Créé le: 24.09.2019
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Comme la grenouille

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© 2019-2024 Sylvie Baumer

«Si seulement j’avais eu le courage de refuser cette sortie entre collègues! Je ne serais pas là, à faire semblant. A faire semblant d’être jeune et incassable, légère et infatigable… » Ainsi commence l’histoire d’Elisabeth qui ignore un détail: les souvenirs enfouis utilisent de bien drôles de moyens pour lui exploser à la figure…
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Comme la grenouille

Si seulement j’avais eu le courage de refuser cette sortie entre collègues! Je ne serais pas là, à faire semblant.

A faire semblant d’être jeune et incassable, légère et infatigable.

La pente est rude, les sentiers escarpés. Je me concentre sur mon pas et lui imprime un rythme. Un, deux trois, quatre cinq… Quand j’arrive à cent, je lève la tête et m’octroie cinq secondes de pause.

Devant moi, les secrétaires et les stagiaires avancent joyeusement, portées par leur jeunesse et leur enthousiasme:

– Vous avez vu? Ils fauchent à la main! C’est complètement irréel!

-Pas pour eux! Dans ces montagnes, l’ homme n’a que son courage et sa bravoure pour survivre. Les vraies valeurs sont là, dans ces gestes simples mais dignes.

 

Le ton sentencieux et autosatisfait de la responsable des ressources humaines -accessoirement organisatrice de l’activité « team-building- m’irrite plus que de raison et je fais un effort pour me concentrer sur mes pas. Un, deux, trois… cent. Mais en fond sonore, s’impose la voix d’Agnès qui continue de pérorer:

– Vous allez voir des choses complètement folles! Arrivées au chalet, nous pourrons participer à la traite des vaches et même boire un verre de lait tout juste tiré du pis. C’est une expérience unique que je vous ai dénichée, vous ne serez pas près de la revivre!

Cette expérience, je l’ai vécue un nombre incalculable de fois, mais je me garde bien de le dire, non pas

par crainte d’abîmer l’enthousiasme d’Agnès, mais parce mes souvenirs d’enfance, je les ai enfermés

au plus profond de moi-même et ne souhaite pas les libérer, par crainte de raviver les blessures.

 – On ne t’ entend pas, Elisabeth, tu cales?

– Pas du tout, je savoure ces instants… elle cartonne, ta journée de team-building, Agnès!

Toujours, faire semblant. D’être aimable, d’être joyeuse, d’être jeune, d’être adéquate. Et condition sine qua non qui me permet d’occuper le poste de directrice de département pub de la société qui m’ emploie : avoir la fun attitude. Ce qui au mieux signifie capter l’air du temps ou au pire m’ oblige à des tics de langage et d’attitude plus proches du milieu urbain que je côtoie depuis des décennies que du milieu campagnard qui m’a vu naître.

L’odeur de l’herbe coupée s’insinue dans mes sens et peu à peu, je ressens un étrange bien-être. J’allonge le pas et laisse mes yeux errer sur les pâturages colonisés par des vaches débonnaires qui regardent passer la petite troupe avec, dans le regard, une curiosité mêlée d’indolence.

-Tu as mis le turbo, Elisabeth, c’est la beauté du site qui te booste ? Hein, c’est génial,  ces animaux en liberté, je parie que tu n’en as jamais vu de si près!

– Si, mais dans une autre vie !

– Je ne te savais pas adepte de la réincarnation!

– Tu ne sais pas tout de moi, Agnès, ce serait trop ennuyeux!

– Alors, dans ce cas, on ne peut pas te taxer de femme ennuyeuse! . … Eh! on arrive!

Un chalet au toit recouvert de tavillons et surmonté d’une cheminée imposante surgit au détour du sentier. Les fille courent en avant et moi, je m’arrête pour savourer l’incompréhensible allégresse qui monte en moi.

                                                                                                                 ***                                                                                     

Le lit de paille pique un peu, à travers le sac de couchage et je palpe mes membres pour contrôler l’état de ma carcasse après une nuit sur la paille: des courbatures, des raideurs, des rougeurs de part et d’autre mais rien de mortel. Juste une immense fatigue.

