Créé le: 13.09.2021
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Confrontation

Correspondance, Psychologie

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© 2021-2024 Eden

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Chapitre 1

1

A l’aide de cette lettre, je cherche à te retrouver, mais la liras-tu ?
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À ma grande surprise deux amies que tout oppose m’ont donné le même conseil, celui d’écrire une lettre à quelqu’un afin de vider mon sac. Puis sans la relire, la déchirer. Un sentiment de légèreté suivra, ont-elles déclaré, la première me gratifiant d’un sourire de conquérante, la seconde d’un regard sévère, presque menaçant.

 

Je dois reconnaître que cette suggestion me titille depuis quelques jours et je sais déjà que l’interlocuteur ne sera ni mon grand frère ni ma douce mère. Quand je suis contrariée, ils sont les premiers à le savoir et me consolent ou me conseillent de la meilleure des façons.

Je ne vais pas repousser ce moment indéfiniment, qu’ai-je à perdre ?

 

Très chère, non, c’est trop lourd, Chère… hum non, ce n’est pas nécessaire !

 

Depuis toujours tu étais là, aimante, bienveillante, maligne, rigolote et j’en passe, tes défauts comme la gourmandise étaient plutôt touchants. Ton manque de confiance en toi avait surgi par surprise à l’âge adulte, te ralentissant, t’empêchant souvent de t’épanouir et te rendant parfois distante, préoccupée par l’obstacle. Ta nature fidèle, loyale, rieuse, imprévisible n’y changeait rien même si elle remportait un succès instantané auprès de nouvelles connaissances. Tes exploits en tout genre étaient nombreux, tes échecs occasionnels. Malgré cela, tes critiques envers toi-même étaient intransigeantes.

En toutes occasions, tu étais présente, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit.  Rien ne nous séparait, aucune distance ou cachotterie. Tu étais la seule à tout savoir de moi, oui, tout. Je n’avais aucun secret pour toi. Ma meilleure amie. Jusqu’à ce jour où tout a basculé, tel un tsunami, un ouragan, une éruption volcanique. Depuis c’est une bataille quotidienne. Accepter l’inacceptable, éviter les disputes à répétition, les promesses non tenues. Subir la déception dans le regard d’autrui, leur découragement. Cette déchirure paraît durer depuis une décennie, tant l’avant me manque, m’éloigne de toi. La nostalgie est devenue ma plus fidèle compagne. Hélas, je ne te regarde plus avec tendresse, complicité,  indulgence. Pire, je ne supporte plus ton reflet, tellement tu me fais honte et suscites le pire des sentiments.  À cause de toi mon monde a vacillé et je n’arrive pas à te pardonner.

Avant tu courais du matin au soir entre ton jogging au pied levé, ton yoga, ton badminton, tes activités artistiques, tes sorties culturelles ou tes restos entre amis. Tes journées s’écoulaient en un claquement de doigts, des années plus tard, tes journées s’étirent laborieusement. Dix heures à peine, tu bailles déjà pour ne plus t’arrêter et ton manque d’énergie s’accentue d’heure en heure. Avec courage tu affrontais chaque épreuve, fière comme un soldat, actuellement tu recules devant la moindre difficulté ! Où es-tu? Reviens ! Sur un coup de tête tu partais en week-end seule ou accompagnée, rayonnante. Depuis combien de temps n’as-tu pas voyagé, pris le train, nagé, senti une rose, lu un bouquin, caressé un chien, observé la nature, regardé le télé-journal, joué aux cartes, suivi une série, écouté un concert, dégusté un vin, préparé un repas, mangé une glace ? Pourquoi t’en priver ? Ton existence solitaire est si exaltante qu’elle te convient telle quelle ? En es-tu sûre ? Jure-le moi et je te laisserais tranquille.

 

Pourquoi avoir pris une décision pareille ? Pourquoi avancer sans changer le cours de ta vie ? Peut-être n’est-ce pas trop tard ? Nul ne le sait, tu n’as qu’à essayer. Manques-tu de courage ou la peur te paralyse ? Tu survis plutôt que de vivre. La mélancolie, la tristesse, le chagrin s’emparent de toi du matin au soir. Tes amis s’éloignent, ta famille baisse les bras. Heureusement pas tous ! Mais pour combien de temps encore ? Tu ne te laisses approcher que dans le cadre du travail, car tu ne peux faire autrement. Tu y consacres la plupart de ton temps, certainement pour fuir, t’empêchant d’y penser encore et encore. Tes nuits d’insomnie sont suffisamment nombreuses pour te le rappeler. Ta joie de vivre t’abandonne. Tu ne vois autour de toi que du gris, du noir, toi qui aimais tant les couleurs. Tes habits avachis reflètent ton envie de disparaître. Hélas les traits de ton visage aussi. Tandis que la musique de ton rire séduisait chacun, celui-ci s’est transformé en un sourire crispé. Quel dommage ! Tes pas déterminés ont cédé la place à une retenue calculée. Même ton parfum autrefois fruité a perdu de son éclat. Où es-tu? Reviens ! Tu nous manques tant, c’est comme si tu avais disparu de nos vies du jour au lendemain !

 

Je remercie mes amies, grâce à elles, je me libère d’un poids en écrivant ces lignes. C’est plus facile que je l’aurais imaginé. Ni l’actualité, ni l’état de santé de ton entourage restreint ne te touche. Tu es aussi moche à l’extérieur qu’à l’intérieur, repliée sur toi-même, indifférente aux autres. Toi qui étais si bienveillante, empathique, comment as-tu pu changer aussi radicalement ? Au début tu me faisais de la peine, ce n’est plus le cas, cela dure depuis trop longtemps. Je ne comprends pas ton attitude défaitiste, ton humeur maussade, ton flegme. Je suis bien placée pour savoir comme tu souffres, mais cesse de te morfondre, secoue-toi, regarde devant toi, sors de ta tanière ! Personne ne le fera à ta place !

 

Pourquoi ne pas t’accorder une seconde chance ? Si les autres en bénéficient, pourquoi pas toi ? À moins de quarante-cinq ans une relation amoureuse est encore possible. Tes craintes, tes vœux, tes rêves se partagent avec tes proches, ils te l’ont souvent fait remarquer. La vie t’offre encore de longues années, ne les gaspille pas davantage! Florian n’est pas le seul homme sur terre ! Un nouvel homme pour une nouvelle vie ! L’ancienne que tu as brisée, en rompant vos fiançailles finira par s’estomper !

 

Depuis trois ans tu te punis sans répit.

Agis en amie plutôt qu’en ennemie !

Pardonne-toi ! Pardonne-moi !

 

Oui je m’en sens capable ! Je vais déchirer cette lettre, sortir et me laisser entraîner par ce que la vie peut m’offrir.

 

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