand cette fissure est-elle apparue ?!
Perplexe, elle passa sa main sur la mince fissure qui ornait son mur de circonvolutions que l’on eût pu croire dessinées par un artiste. Elle poussa alors un cri lorsqu’elle se sentit happée vers l’intérieur. Elle tenta de résister, en vain, et elle disparut bientôt dans les entrailles de sa maison, dévalant un toboggan de pierre lisse n’offrant aucune prise qui lui eût permis de stopper sa descente vertigineuse. Sally avait l’impression que tout tournait autour d’elle et elle finit par perdre connaissance…
La sensation de ne plus être en mouvement la réveilla. Elle avait l’impression qu’elle se trouvait au creux d’un cocon douillet. Elle se releva et eut une exclamation d’admiration en découvrant un jardin de pierres d’une blancheur immaculée, constituant une véritable dentelle magnifiquement ouvragée qui s’étendait à perte de vue. Subjuguée, Sally avança la main droite vers une fontaine dont le pied était une colonne de roses entrelacées, et dont la vasque supportait en son centre une statue de femme drapée d’un voile de roses. Une voix claqua brutalement :
— Ne touche à rien ! Tu pourrais tout détruire !
— Qui me parle ?!
— Ta maison, bien sûr ! Tu as passé la porte interdite ! Tu seras punie !
Effrayée, Sally chercha un moyen de s’enfuir à la première occasion, mais partout où se portaient ses yeux, ce n’étaient qu’entrelacs de pierres, parfois inextricables. Elle se mit à réfléchir à une solution lui permettant de s’échapper : devait-elle s’en prendre au jardin de pierres, quitte à ce que sa maison s’effondrât sur elle ? Supplier qu’on la laissât partir ? Elle n’avait rien dégradé dans la maison, et sa venue dans ce lieu était purement fortuite ! Elle exposa ses arguments à son interlocutrice invisible, attendant anxieusement son verdict :
— Effectivement, tu t’es toujours très bien occupée de moi. Cependant, tu as tout de même commis une faute en t’introduisant en ce lieu ! Tu dois être punie !
Une voix masculine se fit alors entendre :
— Personne ne la punira !
Sally se retourna et ouvrit la bouche sans pouvoir proférer un son. Il était là, l’homme qu’elle voyait toutes les nuits dans ses rêves depuis sa disparition plusieurs mois plus tôt ! Son fiancé Zériel, son Apollon aux cheveux noirs et aux yeux d’un bleu limpide se tenait devant elle, vêtu d’une toge romaine, et il lui souriait de toutes ses dents ! C’en était trop pour Sally, qui s’évanouit…
Lorsqu’elle revint à elle, Sally découvrit le visage inquiet de Zériel penché au-dessus d’elle.
— C’est bien toi, Zériel !
— Oui, ma chérie.
— Mais… Que fais-tu ici et dans cette tenue ? Comment pouvons-nous quitter cet endroit ?
— Pardonne-moi de t’avoir mise dans cette situation, Sally, mais… nous ne pouvons pas quitter ces lieux.
— Pourquoi ?! Que veux-tu dire, exactement ? Est-ce à cause de toi que je me retrouve prisonnière de ma maison ?!
Zériel hocha affirmativement la tête, puis expliqua d’un ton légèrement hésitant :
— Je ne suis pas humain, Sally. J’aurais dû te le dire dès le début, mais je t’aimais trop, et je craignais de te perdre. Je suis le dieu lare de cette maison. Je t’ai observée pendant des mois, et j’ai compris que tu étais celle que j’attendais depuis longtemps. Ne me regarde pas ainsi, les dieux aussi peuvent tomber amoureux, tu es au courant des amours de Zeus, non ? Je l’ai supplié de me laisser me montrer à toi et nous avons fait connaissance il y a deux ans. Mais il a estimé que je passais trop de temps auprès de toi et il m’a forcé à revenir ici sans me laisser tout t’expliquer.
Il scruta sa compagne avec inquiétude, surpris de son silence. Celle-ci explosa soudain :
— Et tu t’imagines que je vais croire à cette fable ?! Tu m’as abandonnée depuis des mois, Zériel ! Je t’ai imaginé kidnappé ou même mort ! Et tu viens me servir cette fable de dieu lare ?! Je n’en crois pas un mot ! Dis-moi comment sortir de cette prison de pierre et brisons-là !
Il s’emporta à son tour :
— Tu refuses de me croire, mais tu n’es pas surprise de parler avec ta maison ! Crois moi, je t’aime, Sally, et j’ai décidé de t’épouser malgré Zeus ! J’ai réussi à réactiver la porte interdite afin que tu me rejoignes ! Je te l’ai dit, une fois dans les entrailles de cette maison, nous ne pouvons plus en sortir… Voyons, chérie, as-tu donc oublié nos projets et combien nous nous aimions ?
Un instant, leurs regards s’accrochèrent, puis Sally répondit d’un ton boudeur :
— Je n’ai jamais projeté d’être prisonnière dans ma maison !