 

Hier soir, l’aide-berger nous a initiées  à la traite et à la confection du beurre. Ecrémer le lait, verser dans la baratte à beurre la crème récoltée puis tourner la baratte a suscité un intérêt rempli d’interrogations « Et comment ça marche? Et vous le faites tous les jours? Vous êtes sûr que la transformation va se faire? C’est long! »

Tout à coup, la baratte a fait un drôle de bruit et ça y est: la crème s’est transformée en milliers de petits grains que nous avons filtrés dans un torchon sur  un seau en bois. Nous avons essoré le mélange et bientôt une motte de beurre d’au moins cinq cents grammes

est apparue, aussi brute qu’un enfant qui vient de naître. Agnès l’a rincée à l’eau froide, je l’ai lissée à mains nues et l’ai déposée dans un plat à beurre. A l’aide d’une tige en bois, nous avons toutes signé notre oeuvre d’art. J’ai été saisie par la beauté du moment, par les visages appliqués, presque recueillis, réunis autour d’une simple motte de beurre.

Cette nuit, mes souvenirs ont brisé leurs chaînes et m’ont obligé à leur faire une place, au prix de mon insomnie, au prix de ma souffrance.

                                                                                                        *************

Maman faisait du beurre toutes les semaines et aimait ces moments où elle pouvait enfin s’asseoir sans paraître oisive. En ce temps-là, l’oisiveté était mère de tous les vices! Maman tournait la manivelle de la baratte en lisant un magazine ou un livre et parfois, lorsque le suspens devenait insoutenable, s’arrêtait de tourner. Puis elle relevait la tête, honteuse, et le roulis de la baratte reprenait.

Quand arrivait l’heure d’aller au lit, papa nous donnait les directives du coucher et nous retrouvait pour raconter l’histoire. Notre préférée était celle de la grenouille:

 

“Une grenouille était tombée dans une cuve contenant de la crème. Les bords en étaient très hauts, et elle se trouvait prise au piège. Impossible de prendre appui sur la crème, trop liquide, pour se propulser à l’extérieur. Elle n’avait aucune chance de s’en sortir. Elle n’avait plus qu’à se laisser mourir

au fond.

Mais elle a continué à se débattre tant qu’elle pouvait, sans réfléchir, pour tenter de s’extirper de sa prison mortelle.

Elle a battu la crème une minute, deux minutes, trois minutes … et au bout de quinze minutes, qu’est ce qui s’est passé?”

Et nous répondions :

– Elle a battu tellement la crème, que la crème s’est transformée en beurre!

“La grenouille a pu alors prendre appui dessus. Elle a sauté hors de la cuve et a gagné sa liberté.”

Et papa nous demandait :

– Quand vous serez grands, comment serez-vous ?

Et nous, d’ une seule voix:

– On sera comme la grenouille, on sera courageux et on ne perdra pas espoir!

 

Le lendemain, maman nous présentait la motte de beurre qu’elle avait décorée à la hâte en faisant s’entrecroiser des passages de fourchette. Le dessin disparaissait très rapidement, terrassé par nos coups de couteaux impatients. Nous étions quatre enfants, quatre petits monstres voraces qui faisaient fi de la politesse et se jetaient sur la nourriture tels des animaux affamés.

 

Un soir, c’était la veille de Noël, papa, s’était attardé dans son atelier où il travaillait le bois par  plaisir 

plus que par nécessité. Il en ressortit avec un petit paquet maladroitement emballé qu’il déposa sous le sapin. Nous étions excités et surpris: il était rare que nous recevions des cadeaux et nous nous réjouissions de découvrir ce qui se cachait dans ce mystérieux objet.

Louis, qui était le plus grand, fut désigné pour déballer le cadeau et ce qui s’offrit à nos yeux nous remplit d’interrogation. «Qu’est-ce que c’est?» demanda Denise, la plus jeune des soeurs. Papa sourit et pour cacher sa fierté, prit un air blasé: «C’est un moule à beurre, je l’ai fait de mes propres mains, soir après soir, alors que vous étiez dans les bras de Morphée!»

