Créé le: 29.08.2021
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Bouteille à la mer

Histoire de famille

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Pour être honnête avec toi, cette lettre, je l’ai écrit des dizaines de fois.
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Pour être honnête avec toi, cette lettre, je l’ai écrit des dizaines de fois. Je ne saurais compter le nombre de mots barrés et griffonnés dans mon cahier tant il est rude de te parler. Tant il est laborieux d’imaginer mes proches lire ces quelques mots, car je le sais, ils tomberont sur cette lettre. Alors ne sois pas trop hostile avec moi, même si l’hostilité est la plus grande de tes vertus. Tant de souvenirs me parcourent l’esprit quand je pense à toi, comme il est étrange d’avoir ton image davantage que de rires. Peut-être est-ce parce que notre histoire est plus ancienne que toutes les romances contées pour les enfants, ou bien, est-ce parce qu’en te côtoyant régulièrement nous ne formons plus qu’un. Il ne m’est pas difficile d’admettre cela, car il est si simple pour toi de t’infiltrer dans mon esprit comme le ferait un nuisible dans une maison. Je me souviens de toi alors que je n’étais qu’une enfant. Oui. C’était toi mes détracteurs en uniformes scolaires qui riaient de moi. À l’époque, je pensais que je n’allais plus jamais te croiser, comme ma mère d’ailleurs qui me recommandait de répondre avec ignorance aux insultes enfantines. Malheureusement, ces espoirs, qui reposaient sur moi, étaient vainement conservés car je préférais cultiver la haine. Après cela, tu es apparue quotidiennement, mais cette fois, chez ma sœur. Au début, il ne s’agissait que de querelles, mais avec le temps, ces querelles se transformaient en guerres sanglantes. Ma sœur lâchait des insultes dont elle ne connaissait pas la puissance, alors que moi, je profanais des injures dont je ne connaissais pas le sens. La relation que j’entretenais avec elle était donc salie de tes grands manifestants, la haine, la jalousie, la méchanceté, mais avant tout, la tristesse.

Je pense qu’une des personnes qui méritent le plus de porter ton nom est mon père. Mon père rassemblant entre ses mains de bourreaux les pires défauts existant sur terre, est le plus grand partisan de la cruauté. Il est largement le parfait ennemi, le « toi » parfait. Je ne pourrais pas t’en vouloir de t’être glissé sur son visage et d’avoir modifié la vision que j’avais de lui après les horreurs qu’il m’a fait subir. Il est si aisé pour toi de faire connaître le sentiment de vengeance aux personnes qui croisent sa route. Je n’ai pas de regret le concernant, mon seul regret est de ne pas avoir remarqué plus tôt l’emprise qu’il avait sur moi.

Souvent, j’ai l’impression que les autres te voient quand ils me regardent, mais je n’ai pas la raison de ces regards. Je ne comprends pas comment tant d’énergie peut être dépensée afin de me faire du mal. Je pense que la maladresse d’autrui dans leur propos est la première cause de ce sentiment qu’il me donne, cette impression d’être la vilaine sorcière dont on ne sollicite pas la présence. Je ne pourrais pas t’expliquer pourquoi certaines personnes me traitent avec méchanceté et me parlent comme-ci, c’était toi qui te trouvais en face d’eux, une ennemie jurée. Il me faut accepter que, pour qu’il existe les innombrables qualités que possèdent les humains, il subsiste des plus sombres comme la jalousie.

Depuis la rédaction de cette lettre, je blâme abondamment les autres, mais j’admets avoir commis des fautes qui resteront probablement gravées à jamais dans l’esprit de mes victimes. Ces victimes collatérales ou non, ont souffert par ma faute et je dois accepter la sentence de leur jugement. En écrivant ces mots, je pense tout particulièrement à une personne. Cette personne, je l’ai aimée et je ne pensais qu’à elle, mais ses blessures sont trop profondes pour qu’elle me pardonne. Le temps guérit les blessures, disent-ils… Ces blessures-là ne guériront jamais. Si tu la croises, dis lui que je m’excuse, que je donnerais ma vie pour racheter la sienne. Je sais que ces mots sont bien simples pour me faire pardonner, mais je ne sais que dire de plus.

Comme je te l’ai dit, nous ne formons plus qu’un. Tu te manifestes à chaque prise de parole, me disant de me taire. Tu es là quand je me regarde dans le miroir et que je pleure de rage, car mes efforts, pour enlever ce surplus de chair n’ont pas suffi. Oui, je me déteste comme je te méprise. Je suis ma propre rivale, je me déteste d’autant plus de ressentir cela pour moi-même. Je te haïssais quand tu étais là pour m’inciter à faire couler des larmes de sang le long de mes bras. Comme je te maudis de me faire me sentir inférieure, comme un vaurien. Toi, mon ennemie, tu es là pour me rappeler que mon entourage peut se servir de moi, et par ta faute, je m’isole loin de tous. Je me hais. Je nous hais à tel point que les mots me manquent. Seul mon cri de rage peut montrer la colère et la fureur que j’éprouve. Les larmes me montent quand je pense à ces espoirs gâchés par ta faute, par ma faute ! Encore hier, je t’insultais pour le simple fait de ne pas savoir comment interagir en société. Je me trouve si niaise et stupide. Voilà que tu réapparais déjà… Laisse-moi donc un peu de répit, je te le demande à genoux. Laisse-moi un an, un mois ou même une heure, mais libère-moi de cette haine. Tu pourras encore prendre l’apparence de mon entourage, je te le promets, mais quitte mon corps le temps d’un instant. Le temps de reprendre une bouffée d’air et d’apprécier mon reflet, d’apprécier tout ce que mon corps et mon esprit peuvent m’offrir. Je sais que cette requête est une bouteille à la mer. Tu me prends certainement pour une aliénée, mais j’aime voir mon futur plus doré que celui que tu oses m’offrir. J’aime avoir le sentiment qu’un jour, tu abandonneras mon corps et que toutes ces pensées s’en iront avec toi. Je chéris la pensée de m’endormir sans pleurer et ne plus avoir cette sensation de vide. Ce vide qui me fait penser que personne ne m’aime. Que je prie pour que cette impression d’aimer et être aimée me soit accessible. Un jour, tu partiras et je connaîtrais cela, cette chose dont tout le monde parle. Je t’en supplie ne sois pas triste de lire cette lettre. Comme tu le vois, j’ai de la peine pour toi. En plus de te côtoyer chaque jour, nous nous ressemblons, car comme moi, tu n’arrives pas à quitter ce monde. Moi, c’est parce que je n’en ai pas le courage et toi, c’est parce qu’on te pousse à rester sur terre, car les Hommes ne savent pas vivre sans haïr. Je te prie de ne pas faire souffrir trop de monde, le monde souffre déjà bien trop. Adieu, je pars à la quête d’un sentiment nouveau.

Marina

Commentaires (1)

Thomas Poussard
30.08.2021

Ah, ces foutus démons intérieurs qui nous gâchent la vie ! Bonne recherche de sentiments nouveaux, et qu'ils soient positifs !

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