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© 2022-2024 Laurence Poget

Quand les désirs, les attentes ou les fantasmes sont en décalage, les rencontres en deviennent cocasses et parfois dramatiques. Ce poème est le fruit d'une collaboration nourrie d'intenses échanges avec mon amie, l'artiste Marianne Rubio, qui l'a illustré. Instagram: mariannerubio.artwork
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Au marché des coeurs, j’ai fait une étrange affaire,

C’était un soir d’hiver, j’étais à la maison,

J’avais bu quelques verres et regardais le plafond.

Et puis, c’est un mystère, je ne sais plus comment,

Je me suis inscrite sur Tinder.

 

C’est par erreur que j’l’ai liké,

Son profil ne m’avait pas frappée.

À gauche…, à droite…, l’index a dérapé,

J’ai swipé du mauvais côté.

J’me suis servie un verre de rosé,

Me suis dite qu’il fallait oser,

Saisir l’erreur comme une opportunité.

 

Y avait d’la buée sur l’écran,

Je n’ai vu que ses dents,

Elles mordaient mon regard

Et tout son désespoir.

J’ai regardé de plus près les photos qu’il avait postées,

Reversé dans mon verre, une larme de rosé.

Je n’l’ai pas jeté au panier,

J’me suis laissée embarquer.

 

Il avait les yeux clairs et les cheveux dorés,

Menton posé sur sa main et à un doigt une chevalière.

Elle m’a un peu surprise cette marque d’la bonne société,

Et sur son torse bombé, le crocodile accroché.

Moi, j’aime pas les garçons qui ressemblent à un dimanche,

Mais celui-là, je ne sais pas pourquoi,

J’avais envie qu’il me tienne par les hanches.

C’est sûrement le rosé que j’avais avalé

En une seule goulée.

 

Au marché de Tinder, j’ai fait une sacrée affaire.

J’y ai cru en tout cas à son regard rien que pour moi.

Et comme il a aussi liké,

Mon coeur d’un coup s’est emballé.

J’me suis resservie du rosé et me suis laissée attraper.

 

Il s’est mis à m’écrire, à me poser des questions.

J’ai d’abord eu envie de fuir cette conversation.

Mais l’orthographe de ses mots, j’dois dire était parfaite,

Et il m’a raconté des histoires,

Qui m’ont fait sourire et même rire.

J’ai vu dans ce garçon peut-être un avenir,

Même si je n’aime pas les blonds qui sentent le savon.

 

Il aimait la montagne,

C’est ce qu’il m’a raconté,

Les virées dans le Val de Bagnes

Et les soirées bien arrosées.

Je lui ai dit: « Moi, j’aime les randonnées et les feux dans la cheminée ».

Je ne me souviens plus très bien,

Ce doit être le rosé,

Il m’a dit: « Viens! »

Et j’me suis maquillée.

 

J’veux du rouge sur ta bouche,

Et des aiguilles à tes talons,

J’me suis dite c’est un peu louche

D’y aller sans mes sous-vêtements.

J’ai fini la bouteille,

Quelques gouttes de rosé,

Je n’voyais plus mes orteils,

Mais j’étais motivée.

 

Au marché de Tinder, j’ai fait une drôle d’affaire.

À cause du rosé, j’ai swipé du mauvais côté.

J’ai pêché un garçon et rejoint sa maison,

Me suis assise dans son salon,

Et vu les mousquetons.

 

Il aimait l’escalade, c’est ce qu’il m’a avoué,

Les falaises à grimper, avec un baudrier.

J’ai pas tout d’suite capté qu’il m’avait attachée,

Il voulait m’faire essayer, c’est ce que j’ai pensé.

Je ne les ai pas vues venir ces cordes à mes poignets,

Mais le ruban sur mes yeux a éveillé tous mes regrets.

 

Et c’est ainsi, que j’ai cru arriver mon heure,

Je vous avoue, j’ai vraiment eu peur!

C’est le rosé qui m’a sauvée,

Que j’avais dégusté sans même l’apprécier.

Il s’est déversé à ses pieds,

Et ça, il a pas aimé.

 

Au marché de Tinder, j’ai pas fait une affaire.

J’ai perdu mes repères et presque la raison,

Pour un joli blond qui sentait le savon.

Commentaires (2)

Marie Vallaury
26.03.2022

J'espère que vous continuerez à nous régaler après vos 3 mois d'invitée sur Webstory. J'adore vos textes !

Laurence Poget
27.03.2022

Votre message me touche énormément et je vous en remercie. Je suis ravie de découvrir que mes mots font écho.

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