Créé le: 18.08.2021
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Chère ennemie

Correspondance, Psychologie

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© 2021-2024 Lisemouse

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Chapitre 1

1

Lettre à une ennemie personnelle: la dépression d'une personne bipolaire. L'auteur se met dans la peau d'une personne bipolaire prise dans une phase hypomaniaque. La mélancolie l'a surprise, mais elle ne se laissera pas faire!
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A la goule assoiffée de mes larmes.
Chère ennemie,
A nouveau tu me reviens. Grise, laide, ennuyeuse et ennuyée, tout pour toi est une montagne, tu ne veux rien et en même temps : tu souhaiterais tout sauf me rendre visite. Je connais ton existence et pourtant, à chaque fois tu parviens à me surprendre. On ne t’attend jamais, tout est facile, tout est parfait et tu surgis, telle une hydre hideuse et affamée. A peine assommée, tu reviens plus forte et plus têtue. Si je savais au moins quand t’accueillir, je te préparerais un thé, des biscuits et une couverture ; mais non, tu as décidé de ne jamais avertir.
Aujourd’hui, tu étais là à l’aube. Je t’ai sentie à m’attendre au coin de ma chambre. Et puis, tu t’es emparée de moi, alors que je revêtais ma robe de chambre pour aller déjeuner. Je sentais ton goût dans mes céréales, ton insipidité dans mon thé ; tu as tout pris, même mon envie.
J’ai lutté en menant mes travaux quotidiens de bonne ménagère. Je me suis même surpassée en refaisant le joint de la douche entre deux lessives. Il paraît que si on t’ignore, tu peux te vexer et prendre tes clics et tes clacs. Mais non, cette fois, tu es restée, trop satisfaite à voir que mes efforts ne valaient rien.
Et puis j’ai pleuré, appelé ma mère, pleuré, je suis partie me promener, j’ai pleuré en marchant. La sieste ? Je n’en avais aucune envie. Un antidépresseur ? Tu croyais m’avoir si facilement ! Non, j’ai continué mes efforts et j’ai trouvé la parade qui permettrait de te mettre en sourdine : l’écriture.
J’écris. Tu demeures. Je t’écris. Tu t’effaces. Je te décris. Tu fonds. Je t’envoie. Tu disparais, jusqu’à la prochaine fois.
Cette prochaine fois, je prendrai mon clavier ou ma plume dès l’aurore et te dresserai une caricature que tu n’imagines pas : encore plus insupportable que tu ne l’es, je forcerai le trait pour que tu t’estompes, pour que tu t’envoles. Je ne veux plus te voir et pourtant je sais que tu ne partiras pas avant d’avoir vu ma tombe.
Ne reste pas pour cette fois. Ne me reviens pas. Oublie-moi ! Tu es perfide et résolue mais tu ne me surprendras plus. Je sais que tu es toujours là, tapie dans mon cœur que tu saignes à l’envi. C’est pourtant décidé : JE vais t’oublier. Tu mourras affamée tant ma joie t’étouffera. Tu l’as bien cherché. Sus à la mélancolie et toutes ses têtes monstrueuses ! Ecrase-toi, disparais, crève !
A jamais,
Lise

Commentaires (5)

L.
29.08.2021

Des mots pour se dire. C'est important d'écrire son mal. Il n'y a de meilleure thérapie que l'écrit. Bravo.

LH

Lauma H.
29.08.2021

Terrible et encourageant à la fois !

Thomas Poussard
20.08.2021

L'écriture permet de soigner bien des maux, en effet. La bête noire invisible est bien décrite, c'est exactement ça !

SILA
18.08.2021

Magnifique! Merci pour ces mots

li

Lisemouse
19.08.2021

Oh merci! L’écriture libère.

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