 

Il prit alors l’objet, une sorte de petite plaque de bois très épaisse de forme rectangulaire à laquelle on avait ajouté un manche surmontée d’une autre plaque de bois aux dimensions similaires, vidée en son centre. Quand papa fit jouer les charnières qui reliaient les deux plaques, nous contemplâmes, fascinés, la gravure qui ornait la plaque de dessous. Papa la présenta à la lumière et bientôt nous criâmes d’une seule voix: «Une grenouille! Papa a gravé une grenouille!» «Elle est où, la grenouille?» dit Denise.

Maman, en retrait jusque là, expliqua: « Dans ce moule, je déposerai le beurre qui viendra d’être confectionné et tu verras, Denise, quand je démoulerai, comme par miracle, la grenouille apparaîtra! Demain, nous essayerons!”«Non, tout de suite!» crièrent Denise et Lucien, les deux plus jeunes.

Aujourd’hui, entourée de confort et de luxe,  j’ai peine à imaginer que nous passâmes notre veille de Noël à la cuisine, à faire le beurre, tournant à tour de rôle la manivelle de la baratte pour découvrir le mystère du cadeau de papa.

Le lendemain matin, nous découvrîmes la phase finale du cadeau: sur le beurrier décoré de fleurs de gentianes, trônait une grenouille de beurre au corps arrondi, à la tête mangée par les yeux globuleux , aux pattes de derrière repliées prêtes à bondir, à la patte de devant posée sur une feuille de nénuphar…

Nous restâmes muets d’admiration devant ce chef-d’oeuvre de réalisme et pour la première fois hésitâmes avant de piocher dans le beurre. Papa nous regardait du coin de l’oeil et guettait nos réactions, fier comme un paon, mais modeste quand même.

« Papa, c’est beau! » dit Denise.

« On dirait une vraie! » dit Lucien!

« Plus je la regarde, plus je la trouve réussie !» dit maman. Alors je me penchai pour l’admirer et soudain je me figeai…

«  Qu’est-ce qu’il y a, Elisabeth, dit papa, elle ne te plaît pas, ma grenouille? »

«  Si , elle est belle… mais sa patte de devant… »

«  Quoi, sa patte de devant? »

«  Tu lui as fait cinq doigts… et les grenouilles ont quatre doigts devant, c’est la maîtresse qui nous l’a dit! »

 

Papa, un instant décontenancé, me fixa sans un mot, consulta maman du regard, lorgna la grenouille, me regarda encore puis il éclata de rire, un rire qui me sembla interminable tandis que je le scrutais, interrogative. Entre deux hoquets, il réussit à dire « Eh bien, cette grenouille est spéciale, elle appartient à notre famille et elle est née avec cinq doigts devant !

Depuis ce jour, la grenouille à cinq doigts fit partie de nos petits déjeuners. Nous nous étions habitués à l’anomalie de l’animal tout comme nous nous étions habitués à ce bonheur tranquille, pensant confusément qu’il allait durer éternellement.

Six mois passèrent. Louis avait quinze ans et s’émancipait à sa manière. Il devenait taciturne et souvent hargneux avec ses frères et soeurs. Il lui arrivait même de prendre ses parents pour cible. D’abord déconcertés, ceux-ci laissèrent faire, absorbés par leur travail et persuadés de retrouver leur fils chéri sitôt les affres de l’adolescence passées.

C’était un dimanche. Louis avait avalé le repas de midi à la hâte et avait disparu en claquant la porte comme s’il en voulait au monde entier. Nous n’essayâmes pas de le retenir, trop excités par le nouveau jeu que nous projetions d’inaugurer dans la cour de la ferme.

A quatre heures, Lucien et moi qui jouions au ballon dans la cour, entendîmes le bruit du scooter de papa et nous nous précipitâmes pour l’accueillir. Mais ce n’était pas papa qui conduisait, c’était Louis qui arrivait en zigzaguant. Malgré l’interdiction de papa, il avait subtilisé le véhicule et rentrait d’une beuverie entre ados en recherche de sensations fortes. Nous lui fîmes signe de couper le moteur mais il continuait et nous pourchassait en riant. Soudain, la petite Denise sortit de la grange où elle avait récupéré sa balle et s’élança.

Le choc fut terrible. Le scooter la faucha en peine course et la jeta sur le sol, tête contre les pavés.

Louis,  hébété, fixait la tache de sang  qui s’élargissait sous la petite tête immobile.

                                               ***

– Eh les filles! Il est temps de se lever! Aïe, mon dos ! Mais quelle expérience innovante!

– Sûr! Bougeons-nous,  j’ai la dalle! Je me réjouis de goûter au meilleur des beurres bio: le nôtre!

                                                                                                ***

La mort de Denise précéda la lente agonie de notre famille et de notre ferme. Papa tomba malade, bientôt suivi de maman qui ne fut plus que l’ombre d’elle-même. Quant à Louis, de taciturne il devint muet. A peine arrivé de l’école, il s’esquivait dans sa chambre et ne réapparaissait que pour les repas qu’il avalait comme un automate.

Puis, une nuit, il disparut. Malgré les efforts de la police et l’aide de la population, nous ne retrouvâmes jamais Louis qui, selon l’enquête policière, s’était enfui par la fenêtre aux environs de minuit.

Nous avions perdu une soeur et un frère en l’espace de quelques mois et nos parents nous abandonnaient petit à petit. Il était loin le temps des rires autour de la grenouille aux cinq doigts! Désormais, les matins étaient silencieux, le beurre provenait de la laiterie et notre bel appétit en avait pris un coup.

La ferme périclita et bientôt papa choisit la seule option possible: il vendit le domaine. Notre tante

Alice, émue par l’effondrement de notre famille, nous accueillit, Lucien et

moi pour nous apporter légèreté et réconfort. Nous restâmes chez tante Alice jusqu’à l’obtention de notre autonomie financière. Lucien fit un apprentissage aux chemins de fer et moi, j’entrepris de longues études qui me menèrent au poste que j’occupe aujourd’hui. Lucien et moi, selon un accord tacite, coulâmes une chape de plomb sur les souvenirs de notre enfance.

                                                                                                 ***

– Trop cool de manger notre beurre! Son goût est vraiment parfumé, rien à voir avec celui qu’on achète!

– C’est la saveur des plantes de la montagne! quel délice!

L’aide-berger jusque là très discret, propose:

– Ca vous dirait de goûter le beurre salé du patron?

– Du beurre salé dans nos alpage? étonnant!

– Le patron vient de Bretagne, alors le beurre salé, pour lui, c’est obligatoire!

Il accompagne ses paroles d’un geste ample de la main et dépose le beurre salé sur la table. Soudain, ma vue se brouille, mon sang se retire de mes veines et, l’espace de quelques secondes, je reste immobile, incapable de bouger ne fût-ce qu’un cil.

– A toi, Elisabeth! Tu en veux?… Tu es toute pâle, ça va?

– Je … non je n’ai plus faim… excusez-moi!

Et je me rue à l’extérieur. L’air frais me fait du bien. Je respire un bon coup et esquisse quelques pas.

Incrédule, je me remémore l’incroyable réalité: j’ai vu, oui, j’ai bien vu UN BEURRE MOULE  EN 

FORME DE GRENOUILLE! Et pas n’importe quelle grenouille: une grenouille avec une patte de devant à cinq doigts!

 

Je m’assieds sur un tronc et me prends la tête dans les mains: comment est-ce possible? Comment?

– Tu viens, Elisabeth? On boucle nos bagages et on continue : monter à la pointe puis…

–  Continuez sans moi, je reste ici!

– Mais ce n’est pas prévu ainsi! Le programme …

– Le programme, je m’en tape! Je reste ici!

Agnès me dévisage, interloquée par le ton et la forme de ma réaction. Vaincue par mon air farouche, elle fait demi tour.

Quand elles sont toutes parties pour atteindre le sommet, je reste là, sur mon tronc, à attendre. Attendre quoi? que le mystère s’éclaircisse? Que je comprenne par quel miracle  je retrouve un vestige de mon enfance à deux-cents kilomètres de la maison? Une maison qui a disparu dans un incendie deux ans après le drame?