Zériel réfléchit un instant, puis, lui saisit la main et l’entraîna dans un véritable labyrinthe de pierres dentelées. Ils atteignirent bientôt une sorte de grotte et s’y engouffrèrent. Plusieurs fois, Sally avait tenté de se dégager, mais son compagnon la maintenait fermement et il ne la lâcha que lorsqu’ils eurent atteint le fond de la cavité. Là, il chuchota :
— Ici, nous sommes à l’abri des oreilles indiscrètes. Nous avons deux choix possibles : soit je fais en sorte que tu deviennes une divinité, soit nous nous échappons d’ici en réactivant la porte interdite…
— Soit tu restes dans ton cocon de pierre, je déménage loin d’ici et je ne t’entendrai plus jamais débiter tes sornettes !
— Je me suis leurré en croyant que tu m’aimais, Sally… Bien, puisque tu refuses de me croire, je vais détruire ce paradis de pierre et tu pourras sortir à l’air libre. Je mourrai sans doute écrasé, mais au moins tu retrouveras ta liberté.
— Les dieux seraient-ils donc mortels ?
— Ne te moque pas ! Si Zeus décide de punir de mort l’un de ses dieux, il en a le pouvoir, et ma désobéissance est un motif suffisant pour qu’il décide ma mort. Veux-tu réellement me voir périr et vivre ailleurs sans jamais retrouver quelqu’un qui t’aimera de tout son cœur ?
Sally évoqua leur rencontre, leurs éclats de rire, leurs moments de tendresse, et fondit en larmes :
— Tu sais bien que je ne souhaite pas ta mort, Zériel, mais tout ceci m’effraie ! Tu m’as arrachée à ma vie confortable et me voici prisonnière dans un monde que je ne connais pas et dont j’ignore les règles ! J’ai peur de rester ici, et aussi peur de repartir et de ne plus jamais te revoir !
Il lui donna le baiser le plus tendre qu’il lui eût jamais donné, puis chuchota :
— Nous formons un couple parfait, ma chérie, et…
Une voix tonitruante retentit alors :
— Zériel ! Où te caches-tu donc, lare indigne !
Effrayée, Sally s’accrocha à son bras et il expliqua :
— C’est Zeus ! Reste ici, il ne doit pas te voir !
— Mais que se passera-t-il si tu ne reviens pas ?! Je suis incapable de retrouver mon chemin dans ce labyrinthe !
— Je reviendrai te chercher, n’aie crainte.
Il déposa un baiser sur son front et quitta la grotte en courant. Peu rassurée, Sally lui emboîta le pas à distance en se dissimulant derrière les colonnades de pierre.
Elle entendit bientôt Zeus tonner :
—Tu as outrepassé mes ordres, Zériel, et tu as réactivé la porte interdite ! Tu es indigne de ma confiance, tu dois mourir !
Sally risqua un œil hors de sa cachette et frémit en découvrant Zériel agenouillé devant un trône de pierre tout aussi ouvragé que tout ce qui l’entourait, sur lequel siégeait Zeus en personne, en tout point conforme à toutes les représentations qu’elle avait pu en voir dans les livres de mythologie et d’histoire de sa jeunesse. Elle entendit Zériel répondre :
— Pardon pour mon impudence, ô Zeus, mais j’aime cette humaine, et je ne peux vivre sans elle ! Vous avez vous-même connu cette situation, vous devriez comprendre…
— Comment ?! Tu te permets de te comparer à moi ?! Tu mérites doublement la mort pour ce manque de respect !
Le cœur battant à tout rompre, Sally vit le roi de l’Olympe lever sa main droite, qui tenait un éclair aveuglant, prêt à l’abattre sur la tête de son fiancé. Elle jaillit alors hors de sa cachette et courut se jeter au pied du trône en hurlant :
— Non, ne le tuez pas, je vous en supplie !
Zériel sursauta en la voyant apparaître, tandis que Zeus laissait tomber un regard condescendant sur elle, la détaillant attentivement. Enfin, il laissa tomber :
— C’est donc toi qui a ravi le cœur de mon lare, Humaine ! J’admets que ta grande beauté damnerait le plus pur de mes dieux, mais tu n’avais pas le droit de le détourner de nous ! Il doit périr, j’ai dit !
Sally se plaça devant Zériel en répliquant :
— Puisque vous êtes persuadé que je suis responsable du fait que Zériel vous ait désobéi, alors c’est moi qui dois périr, pas lui ! Punissez-moi à sa place et laissez-le vivre !
Zériel se releva et posa prestement sa main sur la bouche de Sally en s’écriant :
— Tais-toi, Sally, je t’en supplie, je ne veux pas que tu meures à ma place !
Puis, se tournant vers Zeus, il poursuivit :
— Sally n’est pas responsable de ma désobéissance, ô Zeus ! C’est moi qui l’ai séduite et qui l’ai attirée dans mes filets et non l’inverse ! Je vous supplie de l’épargner et de me punir comme je le mérite !
