Créé le: 04.07.2021
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Dans quelques jours

Fiction

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© 2021-2024 Caroline Bench

Un homme seul grimpe les escaliers pour une dernière histoire.
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DANS QUELQUES JOURS

On aurait bien aimé le connaître

davantage.

L’homme maintenant, d’une nonchalance empoisonnée, grimpe les escaliers d’un immeuble, comment dire. Pas vétuste, non. Pas encore, même si cela finira bien par arriver un jour.

Un immeuble qui sent la naphtaline où la peinture s’écaille par endroit, avec modération, où le temps semble suspendu.

Et cette odeur. Une vieille odeur d’humidité qui lui rappelle son enfance, ou plutôt ce qui lui reste de son enfance. La maison de Bruno son ami le plus proche avait cette odeur là également.

N’allez pas croire, il n’est pas nostalgique de son enfance,

à quoi bon la nostalgie ?

Il réfléchit. Troisième étage.

Il ne sait pas encore s’il va frapper.

À la porte,

Ou sonner.

On sonne lorsqu’on ne connaît pas. On frappe par habitude. C’est comme ça. Mais là cependant une sorte de querelle de pensée l’empêche de choisir.

Il grimpe les escaliers sans réfléchir finalement.

Arrivé au sixième, sans frapper ni sonner que déjà la porte s’ouvre.

Bonjour.

Elle ne pouvait pas savoir. Comment aurait-elle su, qu’il était là, sur le palier à se demander si… Peu importe.

Elle le fait entrer.

Elle est presque jolie, son visage sourit malgré deux grands yeux tristes. Elle s’approche, lui susurre quelque chose à l’oreille, une mélopée lente. Il n’entend que la musique de ses mots, n’en saisit pas  tout le sens.

À présent qu’il la voit mieux, elle est belle.

Lui l’appelle son obsidienne. En pensée seulement. À cause de ses yeux, obsédants, profonds. Il se noierait presque dans ses yeux-là à cet instant.

Ils sont dans la chambre.

Elle se déshabille en silence. Il la regarde. Et son regard glisse sur sa peau, sans s’arrêter. Allers et retours incessants entre l’être et le néant. Elle lui fait signe. Aguicheuse.

Totalement nue maintenant.

Cela faisait si longtemps.

Il ne résiste guère. Après tout, il est venu pour ça. Un faux-semblant d’amour.

Deux êtres perdus sans illusions en somme.

Il a payé pour sentir un corps chaud contre son corps froid. Juste un peu de chaleur avant. Avant…

Il prend son temps. Il ne veut surtout pas gâcher ce moment là.

Tellement bien.

Plus tard, elle lui fera un café.

Rhabillée.

Lui, remettra son pantalon. Il est fatigué tout à coup. Il sait pourquoi.

Le café est prêt. Elle l’aide à boutonner sa chemise. Il aurait très bien pu le faire tout seul. Il est assez grand pour ça. Sa main tremble un peu, c’est vrai. De plus en plus ces derniers temps, c’est normal, cela fait partie de.

Oublier la main qui tremble.

Il savoure ce moment d’échange autour de la table en Formica, rouge. Ils fument une cigarette. C’est elle qui lui a tendu le paquet, il n’a pas eu envie de refuser. Si longtemps sans.

Elle soulève légèrement la tête en inhalant la fumée, perdue quelque part, dans un rêve on dirait.

Il veut lui dire quelque chose, elle aussi au même moment pour finalement se taire tous les deux. D’un sourire.

Après, il rompt le silence Votre café est… sans aller au bout de sa phrase. Il a toujours du mal à terminer ses phrases. Peur de passer pour…

Il n’a pas confiance en ses mots, ses raisonnements. En lui.

Enfin, il n’a plus confiance.

Le café, la cigarette, tout est fini maintenant. Il sait qu’il doit partir.

De sa fenêtre, elle le regarde s’éloigner. Lui, dans la rue ne se retourne pas.

Il la devine et c’est très bien ainsi.

Il se tient droit, il veut qu’elle garde de lui cette image là.

D’un homme digne.

Il marche encore quelques instants, se fond dans la foule, disparaît.

Il a un train à prendre. Genève.

Parce que dans quelques jours,

Il a fait ce choix en son âme et conscience.

On va l’aider, l’assister, l’accompagner.

Dans quelques jours, il sera mort.

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