L’aide-berger se trouve soudain devant moi, une hotte au dos, une fourche à deux dents à la main.

– Ca va, Madame? Vous avez besoin de quelque chose?

– Non… Merci!

– Je laisse le chalet ouvert, mais y a plus personne, je vais arracher les chardons, j’en ai pour 

quelques heures, c’est pas ça qui manque, par ici!

Il fait quelques pas, puis se retourne:

– Vous pouvez rester encore un moment ici, pour profiter du soleil. Mon patron va bientôt arriver, il est allé vendre nos produits au magasin bio…. On aura des légumes frais toute la semaine!

– Merci, je vais peut-être marcher …

 

– Comme vous voulez!

Pendant quelques minutes, je suis des yeux la silhouette laborieuse qui se penche sur le chardon, donne un bon coup de fourche et attrape de ses mains gantées la plante indésirable qu’il jette dans la hotte. Il disparaît bientôt, happé par la pente.

Je reste encore un moment immobile puis me lève, un peu sonnée. J’ouvre la porte du chalet, traverse l’unique pièce, monte l’échelle qui mène au «dortoir » et récupère mon sac. Sur la table de la cuisine, plus de trace de beurre, ni de notre petit-déjeuner.

– Bonjour, que faites-vous ici?

– Je … il y avait du beurre, là et…

– Le beurre, on l’entrepose, dans ce plat en terre… vous avez faim?

Il parle vite, avec un drôle d’accent. Je l’observe à la dérobée, suivant furtivement le dessin de son menton garni d’un bouc aux contours improbables, de ses cheveux poivre et sel attachés en catogan, de ses joues creusées, sillonnées de rides profondes. Je m’attarde sur les yeux marrons rehaussés par

d’immenses sourcils noirs parsemés de blanc.

– Si vous êtes muette, moi, ça me va… Alors, vous avez faim? Moi, j’avalerais une baleine alors, si ça ne vous fait rien, je vais manger.

Il y a dans son attitude un « je ne sais quoi » qui m’attire et m’inquiète à la fois. Je le vois prendre le beurre salé, le déposer sur la table avec le pain et la confiture… Il tire le tabouret et s’installe pour manger. Lorsqu’il commence à planter ses dents dans le pain, je ressens comme une décharge électrique. Je me lève et je hurle:

-Louis!

Il cesse de mâcher et me regarde, troublé:

-Louis?

-Tu es Louis! Tu n’es pas mort, tu étais simplement perdu! Louis… Louis… Tu m’as tellement manqué!

Tu ne me reconnais pas ? Je suis Elisabeth, ta soeur Elisabeth! Dis-moi que tu es Louis, dis-le- moi, ou je deviens folle!

Comme dans un film au ralenti, je vois Louis qui se lève, la tasse de lait qui se renverse et…

– Elisabeth, la petite Elisabeth!… Comment m’as-tu retrouvé? et comment m’as-tu reconnu?

– La façon dont tu croques dans les tartines… Et puis,  la grenouille, la grenouille à cinq doigts… tu l’as gardée?

Il ne répond pas tout de suite. Il scrute mon visage, essuie mes larmes. 

– C’est le seul souvenir que j’ai mis dans mon sac à dos, quand j’ai préparé ma fugue…

– Mais pourquoi?

– Pourquoi j’ai pris le moule à beurre? Parce qu’il représentait tout ce que je quittais: la famille, la liberté, l’espoir…

-Mais pourquoi partir?

-Pour fuir la mort, la culpabilité. C’était fuir ou mourir, j’ai préféré fuir!

-Tu nous as manqué!

Il soupire, lève les mains paumes contre le ciel pour signifier son impuissance et les repose, sans mots dire. Je les lui attrape et les serre contre mes mains jointes. Et comme le moment  n’est pas aux reproches, je lui lance, avec un clin d’oeil complice:

-T’en fais pas, on va s’en sortir, comme la grenouille!

 

                                                                                               FIN

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