Le regard de Zeus alla de l’un à l’autre de ses interlocuteurs et ceux-ci se sentirent gagnés par une étincelle d’espoir lorsqu’ils virent son bras droit s’abaisser lentement tandis qu’il remarquait :
— Vous paraissez tellement épris l’un de l’autre…
Il se tut un instant, puis reprit d’un air songeur :
—Je n’ai pas le souvenir que mes conquêtes humaines aient jamais été prêtes à mourir pour moi dans le passé…
Blottis l’un contre l’autre, Sally et Zériel attendaient anxieusement sa décision.
— Soit ! Je respecte votre amour l’un pour l’autre et vous aurez la vie sauve…
Déjà, les deux fiancés s’apprêtaient à remercier chaleureusement leur interlocuteur, les yeux brillants de joie, mais leur enthousiasme fut vite douché par la suite des propos du dieu :
— Cependant, vous méritez tous deux d’être punis… L’humaine pourra retourner chez elle, et toi, Zériel, tu passeras ta vie reclus dans cette maison sans aucune possibilité de retourner un jour parmi les humains, j’ai dit !
Sally voulut protester, mais Zériel lui intima l’ordre de se taire et se prosterna en prononçant :
— Merci pour votre clémence, ô père de tous les dieux !
— Raccompagne l’humaine hors d’ici, Zériel, et détruis la porte interdite sous peine d’être jeté en pâture aux Érinyes d’Hadès !
Sally et son compagnon frémirent à l’évocation des Érinyes, et Zériel hocha la tête en signe d’assentiment. Un éclair aveugla les deux jeunes gens. Ils se protégèrent les yeux et lorsqu’ils ôtèrent enfin leurs mains, Zeus et son trône avaient disparu. Ils se relevèrent lentement, échangèrent un regard désolé, puis Zériel prit Sally par la main et l’entraîna en murmurant :
— Viens.
— As-tu l’intention de lui obéir ?
— Je ne puis faire autrement, Sally. Zeus considère mes actions comme des crimes, et tu sais combien les Érinyes peuvent se montrer féroces envers les criminels…
Ils étaient arrivés devant une sorte de portail de pierre à la beauté digne du plus bel ouvrage de fer forgé d’un portail de maison humaine. Zériel toucha l’un des motifs représentant des feuilles d’acanthe et l’ouvrage de pierre se mit à descendre lentement et à s’enfoncer dans le sol. Avant qu’il ne soit totalement descendu, Sally saisit soudain le bras de Zériel et bondit par-dessus le portail en soufflant :
— Viens vite ! Partons d’ici !
— Mais Sally…
— N’as-tu pas dit que tu m’aimais et ne pouvais vivre sans moi ?!
Il la suivit sans mot dire et ils se sentirent happés vers le haut dans le toboggan qui avait conduit Sally dans les entrailles de sa propre maison. Tout comme celle-ci quelques heures plus tôt, ils perdirent connaissance et lorsqu’ils revinrent à eux, ils se trouvaient dans le couloir de sa maison. Ils se regardèrent un instant d’un air hébété, puis Sally réagit la première et se releva en décidant :
— Quittons cet endroit au plus vite et n’y remettons plus jamais les pieds, Zériel !
— Mais… Tes affaires, ton travail, tes amis ?!
— J’enverrai quelqu’un chercher mes affaires, tout ce qui importe, c’est que nous échappions à la colère de Zeus avant que celui-ci ne réalise que tu lui as désobéi une nouvelle fois ! Viens.
Elle s’empara au vol de ses clés de voiture dans le vide-poches de l’entrée de sa maison et, quelques minutes plus tard, le couple quittait les lieux en trombe…
Héra considéra son époux d’un air indulgent, puis déclara :
— Tu savais que Zériel ne tiendrait pas sa promesse !
— En effet, j’en étais persuadé.
— Et donc, ta menace ne sera jamais mise à exécution…
Zeus soupira :
— Leur amour m’a rappelé le nôtre, Héra. Je t’ai souvent été infidèle, mais c’est toujours vers toi que je reviens et notre mariage est indissoluble… Je me devais de sauver la face ! Je ne pouvais céder aux caprices de Zériel, je n’aurais plus eu aucune légitimité à me proclamer le roi de l’Olympe !
Héra éclata de rire :
— Finalement, tu es un grand sentimental, mon cher époux ! J’espère que tu laisseras Zériel et son humaine vivre pleinement leur amour jusqu’à la fin de leurs jours !
— Si ce n’était pas le cas, je n’aurais pas laissé Zériel franchir la porte interdite, ma chère… J’en ai bloqué tous les mécanismes, désormais, et ni le nouveau dieu lare de cette maison, ni sa prochaine occupante ne pourront jamais se rencontrer. Es-tu satisfaite, Héra ?
Celle-ci hocha affirmativement la tête en souriant et il l’embrassa tendrement…
Commentaires (0)
Cette histoire ne comporte aucun commentaire.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire